dimanche 22 juin 2025

Pas si seul que ça


FMG©2025

Pour la première fois de ma vie, j’ai pris des vacances… en solo. C’était ce mois de juin. J’avais envie de tenter l’expérience : me retrouver seul, loin de tout, et surtout partir hors des périodes de vacances scolaires. Dès février, j’ai réservé un hôtel en Vendée, choisi un peu au hasard au fil d’une recherche internet d’un soir. Et voilà, c’était fait : j’étais prêt à vivre quelques jours dans un établissement sans doute déserté, à profiter du calme d’un port de plaisance sans foule ni agitation.

Les trois premiers repas ont confirmé mes attentes : le restaurant de l’hôtel m’offrait une table avec vue directe sur les bateaux, et je savourais ce calme inhabituel, presque suspendu.

Mais dès le quatrième repas, j’ai dû déchanter. La solitude n’allait pas durer.

J’avais complètement oublié que le mois de juin est la haute saison pour les voyages de groupe de toute sorte. D’abord sont arrivés des adolescents venus des environs de Clermont-Ferrand, en stage scolaire de surf. Puis, un autre groupe a débarqué : un car entier de « petits vieux ». Autrement dit, des gens de mon âge. Et tout aussi belges que moi.


FMG©2025

Croyez-le ou non, ce sont ces derniers qui ont le plus bouleversé ma tranquillité.

Ils parlaient tous en même temps, à voix haute, dans un brouhaha incessant. Une dame, probablement autoproclamée organisatrice du groupe, veillait à ce que chacun reste bien soudé à la troupe : pas question de s’installer seul à une table un peu à l’écart. Le service à table avait cédé la place à un buffet, et là, c’était la loi de la jungle. Certains se ruaient sur les desserts avant même d’avoir jeté un œil aux entrées. On me poussait gentiment (ou pas) pour accéder aux plats. J’étais devenu un intrus. Invisible, ou du moins encombrant.

Curieusement, je ne les voyais guère en journée : ils grimpaient dans leur car juste après le petit déjeuner et ne réapparaissaient qu’à l’heure de l’apéro. Enfin… je suppose, car je ne faisais pas partie du rituel.

Et les ados, me direz-vous ? Eh bien, ils étaient étonnamment… calmes. Relativement, bien sûr, mais souriants, polis, respectueux. Des « bonjour », des « passez avant moi », des réponses rapides aux demandes de leurs accompagnatrices — deux jeunes femmes aussi efficaces qu’agréables. Le groupe jouissait d’une belle liberté, manifestement bien encadrée.

En somme, tout l’inverse de ce à quoi je m’attendais : des ados impeccables et des aînés un brin insupportables.

Je ne généralise rien. Ce n’est qu’un instantané, une scène de vie captée durant un court séjour en solitaire. Mais j’avoue que ce constat — inattendu — m’a plu. Et peut-être même un peu rassuré.

vendredi 9 mai 2025

Le Service des Pensions se fout de nous

Je suis retraité depuis le 1er janvier 2016 au terme d’une carrière hybride : j’ai travaillé douze années comme enseignant dans le secteur public et vingt-cinq ans comme consultant dans le secteur privé, les deux se mélangeant parfois. Ma pension pour le secteur privé correspond à 61,78% du montant total brut alors que pour le secteur public elle ne couvre logiquement que 28,99%.

Les forts en math auront constaté que ces deux montants représentent 90,77% de ma pension totale. D'où viennent les 9,23% restants ? Bonne question !

En décembre 2021, je suis devenu veuf pour mon plus grand malheur. Brigitte, ma femme, était en passe de terminer sa carrière d’enseignante. J’ai donc eu droit à une « pension de survie » du secteur public. Lorsque j’ai obtenu cette pension de survie, le montant annoncé au départ ne fut pas le montant final, car – allez comprendre – ce nouveau montant me faisait dépasser le montant initial, ce qui mathématiquement est indubitable, mais qui légalement semblait poser quelques problèmes au fisc. Bref, au bout du compte, j’ai une « pension de survie » de 279,02 € bruts, ce qui est une belle économie pour l’État qui ne paie ainsi que même pas 10% de la pension qu’aurait eue Brigitte.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En novembre 2023, j’ai été amené à devenir échevin de ma commune, jusque décembre 2024. Une petite année avec un revenu supplémentaire (taxé en bonne et due forme), pendant laquelle j’ai – logiquement – cotisé pour ma pension à concurrence d’un peu moins de 300 € chaque mois. Le job étant terminé, j’ai agi – non sans difficultés – pour obtenir cette « pension de mandataire public ». C’est maintenant chose faite : depuis le 1er janvier 2025, j’ai droit à une pension mensuelle de 145,90 € bruts pour cette charge d’échevin ! La belle affaire !

