mercredi 30 décembre 2015

L’amour du vivant

© Claude Théberge

Y a la vie de la source

Qui fait naître la mer

Y a la joie populaire

Au terme de la course

Y a la musique du temps

Qui berce le voyage

Y a tous ces témoignages

Qui parlent du printemps

Y a le cœur séducteur

Qui efface tous les doutes

Y a l’ami qui écoute

Quand on croise le malheur
Y a l’amour du vivant

Qui nous ouvre les yeux

Sans besoin d’avoir Dieu

Pour écouter le vent

Il est de ces petits moments, tout simples, tout anodins, qui – d’une manière ou d’une autre, mais surtout en s’amplifiant progressivement – créent le bonheur. Tel ce petit ruisseau qui dégouline de vie et qui se jette dans les bras de la rivière pour former un fleuve qui alimentera la mer. Comme un enfant qui finit par nourrir sa mère.

C’est parfois encore plus basique. S’extasier face aux efforts de sportifs qu’on admire et qu’on soutient, alors même que ceux-ci ne servent objectivement à rien, si ce n’est à s’extasier ! Se surprendre, dans sa voiture, à chanter à pleins poumons une chanson qui avait cru pouvoir se faire oublier, mais dont chaque mot revient tout seul, comme une évidence.

Il en est de plus subtils aussi. Écouter ces indécrottables optimistes qui, alors que tout va mal, vous parlent avec passion d’un lendemain libérateur. Sentir ce regard en train de se laisser séduire, prêt à devenir amoureux, qui vous fait croire soudain que vous avez raison d’y croire. Se confier sans mystère à l’ami qui se contente de vous écouter avec bienveillance sans savoir combien ce silence est précieux et significatif.

Il y a toute cette vie qui sourd de partout, tellement qu’elle nous emballe dans une ronde magique où l’amour devient l’unique maître mot. On voit alors l’ultime vérité, celle qui vous éblouit au plus profond de nos petites ténèbres. On se laisse alors bercer, sans avoir besoin ni d’avoir d’yeux ni d’avoir Dieu pour écouter le vent.

Qu’est-ce qui fait vivre la vie

Qui nous porte au-delà de nous

Qu’est-ce qui nous rend fou

Qui nous donne autant d’envie

mercredi 23 décembre 2015

Internet, sans coût ?

Grand utilisateur d’Internet, j’ai souvent l’impression – comme vous, je suppose – que son usage est sans coût. Bien sûr, je paie (cher) l’abonnement à mon fournisseur d’accès, mais ensuite, tout est gratuit ! Erreur monumentale ! Le coût écologique du Web est immense !

Je ne vais pas ici asséner une myriade de chiffres. Ceux-ci peuvent aisément être trouvés par ailleurs. Juste quelques éléments :
  • les technologies de l’information et de la communication (TIC) seraient responsables de deux à trois pour cent des émissions de CO2 dans le monde, soit l’équivalent de celles du transport aérien ;
  • Internet nécessite environ 1000 TWh, soit l’énergie annuelle produite par 40 centrales nucléaires ;
  • les consommateurs – vous et moi – comptent pour 47% des gaz à effet de serre émis par Internet (fabrication du matériel, consommation électrique…) ;
  • une recherche d’information coûte 20 mg de CO2, ce qui fait pour Google 7 tonnes de CO2 par jour (7 ans de chauffage pour un appartement 3 pièces) ;
  • l’envoi d’un courriel engendre entre 0,3 g et 4 g de CO2, selon le volume des pièces jointes ; avec plus de 200 milliards de courriels annuels, cela équivaut à l’empreinte environnementale de plus de 3 millions de voitures par an ;
  • chaque année, un internaute consomme l’équivalent de 350 kWh (consommation moyenne de 2 lave-vaisselle par famille) et 200 kg de gaz à effet de serre (trajet de 1000 km avec une voiture consommant 7 l/100 km)…
La question à se poser est évidemment de savoir si on peut y faire quelque chose. Selon GreenIT.fr, il y a des gestes simples à poser, même s'ils peuvent bouleverser nos habitudes :
  • allonger la durée de vie des équipements, car c’est la fabrication de ceux-ci qui a la plus grande empreinte environnementale ;
  • éteindre le modem et le boîtier TV quand ils ne sont pas utilisés, essentiellement la nuit. Allumés 24 heures sur 24, ces appareils consomment ensemble de 150 à 300 kWh par an, soit la consommation électrique annuelle de 5 à 10 ordinateurs portables 15 pouces utilisés 8 h par jour ;
  • limiter l’usage du cloud au strict nécessaire. Le stockage en ligne de ses courriels, photos, vidéos, musiques, et autres documents impose des allers-retours incessants entre le terminal de l’utilisateur et les serveurs. Or, transporter une donnée sur Internet consomme 2 fois plus d’énergie que de la stocker pendant 1 an ;
  • ne pas regarder la télévision via Internet, la vidéo en ligne représentant plus de 60% du trafic internet…
Il y a bien sûr des choix à faire aussi au niveau des fournisseurs d’accès, des concepteurs de sites, des centres de stockage des données, etc. Globalement, ceux-ci sont conscients du problème et s’efforcent d’y apporter des solutions. Ils y ont intérêt d’ailleurs. C’est moins clair pour les constructeurs de matériel dont on connaît la propension à l’obsolescence programmée. C’est pour cela qu’à un niveau individuel il convient de prolonger au maximum la vie d’un équipement, notamment en le recyclant d’une manière ou d’une autre.

Au bout du compte, l’important est d’abord d’avoir conscience de ce coût écologique. Ces gestes qui sont devenus anodins – envoyer un courriel, stocker des photos, regarder une vidéo, utiliser les réseaux sociaux… – ne le sont finalement pas tant que ça ! Il est évident qu’ils ne disparaîtront pas. Au contraire, on a toutes les raisons de croire que le numérique continuera son ascension dans nos petites vies. Mais toute petite goutte qu’on pourra économiser évitera peut-être que l’océan déborde trop vite !

jeudi 17 décembre 2015

T’es racé ou terrassé ?

FMG©2015 

Voir, un 17 décembre, à Paris et à 22 heures, des quidams comme vous et moi prendre gentiment un verre sur une terrasse, non chauffée, c’est à la fois merveilleux et effrayant.

Ce temps clément fait partie de ces petits bonheurs qu’il vaut mieux prendre plutôt que de les laisser s’envoler. Alors, prenons. De plus, par les temps qui courent, prendre un verre en terrasse à Paris, c’est aussi un acte de résistance. Et ça, ce n’est pas rien.

Le 17 décembre, ce n’est pas n’importe quelle date pour moi. Il y a 32 ans – ou était-ce il y a 33 ans ? –, il faisait froid, mais le soleil était de la partie pour m’accompagner dans le lancement de la plus belle aventure qui soit : celle de l’amour ! Aujourd’hui, pour des raisons scientifiques, je ne peux même pas fêter ça avec la proximité qui s’impose dans ces cas-là. Qu’à cela ne tienne : cela ne saurait tarder !

Mais en attendant, pour d’autres raisons scientifiques, il y a de quoi s’alarmer de la situation que nous vivons. Même si c’est agréable, ces températures exceptionnelles, alliées à un soleil lumineux et une nuit chaleureuse, ne présagent rien de bon. On peut penser, bien entendu, que nos pays occidentaux du Nord s’en sortiront. Quoique. Mais, malgré l’accord positif de la COP21, que deviendra notre Terre dans les années qui viennent ? Combien de victimes climatiques y aura-t-il, noyées par des inondations ou des typhons, écrasées par des avalanches, assoiffées par des sécheresses inéluctables, asphyxiées par les particules… ?

La terrasse que j’ai photographiée ce soir était non chauffée. Et je ne retiens que le plaisir de ces personnes qui célébraient la vie et ses plaisirs. J’en ai vu d’autres qui puisaient leur énergie non seulement dans cette joie d’être ensemble, mais aussi dans des bonbonnes de gaz qui réchauffaient ce qui n’a pas besoin de l’être. Il est possible que pour les tenanciers – que dis-je, pour les actionnaires – ces bonbonnes permettent quelque profit supplémentaire. Pour eux. Pas pour la planète. Pas pour nous.

vendredi 27 novembre 2015

Quand on n'a que l'amour


Ce serait une banalité de dire que les événements de ces dernières semaines posent question. Je ne le dirai pas. Mais je me pose quand même des questions.

Il y a bien sûr les questions fondamentales. Pourquoi ? Avec quel sens ? En raison de quoi ? Je n’ai pas les réponses à ces questions. Personne ne les a. Pas même ceux qui ont commis ou participé à ces actes abominables. Tant il n’y a aucune « raison ». Il peut sans doute y avoir des motivations, des explications. Mais elles ne résistent pas un seul instant à la raison. Cela fait sans doute partie du problème.

Puis, il y a toutes les questions annexes. Nos gouvernements ont-ils géré la crise comme il le fallait ? Que risquons-nous encore, où et quand ? Quel est le rôle des enjeux économiques dans la réalisation de ces événements, dans la réaction qu’ils suscitent, dans le déroulé des conséquences ? À ces questions-là, j’imagine que certains ont des réponses. Personnellement, j’ai juste des hypothèses.

Un constat cependant : je suis à la fois étonné et effrayé qu’autant de personnes qui ne savent en réalité pas plus que moi déclarent sans ambages savoir que nos gouvernements font n’importe quoi, qu’ils sont même complices, que leurs décisions sont incohérentes…

Devait-on, en Belgique, passer du niveau 3 au niveau 4 de menace terroriste, puis – tout aussi soudainement – repasser de niveau 4 au niveau 3 ? Je n’en sais rien. Mais j’imagine que ceux qui prennent ces décisions le font sur la base d’éléments fondés. Qu’on – le vulgum pecus – ne connaisse pas ces éléments me semble d’une telle évidence que je ne comprends pas un seul instant qu’on puisse reprocher aux dirigeants de ne pas les communiquer ! C’est vrai qu’on peut s’étonner face à une incohérence apparente des décisions. Il faut même s’en étonner. De là à les remettre en cause en raison du seul prétexte qu’on ne sait pas ce qui les motive, il y a une marge. Que je ne franchirai pas.

