mercredi 25 mai 2011

La honte

Tout allait bien. Puis, j’ai dû manger une crasse quelconque. Peut-être une crevette aussi chaude qu'avariée, qu’on m’a servie en attendant l’avion. En montant dans celui-ci, j’ai soudain commencé à sentir mon ventre gargouiller et des vapeurs me monter à la tête. Je n’avais pourtant pas de quoi m’en faire : je savais bien que je n’avais vu aucune femme de ménage dans ma chambre d’hôtel !

Arrivé au siège qui allait m’accueillir pour la nuit, comme il l’avait déjà fait à l’aller, j’ai réussi à m’installer. Mais j’ai bien dû reconnaître que mon état ne s’arrangeait pas. J’étais figé dans ce fauteuil qui n'en a que le nom, n’en osant pas bouger alors qu’on attendait un décollage qui tardait à venir. Et soudain… la honte !

Le petit sac proposé dans tout avion qui se respecte ne m’avait jamais été utile, en plus de 500 vols. Je m’étais bien juré qu’il ne servirait jamais à rien. Mais quand il n’y a plus d’autre solution, il faut bien prendre celle qui se présente à vous. Les autres passagers m’ont donc vu utiliser ce sac pour l’usage ad hoc, sans que je ne puisse rien y faire. La honte, je vous dis !

La nuit qui suivit ne fut pas extraordinaire. En arrivant chez moi, près de seize heures après ce moment pénible, je n’étais pas encore en très grande forme. Je n’ai rien fait de bon, si bien que j’ai été dormir tôt, sans conviction. J’avais raison : je n’ai presque pas dormi ! Le lendemain, boulot. Avec surtout un mal-être qui persistait. La nuit suivante fut la plus atroce de toutes ! Mon corps ne parvenait pas à gérer ce surplus de gaz qui dévorait mes entrailles. Le matin du troisième jour, je n’étais pas beau à voir. Mais le travail m’attendait. J’ai tenu une demi-journée pour abandonner l’autre moitié. Un peu de repos, sans aller beaucoup mieux.

Avant d’aller dormir, hier soir, je me suis lavé les dents. Le goût du dentifrice a eu un effet immédiat, me ramenant dans l’avion. Cette fois, j’étais seul et je ne devais plus gérer la honte. Alors, j’ai mis le paquet. J’ai forcé mon ventre à vider tout ce qu’il avait de mauvais en lui. Ce fut un combat ardu et peu sublime. J’ai vaincu. La nuit fut bonne et aujourd’hui, je revis, merci.

Cette histoire est nulle et sans aucun intérêt. La raconter n’est qu’une honte de plus ! On ne se refait pas. J’ai bien sûr profondément conscience que cet épisode maladif n’est rien par rapport aux grandes maladies qui dévastent les corps. Je la raconte juste comme ça, pour dire que je me suis senti mal. Ça ne doit pas intéresser grand monde. La honte, quoi !

vendredi 20 mai 2011

Le Palais de la Reine

FMG © 2011

Le Palais de la Reine – ou Manjakamiadana – est situé sur la plus haute colline d’Antananarivo. De là, les vues sont sublimes. Le Palais l’était aussi, mais en 1995, un incendie sans doute criminel détruisit ce joyau de l’histoire de Madagascar. Aujourd’hui, le Palais est en reconstruction, mais il ne retrouvera sans doute jamais ses lustres d’antan.

Madagascar est désormais une république où il n’y a plus ni reine ni roi. Juste des guignols qui jouent à la politique du « qui veut prendre la place du champion », à n’importe quel prix.

Est-ce que cela crée certaines nostalgies auprès de la population ? Toujours est-il que j’ai été interrogé longuement aujourd’hui par un ancien « chef CISCO » - victime de la dernière partie de jeu d’échecs – sur la monarchie belge. Désir de comprendre quels sont les pouvoirs de ce roi, de savoir comment fonctionne une monarchie parlementaire, de saisir comment on peut considérer que le roi n’appartient à aucune des communautés linguistiques (même si ce n’est sans doute pas tout à fait le cas), de connaître les sentiments des Belges vis-à-vis de leur chef d’état, etc.

Nous n’avions pas beaucoup de temps et il y avait pas mal de bruit autour de nous. Difficile dans ces conditions de pénétrer quelque peu la complexité de la Belgique et ses nombreux paradoxes.