Super… sauf que ! Le fisc ne perd pas le nord. Pour des raisons que seuls les initiés comprendront, ma « pension de survie » passe dans le même temps de 272,09 € (bruts) à 126,19 €. Les forts en math feront à nouveau le calcul : cette « pension de survie » diminue ainsi de 145,90 €, ce qui correspond exactement au nouveau montant de ma « pension de mandataire », soit une baisse de 53,62% de ma « pension de survie ». Bref, rien ne se perd. Ma « nouvelle » pension aura exactement le même montant qu’avant… et le fisc aura gagné environ 3600 € (12 x 300 €) sur mon dos en même temps que la « pension de survie » due à Brigitte diminue encore de plus de 50%.

Si vous m’avez lu jusqu’ici, vous avez beaucoup de courage, mais avouez : le Service des Pensions se fout de ma – de notre – gu… !

Et pendant ce temps-là, à Gaza, c’est encore bien pire : un peuple meurt dans l’indifférence mondiale !

vendredi 11 avril 2025

Banquet vietnamien

 

Le Roi et la Reine des Belges ont dernièrement fait une visite d’État au Vietnam. Comme il se doit, ils ont eu droit à un ou plutôt des banquets royaux ! Comme je les plains !
 
Non pas que la nourriture vietnamienne soit mauvaise. Bien au contraire, elle est la plupart du temps délicieuse. Le problème d’un banquet n’est pas la qualité, mais la quantité. En 1995, j’ai effectué une première mission au Vietnam. L’objectif était d’identifier des projets à mener dans le monde de l’éducation, et en particulier au niveau de l’édition scolaire, financés par l’Union européenne. À l’époque, le Vietnam était encore assez isolé, n’ayant entamé son ouverture vers le monde que dans les années 1980. Toujours est-il que pour les Vietnamiens, notre mission n’était pas celle de deux consultants, Éric et moi, d’une société privée en recherche de nouveaux contrats, mais celle des émissaires de l’Union européenne ! Bref, quasiment le Roi et la Reine des Belges ! 

Nous avons donc, en début de mission, été conviés à un banquet, sans savoir ce qui nous attendait. Le premier plat était délicieux, et c’est avec délectation que j’ai accepté d’en reprendre comme les serveurs me le suggéraient. Le deuxième plat rivalisait avec le premier, et j’en repris volontiers ! C’est à partir du troisième plat – tout aussi exquis – que j’ai commencé à me poser des questions. Devais-je me laisser resservir ou non ? Par politesse, je n’en ai repris qu’un petit peu… Puis sont venus les 4e et 5e plats. Cela s’est arrêté là (avant le dessert), mais j’avoue que j’ai dû vraiment me forcer pour ingérer un peu de ces 4e et 5e plats. Je n’en pouvais plus, j’étais vraiment malade !
 
Ce n’est que bien après, lors du repas clôturant la fin du merveilleux projet mis en place, que j’appris qu’au Vietnam, le nombre de plats est lié à l’importance des convives. Mes nouveaux « amis » m’avaient alors dit que pour avoir 5 services, il fallait vraiment être important ! Presque Roi ou Reine finalement. Cela dit, ceux-ci sont certainement mieux informés que moi et n’ont sans doute pas eu à gérer difficilement leur festin.
 