Que risquons-nous encore ? Tout ! À tout moment, nous pouvons être victimes de ces actes barbares et fous. Que ce soit à Bruxelles, à Paris, à Berlin, à Rome, à Beyrouth, au Caire, à New York, ou n’importe quel autre endroit. Je dirai une banalité, malheureuse : dans les mois qui viennent, il y aura inévitablement de nouveaux attentats. Aussi atroces et aussi inutiles. Où ? Personne ne le sait. Mais ils viendront, c’est une certitude. Est-ce que cela change quelque chose à la vie ? Oui, sans doute. Dans le vécu des gens. Mais au bout du compte, il faut avoir conscience qu’il y a dans nos pays plus de morts violentes liées à des accidents de travail qu’à des actes terroristes, sans compter les victimes de la route… Bien sûr, 130 personnes qui meurent un vendredi soir à Paris sous les balles de fous belliqueux, c’est effrayant, atroce, horrible, insupportable… ! Mais il y a tant de gens qui meurent chaque jour pour des tas d’autres raisons, tout aussi inacceptables !

Reste la question économique. C’est vrai qu’en Belgique, on peut s’étonner de la coïncidence entre l’abaissement du niveau de menaces de 4 à 3 et l’inauguration des « Plaisirs d’hiver ». Comme on peut se poser beaucoup de questions par rapport par exemple au soutien économique de l’Arabie saoudite alors que celle-ci est de toute évidence au cœur du soutien à la mouvance terroriste. Je suis convaincu qu’il n’y a jamais de guerres de religion. Il n’y a de guerres qu’économiques. Malgré cette conviction profonde, je crois aussi que le monde humain se caractérise avant tout par la complexité et qu’il est vain de vouloir l’analyser de manière dichotomique. Par rapport à la manière à travers laquelle on la perçoit et l’analyse, la réalité est toujours plus complexe. Croire qu’on détient les clés de l’analyse des causes et des solutions est sans doute le plus grand danger.

La réalité est toujours plus complexe qu’on ne le croit. On aimerait bien qu’elle soit simple. Dichotomique. Mais elle est plurielle, comme nos sociétés. N’est-ce pas la première prise de conscience à faire, bien avant de se prononcer sur le bien-fondé de l’une ou l’autre décision ?

En attendant, aujourd’hui, j’ai pleuré en entendant Yaël Naïm, Carmelia Jordana et Nolwenn Leroy chanter « Quand on n’a que l’amour », lors de l’hommage aux victimes. J’ai pleuré face à l’intensité en toute simplicité de cette chanson qui prenait encore un nouveau sens. J’ai pleuré face à l’harmonie de ces voix, d’origines plurielles. J’ai pleuré parce qu’au bout du compte, quelles que soient les questions que l’on puisse se poser, oui, on n’a que l’amour à opposer à la folie.

samedi 21 novembre 2015

Si t'as Sion

Voilà des années que je lutte, mais visiblement sans succès : cette citation ô combien pertinente continue à être attribuée à Napoléon Bonaparte, alors que de toute évidence elle est due à Abraham Lincoln ! C’est bien sûr encore un coup des sionistes ! Si t’as Sion, tu vaincs le monde !

Pourtant, il ne faut pas être un génie pour comprendre qu’il est impossible d’attribuer cette pensée à Napoléon Bonaparte et de ne pas l’attribuer à Abraham Lincoln, comme nous le montrent tous les éléments suivants extraits de Wikipédia :
  • enfant, Napoléon dira de lui-même qu’il était « turbulent, adroit, vif et preste à l'extrême ». Impossible bien sûr de lier une telle turbulence avec une quelconque authenticité ;
  • quand Napoléon quitte la Corse, à 9 ans, pour la France, son précepteur – l’abbé Chardon – prétend qu’« il apprit en trois mois le français, au point de faire librement la conversation et même de petits thèmes et de petites versions ». Cela ne prouve en aucune manière qu’il apprit à lire ou à écrire ;
  • d’ailleurs, lorsqu’il est admis à l'école militaire de Brienne-le-Château, il est « excellent en mathématiques, mais médiocre en littérature, latin et allemand ». On ne parle même pas de l’anglais ;
  • on fait beaucoup de cas du fait que Napoléon a édicté le Code Napoléon. Mais celui-ci ne fait que reprendre une partie des articles de la coutume de Paris et du droit écrit du Sud de la France, en protégeant le droit des obligations et des contrats. Bien loin des préoccupations d’authenticité des citations de Facebook qui – on le sait – se moque tout à fait des droits et des obligations contractuelles ;
  • le 13 avril 1814, en pleine tentative de suicide, Napoléon déclare bien à Caulaincourt : « Qu’on a de peine à mourir, qu’on est malheureux d’avoir une constitution qui repousse la fin d’une vie qu’il me tarde tant de voir finir ! ». À nouveau, aucune allusion à Facebook. D’ailleurs, Caulaincourt sortira de la pièce pour demander au valet de chambre et au service intérieur de garder le silence ;
  • Napoléon meurt un samedi, le 5 mai 1821, « à 17 heures et 49 minutes », rendant ainsi « le plus puissant souffle de vie qui eut jamais agité l'argile humaine » (Chateaubriand). À nouveau, aucune trace de Facebook dans ce qui n’a finalement rien d’un suicide ;
  • par contre, après une enfance et adolescence sans relief, Abraham Lincoln apprend le droit grâce à ses seuls talents d’autodidacte et devient avocat itinérant, ce qui prouve bien qu’il savait lire et écrire ;
  • c’est lui qui, en 1863, abolit l’esclavage aux États-Unis d’Amérique et qui du fait même incite tous ses amis Facebook à lutter contre la ségrégation raciale ;
  • étant de toute évidence le plus grand président des USA (1,93 mètre quand même), il est aussi celui dont la sexualité reste la plus mystérieuse et la plus ouverte : père au moins de quatre enfants (aujourd’hui, tous décédés), on ne sait pas très bien s’il était homosexuel ou bisexuel. Ce genre de débats n’ayant aucune importance, cela le rapproche inexorablement du phénomène Facebook connu pour sa vacuité intellectuelle ;
  • la vie d’Abraham Lincoln semble conditionnée par des « Marie », en anglais « Mary ». Amoureux d’une Mary Owens, il se fait jeter en mai 1837. Dix-huit mois plus tard, il se fiance à Mary Todd, mère de ses quatre enfants. Il n’y a pas de hasard : quatre personnes furent condamnées à mort à la suite de l’assassinat de Lincoln, dont Mary Surratt qui fut la première à être exécutée par le gouvernement des États-Unis ;
  • de plus, son assassin Booth n’hésite pas à crier lors de cet événement morbide « Sic semper tyrannis ! » (« Ainsi en est-il toujours des tyrans ! »), citation qui se trouve dans l'hymne du Mary-land, ce qui fait bien 4 Mary ;
  • dans la Bible hébraïque, la fille de Sion désigne Jérusalem et sa population, ainsi que l'ensemble du peuple juif par extension. Pour le catholicisme romain, la « fille de Sion » n’est autre que Marie, la mère de Jésus. La boucle est bouclée.

Bref, s’il y en a encore parmi vous un(e) seul(e) qui croirait de bonne foi à l’insu de son plein gré que Napoléon Bonaparte est l’auteur de cette citation pleine de vérité, vraiment, je ne comprendrais pas. J’en discutais d’ailleurs encore hier avec Nelson Mandela et il était bien d’accord avec moi !

vendredi 20 novembre 2015

Une semaine après


Il y a juste une semaine – seulement ? – Paris redécouvrait l’horreur du terrorisme. Le sport, la culture et la convivialité étaient les cibles choisies. Il n’y a pas de cibles plus fragiles ni plus innocentes que le sport, la culture et la convivialité. Les assassins savaient ce qu’ils faisaient : blesser à mort là où personne ne l’attend, là où personne ne le mérite, là où il n’y a aucun sens. J’ai choisi délibérément depuis une semaine de me taire : la nausée était trop forte. Je devais assimiler.

Je ne sais pas si j’ai plus assimilé aujourd’hui. La nausée est toujours présente. Mais j’ai pu prendre un peu de recul. J’ai notamment pris conscience que notre émotion est à géométrie variable : elle n’existe apparemment qu’en fonction de la proximité. Je suis horrifié lorsque 130 personnes meurent sous les balles de terroristes, mais je reste relativement froid quand 224 occupants russes d’un avion quittant Charm El-Cheikh sont heureux de rentrer chez eux, mais qu’ils explosent en vol, déchiquetés par le même État islamique. Entre les deux événements, il n’y a pas de réelle différence en ce qui concerne l’atrocité. Pourtant, il faut bien reconnaître qu’on n’y donne pas le même sens, la même émotion.

Globalement, aucun de mes amis côtoyés sur les réseaux sociaux n’a émis de commentaires « sur le chaud » déplacés. Cela ne veut pas dire que je me sentais en accord avec tout ce que j’ai lu, bien au contraire. Plus d’une fois, sans réagir pour autant, je me suis posé des questions de pertinence par rapport à ce que je lisais, mais globalement je sais aujourd’hui que je peux faire confiance à mes « amis ». Ils ne sont pas perdus dans des pensées simplificatrices et nauséabondes.