En revenant de cette journée de travail et en voyant sur la colline cet auguste Palais ravagé, je repensais à cette conversation. Un roi – ou une reine – vaut-il un palais ? Sans doute non. Pourquoi reconnaît-on alors l’importance culturelle de tels édifices ? Pourquoi accepte-t-on d’accorder une place différente à un homme sur la base de son hérédité alors qu’il n’est qu’un être humain parmi les êtres humains ?

Ces questions vaudraient la peine d’être creusées (et de nombreuses personnes l’ont déjà fait). La seule chose que je sais – et je n’irai pas plus loin aujourd’hui – est qu’alors que je ne voyais plus le Palais de la Reine, je me suis dit qu’il me plaisait bien, ce Roi des Belges… Allez savoir pourquoi !

mardi 10 mai 2011

Vindicte populaire

Il a suffi que l’information de la libération conditionnelle potentielle de Michelle Martin parvienne sur la place publique pour que la vindicte populaire s’exprime de manière incontrôlée, déplaçant la monstruosité de cette femme coupable de crimes abominables vers ceux qui, au nom de leur émotion, sont prêts à en commettre eux-mêmes sous prétexte de se venger.

Sur Facebook, notamment, les groupes contre la libération de Martin ont fleuri, avec un succès fulgurant. Que les gens ne soient pas d’accord avec cette libération, on peut le comprendre. Mais les commentaires de « ceux qui savent » rivalisent en horreur abjecte ! Beaucoup ont déclaré « Je ne suis pas fier d’être belge… » ! Face à ce déferlement d’appels au meurtre et à la torture, c’est à mon tour d’avoir quelques doutes quant à ma fierté citoyenne. Mais pas pour les mêmes raisons.

Je souhaite être clair : Michelle Martin a participé à des crimes atroces et elle en est pleinement responsable. Elle n’a de plus certainement pas tout dit et cela renforce encore sa culpabilité. Dans notre système social, elle devait être punie. Sévèrement. Elle l’a été. Le jury d’assises qui a prononcé la culpabilité et la peine savait ce qu’il faisait, notamment lorsqu’il a refusé la « mise à la disposition du gouvernement », au contraire de la décision concernant Marc Dutroux. Toute peine d’emprisonnement peut être suivie d’une libération conditionnelle pour autant qu’un tiers de la peine ait été exécuté et que certaines conditions soient remplies, dont évidemment une bonne conduite en prison. Pour Martin, la décision de libération intervient non pas au tiers de la peine, mais à la moitié. Elle n’a – selon moi – rien d’inadmissible, de scandaleux, d’honteux, d’insultant, d’écœurant, de choquant, d’incompréhensible, d’inacceptable, d’intolérable…, comme un journal populaire l’affichait sur sa Une aujourd’hui. Cette libération n’est que l’application logique d’un processus de justice fondé plus sur un concept de reconstruction que sur celui de vengeance.

Que l’annonce de cette libération crée une grande émotion tant auprès des victimes que de la population, c’est tout à fait légitime et compréhensible. Je partage cette émotion. Que celle-ci se transforme en vindicte populaire sûre de son infaillibilité, c’est plus interpellant. Une des fondements d’une société démocratique est de disposer d’une justice indépendante, agissant librement et en dehors de toutes charges émotionnelles, dans le respect du droit. Vouloir substituer l’émotion à cette justice rigoureuse, n’est-ce pas ouvrir la porte à la folie autoritaire ?

Ces réflexions ne signifient évidemment pas que la justice ne doive pas évoluer. Il est toujours possible d’en améliorer le fonctionnement pour mieux prendre en compte certaines difficultés et certaines aspirations citoyennes. Ces améliorations doivent procéder d’un processus démocratique de réflexion et de débats, en gardant l’objectif d’une justice réparatrice – pour les victimes bien sûr, mais aussi pour les coupables – et non pas d’une vengeance simplificatrice.

En écrivant tout ceci, j’ai peur de me faire lyncher à mon tour ! Malgré toutes les monstruosités dont des hommes et des femmes peuvent se rendre coupables, je garde confiance en l’être humain et j’ai besoin de le dire. La justice est une preuve de l’humanité et de la grandeur de l’être humain. Elle reste évidemment œuvre humaine et, dès lors, souffre d’imperfections. Vouloir la détourner de ses objectifs, n’est-ce pas courir le risque de réduire l’être humain à un animal parmi les animaux ?

dimanche 8 mai 2011

Pépites printanières

FMG © 2011

D'aucuns - devrais-je écrire d'aucune ? - estiment que notre jardin n'est pas fleuri. Il faut reconnaître qu'il ne s'agit pas ici de fleurs, mais de jeunes pousses de feuilles qui offrent néanmoins leurs couleurs à qui veut bien les voir !