Ce dernier repas était lui aussi un ravissement pour mes papilles, mais sans excès cette fois. C’était aussi un moment beaucoup moins solennel ! Une guitare était apparue, je ne sais trop comment, et je me souviens avoir chanté – l’esprit légèrement embrumé – une magnifique version personnelle de « J’suis Bruxellois, voilà pourquoi en ville je m’sens chez moi… ». Pas sûr que notre Roi Philippe ait pu lancer la même chansonnette !

mardi 4 mars 2025

L’horrible banalisation de la guerre

Je n’aurais jamais cru vivre les moments que nous vivons. Enfant de l’après-guerre, j’ai la chance de connaître cette période inédite de l’histoire de l’Europe : pas de guerre depuis 1945, soit une période de paix de 80 ans. Cela ne s’est jamais produit, alors que ce devrait être la normale.
 
Depuis mon adolescence et la découverte de la non-violence de Gandhi, Lanza Del Vasto, Dom Helder Camara, Martin Luther King…, je suis convaincu que toute guerre est absurde. Cela m’a amené à ne pas faire mon service militaire : avec un frère l’ayant fait, un autre réformé, un troisième exempté, un père prisonnier de guerre… j’ai pu être « dispensé pour cause morale ». Si cela n’avait pas été le cas, j’aurais été objecteur de conscience, soutenu sans doute par mon père, militaire de carrière, mais qui m’avait dit que cela ne l’empêchait pas d’être anti-militariste !
 
Aujourd’hui, avec tout ce qui se passe autour de la guerre en Ukraine, on assiste à une banalisation de la guerre. Pire même, certains responsables politiques s’en réjouissent ! Les budgets pour la Défense vont augmenter, et celle-ci va pouvoir acheter des armes et des munitions aux entreprises wallonnes qui œuvrent dans ce domaine. Alleluia ! C’est du pain béni : l’industrie wallonne va construire et vendre des armes qui permettront de tuer l’un ou l’autre adversaire. D’ailleurs, le Ministre de la Défense l’a dit avec un grand sourire : « Nous devons nous préparer à la guerre » !
 
Je ne suis pas bégueule. Ni un État ni surtout sa population ne peuvent accepter d’être agressés par un autre pays. La diplomatie devrait toujours être la première et seule arme pour négocier un retour à la paix. Malheureusement, ce n’est que rarement le cas. L’Ukraine a été et est encore agressée par la Russie de Poutine. Elle doit « se défendre » et l’Europe doit la soutenir. Si elle ne le fait pas, la folie hégémoniste du dirigeant russe le conduira jusqu’à Chisinau, puis Bratislava, Varsovie, Berlin, Bruxelles… avec apparemment l’appui des Américains !
 
Je veux donc croire à l’adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre », en espérant que ce ne soit jamais qu’une préparation. J’avoue malheureusement ne plus trop y croire. Il est plus que possible que la guerre arrive jusque chez nous, pays de l’Europe de l’Ouest. Je ne sais pas sous quelle forme ni avec quelles implications. Je n’aurais jamais cru cela. Je constate.
 
Pendant ce temps-là, le vrai problème subsiste et tombe pour les mêmes dirigeants dans les oubliettes : le dérèglement climatique qui inexorablement nous conduit à une impasse. Il est encore possible d’agir et il faut y mettre toutes les énergies. Sinon, les conditions terrestres deviendront telles qu’il sera impossible d’y vivre pour nos enfants, nos petits-enfants…
 
 
Ce billet ne peut s’achever qu’en reprenant ma chanson Guère de guerres. Le contexte a changé, Pas le propos.

Guère de guerres

Il n’y a guère de guerres
Qui en valent la peine
Même les guerres de naguère
Ne conduisent qu’à la haine
Toute guerre est vulgaire
Et tout à fait vaine

Bien sûr la guerre de 100 ans
A duré quelques temps
En est-elle pour autant
Plus jolie pour ses combattants ?
La guerre de Troie, c’est déjà mieux
Elle au moins n’aura pas lieu
Ses guerriers deviendront vieux
Et en béniront les cieux

Bien sûr rien ne vaut les guerres saintes
Qui ne sont jamais en demi-teinte
Pour faire naître la crainte
Et laisser leur empreinte
Sans oublier les guerres civiles
Qui se passent à domicile
Mais conduisent à l’exil
De milliers de civils

Bien sûr les 2 guerres mondiales
Rivalisent en pierres tombales
Comme s’il était presque normal
Pour l’homme d’être bestial
La guerre d’Irak ne fut pas un drame
Grâce à la capture de Saddam
Et à la gloire du programme
De M. Bush et ses amalgames