Puis-je faire confiance au « monde » ? Je n’oserais pas l’affirmer. J’étais à Paris hier et ce matin. La ville était étrangement calme. Métros quasi vides, même en heure de pointe. Rues désertes là où d’habitude il y a foule et mouvement. On sent que les gens se regardent. À la Gare du Nord, montant un escalator, j’entends le gars devant moi dire « Bizarre ». Je le regarde et lui dis « Vous avez dit bizarre ? ». Mais ce n’était pas Louis Jouvet. Il était barbu et avait le teint légèrement basané. Il m’a répondu : « Cette femme, pourquoi elle me regarde comme ça ? Cela fait deux fois. C’est bizarre ! ». Je lui ai dit : « Oui, vous avez raison. Il faudra vous y faire. Courage ! ». Il m’a regardé, m’a souri et a continué son chemin.

Nos sociétés sont éminemment plurielles. C’est leur richesse. Malheureusement, pour beaucoup, la perception de l’« autre » ne sera plus tout à fait la même. La peur obscurcit nos consciences et falsifie nos jugements. C’est à ce niveau qu’il faudrait le plus agir. Cependant, une fois de plus, nos gouvernements n’ont que des mesures sécuritaires à proposer. Je ne les conteste pas. Elles sont sans doute – malheureusement – nécessaires pour le moment. Mais elles ne peuvent suffire.

Plutôt que de vouloir nier ou minimiser la diversité et l’hétérogénéité de nos sociétés, il conviendrait de les reconnaître et de les valoriser. En réalité, sur le terrain, c’est peut-être un des effets positifs de ces tragiques événements. Beaucoup de musulmans se sont cette fois clairement distancés de ces actes terroristes et barbares qui n’ont rien à voir avec l’Islam. Beaucoup de non-musulmans ont compris que ceux qui le sont n’étaient pas responsables de ces actes commis soi-disant au nom de leur religion. Beaucoup de citoyens se sont rencontrés et ont partagé leur douleur et leur compassion, dans le respect de leurs différences. C’est en ce sens qu’il faut aller. Notre société est riche de ceux et celles qui la constituent. Malgré la folie de ceux qui s’en sont exclus par eux-mêmes, sans doute aidés par le rejet et l’ostracisme malheureusement trop fréquents de ceux qui pensent être les seuls possesseurs de la vérité et de notre terre.

Et maintenant ? Difficile à dire. Il serait illusoire de croire que les actes terroristes vont disparaître, comme si de rien n’était. Au contraire, il y a toutes les raisons de penser qu’ils continueront, sans doute en s’intensifiant et en se diversifiant. Les événements de ce jour, à Bamako, nous le démontrent, s’il le fallait encore. Plus que jamais, nous ne serons en sécurité nulle part ni à aucun moment. C’est l’évidence. Il faut vivre avec elle. Oui, c’est cela : il faut vivre. Plus que jamais. Notre vie risque désormais d’être raccourcie à tout moment et n’importe où. Raison de plus d’en profiter pleinement. Rencontrer les gens. Partager nos rêves. Construire nos petits bonheurs. Écouter les autres. Les aimer. S’émerveiller de la beauté du monde. Jouir de chaque moment, dans sa simplicité. Vivre !

samedi 14 novembre 2015

Cette nausée…

Pas de mots. Juste cette nausée…

Il se trouvera suffisamment de bien pensants pour justifier, condamner, disserter, accuser, fantasmer, rejeter, dichotomiser, expliquer, solutionner, caricaturer…

Je n’ai que ma nausée. Celle qui me noue l’estomac depuis hier soir, vendredi 13 pour une fois réellement noir. Cette nausée que je ne parviens ni à oublier ni à éliminer.

Jeudi prochain, je dois me rendre à Paris. Je veux y aller. Même si je serai encore et toujours envahi par cette nausée. Mais la vie doit continuer à exister. Face à l’absurdité, il n’y a qu’une réponse : vivre. Se laisser emporter par la vie. S’imprégner tous les pores de la vie. Croire profondément en la vie. Vivre pour que la vie vive. Au-delà de la nausée.

Vivre, en hommage à tous ceux et toutes celles qui ont perdu la vie au nom d’une folie incompréhensible.

Vivre.

vendredi 13 novembre 2015

Paseo a dos


Un bijou ! Renaud Garcia-Fons, génie de la contrebasse, rencontre David Peña Dorantes, génie du piano. L’harmonie est totale entre ces deux musiciens qui nous emmènent découvrir des flamencos improbables, chacun au sommet de la maîtrise de leur instrument.

Depuis plus de 20 ans, Renaud Garcia-Fons partage son art de la contrebasse. Jouer de cet instrument, je connais ! Si c’est bien une femme que l’on a dans ses bras, il faut se battre avec elle, tant avec la main gauche – mon petit doigt en garde des séquelles d’ailleurs, avec de l’arthrose – qu’avec la main droite, que ce soit en pizzicato (bonjour les cloches) ou avec cet archet rebelle. C’est le seul instrument que j’ai vraiment « appris », mais c’est lui qui m’a fait comprendre que je ne serais jamais à la hauteur de mes rêves musicaux ! Garcia-Fons, par contre, m’a convaincu s’il le fallait encore de toutes les richesses de cet instrument. Avec lui, la contrebasse se fait lumineuse, enjouée, mélodieuse, primesautière, universelle. Il a innové à tout niveau dans le jeu de son instrument. Une pure merveille !

Je ne connaissais pas Dorantes, mais c’est un pianiste dans la lignée directe de Keith Jarrett, celui qui m’a accompagné dans ma découverte du jazz.

Le dialogue entre ces deux musiciens exceptionnels est tout simplement prodigieux. Il y a une tension permanente, celle qui permet de dépasser la somptuosité du travail technique pour atteindre l’émotion totale, dans des territoires inexplorés et improbables. La musique à l’état pur. Un autre monde. Le nirvana !

mardi 10 novembre 2015

Jeu de dupes


La Belgique politique vit en ce moment un imbroglio sans grande importance sans doute, sauf qu’il ne réconciliera pas les citoyens avec leurs « dirigeants ». Une ministre a visiblement outrepassé les règles des marchés publics, mais elle ne reconnaît qu’une imprudence, avec la bénédiction de ses collègues gouvernementaux. Un bel exemple de jeu de dupes.

Pour ceux qui ne connaissent pas bien la situation belge, un petit rappel. À la suite des élections de 2014, nous avons un gouvernement qui dispose d’une majorité. Si celle-ci est évidente du côté flamand, elle ne l’est pas du tout du côté francophone : un seul parti, le Mouvement réformateur (MR), d’obédience libérale, participe à ce gouvernement alors qu’il représente moins de 30% des électeurs francophones.

Dans cet équilibre boiteux, on voit bien les enjeux : pour les flamands, majoritaires, il est important de concrétiser le maximum de revendications. Pour le MR, minoritaire, l’important est simplement d’exister. Dans le cas présent de la Ministre de la Mobilité, cela se traduit concrètement en deux aspirations parfaitement complémentaires, même si pour cela on ignorera la loi. Le MR se doit d’exister et surtout de ne pas perdre une Ministre, protégée du Premier ministre, qu’on ne saurait remplacer, malgré son incompétence manifeste. Pour sauver leur peau, la Ministre et le MR n’ont qu’une seule solution : obtenir le soutien du reste du gouvernement composé de trois partis flamands. Ceux-ci ne vont pas accorder leur béquille sans obtenir une satisfaction compensatoire. On est dans le dossier de l’aéroport de Zaventem et ces satanés avions qui doivent – de toute façon -  survoler des zones habitées, qu’elles soient bruxelloises (à majorité francophones) ou flamandes. Le jeu politique est simple : dans le cas présent, ce seront les populations flamandes qui seront épargnées, au détriment des francophones (et flamands) de Bruxelles.

Tout ça pour maintenir le MR dans sa position gouvernementale. Que la Ministre Galant ait transgressé – en toute connaissance de cause – les règles des marchés publics, en fait tout le monde s’en fout. Même moi. L’enjeu principal n’est pas là : c’est juste l’exercice du pouvoir qui importe les acteurs de ce malheureux vaudeville. Au-delà de cet enjeu proche, il en est un bien plus important, mais qui visiblement n’intéresse pas les protagonistes du spectacle : la confiance des citoyens dans le jeu politique. Comment pourrais-je, moi, simple citoyen, accorder une quelconque confiance à des politiciens qui non seulement bafouent les règles indispensables des marchés publics, mais qui en plus n’y voient qu’une simple « imprudence », tout simplement parce qu’il faut sauver des têtes au risque de perdre la sienne ? Et qui sont dès lors prêts à tout pour sauver celle-ci !

Pauvre Belgique ! Pauvre démocratie !

samedi 31 octobre 2015

Petits plaisirs

FMG©2015

Il est de ces petits plaisirs qui n’ont l’air de rien. En réalité, ils n’ont parfois pas la moindre importance. Si ce n’est le plaisir qu’ils apportent. Pouvoir tondre un 31 octobre (record battu), simplement vêtu d’un pull léger, fait partie de ceux-là.

Il en est de plus merveilleux encore, bien sûr. J’avoue avoir pleuré d’émotion hier en découvrant une vidéo épurée : on y voit deux personnes parler de ce que serait pour eux leur plus grand plaisir. Seulement, l’une des personnes est atteinte d’un cancer ou proche d’une personne dans cette situation. On découvre là l’abîme qui existe entre les rêves « matériels » des personnes « normales » et ceux des personnes qui savent le prix de la vie et des petits plaisirs. Bouleversant.


