samedi 29 décembre 2007

La ville de l’ouest

FMG © 2007

Sluis est la ville la plus à l’ouest des Pays-Bas. Même si son nom signifie l’écluse, elle est synonyme de plaisir pour beaucoup de monde. Non seulement pour sa beauté intrinsèque, celle d’une typique ville hollandaise, mais aussi – il faut bien l’avouer – pour ses sex shops ! Demander à n’importe quel belge à quoi lui fait penser Sluis, et il rougira… visiblement ou non. Il y a encore des boutiques du sexe à Sluis, mais il faut bien dire que cela a quand même diminué par rapport à la belle époque.

Sluis, symbole de l’occident, est ville championne du tourisme d’un jour : près de 6 millions de visiteurs annuels qui ne font que passer. La plupart ne viennent ni pour les canaux, ni pour la beauté des maisons, ni pour les sex shops, mais pour le shopping. Juste derrière le photographe, il y a tous les commerces possibles et imaginables. Alors, tout le monde vient faire du lèche-vitrines.

Je déteste ça. J’aime bien Sluis. Il y règne une ambiance particulière, unique. Le crépuscule y a certains secrets que nulle autre ville ne connaît. N’empêche, c’est énervant de traîner une demi-heure dans un magasin dont on a fait le tour en deux minutes. Je suis certainement de mauvaise foi, mais quand même, le shopping, c’est le meilleur moyen de perdre son temps… et ce n’est pas pour moi !

Pourtant, je reviendrai à Sluis. On y revient toujours. C’est trop important d’aller à l’ouest !

vendredi 28 décembre 2007

Les réserves du Nord

FMG © 2007

À chaque extrémité de la côte belge, il y a une réserve naturelle. À l’ouest, entre la France et la Belgique, le Westhoek, vaste système de dunes dans lesquelles une faune et une flore spécifiques trouvent un terrain propice à un développement sauvage. À l’est, entre les Pays-Bas et la Belgique, le Zwin, ancien bras de mer où vasières et pré salé, derrière la plage et les dunes, se laissent inonder par la marée haute, offrant aux oiseaux et aux plantes un biotope unique.

Le Zwin n’est jamais aussi beau que lors de ces journées d’hiver où le soleil l’éclaire de ses rayons de vie, où le froid fait cingler les polders et où le vent supporte le vol des oiseaux qui y logent encore. La luminosité d’aujourd’hui était particulièrement transparente, éclatante, empêchant – par sa clarté – l’imaginaire de créer d’invisibles moulins.

Quand on voit ces merveilles et qu’on les met en relation avec leur position géographique, on peut se dire qu’il devrait exister plus de frontières ! La côté belge n’est pas très longue : 60 petits kilomètres. La plage y est belle, mais c’est aujourd’hui quasiment 60 kilomètres d’immeubles défiant la mer depuis la digue bétonnée. Il faut bien héberger les nombreux touristes qui profitent pleinement de ce trésor qu’est la Mer du Nord.

Les frontières ont permis de préserver deux réserves où la nature a pu garder ses droits. Les touristes s’y promènent aussi. Mais les étendues sauvages sont si grandes qu’ils ne parviennent à les envahir.

N’est-ce pas cependant les réserves qui ont créé spontanément ces frontières politiques ? Ces zones infranchissables auraient réussi à se préserver d’elles-mêmes, se constituant un nomansland susceptible d’éloigner les méfaits de nos civilisations. Ne serait-ce pas là un miracle de plus de la nature : parvenir à créer des barrières humaines pour mieux sauver leur sauvagerie ? Il y a de quoi s’extasier…

mercredi 26 décembre 2007

Menus plaisirs

Olivier Menu © 2006

Il est des moments paisibles, où tout va de soi. Sans qu’on se pose trop de questions. Enfin. Sans que les tensions n’apparaissent. Rien que le calme, le plaisir d’être ensemble, le respect mutuel.