Bien sûr les guerres continueront
Il y aura toujours des faucons
Pour se conduire en vrais cons
Et faire tonner le canon
Il faut dire que la violence
Dernier recours de l’incompétence
N’apparaît que par ignorance
Des chemins de l’intelligence

François-Marie GERARD - FMG © 2003

mardi 4 février 2025

Pour un air de musique

Au début des années 1980, j’étais jeune instituteur, passionné par mon métier, et aussi célibataire pas si endurci qu’on ne pourrait le croire. Cette situation m’a amené à des rencontres insoupçonnées et sans soupçon. Les enfants ont – la plupart du temps – des parents, et en particulier des mamans. Les affinités, les hasards, les échanges m’ont permis trois rencontres extraordinaires qui ont joué un rôle fondamental dans ma vie de presque trentenaire.

Aujourd’hui, en quelques mois, ces trois mamans sont toutes les trois mortes et, même si je ne les voyais plus guère, cela m’affecte énormément. C’est une part de ma vie qui disparaît.

Marianne. Je n’ai jamais eu aucune de ses deux filles dans ma classe et c’est surtout avec Jean-Pierre, le papa, que j’avais sympathisé, notamment grâce à la préparation de L’ÉCHOlier, le journal de contact que nous avions créé à quelques-uns, parents et enseignants. Un magnifique projet. À force de se retrouver pour des moments de travail convivial, je me suis attardé parfois ou encore invité plus souvent qu’à mon tour. Leur maison m’était toujours ouverte, jusqu’au jour où ils ont décidé de déménager… et où nous avons convenu que j’aménagerais leur grenier. J’y ai vécu trois ans. Je me souviens d’un jour où j’y travaillais, toujours en musique. Ce jour-là, j’avais mis sur la platine « L’homme de la Mancha ». Pas trop fort, pour ne pas déranger. Jusqu’au moment où j’ai entendu, deux étages plus bas, la voix de Marianne me crier « Plus fort ! ». J’ai augmenté le volume et toute la maison a résonné des voix communes de Jacques Brel, de Marianne et de la mienne. C’était bouleversant. En novembre 1980, tout cela nous amenait sur la même scène, au Cabaret de Saint-Dominique, avec Marianne, Jean-Pierre, Marcel, Renée et Paul. Pour un air de musique…

Micheline. Elle non plus, je n’ai eu aucun de ses six enfants dans ma classe, du moins pas en tant que « titulaire ». Dans notre école, on ne se retrouvait pas toujours avec les enfants dont on était « responsable ». Je ne sais plus trop comment cela s’est passé, mais un jour Micheline m’a sans doute dit « Est-ce que tu viens manger ce soir ? Prends ta guitare… ». J’ai répondu à l’invitation… qui est devenue permanente. Quasi toutes les semaines, nous nous retrouvions… et j’amenais mon sac de linge sale que je reprenais propre et repassé la semaine suivante. Nous passions surtout de sublimes soirées « en famille ». Tous les enfants faisaient de la musique… et le piano ou les guitares nous rassemblaient. Pour un air de musique…

Anne. Sa fille Anne-Pascale était dans ma classe, pendant 2 ou 3 années scolaires. Elle venait d’une autre école qui avait déçu ses parents. Ceux-ci avaient de grandes attentes éducatives, pour une école ouverte sur la vie. Nous avons très rapidement sympathisé et notre relation devint une véritable amitié. J’ai accompagné toute la famille en vacances, en Normandie, où fut prise la photo ci-dessus. Il y avait la musique qui nous réunissait, mais aussi les enfants. Isabel, que l’on voit affairée sur ses doigts, et Jean-Christophe, né le même jour de l’année que moi. Et tou·tes les cousins et cousines de cette nombreuse famille. Je faisais un peu partie des meubles, notamment celui de l’installation stéréo pour laquelle je suis encore intervenu, il y a deux ans, à la demande d’Anne, sans vrai succès malheureusement. Quand ma rencontre avec Brigitte, qui deviendra ma femme, s’est épanouie, Anne fut la première à nous accompagner. Il faut dire qu’elles se retrouvaient dans la même chorale. Pour un air de musique…

Ces trois femmes ont contribué à embellir ma vie. Elles m’ont offert un présent inestimable : leur amitié, simple, pure et sincère. Les chemins de la vie nous ont amenés à moins nous rencontrer, et - en ces trois ou quatre derniers mois - à ne plus pouvoir nous rencontrer. Jamais. Elles sont cependant toujours à mes côtés.