Si je suis très sensible au vécu des personnes souffrant d’un cancer, je ne suis pas directement concerné parmi mes proches proches. J’ai beaucoup de chance. Celle qui fait qu’il m’arrive rarement de devoir tourner en rond pour trouver une place pour garer ma voiture : celle-ci s’offre à moi la plupart du temps assez rapidement. Celle aussi qui fait que j’habite là où j’habite. Il est clair qu’il y a beaucoup d’endroits plus sinistres pour vivre. Les circonstances de la vie ont fait que – depuis exactement 29 années – je me retrouve, avec ma famille, dans un endroit un peu idyllique. Tant mieux pour nous ! L’endroit est paradisiaque, mais cela ne veut pas dire que c’est le paradis. Nous sommes en quelque sorte dans une cuvette, entourée d’arbres. Tous les matins de l’année, l’herbe est humide. Que dire sur ce qu’il en est en cette fin d’octobre. C’est là que le plaisir de tondre trouve son sens, une fois de plus. Oui, ce plaisir est vain, dérisoire, insignifiant. Mais qu’est-ce qu’il est bon !

C’était ma minute de plaisir du mois. Elle est merveilleuse, étonnante, magique…

vendredi 23 octobre 2015

Première violence

Deux personnes sont mortes. Si une manifestation n’avait pas bloqué l’autoroute, il est possible que ces deux personnes soient toujours en vie. La presse en fait grand cas, condamnant de facto la dite manifestation. Et par là, tous les mouvements syndicaux. La mort de ces personnes est dramatique. Peut-être la responsabilité des grévistes manifestants est-elle engagée. Mais s’arrêter à celle-ci serait plus qu’un peu court.

Finalement, ce qui est regrettable, c’est l’attitude des syndicats qui – surtout dans un premier temps – ont cherché avant tout à minimiser l’impact possible du blocage de l’autoroute et surtout à reporter la « faute » sur l’hôpital qui n’aurait même pas été capable de prévoir une doublure au chirurgien. C’est dans ce déni de responsabilité que les syndicats perdent surtout leurs plumes. Manque d’empathie et de prise de recul. Dommage.

Pour le reste, il est évident qu’il faudrait avant tout se poser la question sur les raisons qui amènent des travailleurs à manifester de manière violente leur colère face à ce que les patrons et les politiques leur font subir. Que ce soit dans ce blocage d’autoroute, mais aussi dans la destruction d’une chemise d’un responsable des ressources humaines français ou encore dans le chemin inéluctable qui conduit un père de famille à tuer ses trois enfants, sa femme et lui-même… Tous ces événements ne sont pas anodins. Ce ne sont pas des faits divers. Ils témoignent, chacun à leur manière, de la détresse dans laquelle se trouvent des milliers de personnes qui se sentent ignorées, jetées, refoulées par le système et ses décideurs.

La violence est – pour moi – toujours inacceptable. Comme Isaac Asimov l’a écrit dans le Cycle de Fondation, « la violence est le dernier refuge de l’incompétence ». Réduire la violence aux actes de travailleurs exacerbés et méprisés serait cependant une erreur fondamentale et, à vrai dire, elle-même violente. La première violence est celle de ceux qui décident – en raison de leur seul profit - d’exiger toujours plus des travailleurs en offrant à ceux-ci de moins en moins de moyens pour s’épanouir. La première violence est celle de ceux qui décident – en raison d’impératifs théoriques et idéologiques – de priver des citoyens des maigres moyens de subsistance dont ils disposent en ne leur offrant comme seule perspective d’avenir que la rue. La première violence est celle de ce monde qui ne connaît que quelques mots : croissance, individualisme, repli sur soi, mépris, productivité, libéralisme…

La mort de ces deux personnes est dramatique, comme toute mort. La mort sociale et économique de millions de sous-citoyens, même si elle se fait à petit feu, l’est bien plus encore. On ne peut l’oublier, même si les médias n’en feront pas leur Une. Malheureusement.

mardi 13 octobre 2015

Premiers

Ainsi donc, voici la Belgique première au classement mondial de la FIFA (c’est en football, pour ceux qui ne le sauraient pas). Quoi qu’on en pense, c’est un exploit historique dont on a toutes les raisons de se réjouir.

Ce n’est bien sûr qu’un classement basé sur une moyenne de points attribués lors des matchs internationaux, officiels ou amicaux. Inévitablement, la méthodologie est discutable. Les Belges se retrouvent premiers sans avoir jamais battu les neuf suivants ! Bien plus, j’ai appris aujourd’hui que si le match amical gagné contre le Luxembourg n’avait pas été invalidé (étant donné le nombre trop élevé de changements de joueurs), le peu de points qui auraient été gagnés par cette victoire contre une « petite équipe » aurait en réalité fait « baisser la moyenne », ce qui ne nous aurait pas permis d’occuper aujourd’hui la première place ! À quoi donc peut tenir un tel classement !

N’empêche, on y est et il faut se réjouir qu’un « petit pays » puisse atteindre un tel niveau. Cela montre qu’il faut toujours y croire ! Je me souviens, lors de la médaille en or de Fred Deburghgraeve sur l'épreuve du 100 m brasse aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996, avoir entendu je ne sais plus quel autre « grand » sportif avoir déclaré qu’il n’était pas possible que Deburghgraeve soit le vainqueur, car il venait d’un trop petit pays ! Absurde, n’est-il pas ?

Bref, comme beaucoup d’autres Belges aujourd’hui, amateurs ou non de football (je ne le suis pas trop), je me sens un peu fier de ma belgitude. À quoi donc peut tenir un tel sentiment ! Et il n’y a vraiment pas de quoi bouder son plaisir !

vendredi 9 octobre 2015

Paix à la société civile tunisienne

L’attribution du Prix Nobel de la Paix au dialogue national en Tunisie me fait particulièrement plaisir. Non seulement parce que j’ai beaucoup travaillé dans ce pays – j’y ai effectué plus de 50 missions – et qu’inévitablement j’y ai rencontré des amis, mais aussi et surtout parce que ce Nobel est la reconnaissance d’un véritable mouvement démocratique et pacifique.

Comment ne pas oublier que la Tunisie est à l’origine du « Printemps arabe », à partir de décembre 2010 ? Par un slogan clair « Dégage », ils ont réussi – quasiment sans effusion de sang – à faire fuir le « président » Zine el-Abidine Ben Ali, toujours élu – depuis 1987 – avec au moins 98% des voix ! En quelques semaines, les Tunisiens ont réussi la « Révolution de la Dignité ». Un exemple quasiment unique dans l’histoire des révolutions !

Il ne suffisait évidemment pas de faire partir ce dictateur de salon pour résoudre tous les problèmes de la société tunisienne. Ceux-ci sont d’ailleurs loin d’être résolus : pas plus tard qu’hier, jeudi 8 octobre 2015, le député Ridha Charfeddine a été visé par une tentative d'assassinat par balles. Et on ne peut évidemment pas oublier les attentats meurtriers du Bardo et de Sousse.

Malgré ces violences innommables, la Tunisie poursuit son chemin vers une démocratie civilisée, basée sur le respect de toutes les parties de la société civile. Le quartette aujourd’hui primé – l'UGTT, syndicat historique en Tunisie et fer de lance pour son indépendance, le patronat (UTICA), la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) et l'Ordre des avocats – s’est constitué durant l'été 2013, « à un moment où le processus de démocratisation était en danger en raison d'assassinats politiques et de vastes troubles sociaux ». Il a organisé un long et difficile « dialogue national » entre les islamistes et leurs opposants, les obligeant à s'entendre pour sortir d'une paralysie institutionnelle.

Ce Prix Nobel de la Paix récompense bien entendu avant tout tous ces Tunisiens qui ont tout fait et qui continuent à tout faire pour que la transition soit vraiment démocratique et pacifique. Mais il encourage aussi tous les peuples partout dans le monde à s’inscrire dans la voie du dialogue avec la participation active de la société civile, de tous les citoyens qui ne désirent qu’une chose : « vivre en paix » !

samedi 3 octobre 2015

Sui caedere : se tuer soi-même


Voilà longtemps que je voulais écrire un billet sur le suicide. C’est difficile. Comment mettre des mots sur un geste qui – par définition – supprime volontairement tous les mots ? Se suicider, c’est clamer qu’il n’y a plus de place pour le dialogue, que discuter ne servira plus à rien, que seul le silence peut encore apporter une réponse. Parler du suicide, c’est quelque part en nier la réalité !

Et pourtant, il y en a tant. Non seulement autour de moi, mais dans le monde entier. Environ un million de suicides par an, pour dix à vingt fois plus de tentatives. Un suicide toutes les 30 secondes. Une tentative environ toutes les 2 secondes. Réalité difficile à nier.

Chaque histoire est différente, dans toute sa complexité, sa singularité, ses sentiers égarés et tordus. Vu de l’extérieur, on peut comprendre certaines choses. Mais on ne peut jamais se mettre réellement à la place de celui ou de celle qui n’en peut plus, qui ne voit plus d’issue, dont le tourment est tel qu’il est insupportable et n’offre plus comme seule piste que la disparition.

Il me semblerait vain et méprisant de chercher à juger quiconque se suicide. On peut bien sûr se dire qu’il aurait pu agir autrement, que cela ne sert à rien, mais pour le suicidé, s’il est passé à l’acte, c’est qu’il n’y avait pas d’autre solution.

Il n’empêche, quelque part, le suicide est le sommet de l’orgueil, même quand il est le fait de personnes n’en ayant aucune once. Se suicider, c’est croire qu’on est à la fois le problème et la solution. C’est penser que tout ce qui ne va pas ne tient qu’à soi-même et qu’en se supprimant il n’y aura plus de problème. C’est évidemment illusoire. Les problèmes ne disparaissent pas par le suicide. Ils sont simplement déposés dans les bras de ceux qui restent. Cadeau empoisonné, parfois impossible à gérer ou à assimiler. Celui qui est parti ne s’est pas vraiment posé la question de ce qu’il laissait derrière lui. Le fardeau était si lourd pour lui qu’il a fini par s’imaginer qu’il était le fardeau lui-même et qu’il fallait donc disparaître. Si le problème était vraiment son existence, on pourrait penser que le problème disparaît par son départ. C’est sans doute ce que le suicidé pense. C’est rarement ce que ses proches vivront, même dans le respect de sa décision.