Cela vous tombe dessus au moment où on ne s’y attend pas nécessairement. On peut connaître des périodes noires et sombres dont on ne voit pas trop bien la sortie, dont on se dit que la seule solution est de s’en accommoder. À quoi bon lutter contre l’absence de raison ? Et puis, par on ne sait quelle grâce, la simplicité des choses vraies reprend sa place. Quelques instants sans doute seulement. Mais ne sont-ce pas ces quelques instants, bien loin d’être volés, qui remplissent une vie de toute sa densité ?

On aurait bien tort de vouloir les enfermer dans des mots, de discourir sur le sens profond et caché des pépites d’amour. Ces moments ne se figent pas, pas même dans le symbole. Ils arrivent, ils sont là, ils passent. On ne les attend pas, mais on les goûte pleinement, à leur juste enchantement. Puis, on les garde dans un recoin du cœur ou de l’esprit. De là, ils peuvent continuer à enivrer, même s’ils sont déjà bien loin.

Le bonheur se nourrit de moments lumineux et d’espaces étincelants.

dimanche 23 décembre 2007

Lumière

FMG © 2007

Lumière.
Tu illumines le monde. De toi, naît la vie. Tu t’immisces partout, sans qu’on puisse te résister. La moindre faille dans les murs de notre indifférence est une voie royale pour tes rayons, et tu nous pénètres jusqu’au plus profond de notre moelle.

Lumière.
Tu ensoleilles la vie. De toi, naît le monde. Tu t’associes à l’ombre pour créer le relief, l’inattendu, l’impalpable. Là où certains peuvent croire qu’il n’y a rien, tu apportes le mouvement et l’impulsion.

Lumière.
Tu crépuscules parfois nos humeurs. La grisaille fait aussi partie de ton univers. Comme la tempête ou le ciel bas. C’est toi alors qui cherches un peu de réconfort, pour continuer à y croire, à espérer.

Lumière.
Tu émerveilles souvent nos âmes. Même quand le froid est glacial, tu dardes tes étoiles pour faire briller le fond de nos yeux. Tu interpelles chacun de nos instants en y déposant ta sève qui constitue et reconstitue notre souffle.

Lumière.
Tu accélères nos rêves. Il n’est rien qui est plus rapide que toi. Tu es la simplicité même, et pourtant, en toi, sont contenues toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Sans toi, il n’y aurait rien. Par toi, il y a tout.


Voilà un an exactement que j’essaie d’allumer quelques réverbères, pour que d’autres puissent profiter de la lumière qui m’éveille tant de merveilles. À travers 128 messages, environ un tous les trois jours, j’ai eu l’audace d’animer un peu la toile semant quelques étoiles. Elles n’avaient certainement pas toutes le même éclat, la même brillance. À côté de 32 Lumières et de 32 Coups de cœur, il y eut d’ailleurs aussi 32 Interrogations et 32 Coups de blues. Tiens, quel incroyable hasard : autant de l’un que de l’autre… Tout ça pour 7415 visites. Environ 20 par jour.

Bon, on repart pour un an ?

vendredi 21 décembre 2007

Un gouvernement en noir et blanc

FMG © 2007

Ainsi donc, dans les heures qui viennent, la Belgique devrait avoir un gouvernement. Ce faisant, la Belgique devrait continuer à battre quelques records mondiaux ! Après avoir démontré pendant plus de 6 mois qu’un pays pouvait très bien vivre sans gouvernement et sans que cela ne pose trop de problèmes au pays, nous voici à l’aube d’un gouvernement qui annonce fièrement une durée d’existence prévue d’exactement 3 mois ! Ce qui est sûr, c’est que ce ne seront pas ces 3 malheureux petits mois avec un gouvernement qui changeront quelque chose : la Belgique continuera à vivre, et à bien vivre. (Du moins pour la majorité de ses citoyens : je n’oublie pas les près de 15% d’habitants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.)

