jeudi 30 janvier 2020

C’est si facile de désinformer…

Vous avez peut-être vu comme moi cette double image : dans la première, Greta Thunberg avec sa tête des mauvais jours exige que tout le monde roule en voiture électrique dès maintenant ; dans la deuxième, des enfants katangais travaillant dans une mine à ciel ouvert rassurent « Nous extrayons le cobalt pour vos batteries aussi vite que possible, Greta » ! Si cela fait sourire certains, c’est une double désinformation !

Tout d’abord, je défie quiconque de me prouver que Greta Thunberg a exprimé une quelconque exigence en matière de voiture électrique. On peut apprécier ou non le personnage emblématique qui ne fait en réalité que redire avec force les observations et conclusions des scientifiques spécialistes du climat. Évidemment, elle a plusieurs « défauts » : elle est jeune, elle est femme, elle dit clairement ce qu’elle pense, elle vole la vedette à d’autres « grands » de ce monde, elle nous met tous devant nos responsabilités, etc. Ce n’est pas une raison pour lui faire dire ce qu’elle ne dit pas. Ce n’est alors que de la manipulation : l’auteur du montage vise clairement un public climato-sceptique prêt à en découdre avec celle qui secoue leur foi en une croissance aveugle et infinie, quelles qu’en soient les conséquences.

La question du cobalt est plus délicate. Il serait difficile de nier qu’il existe des mines artisanales au Congo qui exploitent le travail d’enfants. Ces mines existent, même si les gouvernements congolais ont pris, depuis 2013, des dispositions pour organiser les exploitants artisanaux en coopératives minières afin de mettre fin au travail des enfants dans les mines. Ces mines artisanales et illégales représentent un peu plus de 10% de l’extraction des minerais concernés, la plus grande partie se réalisant dans des mines industrielles où les enfants sont remplacés avec efficacité par de grosses machines. La production congolaise de cobalt correspond environ à la moitié de la production mondiale. L’exploitation d’enfants ne concerne donc qu’une très petite partie du cobalt extrait. Elle est néanmoins insupportable et les dénonciations de l’UNICEF ou d’Amnesty International sont à soutenir, d’autant plus qu’elles produisent des réactions positives chez la plupart des multinationales concernées.

Celles-ci ne sont pas uniquement des constructeurs de voitures électriques. Le cobalt est utilisé dans toutes les batteries lithium-ion, qu’elles alimentent les moteurs électriques, mais aussi nos téléphones intelligents, nos ordinateurs et tous ces appareils qui ont besoin de batteries… De nombreuses recherches existent pour y remplacer le cobalt et le lithium par d’autres composants, notamment le sodium, le vanadium, des algues… Il est ainsi plus que vraisemblable que d’ici quelques années, il n’y aura plus de cobalt dans les diverses batteries.

Ces constats n’enlèvent rien aux vrais problèmes environnementaux et sociaux liés à l’extraction du cobalt. Mais ils nuancent fortement l’affirmation caricaturale portée par la double illustration dénoncée.

L’illustration en question n’est donc qu’une double désinformation. Ses objectifs sont clairs :
  • dénigrer tous ceux et toutes celles qui luttent pour que la problématique du climat soit réellement prise en compte, avec des mesures fortes qui impacteront d’une manière ou d’une autre sur notre petit confort ;
  • dénigrer celle qui en est devenue, sans le vouloir vraiment, la messagère principale, et à travers elle remettre « à leur place » en particulier les jeunes et les femmes qui osent se rebeller ;
  • dénigrer les voitures électriques en les accusant de maux dont elles ne sont pas principalement responsables, contribuant ainsi à diffuser les nombreuses contre-vérités dont elles sont victimes, sans doute parce qu’elles dérangent quelque part les esprits bien-pensants.
La désinformation est désormais un mal endémique. Beaucoup de personnes n’ont pas conscience qu’elles y contribuent. C’est si facile : un clic sur un bouton « Partager », un autre clic pour publier… et hop, c’est envoyé, avec ce sentiment de satisfaction béate d’avoir propagé un peu d’humour ou de vérité. C’est plus difficile de se poser quelques questions avant de diffuser. Elles sont simples pourtant : est-ce Positif ? Est-ce Exact ? Est-ce Nécessaire ? Est-ce Sage ? Est-ce Enrichissant ? Tiens, les cinq initiales font PENSE…

mercredi 15 janvier 2020

Yaka

Bien malin serait celui qui pourrait avancer la date du futur gouvernement fédéral belge de plein exercice. Il semble bien que l’impasse soit totale et qu’on vogue allègrement de perte de temps à perte de temps. Il suffirait vraisemblablement de cinq minutes de courage politique, mais ce n’est pas demain la veille. Dans ce brouillard, il est troublant d’entendre les Yaka !

Yaka faire un gouvernement de techniciens. Cela aurait du sens si gouverner un pays n’était qu’une question de bonne gestion. Mais ce sont aussi des choix politiques à faire. Même les choix techniques reposent sur des arbitrages politiques. Décider de refinancer la justice et/ou la santé peut apparaître comme une évidence technique. Mais, si un gouvernement dispose de 100 qqch pour refinancer, comment va-t-il les répartir entre la justice et la santé (ou autre chose encore) ? Cela ne peut résulter que d’orientations politiques.