Je l’ai dit, aborder le suicide est difficile. Le faisant, je n’ai aucune prétention. Ce billet ne changera rien : si une personne suicidaire le lisait, je doute fort qu’il influence sa décision. Et pour ceux qui restent, après un suicide d’un proche, il n’apportera vraisemblablement aucun réconfort. Mais il est quand même étonnant de constater que ce sujet qui concerne tellement de personnes n’est que peu traité sur la toile, du moins en français.

Il se fait qu’il y a longtemps, en pleine jeunesse, je suis passé par là. Si je suis aujourd’hui en vie, c’est par un curieux concours de circonstances. J’ai finalement été sauvé par ceux qui m’avaient – à mes yeux – condamné. Sans savoir ni trop comment ni trop pourquoi, ils ont fait les actes qu’il fallait faire dans l’urgence. Après, au-delà de l’aspect purement physique, j’ai pu poser mon fardeau auprès d’amis qui m’ont aidé à retrouver le sens de la vie. Les deux personnes les plus impliquées dans cet événement de ma vie – le problème et la solution – sont malheureusement parties trop tôt, emportées chacune par la maladie. Mais je sais aujourd’hui pourquoi et comment je suis encore en vie. Heureux de l’être, grâce à ces autres personnes – mes proches – qui me construisent au quotidien.

La vie est la réalité la plus précieuse que nous avons. Elle n’est pas toujours facile. Loin de là. Mais elle est toujours un cadeau. Le suicide, lui, n’est jamais qu’une sortie de secours. La vie – aussi tortueuse soit-elle – est le chemin. Puisse chacun et chacune trouver le sien.

jeudi 1 octobre 2015

Mauvaise piste

Pas de chance : j’aime jouer ! Notamment à l’ordinateur, avec quelques jeux accessibles par Facebook. J’essaie de me limiter, mais la vérité est là : je joue ! Notamment, un jeu du style Trivial Pursuit. Je viens de devoir répondre à la question : « Combien y a-t-il de pistes dans un stade d’athlétisme ? ».

La réponse me paraissait évidente : 8 ! Dans toutes les grandes compétitions, il y a en finale 8 finalistes… et il faut donc au moins 8 pistes ! Mais le petit ingénu qui a proposé cette question n’est visiblement pas un connaisseur. Pour lui, la bonne réponse n’est autre que 6, oui j’écris bien six pistes ! C’était vrai il y a longtemps, c’est vrai dans un petit stade provincial ! Mais quand même, un vrai stade d’athlétisme a inévitablement au moins 8 pistes !

Si en athlétisme, on peut contester certaines victoires, que ce soit pour dopage ou non-respect des lignes ou je ne sais quoi encore, dans mon bête jeu, impossible de contester quoi que ce soit ! J’ai répondu 8 (= la bonne réponse). Mais il fallait répondre 6 (= la réponse attendue par un ignare). J’ai donc raté et j’ai perdu mon tour sur une question qui était pourtant tellement évidente !

Rassurez-vous : cela n’a aucune espèce d’importance ! J’attendrai simplement mon tour pour – sans doute – gagner la partie au bout du compte ! Et même si je la perdais – hypothèse peu probable – je continuerais à exister et à m’extasier de cette vie qui nous réserve toujours tellement de surprises !

N’empêche, je râle ! D’autant plus que jouant sur la version « ordinateur », il ne m’était même pas possible de signaler que cette question était vraiment mal foutue ! Quand je joue sur une tablette, c’est possible. Mais là, je n’avais qu’à constater l’étendue de l’ignorance humaine !

Ça la fout mal, non ?

mercredi 23 septembre 2015

Le baiser des réfugiés syriens

István Zsíros © 2015

Cette photo a été prise par le photographe hongrois István Zsíros dans la gare Kelety de Budapest, le 30 août, alors que la Hongrie accueillait encore les réfugiés syriens fuyant la guerre. Photographe de mariages, il s’est rendu à la gare. « Une sorte de force supérieure m’a dit de regarder cette scène, et cette aide divine m’a donné la chance de prendre cette image. J’ai vu ce couple, et c’était vraiment touchant, surtout dans cet environnement. Alors, j’ai pris la photo. »

Je ne sais pas s’il y a une quelconque force supérieure qui aide à capturer une telle image, mais celle-ci est d’une force extraordinaire ! Elle vient en tout cas nous rappeler des éléments essentiels – trop souvent absents des discours politiques – face à cette grande transhumance actuelle : les réfugiés sont des êtres humains, comme vous et moi !

Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche le bonheur.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche à manger à sa faim.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche l’espoir d’être reconnu et d’avoir sa place dans la société.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche à parler avec ses semblables, à échanger ses peurs et ses rêves, à reconstruire le monde.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche les moyens et les conditions nécessaires pour éduquer ses enfants et pour leur proposer une histoire à bâtir.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche à travailler, à nourrir sa famille, à participer à la grande aventure humaine.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche la paix, celle des âmes, mais aussi celle qui lui permettra peut-être un jour d’oublier le bruit des fusils, des canons, des proches qui meurent à cause de politiciens ou de chefs inconscients du mal qu’ils génèrent.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche à vivre, tout simplement.
Comme tout être humain, un réfugié ou un migrant cherche l’amour, celui qui s’échange et se construit dans des baisers et des caresses qui permettent de croire – ne fut-ce qu’un instant – qu’on est seuls au monde, unis par cette communion corporelle.

Comme tout être humain – ou presque –, un réfugié ou un migrant cherche à être humain.

lundi 14 septembre 2015

La chasse

Chercher à chasser toute discussion polémique n’est pas une mince affaire ! J’aimerais souvent me taire, mais c’est vraiment difficile de résister à la tentation de venir mettre mon grain de sel. C’est ainsi que je me suis retrouvé dernièrement dans une discussion à propos de la chasse. Avec une position claire : je suis contre.

Tout en étant nuancé évidemment. Il est absolument nécessaire de réguler la faune sauvage qui peuple nos bois et nos champs. Pas sûr cependant que cela passe par une opération de chasse basée malheureusement plus souvent sur le « plaisir de tuer » que sur celui de participer à l’équilibre de la nature.

Mon intention n’est pas ici de relancer ce débat, car je crois en fait que souvent les interlocuteurs se contentent de rester sur leur position et de la défendre sans trop écouter ce que l’autre a à lui dire. Ce n’est pas toujours le cas.

Je me souviens m’être retrouvé un jour chez un ami chasseur, convaincu de son fait. J’avais beau lui dire que pour moi, c’était avant tout le plaisir de tuer qui animait ces chasseurs du dimanche, il ne voulait rien entendre. Jusqu’au moment où nous avons entendu une détonation suivie de quelques mouvements ! Ensuite, le fils aîné de mon ami est arrivé arborant le corps meurtri d’un oiseau quelconque (j’avoue mon ignorance totale). Ce brave enfant venait de s’amuser avec son fusil à plombs à tirer l’oiseau et revenait tout altier vers son père, fier d’avoir pu faire comme lui ! Je vis le père blêmir, horrifié par le geste de son fils. Je sus par la suite que mon ami chasseur ne chassa plus. La détonation s’était faite également dans son cerveau, plutôt bien construit d’ailleurs ! C’est une amitié qui s’est délitée avec le temps et je ne sais pas trop où cet ex-chasseur en est aujourd’hui. Mais l’important n’est pas là.

L’important est que – malheureusement – la chasse continue. Elle s’étend même. Aujourd’hui, les cibles des chasseurs deviennent de plus en plus souvent des êtres humains. Vous savez, tous ces réfugiés et tous ces migrants qui arrivent chez nous avec l’espoir de pouvoir simplement y vivre. Pour certains, il faudrait les chasser. « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », et donc il faut réguler cet afflux de nouveaux arrivants. La meilleure solution n’est-elle donc pas la chasse ? Celle-ci est évidemment un peu plus sophistiquée que le fusil à plombs. Mais ça revient au même : on fait tout pour faire comprendre que ces gens-là n’ont rien à faire chez nous.

Faudrait-il qu’un des enfants de ces chasseurs de migrants prenne son fusil et tire un bon coup, croyant faire plaisir à son père, pour que les chasseurs à la conscience tranquille se rendent compte de ce qu’ils sont en train de faire ? Je ne suis même pas sûr que cela changerait quelque chose.

Quand la vie d’un être vivant – humain ou animal – ne devient qu’un objet de plaisir égoïste, on peut tout craindre. En sommes-nous là ?

samedi 29 août 2015

Quand on n'est que Milanov

Ce 29 août 2015, le brugeois Philip Milanov a gagné la médaille d’argent au lancer du disque, aux Championnats du monde d’athlétisme à Pékin. Jamais un belge n’a réalisé une telle performance. Nous avons déjà eu plusieurs médailles, mais elles n’étaient que de bronze. L’argent, c’est un exploit extraordinaire.

Au journal télévisé de la RTBF, on en a parlé, en fin de journal, pendant une quinzaine de secondes. Pourtant, si cette médaille d’argent avait été obtenue par un des frères Borlée, je suis sûr que cela aurait fait la Une du journal et qu’on en aurait parlé pendant au moins cinq bonnes minutes.

Alors, bien sûr, le lancer du disque est moins populaire et moins spectaculaire que le 400 mètres. Mais est-ce vraiment cela la différence de traitement entre deux informations ? Ce n’est pas lié aux athlètes : ils donnent chacun le meilleur qu’ils peuvent dans ces Championnats du monde. Les frères Borlée sont les plus médiatisés de tous ces athlètes belges, et ils le méritent bien. D’ailleurs, ce sont des cousins !