En hommage à ces amies, je voudrais publier un air de musique, qui réunit un peu tous nos rêves et réalités. Cette chanson a été créée dans une animation d’enfants, où tout était permis. Elle a été enregistrée pour ma cassette Voyages « avec les moyens du bord » en 1981, dans mon grenier de la maison de Marianne et Jean-Pierre. Elle est chantée par Cécile, fille de Micheline, et par Anne-Pascale, fille d’Anne. Ma grosse voix intervient dans le dernier couplet, que j’ai écrit comme un grand enfant. J’y joue tous les instruments : guitare basse, batterie électronique, flûte à bec, xylophone, orgue, violon (seule et unique fois) et piano, qui n’est autre que celui d’Anne ! Quel souvenir !

Merci Marianne, Micheline, Anne !

Histoire d'animaux

le petit paresseux s'ennuie :
il ne veut pas faire la vaisselle
il rouspète chaque fois qu'on lui demande
et s'en va faire un petit tour
quand il revient il dit bonjour
et tombe tellement qu'il a souri
dégustant un joli moustique
qui ne veut pas se faire manger

les moustiques piquent quand on les embête
seulement en nous chatouillant le nez
ça nous fait riri-gogo-léler
et ça nous fait aussi bégayer
deux jours après, ce s'ra oublié
ils s'en iront chercher autre part
ils iront casser tous les nuages
et tout le monde sera trempé
 
un poisson rouge tourne dans son bocal
passant son temps à bulbuler
le chat tout gris dansant sur la table
espère trouver un bon poisson
le poisson rouge devenu tout gris
espère retrouver sa couleur
le chat tout triste descend de la table
car il n'y a plus de poisson rouge

les lions qui sont dans la montagne
ont bien mangé une dizaine d'oiseaux
ils digèrent bien leur p'tit déjeuner
en nageant dans l'océan indien
maintenant ils sont dans une île déserte
mangeant souris et éléphants
ils dansent avec plein de petites mouches
en les avalant toutes en même temps

un ver de terre venant du ciel
a atterri dans mon potage
j'ai retrouvé son parachute
dans les légumes et vermicelles
il a crié d'une grosse voix :
« cette soupe est bien trop salée ! »
je lui ai dit : « tu n'es qu'un ver(re)
de terre ou d'eau et je te bois ! »

mardi 21 janvier 2025

Et ton rire est un oiseau…

C’est d’abord un bel objet. Un carré de 21,5 cm, épaisseur 7 mm dont 2 couvertures de 2,5 mm. Ça ne laisse que 2 mm de contenu. Pour 30 pages de textes et de photos couleurs. Et quand même aussi, collé sur la couverture arrière, une pochette en plastique avec un DVD blanc intitulé sobrement et ton rire est un oiseau.
 
Je l’attendais. Je l’ai trouvé dans ma boîte aux lettres le 1er janvier, en rentrant d’un petit séjour à la mer hollandaise, avec mes amis fidèles. L’année 2025 a bien commencé.
 
L’objet est numéroté : 55/200. Il contient une dédicace : « Cher François-Marie, cinquante ans de chansons que tu suis depuis longtemps… ». Il ne croit pas si bien dire, l'ami Jofroi. J’ai rencontré une de ses chansons bien avant de le connaître. C’était en août 1973, il y a bientôt 52 ans. Je n’en avais pas même 20. J’avais déjà chanté sur scène et senti que j’aimais la chanson. Celle que Philippe B. chanta ce jour-là me subjugua. Tant par sa mélodie (et sa suite d’accords) que par ses paroles : « Faut bâtir une terre, faut s’inventer la vie, et de l’aube à l’hiver la patience… ». Il me parla d’un Jofroi, un chanteur pas vraiment connu qu’il accompagnait parfois à la contrebasse. J’étais devenu « fan » (ce n’est pas le bon mot, je n’ai jamais été « fan » de quiconque) et ce fut un bonheur de le rencontrer dès 1975 et même de partager la même affiche, en août 1978, à (déjà) Grez-Doiceau, avec aussi Philippe Anciaux, Jean-Claude Pierrot et bien sûr Robert.
 