En y regardant bien, parmi toute la verdure printanière, on trouve ci et là des couleurs qui semblent bien provenir de quelques fleurs !






Toutes ces petites choses s'offrent au regard, sans en demander autre chose en retour. Elles sont là pour qui sait les voir. Leur écrin est un jardin libre et fier, sauvage et ouvert. Elles brillent par leur modestie et leur simplicité.

Elles s'épanouissent sous l'œil goguenard de Hugo, notre lutin préféré.

Parfois même, elles décident de couvrir une portion de l'univers, se laissant aller à la flânerie.

Que faut-il de plus ? Le soleil berce doucement toute cette émotion naturelle qui - en Belgique - offre aujourd'hui aux mères leur plus belle fête.

mardi 3 mai 2011

Majesté ardennaise

FMG © 2011

Parcourir 200 km pour participer à une réunion d’une heure et demie, puis s’en retourner par le même chemin n’a jamais rien eu d’exaltant, même quand on aime conduire. Heureusement, la route vers Luxembourg traverse les Ardennes et quand il fait plein soleil, cela devient presque un plaisir !

Les paysages qu’on découvre au fil des kilomètres sont d’une majesté époustouflante, même si les photos ne permettent jamais de traduire complètement la beauté des reliefs tridimensionnels. Il est vrai qu’en roulant à du 120 km/h, on ne prend pas trop la peine de cadrer : on se contente de cliquer en espérant que la vue soit belle !

Quand on se laisse pénétrer de ces paysages, on comprend que de nombreux touristes aiment s’y détendre et s’y changer les idées. Un regret quand même : sur cette autoroute, baptisée quelque part « autoroute du soleil », il y avait – au détour d’un tournant permettant de découvrir un panorama grandiose – un panneau qui annonçait Lyon et Dijon. Cette information était un peu surréaliste : elle se trouvait à des centaines de kilomètres des villes en question et il n’est pas sûr que ceux qui empruntaient la route se rendaient par là. Il n’empêche : chaque fois que je voyais ce panneau niché dans ce paysage grandiose, je me sentais un peu en vacances.

Hier, je n’ai pas vu le panneau qui a disparu apparemment. Mais j’ai vu le soleil et les monts ardennais. J’y ai senti cette ardeur d’avance qui fait vibrer la vie. J’ai oublié que j’étais là pour me rendre à une réunion et j’ai joui de l’instant présent. Quel bonheur !

dimanche 1 mai 2011

Melissmell, mais lis ce mail !

Je l’avoue : mes premiers contacts avec Melissmell n’ont pas débouché sur un coup de foudre. Cette voix rauque flirtant parfois avec un cri ravageur choquait mon oreille habituée à des chants susurrés. Mais une amie a insisté et m’a envoyé trois titres plus doux en me disant « Écoute, s’il pleut… ».

Il a plu, alors j’ai fini par écouter. Difficile au bout du compte de ne pas résister à tant de conviction, d’énergie, de poésie, de rupture. J’ai fini par ne plus résister à ces cris du cœur qui hurlent de résister, ni à des mots murmurés qui distillent une tendresse à découvrir.

Il n’y a pas de miracle : j’ai encore quelques difficultés avec des chansons qui me paraissent trop hargneuses, où l’émotion laisse la place à une révolte non contrôlée. Peut-être cependant a-t-elle raison, Melissmell : on ne peut pas s’attendrir de tout et il est indispensable de nous le rappeler.

L’émotion et la tendresse, voire même la légèreté, sont pourtant bien présentes dans ces chants de vérité. Très bien soutenus par une orchestration collant à leur interprétation, ils nous font découvrir un univers unique, lucide et sans compromis.

Aux armes fait partie de ces morceaux qui m’ont bloqué au départ, mais qui méritent de se laisser réécouter. Viens est une des chansons tendres qui m’ont permis d’aller plus loin. Je me souviens permet de découvrir l’authenticité tendre, cruelle et lancinante de Melissmell. Sobre la muerte offre toute sa fougue, sa révolte, son énergie. Il y en a d’autres… à découvrir d’urgence (si vous ne connaissez pas encore).