Ce qui fait la différence de traitement est malheureusement vraisemblablement à chercher ailleurs. Milanov a un nom qui finit par « ov » ! S’il est né, en 1991, à Bruges et s’il est donc « entièrement » belge, son père bulgare n’est arrivé en Belgique qu’en 1989. C’est donc un de ces immigrés dont la populace belge dit actuellement tant de mal, parce qu’ils viendraient voler notre pain et notre travail, sans oublier de violer nos filles et nos femmes.

Qu’on me comprenne bien : je ne tiens pas du tout à attiser moi-même ce racisme primaire qui fait tant de ravages actuellement. Bien au contraire : Milanov a – pour moi – réalisé un véritable exploit ce WE et il devrait logiquement recevoir tous les hommages médiatiques qu’une telle prestation mérite. Il en va d’ailleurs de même de Toma Nikiforov qui, alors même qu’il s’est blessé en début de combat, a décroché la médaille de bronze en catégorie des moins de 100 kg aux Championnats du monde de judo. Le JT en a parlé, rapidement. Lui aussi a un nom qui finit pas « ov ».

En publiant ce billet, je ne veux en rien faire le procès des journalistes, même si je suis convaincu qu’ils auraient pu traiter ces deux informations d’une toute autre manière. Ce ne sont que des informations sportives. Elles ne sont rien par rapport à celle qui parle de la mort de 70 migrants dans un camion, entre la Hongrie et l’Autriche. Mais la place qu’on veut bien donner à ces informations sportives ne reflète-t-elle pas la même logique que ces commentaires déchaînés de ceux qui osent dire « Bien fait pour eux ! » ?

Mais où allons-nous ?

vendredi 28 août 2015

Une oreille attentive

 
FMG©2015

Depuis un peu plus d’un an, je porte des prothèses auditives. Je le dis sans honte ni gène. Cela fait environ 50 ans que je porte des prothèses visuelles – des lunettes, en d’autres mots – et cela n’a jamais dérangé personne, pas même moi. Avec l’âge, j’entendais de moins en moins et – ayant vu quel handicap cela pouvait représenter pour mes parents – je n’ai pas trop hésité à me lancer dans cette nouvelle aventure.

Les prothèses d’aujourd’hui, ou appareils auditifs, ont bien changé : leurs performances sont certainement meilleures que celles que mes parents utilisaient et – surtout – leur discrétion est devenue une réalité. Il est fort vraisemblable que des personnes qui me voient tous les jours n’ont jamais réalisé que j’étais désormais appareillé, tout simplement parce que je ne leur en ai pas parlé.

C’est si petit et si discret que moi-même, parfois, je n’y pense plus. Motard, je sais que je dois veiller – lorsque j’enlève mon casque – à ce qu’elles ne s’enlèvent pas en même temps.

Avant-hier, lorsque je suis rentré à la maison, j’ai constaté avec effroi que mon « oreille » droite avait disparu ! Retraçant mon chemin, je me suis dit que lorsqu’en visitant rapidement un terrain à bâtir, alors qu’il faisait chaud, j’ai décidé à un moment d’enlever mon casque pour entendre le bruit des voitures passant sur la route. À ce moment, il faisait chaud, je n’étais pas à côté de ma moto, je pensais à autre chose… bref, il était plus que vraisemblable que mon appareil soit tombé à ce moment sans que je ne m’en aperçoive. Retrouver cet appareil sur ce terrain en friche que je ne connaissais pas vraiment revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin.

À vrai dire, je dispose d’une assurance « perte et vol ». Mais celle-ci ne couvre évidemment pas toute perte ni tout vol. Notamment, la part assumée par la compagnie dépend de l’âge de l’appareil. Je vous passe les détails, mais – après avoir téléphoné à mon fournisseur – je m’apprêtais à payer une jolie somme…

Encore fallait-il que je fasse une déclaration à la police. Je me préparais à m’y rendre quand je me suis rappelé que si j’avais visité ce terrain, c’était parce que préalablement je m’étais rendu chez une amie pour avancer dans un travail commun. Et si j’avais perdu, toujours sans m’en rendre compte, ce foutu appareil en arrivant chez cette amie ? Un peu comme on jette une bouteille à la mer, je lui ai envoyé un courriel, certain qu’elle ne trouverait rien ! Quelques minutes plus tard, elle me répondait en me disant que je pouvais à nouveau dormir sur mes deux oreilles… !

L’ennui, c’est qu’entre-temps, la pluie n’avait pas arrêté de tomber. Ces appareils délicats n’aiment pas trop l’humidité ! Je les « sèche » d’ailleurs tous les soirs. Après m’être à nouveau rendu chez mon amie pour récupérer la précieuse « oreille », je l’ai essayée : silence complet ! Mais après tout, pourquoi ne pas croire à l’impossible : j’ai soumis cet appareil récalcitrant à plusieurs cycles de séchage. Puis, je l’ai nettoyé, et hop, en le réenclenchant ce matin, j’ai entendu la délicate musique annonçant sa mise en fonctionnement. Et ça fonctionne !

Il y a, de toute évidence, plusieurs leçons à retenir de cette histoire. D’abord, la plus importante est que, même quand on n’y croit plus, il faut continuer à y croire. Vous mettrez ce que vous voulez derrière le « y » ! Mais il faut y croire. Y croire ne suffit cependant pas. Encore faut-il faire ce qu’il faut faire pour transformer cette croyance en réalité concrète. Même si la réalité est là, si on ne fait rien pour qu’elle se concrétise, elle n’existera pas vraiment. Il est toujours temps pour le faire. Et même si les premiers résultats obtenus ne répondent pas à toutes les attentes, il ne faut pas désespérer. Il faut surtout garder confiance et faire ce qu’il faut faire. Au bout du compte, on obtient – parfois, pas toujours – ce qu’on voulait. Même si c’est une toute petite chose, le fait d’y avoir cru et d’être aller au bout de son rêve apporte alors une joie indicible !

Tout ça n’a l’air de rien, mais on gagne toujours à prêter, que ce soit aux autres ou à soi-même, une oreille attentive !

samedi 22 août 2015

Au-delà de la séparation

Les enterrements sont souvent l’occasion de retrouvailles. Un être part. Ses proches se retrouvent pour célébrer ce dernier chemin, pour essayer d’y donner du sens. Ils oublient, l’espace d’un instant, tout ce qui peut les séparer, les diviser. Parfois même, ils réexistent – toujours l’espace d’un instant – comme une véritable entité, comme s’il n’y avait jamais eu de distance.

J’ai vécu aujourd’hui, en observateur bienveillant, un tel phénomène. Il a suffi d’une mort stupide, brusque, inacceptable pour que des familles écartelées se retrouvent, avec tendresse, comme les doigts de deux mains, faites pour se caresser et se réunir. En particulier, une famille nombreuse qui m’est chère s’est retrouvée, pour la première fois depuis longtemps, au grand complet, unie dans la même détresse, mais aussi sans doute dans le même amour.

Cela n’a sans doute l’air de rien, pour ceux qui ne sont pas concernés. L’essentiel, en ce jour, était sans doute ailleurs, autour de ce cercueil qui n’aurait jamais dû exister, ou du moins pas maintenant.

Pour moi, cependant, en ce jour de tristesse, l’essentiel était ici. Simplement dans le fait de voir cette famille réunie, compressée dans cette voiture trop petite pour accueillir tout le monde. J’ignore totalement ce qui s’est passé une fois que la voiture est partie vers la dernière demeure de cet être parti trop tôt, trop mal. Mais je garde, au plus profond de mon cœur, ces mains qui me témoignaient leur tendresse, mais qui surtout – sans même peut-être en avoir conscience - ne faisaient soudain plus qu’une. Au-delà de la séparation.

lundi 17 août 2015

Approche dynamique, et non linéaire, de l’information

Rassurez-vous : je n’ai nulle intention de rentrer dans la problématique des systèmes dynamiques non linéaires (SDNL) postulant que l'évolution de chacun des constituants dépend en général de celle de plusieurs autres constituants, et ce de façon non proportionnelle ou non additive (non linéaire), ce qui est incontestable. Mon propos est beaucoup plus simple : je ne suis pas un fan des vidéos présentant une information linéaire. Mais j’adore lire une information et user de ma liberté de vagabondage de mes yeux vers l’information qui m’intéresse !

Sur beaucoup de sites internet, la tendance est à proposer des vidéos sur l’activité réalisée, sur l’entreprise présentée, sur les concepts fondateurs de la pensée, etc. Autant vous le dire clairement : je ne regarde jamais ces vidéos, sauf si je sais qu’elles vont présenter un événement purement visuel et qu’elles ne prendront pas plus d’une minute de mon temps !

Je préfère de loin la même information présentée sous la forme d’un texte qui va me laisser la liberté de trouver les éléments qui m’intéressent et de laisser tomber ceux qui ne m’intéressent pas. C’est ce que j’appelle un accès dynamique à l’information, en opposition à un accès linéaire tel qu’il est présent dans une vidéo.

Qu’on me comprenne bien : je n’ai rien contre les vidéos, sauf qu’elles ne me conviennent pas. Il est fort vraisemblable qu’elles répondent au besoin de nombreuses personnes, mais moi, ce qu’il me faut, c’est me laisser gambader dans l’information et saisir au passage l’élément qui me ravira !

Même face à un livre, il m’arrive d’avoir un comportement de lecture pour le moins inhabituel (ce qui ne veut pas dire rare) : je lis souvent à l’envers ! Lorsque j’ai dans les mains un livre « scientifique » propre à mon domaine de prédilection – la pédagogie, voire la psychologie – ma première lecture commencera par les dernières pages et remontera, assez rapidement, vers les premières pages. J’ai souvent dit, et je le maintiens, qu’il me faut ainsi environ 5 minutes pour découvrir le contenu du livre et en maîtriser les principaux aspects. Cette lecture à l’envers me laisse la liberté dynamique de découvrir le propos de l’auteur, tout en sachant très rapidement où il veut en venir. J’avoue que ces 5 minutes de découverte me suffisent parfois pour savoir ce que contient le livre et pour pouvoir réutiliser cette information dans l’une ou l’autre de mes publications. Il m’arrive aussi – heureusement ! – de me dire après ces 5 minutes que cet ouvrage vaut vraiment la peine d’être lu à l’endroit (du début à la fin). Mais cette lecture n’est jamais linéaire : elle saute ici ou là.