Le gouvernement qui se met en place est un gouvernement en noir et blanc, ou plutôt sans couleurs… comme le temps qui nous refroidit tous pour le moment, y compris les arbres. Un peu de bleu, un peu d’orange, un peu de rouge… mais sans aucune conviction de quelque côté que ce soit. Pourquoi en aurait-on d’ailleurs alors qu’on sait n’exister que pour 3 mois ? Et qu’en plus, on résulte d’un compromis visant à ne pas faire perdre la face plus longtemps à la classe politique… Et qu’il a fallu pour cela faire appel au premier ministre précédent alors que le soi-disant futur premier ministre n’a pas arrêté de recevoir des claques à force de laisser ses collègues flamands donner des gifles aux francophones.

Pourquoi réussiraient-ils dans les trois mois qui viennent ce qu’ils n’ont pas réussi à faire pendant les six derniers mois, alors qu’ils n’avaient que ça à faire ? J’avoue être parmi les plus sceptiques. Je ne sais pas ce qu’il se passera dans 3 mois, le 23 mars exactement. Ce sera bien sûr la fête de Pâques, et on fêtera la Résurrection ! Mais je crains fort que l’Esprit Saint ne soit pas encore passé pour offrir à tous les talents de tolérance, d’ouverture, de conviction et de langues ! Faudra-t-il attendre la Pentecôte ? Je n’y crois pas beaucoup plus.

Mais nous voici à la veille de la Noël, la fête de la lumière et de la renaissance. Nous voici même, aujourd’hui, le premier jour de l’hiver. Et si cela signifie qu’il fera froid, cela veut dire aussi et surtout que les jours vont commencer à s’allonger à nouveau, à faire renaître la lumière. Dans trois mois, ce sera le printemps. Finalement, pourquoi ne pas y croire, ou plus simplement espérer ?

dimanche 9 décembre 2007

Les signaux détournés (3)

J’étais parti en balade. J’adore prendre la voiture et me laisser conduire là où elle veut me mener. Sans obligation d’aller quelque part. Juste pour le plaisir. J’avoue que par les temps qui courent, je profite de moins en moins de ce plaisir qui non seulement coûte de plus en plus cher, mais qui surtout ne fait que contribuer à détruire un peu plus notre planète et son climat. Cependant, ce matin-là, il faisait beau, et je n’avais pas pu résister à l’appel de la promenade automobilisée.

Je ne sais plus trop où j’étais. Je roulais à mon aise, goûtant chaque parcelle du paysage. La route serpentait. Elle était en bon état, mais ci et là on voyait qu’elle avait bénéficié de travaux de réfection. À la sortie d’un long tournant, je vis d’ailleurs le panneau ci-dessus indiquant des travaux. J’avoue ne pas m’en être inquiété : nous étions un dimanche et il y avait peu de chance que les cantonniers soient à l’ouvrage. De plus, mon train de sénateur ne me faisait pas craindre de brusques coups de freins.

Grossière erreur. Une centaine de mètres plus loin, il y avait bien des travaux. Et près d’eux, toute une série de voitures étaient stationnées. Un agent de police me fit un signe péremptoire pour aller les rejoindre. Je ne pus que m’exécuter.

Très cordial, l’agent s’approcha et m’expliqua que plutôt que d’instaurer des zones à péage sur les routes, il avait été décidé de créer des zones à travail obligatoire. J’étais donc prié de rejoindre le groupe des travailleurs et – étant donné que ma vitesse avait été contrôlée à du 57 km/heure – de consacrer 57 minutes de mon temps à réparer quelques menus trous sur la chaussée. Charmant, il m’expliqua que j’avais beaucoup de chance, car la plupart des autres travailleurs roulaient au minimum à du 90 km/heure.

J’allai donc rejoindre le groupe où j’appris à manier pelle, brouette, cailloux et autre goudron. Non sans m’étonner de constater que non seulement certaines voitures continuaient à circuler librement sur la route, mais aussi que notre petit groupe de travailleurs forcés n’était composé que d’hommes, à l’exclusion de toute femme.