Mais revenons à l’objet. L’essentiel est donc le DVD, qui reprend le concert pour les 50 ans de chansons, qui s’est tenu à Jodoigne le 17 juin 2022 sous le chapiteau des Baladins du Miroir. J’y étais. Avec Isabelle, l’amoureuse éternelle de Robert. Je ne pouvais assister à ce concert qu’avec elle. Par fidélité, soutien et amitié, dont me parle aussi Jofroi dans sa dédicace.
 
Ce fut un moment extraordinaire, et le DVD rend fidèlement compte de ce moment de grâce. Il le magnifie même : la prise de son est impeccable révélant toute la richesse et la profondeur de cette voix unique et sublimant tout en finesse les instruments de Line Adam, Monique Gelders, Aurélie Goudaer, Gauthier Lisein, Alain Rinallo et Guy Werner. La prise de vue est tout aussi lumineuse : assister au concert est bien sûr d’une évidente communion, mais limitée à un angle de vue. Les caméras multiples et le montage permettent de mieux encore s’imprégner de l’instant, des lumières filiales, de la mise en scène de Pierre Jaccaud. Ce DVD est plus qu’un enregistrement d’un concert exceptionnel. Il permet de revivre au plus près ce moment d’exception, de s’en imprégner, d’y communier de tous ses pores et de tous ses sens.
 
J’ai longtemps hésité à en partager un moment. Je ne suis pas membre actif de deux sociétés de droits d’auteur pour rien. Et puis, je me suis décidé. Avec cette chanson Champs la rivière, devenue Faut bâtir une terre. J’en ai déjà partagé une version où Jofroi est en solo, et je me suis dit que la version de ce concert se justifiait pleinement. Ne la cherchez pas sur le net : elle n’est accessible que par cette page. Merci, Jofroi.

samedi 7 décembre 2024

Mort


Higanbana (Lycoris radiata)

Plus d’une fois, depuis trois ans, je me suis surpris à dire « quand Brigitte est partie », « depuis qu’elle n’est plus là », « après son grand voyage », etc., en commençant bien sûr par l’névitable « Brigitte nous a quittés » (NB de l’institutrice qu’elle était : avec un « s » si possible). J’utilisais ces formules, mais elle me mettait toujours mal à l’aise. Brigitte ne nous a pas quittés, elle n’est pas partie, elle est toujours là. Elle ne sait plus voyager. Elle est morte. Simplement morte.

Bien plus nombreux que ces quelques exemples, les différents euphémismes qu’on utilise pour parler de la mort sont compréhensibles, tant elle est anxiogène, heurte notre sensibilité et nous confronte à des souffrances ravageuses. Cependant, ces détours langagiers ne changent rien à la réalité, celle que nous connaîtrons tous inévitablement : nous sommes mortels. Les mots pour le dire ne changent rien : c’est la mort qui nous attend.

Qu’est-ce que la mort, à part arrêter de respirer ? Durant ma carrière professionnelle, j’ai travaillé la notion de « besoin ». Formateur, j’ai souvent insisté sur le fait qu’il n’existe qu’un seul vrai besoin : respirer. Lorsqu’il n’est plus possible, c’est fini. On meurt. Le 9 décembre 2021, le médecin de Brigitte m’a dit, avec beaucoup de compassion, ces mots terribles : « Nous allons tout faire pour qu’elle ne se rende pas compte qu’elle arrête de respirer ». Je crois qu’elle ne s’en est pas rendu compte trois jours plus tard, même si elle savait. Elle ne savait pas ce qu’était la mort, pas plus que je ne le sais aujourd’hui. Mais elle savait que ce n’était plus qu’une question d’heures.