Il en va bien sûr autrement d’un roman. Dans ce cas, la lecture linéaire s’impose. Quoiqu’il m’arrive – assez souvent – d’aller lire la dernière page, voire même les derniers paragraphes, pour savoir comment conduire ma lecture. Cela ne m’arrive évidemment jamais lors de la lecture d’un recueil de poésie que je lis de la première lettre à la dernière, la plupart du temps en oralisant le poème que je lis.

Tout ça pour dire qu’il me semble aujourd’hui indispensable pour n’importe quel site d’informations de présenter à la fois une information de manière linéaire (une vidéo, un podcast…) et de manière dynamique (du texte, un schéma…) en offrant à chacun la possibilité d’explorer l’information de la manière qui lui convient le mieux.

Au moins, au bout du compte, cette réflexion m’aura permis de publier une belle image !

samedi 15 août 2015

À ne partager que si vous le voulez

S’il y a bien quelque chose que je ne supporte pas sur Facebook ou autres réseaux sociaux, ce sont les panneaux qui se terminent par « Voyons combien de personnes vont partager ce message » ou encore « Clique sur ‘J’aime’ si tu es mon ami. Sinon, tu n’as rien à faire dans mes amis ! », etc.

Les idées présentées par ces panneaux puisés ici ou là sont la plupart du temps généreuses et à diffuser. Mais pourquoi les transformer en chantage affectif ? Pourquoi « obliger » l’autre à partager ou même simplement à « aimer » cette idée sous peine d’être considéré comme un paria ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : si on a le malheur de ne pas partager ou de ne pas cliquer sur le « J’aime » miraculeux, on ne peut être considéré par celui qui affiche le panneau que comme une personne qui se moque de ce qu’il pense, qui ne s’intéresse pas aux statuts des autres, etc.

Les réseaux sociaux ont ceci de merveilleux : ils permettent le partage d’idées à un large réseau d’« amis ». Je n’hésite jamais à partager un sentiment, une information, une réflexion. Par mes partages, je soutiens de manière assez claire des valeurs fortes telles que la solidarité, le respect de la différence, la découverte de l’autre, le souci de la vérité validée… Ces partages me semblent naturels. Souvent, des « amis » cliquent que « J’aime », parfois certains partagent à leur tour, et j’en suis bien content. Tout simplement parce que je me dis que cela signifie que ce partage a pu véhiculer une information nouvelle, conforter quelqu’un dans ses doutes ou encore apporter un peu de lumière dans le grand jeu de la vie. Il ne me viendrait jamais à l’idée que ceux qui ne réagissent pas se moquent pas mal des idées que je partage ainsi. Il est même fort possible que ceux qui apprécient le plus mes partages ne ressentent en aucun moment le besoin de le manifester d’une manière ou d’une autre.

Au bout du compte, ces « chantages au partage » révèlent – parfois – une triste réalité : celle de n’exister que par le regard des autres. Partager une idée ne devient alors plus le plaisir de donner, mais un besoin de reconnaissance pour exister. Cette interprétation est dure, mais elle ne concerne en réalité que l’acte lui-même. Je me garderais bien d’émettre le moindre jugement sur les personnes qui pratiquent ce genre de partages. La plupart du temps, elles trouvent simplement un panneau qui avance une idée ou défend une cause qui leur tient à cœur et elles le partagent – il suffit de cliquer sur un bouton – sans réfléchir trop à ce que ce geste banal signifie !

En conclusion, je ne peux vous inviter qu’à partager ce billet. Mais surtout, ne faites-le que si vous le désirez ! Et si vous ne le faites pas, croyez-moi : il ne vous arrivera rien de spécial, pas plus qu’à moi !

samedi 8 août 2015

La mer, le ciel et la mort

Reuter©2015

Ce matin, j’ai publié sur ma page Facebook, une photo bleue. Bleu clair pour le ciel, bleu foncé pour la mer. La photo a rencontré un petit succès de « J’aime ». Quelques commentaires, dont celui d’un ami cher : « La Terre, si belle, en équilibre précaire ne tient qu'à un fil : celui qui réunit et sépare ciels et mers… ». Il ne croyait pas si bien dire : dans la photo ci-dessus, qui date du 5 août, le fil précaire est rompu. Ces points noirs dans la mer, ce ne sont que des migrants dont l’embarcation vient de sombrer. Ils cherchaient la vie. Beaucoup ne trouvent que la mort.

Ils le savent au départ. Ils en ont peur. Comment en serait-il autrement ? Mais ils ont encore l’espoir. Celui qui fait vivre. Qui fait prendre les risques les plus fous. De toute façon, l’alternative est limpide : soit ils meurent inexorablement dans les conditions où ils se trouvent dans leur pays, soit ils saisissent cette lueur d’espoir d’une autre vie, en Occident, même s’il y a un risque de mort soudaine. Finalement, qu’est-ce que celle-ci changerait pour eux, si ce n’est son côté brutal et asphyxiant ?

La seule réponse que semblent pouvoir leur offrir nos pays consiste en un maigre accueil, en une multitude de tracasseries de toutes sortes et surtout en un regard de pestiférés, comme s’ils ne songeaient qu’à une chose : nous voler, nous obliger à vivre comme eux, nous prendre notre travail, etc. Alors qu’ils n’espèrent qu’une chose : vivre, de manière plus ou moins décente. En être humain, tout simplement.

La Terre et les humains sont confrontés à de réels défis aujourd’hui : faire de celle-ci un lieu où chacun trouve sa place et peut y vivre décemment et librement. Je ne crois pas que l’Europe soit le paradis que ces migrants imaginent. Je ne crois pas que tous – et tous ceux qui les suivront – pourraient trouver ici cette place décente et libre. Mais ce n’est pas en tenant la porte fermée qu’on peut nourrir ses hôtes. Ce n’est pas en ayant des discours destructeurs ou protectionnistes qu’on apportera des solutions fondées sur le respect.

La question est éminemment complexe. Je n’ai pas la solution miracle. Mais je sais que toute solution fondée sur le rejet n’est pas une solution. Je sais que toute réponse ne témoignant que d’un repli sur soi n’est pas une réponse.

Or, nous nous devons de trouver solutions et réponses. Si nous n’y arrivons pas, nous aurons irrémédiablement rompu ce fil précaire qui nous relie à l’« humanité ».

dimanche 2 août 2015

Incognito

FMG©2015

Pendant cinq jours, mon (premier) petit-fils est à la maison. C’est la première fois qu’il reste ici aussi longtemps et c’est un bonheur permanent ! Vous me direz qu’on ne le reconnaît pas très bien en train de faire l’avion aquatique ! C’est voulu : mon petit-fils vit incognito et c’est très bien comme ça !

À l’heure où l’on voit fleurir des milliers de visages d’enfants ou de petits-enfants sur les réseaux sociaux, les parents de mon petit-fils ont choisi de lui laisser sa vie d’enfant et de ne pas l’exposer. Je suis entièrement d’accord avec eux, même si évidemment j’ai aussi envie de partager sa bonne humeur, son sourire et son espièglerie. En 2015, alors qu’on peut savoir tout sur n’importe qui, cet enfant vit incognito, dans l’insouciance de sa découverte du monde.

Que les choses soient claires : ce billet n’est aucunement une critique des parents et grands-parents qui affichent leurs progénitures sur Facebook ou autres sites sociaux. C’est leur choix, leur fierté et c’est très bien ainsi ! Simplement, j’adhère aussi au choix de ma fille et de mon beau-fils de préserver l’intimité de leur enfant. Un des plus grands dangers de nos sociétés est justement la disparition des « bulles personnelles ». Tout cela se vit à des niveaux très divers, mais même si on n’est pas l’enfant d’une célébrité quelconque, il est difficile de rester simplement anonyme, de ne pas exister pour la grande toile.

En écrivant ce billet, j’ai bien conscience d’aller un peu dans le sens de ce que je souhaite dénoncer ! C’est bien toute l’ambiguïté de la situation ! Les parents, les grands-parents, les oncles et tantes… ont légitimement le désir et le plaisir de partager ce qui eux-mêmes les remplissent de bonheur. Mais d’un autre côté, il est légitime aussi de vouloir préserver l’intimité – présente et future – de ces enfants qui n’ont finalement qu’un seul besoin : s’épanouir auprès de leurs proches. Et fondamentalement, j’admire ma fille et mon beau-fils : leur envie de partager est évidemment aussi grande que celle de tous les parents. Mais ils tiennent bon et ont bien raison !

Mon petit-fils restera donc incognito, malgré tout le bonheur qu’il m’apporte !

samedi 1 août 2015

Avant après

FMG@2015

Inutile – je suppose – de vous dire quel est l’avant et quel est l’après ! En tout cas, un beau court-circuit, en bonne et due forme. Avec un début d’incendie… de la haie dans laquelle se trouvait cette allonge. Je suppose qu’à ce moment-là, c’était la drache, comme on dit chez nous. L’incendie s’est éteint et ça s’arrête là. Même pas un fusible ou un disjoncteur qui aurait manifesté sa mauvaise humeur face à ce traitement humiliant. Non, juste un petit incendie de haie aussi rapidement éteint par la pluie qui l’avait – vraisemblablement – provoqué.

On est peu de choses, il faut le reconnaître. La même chose serait arrivée dans la maison et on ne sait pas vraiment où cela nous aurait mené. Mais dans la maison, il ne pleuvait pas ! De toute façon, quand on voit ça, on l’a échappé belle.