Après 57 minutes de travail effréné, l’agent vint me prévenir que je pouvais continuer ma route. Il m’offrit même un rafraîchissement, en me signalant que celui-ci était offert par la marque qui sponsorisait la dite action.

Le temps avait passé et, plutôt que de continuer ma route, je décidai de faire demi-tour et de rentrer chez moi. Me retournant une dernière fois pour contempler cette zone étonnante, je vis un signal auquel j’avoue n’avoir pas été attentif lorsque j’étais arrivé et qui expliquait bien des choses !
Ainsi donc, les femmes étaient exclues de cette contribution citoyenne ! Décidément, ne reste-t-il pas beaucoup de chemins à faire pour l’égalité des genres ?

samedi 8 décembre 2007

Un moment de détente

J’avoue : je me suis laissé tenter. Je me suis offert une heure de détente sous les mains expertes de Iando, une « thérapeute » du SPA de l’Hôtel Palissandre. En tout bien, tout honneur ! Mais en pleine détente quand même.

C’est une revanche. Ces dernières années, mon corps a été quelque peu meurtri. Je suis passé dans les mains de kinésithérapeutes, d’un ostéopathe, même d’un microsthéopathe. Mais j’allais les voir parce que j’avais mal et – même s’ils me soignaient – ils me torturaient.

Ici, je me suis retrouvé sur cette table de massage juste pour laisser la place à mon corps, le laisser se détendre par la grâce des gestes étudiés, tant doux que solides, de cette experte des soins corporels.

Et ça fait du bien. Au moment même. Il y a les sensations bizarres, à la limite du chatouillement, lorsque les plantes des pieds sont caressées, lorsque les paumes des mains sont appuyées, lorsque les doigts de pieds ou de mains subissent quelques torsions douces. Mais il y a aussi le bien-être qui vous pénètre petit à petit lorsque vous sentez chaque espace de votre corps accompagné par la douceur et la profondeur.

Il paraît que mon dos et ma nuque avaient quelques tensions. Ben tiens, pour un roi du cerveau, cela me semble plutôt normal. Mais la détente a pu s’immiscer là aussi.

L’heure achevée, on ne se sent pas tout à fait pareil. Il y a à la fois une lourdeur et une légèreté qui vous habitent. On est différent. Un peu plus libre peut-être. Un peu plus soi-même sans doute. Doux paradoxe : se sentir différent parce qu’on est un peu plus soi-même !

Je ne suis pas « thérapeute » et n’ai aucune science des soins corporels. Mais j’ai toujours aimé pratiquer quelques massages pour ceux ou celles qui les acceptaient. Avec un certain talent apparemment. Mais pour la première fois, j’étais de l’autre côté. Et je peux vous le dire : c’est bien agréable !

mercredi 5 décembre 2007

Cendres pâlies du Palissandre

FMG © 2007

Cela fait trois ans et demi que je viens périodiquement en mission à Madagascar. J’ai la chance de descendre chaque fois dans un hôtel merveilleux, le Palissandre. Vraiment, c’est un véritable havre de paix. Loin de l’anonymat et de la froideur des grands hôtels chics et chers, on trouve ici proximité, chaleur, douceur, confort, luxe, calme et volupté.

Alors que les restaurants de la plupart des autres hôtels que je fréquente un peu partout dans le monde sont soit inexistants soit sinistres soit inapétissants, une force du Palissandre est cet espace à dimension humaine qui propose des mets plus délicieux les uns que les autres. Je ne suis pas vraiment ce qu’on peut appeler un gourmet et, en règle générale, je me cantonne plutôt à ce que je connais déjà n’aimant pas trop confronter mes papilles gustatives à l’inconnu. Pourtant, ici, je choisis chaque jour un des deux plats du jour et je suis quasiment chaque fois ravi. C’est fin, succulent, esthétique et délicat, à défaut d’être copieux. Juste ce qu’il faut, mais la qualité remplace largement la quantité.