En revanche, je sais – et Brigitte le savait aussi – qu’il y a des signes. Là où on ne les attend pas, si fragiles. Depuis trois ans, je lis chaque soir avant de m’endormir. C’est devenu une nécessité, je ne l’avais pas avant. La plupart du temps, je lis un des nombreux livres que Brigitte m’a laissés. Dans l’ordre alphabétique des auteurs qu’elle utilisait. À l’approche de ce mois de décembre, je suis tombé sur Une journée particulière, d’Anne-Dauphine Julliand. Cette femme y connaît quelque chose à la mort ayant dû supporter celle de trois de ses quatre enfants. À la page 67 de cette journée particulière, elle raconte l’accueil par Gaspard, 10 ans, de son frère nouveau-né : « Voilà ta famille, mais il y a aussi quelqu’un que tu ne peux pas voir. Plus personne ne peut la voir d’ailleurs. C’est Thaïs. Elle est morte. Tu sais ce que ça veut dire mort ? (Silence). Non, ce n’est pas grave si tu ne sais pas. Thaïs est ta sœur, plus grande qu’Azylis mais plus petite que moi. Je vais te raconter sa vie pour que tu la connaisses. »

Ce n’est pas grave de ne pas savoir ce qu’est la mort. Parce qu’être mort, c’est juste devenir « quelqu’un que tu ne peux pas voir ». Quelqu’un qui fait toujours partie de la famille, qui est toujours là dans nos cœurs, dans nos troubles. Simplement, qu’on ne voit pas. C’est tout.

J’essaie désormais de ne plus utiliser ces euphémismes et de me contenter de parler de «  mort ». Ce n’est en réalité qu’un détail. Les mots ne sont jamais que des mots. C’est cependant une étape de mon deuil. Accepter – encore et toujours – celle que j’aime comme elle est, en toute lucidité et sans détour.

jeudi 14 novembre 2024

« Au service de la population »

 

Il y a juste un an, je devenais conseiller communal et, dans le prolongement, échevin des Finances et du Budget, de la Mobilité, de la Transition énergétique et du Logement. Comme je l’avais écrit à l’époque, c’était un peu par hasard, certainement pas écrit dans mon plan de carrière. J’acceptais simplement de relever un défi : remplacer pour un an un ami échevin qui pour des raisons professionnelles ne pouvait prolonger son mandat.
 
Même si la cheffe de file de l’opposition s’était inquiétée de voir arriver un « novice » à cette fonction, « j’ai fait le job » avec enthousiasme, engagement et compétence. Ce sont les échos qui me sont parvenus de manière explicite tant de la part de citoyen·nes que de membres de l’administration et de collègues politiques. L’essentiel annoncé était de « terminer la législature en continuité du travail déjà accompli, de collaborer avec les partenaires et les groupes citoyens dans un souci d’efficacité pour la réalisation des projets déjà engagés ou projetés, en veillant bien sûr à promouvoir les valeurs écologiques et démocratiques qui me sont chères ». Objectif atteint.
 
La photo ci-dessus a été prise lors de mon dernier conseil communal, ce 12 novembre 2024. En cherchant bien, ceux qui me connaissent me reconnaîtront dans cette assemblée qui – il faut bien le dire – a l’air de fondamentalement s’ennuyer. En réalité, en ce moment précis, ce n’était pas qu’un air ! En cette fin de dernier conseil, il y avait des discours d’(auto)congratulation, sans doute justifiés pour ceux et celles qui finissaient une plus ou moins longue carrière au service de la population, mais passablement ennuyeux.
 
« Au service de la population » ! Cela peut paraître des mots galvaudés, convenus, hypocrites même parfois. Je ne serai pas captieux : s’engager dans une carrière politique, surtout quand on accède à des responsabilités, n’est pas que du « dévouement ». C’est également un besoin d’être reconnu, d’être valorisé, de se démarquer. C’est vrai, mais c’est aussi effectivement vouloir le bien public, chercher à améliorer des situations concrètes, veiller à être à l’écoute de ce que chacun·e pense et essayer de se mettre dans la peau du citoyen lambda pour proposer les solutions les plus pertinentes et les plus efficaces. Ce n’est pas facile, parce que la perception et la vision sont toujours plurielles. Il n’y a jamais une solution miracle bonne pour tout le monde. Il n’y a jamais que des solutions « les moins mauvaises » et – parmi celles-ci – il faut faire un choix qui n’est ni scientifique ni universel. Mais qu’on estime le meilleur, au service de la population.
 