Ça s’est bien terminé, mais il est clair que cela aurait pu nous mener ailleurs, là où les mots n’ont plus de sens tant la réalité cruelle s’impose et ravage les choses et les êtres. En un instant, tout peut basculer. Tout bascule pour certains. On se croit toujours à l’abri, et pourtant à tout moment, tout peut basculer.

On passe notre temps à dire à nos progénitures « Fais pas ci, fais pas ça ». Il faut le faire. Mais en réalité, le danger est toujours quelque part ailleurs, là où on ne l’attend pas. Ce n’est parfois qu’un feu de haie qui ne mène nulle part. Je dirais même, ce n’est la plupart du temps qu’un feu de haie qui ne mène nulle part. Heureusement.

La vie ne tient qu’à un fil. Et à quelques prises qui raccordent les fils. On ne fait sans doute jamais assez attention à ces fils et surtout aux prises qui les relient. Ce sont elles pourtant qui font la vie. Mâles et femelles, elles permettent de conduire l’énergie là où elle doit aller. Préservons-les !

vendredi 31 juillet 2015

La lune bleue

FMG©2015

La lune bleue ! Elle n’a rien de bleu. Ce n’est qu’un phénomène lié au décalage entre le calendrier civil, composé de 12 mois de plus ou moins 30 jours, et du rythme des mois lunaires, de plus ou moins 28 jours. Une année normale contient inévitablement 12 pleines lunes, mais tout aussi inévitablement, certaines années comportent 13 pleines lunes. Quand deux pleines lunes ont lieu durant le même mois – comme c’est le cas durant ce mois de juillet 2015 – on parle d’une lune « bleue ».

Elle n’est pas plus bleue qu’une autre lune. L’expression tient à la rareté (relative) du phénomène et elle tient son nom de l'expression anglaise "once in a blue moon", littéralement "une fois toutes les lunes bleues" que l'on pourrait traduire par "tous les trente-six du mois", c’est-à-dire quasiment jamais alors que cela arrive – inévitablement – environ tous les trois ans.

Mais la question n’est pas là. La question, c’est de croire qu’il y a une lune bleue ! Elle n'a en fait de réalité que dans nos cœurs ! L'important, c'est d'y croire et de croire que cet instant - strictement naturel - est fantastique !

On peut même faire croire n’importe quoi. La « lune bleue » que vous voyez sur cette photo n’est en fait qu’une boule lumineuse à énergie solaire qui égaye mon jardin. La seule vérité est qu’elle a été photographiée ce soir, alors que la « lune bleue » existe quelque part. Quelle est la plus vraie ? Ma photo n’est (quasiment) pas trafiquée. Elle est là, cette lune. Il suffit d’y croire. Il suffit de se dire qu’elle est exceptionnelle. Qu’elle transcende le monde. Vous n’y croyez pas ? Vous avez tort.

Mais on a tellement souvent tort devant les évidences qui n’en sont pas, mais qui ont le mérite d’exister et de nous faire espérer !

lundi 20 juillet 2015

La chaleur

FMG@2015

Comme un peu partout en ce mois de juillet, il fait chaud. Mais vraiment chaud ! Trop chaud pour moi ! Je ne vais cependant pas me plaindre. Les mois d'hiver ont été longs et ils ne sont pas si lointains que ça. Alors, dans une approche globale, ce soleil et cette chaleur sont bien agréables. Du moins, quand on trouve un peu d'ombre. Quand on est - comme ce caillou - en plein soleil toute la journée, c'est dur !

En soi, ce n'est pas la chaleur qui me pose problème. C'est surtout le fait que je ne la supporte plus. Ou moins bien. Je me souviens d'étés tout aussi ensoleillés, en Ardèche, quand j'étais jeune. Je pouvais passer quasiment toute la journée au soleil, sans endurer le moindre coup de soleil ni de coup de chaleur. Enfin oui, un jour, j'ai eu une insolation après avoir roulé longuement dans une voiture au toit largement ouvert. Mais globalement, le soleil était mon ami et j'en profitais largement.

Mais voilà, le temps passe et le corps n'est plus tout à fait ce qu'il était. À nouveau, je ne vais pas trop m'en plaindre. Globalement, je me sens mieux dans ma peau aujourd'hui qu'il y a une quarantaine d'années. C'est une question d'équilibre entre le corps, le cœur et l'esprit, pour utiliser de grands mots ! Il n'empêche que si je suis mieux dans ma peau, celle-ci n'est plus tout à fait la même. Elle a moins de résistance. Elle est - notamment - plus fragile aux attaques insidieuses du soleil. Et ça, ça m'énerve !

Pas de raison d'en faire un drame pourtant. C'est comme ça, c'est comme ça. À la réflexion, ce qui m'inquiète plus fondamentalement, ce sont ces vagues de chaleur successives. Là où je suis en ce moment, c'est normal ; ce qui serait inquiétant serait la pluie et le froid. Mais qu'il fasse (très) chaud un peu partout, c'est moins normal. Et les signes ne manquent pas pour penser que ce mouvement climatique ne va pas s'arrêter dans les années qui viennent. Nous devrons nous y adapter. C'est l'évidence, mais ce ne sera pas évident... En attendant, il fait chaud et je me sens un peu comme ce caillou.

vendredi 17 juillet 2015

La planète bleue

FMG©2015

Mine de rien, il y a de jolis coins sur la Terre. Rien de bien nouveau dans ce constat. Mais pouvoir le vivre de près est toujours un émerveillement renouvelé.

Il suffit alors d'un peu (beaucoup) de soleil, d'un peu (beaucoup) d'une étendue d'eau salée, d'un peu (beaucoup) de terres, de roches et de verdure sauvage, et on n'a plus alors qu'à profiter de ces tonalités majoritairement bleues, pleines de lumière et de douceur.

Pas envie d'en dire beaucoup plus aujourd'hui. Juste le bonheur de profiter de tant de beauté lumineuse. 

jeudi 16 juillet 2015

La carte de crédit


FMG@2015

Aujourd'hui, quoi de plus banal qu'une carte de crédit ? Alors que la mondialisation s'est imposée à  de multiples niveaux, la carte de crédit sert à effectuer de nombreux paiements. Bien maîtrisée, elle est un outil précieux et indispensable. En dehors du système international qui permet de la gérer, la carte en elle-même évolue. Ainsi, celle que j'ai reçue il y a un mois, en renouvellement de la précédente périmée, a la particularité de ne plus avoir d'inscriptions en relief, utilisables avec l'antique "sabot". Très bien, sauf que...

Sauf que tout le monde n'évolue pas à la même vitesse technologique que nos banques belges. En réalité, la plupart des paiements se font de manière électronique et c'est la puce contenue dans la carte qui est seule utile. Pourtant, arrivant en vacances sur une île européenne et après une longue attente dans la file, lorsque j'ai voulu prendre possession de la voiture de location que j'avais réservée et payée depuis mon ordinateur, j'ai présenté les trois cartes nécessaires, toutes les trois au même format : ma carte d'identité, mon permis de conduire européen et ma carte de crédit. 

Directement, mon interlocutrice m'a dit, dans une langue universelle aussi étrangère pour elle que pour moi : "Ceci n'est pas une carte de crédit" ! J'ai eu beau lui expliquer, dans cette langue universelle que je manie fort mal, que c'en était bien une, que ma banque m'avait bien dit qu'il fallait insister, que je n'avais jamais vu un pays aussi retardataire, que j'allais dénoncer l'agence de location devant la Cour européenne de Justice, etc., rien n'y fit, cette (jolie) préposée me répétait toujours la même chanson : "Ceci n'est pas une carte de crédit" ! J'avais évidemment bien compris que ce qui lui manquait, c'étaient les inscriptions en relief, seules susceptibles d'être imprimées grâce au sabot en guise de garantie de paiement en cas d'accident.

Pas de panique : l'histoire finit bien. Ayant été un grand voyageur, lorsque ma banque était passée de la carte Visa à MasterCard, sachant que certains pays ne connaissaient pas encore cette dernière (mais oui, mais oui), je m'étais mis en recherche d'une carte Visa gratuite (tout comme ma MasterCard), avec succès. Bref, j'ai sorti de mon chapeau magique ma carte Visa avec tous les reliefs nécessaires et je fus émerveillé par le sourire instantané de la (belle) hôtesse. Quelques minutes plus tard, nous roulions au volant de la voiture tant espérée.

Dans cette affaire, vous avez bien compris que je ne parviens pas à en vouloir à cette charmante femme qui ne faisait que son boulot, avec les outils en sa possession. J'en veux surtout à ma banque (dont je suis pourtant un fervent utilisateur). C'est très bien d'être à la pointe du progrès, mais ils n'ont pas à supprimer les inscriptions en relief si un commerçant quelconque dans le monde - il en suffit d'un seul ! - utilise encore le sabot. Ma carte de crédit est censée m'être utile partout. Je disposais d'une solution alternative, mais que se serait-il passé si ce n'avait été le cas ? Je n'ose y penser !

J'en veux aussi à l'agence de location. Celle-ci disposait bien d'un terminal électronique, mais les procédures ne permettent apparemment pas d'utiliser celui-ci et de se passer du sabot pour "bloquer" cette garantie. Et si elles le permettent, l'agence aurait dû en informer son personnel.

Puis, j'en veux de manière plus large à notre société mondialisée qui fait qu'on n'existe plus qu'à travers nos multiples cartes. Sauf erreur, c'est dans la BD géniale "SOS bonheur" que Hermann dénonce cet état de fait à travers le cas d'un personnage qui a perdu sa carte d'identité et qui donc - pour le système - n'existe plus, n'a plus d'identité, celle-ci n'étant liée qu'à la carte ! C'est horrible.