Et pourtant, dans ce paradis, il y a une lueur d’enfer ! Comme tout enfer, c’est sans doute moi qui le construis, qui l’interprète tel. Mais c’est l’enfer quand même. Tout le personnel de l’hôtel et du restaurant a pour consigne d’être serviable et amical. Bonjour par ci, comment allez-vous par là, bienvenue par delà, etc. Admettons.

Mais le personnel de table a aussi pour mission de veiller à ce que les verres des convives soient toujours remplis (ce qui a l’avantage de vider les bouteilles et d’éventuellement nécessiter leur remplacement). Moi, je bois une misérable petite bouteille d’eau gazeuze. Rien de plus banal. Elle n’est pas très grande. Juste ce qu’il faut pour tout le repas. Mais si on vient remplir le verre un peu trop souvent, il risque de ne pas y avoir assez d’eau, et surtout de ne plus avoir de bulles !

Le plus ennuyeux n’est pas là pourtant. Chaque fois qu’un serveur vient remplir mon verre, j’ai l’impression qu’il me donne à manger. Vous imaginez des serveurs qui tiendraient les couverts et prendraient les morceaux dans l’assiette pour les glisser gentiment dans votre bouche. Ce serait intolérable. Je ne peux m’empêcher de ressentir cette intolérance à chaque bouteille qui se soulève par une autre main que la mienne !

J’ai bien conscience de l’ambiguïté fondamentale de ce ressentiment. Finalement, on fait tout pour moi, dans cet hôtel comme dans un autre : on fait mon lit, on nettoie ma chambre, on change mes serviettes de bain, on m’apporte à table mes plats, etc. Je n’ai quasiment rien à faire, si ce n’est défaire le lit, utiliser mes couverts, lever mon verre… (et payer bien sûr). J’aimerais tant pouvoir – comme un grand – vider ma bouteille moi-même. Mais c’est bien difficile.

Hier, j’avais manifesté sans doute un peu trop ostensiblement ma mauvaise humeur. Aujourd’hui, le service était superbe et le personnel impeccable, à commencer par mon ami Iando, maître d’hôtel pris en photo. J’ai même eu droit à une petite conversation avec le patron. Mais rien n’est parfait : j’ai quand même hérité d’un serveur qui – voulant en faire trop – a commencé à vouloir vider la petite bouteille d’eau dans mon verre à moitié plein. Dur destin !

lundi 3 décembre 2007

Lever du drapeau

FMG © 2007

Il est des moments auxquels on ne s’attend pas, mais qui soudain se remplissent d’émotion, simple mais dense.

Ce matin, j’arrivais à 9 heures pour commencer ma journée d’appui au système éducatif malgache. Début d’une nouvelle semaine et d’une nouvelle partie de mission. Il fait beau. Je retrouve quelques partenaires malgaches qui semblent heureux de se rassembler. Dans la cour de l’INFP, je constate un attroupement. Barry m’invite à le rejoindre.

Soudain, tout le monde se tourne vers le drapeau, en rangs bien alignés. Le drapeau commence à se lever et les voix malgaches se lèvent pour chanter l’hymne national, à plusieurs voix. L’instant est tout simple, mais on sent chez ces adultes un profond respect pour leur pays et une intense communion à sa vie et son développement.

Moi qui viens d’un pays qui ne sait plus trop s’il existe, je me sens brusquement bien petit. Un peu comme si j’étais remis à ma place. Ce n’est pas que j’accorde beaucoup d’importance à un drapeau, quel qu’il soit. Mais sentir cette cinquantaine d’adultes mettre en chanson leur semaine au service de leur pays, j’avoue, ça m’émeut.

J’étais avec eux. Pour la petite histoire, pendant ce temps, d’autres consultants – légèrement concurrents – n’avaient rien trouvé de mieux que de regarder la situation de haut. Ce n’était pas tout à fait la même chose. Ça fait du bien parfois de se sentir à la bonne place.

dimanche 2 décembre 2007

De quoi je me mêle ? De mes oignons ou de tes ognons ?