Yaka faire un gouvernement avec des majorités politiques dans chacune des communautés. Il suffirait de mettre ensemble les majorités présentes dans les entités fédérées. Par exemple, du côté flamand, N-VA, CD&V et Open Vld. Du côté francophone… c’est déjà plus compliqué ! La majorité wallonne et de la Communauté française de Belgique PS, MR et Ecolo ? Ou la majorité bruxelloise PS, Ecolo et Défi ? Ou encore – pourquoi pas ? – la majorité de la Communauté germanophone ProDG, SP et PFF ? En faisant simple, l’idée serait donc d’avoir un gouvernement (par ordre alphabétique) CD&V, Ecolo, MR, N-VA, Open Vld, PS ? Ce serait un gouvernement majoritaire partout ! Mais, à nouveau, comment ce gouvernement pourrait-il prendre des décisions politiques ? À la première question délicate (pension, migration, éthique, sécurité sociale, etc.), ce serait le désaccord… et la rupture. Un tel système serait encore envisageable dans un système confédéré, comme la Suisse par exemple (en sachant que la réalité est très différente pour ce pays). Mais on n’y est pas, et un des enjeux actuels est justement d’aller vers ou de ne pas aller vers une Belgique confédérée, chère à la N-VA. Un Gouvernement belge est inévitablement dans le cadre actuel un gouvernement de coalition, c’est-à-dire l’association de partis qui trouvent suffisamment de points de convergence pour gouverner ensemble. Si ces points de convergence n’existent pas, pas de gouvernement.

Yaka arrêter de payer les salaires des politiciens s’ils ne trouvent pas une solution dans les 15 jours. Yaka les enfermer tous et ne les autoriser à sortir qu’en cas de fumée blanche. Yaka tirer au sort parmi eux. Yaka laisser faire les citoyens. Yaka…

Je n’ai pas de Yaka à proposer. Et je n’ai pas de boule de cristal pour avancer la solution qui sera adoptée, même si j’ai ma petite idée qui correspond aussi à mes préférences. Mais il faut quand même constater qu’on est dans une situation bassement politicienne qui ne favorise pas la rapidité de la mise en place d’un nouveau gouvernement. Je fais un constat. Je n’affirme pas que les questions qu’il soulève ont une réponse claire et unique. Le Gouvernement actuel, totalement minoritaire depuis décembre 2018, est composé de trois partis. Il y a 7 ministres MR, 3 CD&V et 3 Open Vld. Quelle que soit la composition du futur gouvernement, il est évident que ces partis n’auront plus autant de ministres. Alors, pourquoi ne pas prolonger cette situation… ? Je laisse à chacun le soin d’apporter la réponse qu’il souhaite à cette question ! Yaka !

mercredi 1 janvier 2020

Promouvoir, pas imposer

Écrire un premier janvier, c’est tenter le diable des bons vœux, surtout lorsqu’on entame ainsi la dernière année d’une décennie malgré ce que pourraient faire croire les deux derniers chiffres du millésime. Alors, je cède : je vous souhaite à tous et toutes de ne vous voir jamais rien imposé par qui ou quoi que ce soit et, en corollaire, que vous n’imposiez jamais à personne qui ou quoi que ce soit. Promouvez, n’imposez pas !

Alors qu’il me semble les entendre de plus en plus, j’ai du mal à supporter les discours du type « il faut… » ou « on doit… ». Dans un milieu militant, ils sont fréquents et portent sur mille et une obligations toutes plus indispensables les unes que les autres pour sauver le monde. La plupart du temps, je partage l’intérêt de réaliser telle ou telle action, d’adopter telle ou telle attitude, de mettre en place telle ou telle procédure. Souvent, ma difficulté ne réside pas dans la pertinence ou non des directions qui sont formulées, mais dans le fait qu’elles sont présentées comme étant obligatoires, non seulement pour celui qui la formule, mais aussi pour tous ceux qui l’entourent.

Adolescent lors des événements de mai 1968, j’ai bien sûr adhéré au slogan « Il est interdit d’interdire ». En le paraphrasant, je dirais aujourd’hui « Il est interdit d’imposer ». Je pense qu’il faut surtout promouvoir. Ah ! Je viens de l’écrire. « Il faut… ». Il est difficile d’éviter le paradoxe du slogan de 1968 et lorsque je défens mes idées, j’ai souvent conscience de chercher moi-même à imposer mes propres vues, y compris celle de ne pas imposer !

C’est pour cela que j’en fais aujourd’hui juste un vœu : que personne n’impose quoi que ce soit à qui que ce soit. Je rêve d’une société durable où la liberté prévaudrait en toute circonstance, où les seules contraintes seraient celles que l’on se donne volontairement à soi-même dans le respect de notre environnement humain, physique, biologique, culturel… Un monde où il ne serait jamais nécessaire ni d’imposer ni d’interdire. On peut rêver, non ?