En 1990 déjà, l'Académie française, ainsi que le Conseil de la langue française du Québec et le Conseil de la langue de la Communauté française de Belgique, ont adopté un certain nombre de rectifications orthographiques dans le but louable de simplifier notre langue française. Il est vrai que celle-ci est particulièrement difficile et contient de nombreuses aberrations ou autres bizarreries : pourquoi écrire « chariot » alors qu’on écrit « charrette » ?

De toute évidence, il n’est pas simple d’apprendre et de maîtriser l’orthographe française. D’autres langues présentent moins de difficultés – l’espagnol par exemple – et certaines ont réussi de belles réformes facilitant la vie des gens, notamment le néerlandais.

Il y a donc bientôt 20 ans que ces propositions ont été faites – elles n’ont jamais eu le statut d’obligations : juste des recommandations – et il faut bien avouer qu’elles sont relativement peu passées dans la pratique de la langue écrite. Pas plus que d’autres tolérances déjà retenues en 1901 !

A priori, j’aurais plutôt tendance à appuyer cette réforme. Autant simplifier ce qui peut l’être, surtout quand ce qui est compliqué n’a aucune raison de l’être. Et peut-on espérer faire évoluer le monde si on n’est pas capable de participer à l’évolution de sa propre langue ?

Néanmoins, j’ai fini par m'interroger non pas sur son utilité, mais sur celle de la promouvoir. Face au constat que quasiment personne ne suivait ce chemin, si ce n'est bien sûr quelques intellectuels ou quelques organismes spécialisés, j’ai surtout été conduit, de par ma profession, à voyager dans de nombreux pays francophones et à agir pour le développement de leur système éducatif, notamment eu égard aux manuels scolaires. Ce sont vraisemblablement les nombreux contacts que j'ai eus dans ce cadre qui m'ont amené à oublier ces rectifications orthographiques de 1990 et – très concrètement – à renoncer à les utiliser ici ou ailleurs.

Pour différentes raisons, il faut en effet bien constater que ces rectifications ont une caractéristique fondamentale : celle d'être complètement inconnues de la plus grande majorité des utilisateurs de la langue française. Un exemple parmi d'autres, très interpellant : j’ai participé pendant plusieurs années à la formation des nouveaux inspecteurs de l'enseignement, en France. Je n'en ai jamais rencontré un qui savait que des rectifications avaient été proposées, même parmi les inspecteurs de français. Si les inspecteurs eux-mêmes ne sont pas au courant, vous imaginez ce qu'il en est au niveau de la base. Et vous imaginez aussi la situation dans les nombreux autres pays francophones.

Inévitablement, celui qui tient compte des recommandations apparaît surtout comme quelqu'un qui ne maîtrise pas l'orthographe.

Promouvoir ces rectifications n'est-il pas dès lors une démarche « impérialiste » qui ne tient aucunement compte de la réalité des utilisateurs de la langue française ? N'est-ce pas de toute façon un combat perdu d'avance lorsqu'on a un peu mieux conscience des canaux d'information et d'éducation qui caractérisent la plupart des pays francophones ? Comment ces nouvelles règles pourraient-elles être appliquées dans les pays francophones africains qui ont déjà tant de difficultés à disposer d’un personnel éducatif maîtrisant suffisamment le français pour pouvoir l’enseigner ? Comment croire qu’il serait possible qu’une telle réforme arrive dans les écoles de brousse, alors que les réels besoins de formation des enseignants sont tout autres et ô combien plus importants ?

Constatant que les recommandations ne sont utilisées que dans quelques milieux très privilégiés, essentiellement belges et suisses, n’est-on pas en droit de penser que leur promotion est une forme comme une autre de néo-colonialisme ? Au bout du compte d’ailleurs, l’important n’est-il pas que l’Allium cepa soit une de ces belles et bonnes choses que l’on trouve notamment ici, à Madagascar, qu’il soit connu ou non comme oignon ou ognon ?