C’est ce qui m’a animé durant cette année. Cela m’a pris du temps et de l’énergie. Les difficultés n’ont pas manqué. J’ai été confronté à beaucoup d’imperfection, à commencer par la mienne. Au bout du compte, j’ai vécu une année passionnante. Chaque jour, j’ai appris quelque chose. Chaque jour, j’ai eu ce sentiment de contribuer à améliorer ce « bien public ». Chaque jour, je me suis émerveillé de participer de manière concrète à des décisions parfois mineures mais toujours importantes pour les personnes concernées. Chaque jour, je me suis senti et j’ai essayé d’être « au service de la population ».
 
Ni les résultats des élections ni les suites politiques sans fair-play de celles-ci n’ont été un renvoi d’ascenseur. C’est frustrant, mais c’est ainsi. Inutile de se morfondre à cet égard. Pourquoi le ferais-je d’ailleurs ? Il me reste quelques jours pour terminer mon mandat. Oserais-je écrire que ce fut une des plus belles années de ma vie ? Tout simplement parce qu’elle était, chaque matin et chaque soir, au service de la population…

dimanche 27 octobre 2024

Vide sidéral

 

Dans un peu plus d’un mois, je prendrai ma deuxième retraite. Autant j’avais attendu la première avec impatience, autant je redoute cette seconde étape.
 
Ma première retraite a officiellement commencé le 1er janvier 2016, bien que mon dernier jour de travail date du 16 décembre 2015, après une période déjà peu productive. Elle marquait la fin d’une « petite » carrière pédagogique de 37 années qui m’a permis de faire à peu près tout ce qui était possible : instituteur titulaire de classes – toujours multigrades – de la 3e à la 6e primaires, titulaire de classe d’adaptation travaillant principalement avec des enfants de 1re et 2e primaires, chercheur dans deux universités francophones, auteur de manuels scolaires, professeur en « école supérieure de pédagogie », professeur de pédagogie en « régendat », maître de conférences invité à la FOPA, enseignant associé pour une université française, formateur d’adultes tant dans les domaines de l’éducation et de la formation, consultant et accompagnateur de projets dans une quinzaine de pays, (co-)auteur d’articles et d’ouvrages scientifiques, directeur adjoint dans mon entreprise… Il y avait encore des choses à faire, mais j’étais fatigué et surtout le climat professionnel proche s’était fortement dégradé. Il était temps de tourner la page.
 
Il faut bien le dire : je me suis un peu enfermé sur moi-même, d’autant plus que nous habitions à l’époque dans un superbe endroit, mais totalement coupé du monde. À peine 10 mois plus tard, nous déménagions pour nous rapprocher de la vie sociale – une des meilleures décisions que nous ayons prises, ma femme et moi. Cette nouvelle vie au sein de notre commune nous a amenés à nous engager pleinement en tant que citoyens, jusqu’à nous présenter ensemble aux élections communales de 2018 sur la liste Ecolo. Même si aucun de nous deux n’a été élu, notre engagement a perduré. Pour ma part, il s’est concrétisé en devenant en 2019 co-président de la Locale. Ayant repris également des activités d’écriture, tant romancière que scientifique, je me suis retrouvé à exercer un temps plein, sans avoir de chef et en organisant mon temps comme je le voulais. Le bonheur.
 
Celui-ci fut parfait en 2020. La crise du Covid nous a offert beaucoup de temps à deux. Ce virus finit par nous toucher presque en même temps. J’ai eu plus de mal à m’en remettre, mais la suite, dépendante ou non, fut bien plus féroce, puisque ce fut un cancer implacable qui s’installa au creux du poumon de ma compagne. Elle n'a pas résisté. Fin 2021, il m’a fallu réapprendre apprendre à vivre seul. Toujours en travaillant beaucoup…
 
Les errances des chemins de vie m’amenèrent, il y a un an, à devoir prendre une décision aux conséquences importantes : accepter ou non de devenir échevin pour terminer un mandat. J’ai fini par accepter, et je me suis retrouvé en charge des finances, de la mobilité, de la transition énergétique et, dans une moindre mesure, du logement. Ce fut une année intense, passionnante, exigeante, où j’ai tout donné pour relever le défi. Comme prévu, ce job se terminera le 2 décembre prochain.
 
Le 3 décembre commencera ma deuxième retraite. Avec un vide sidéral, sans doute plus brutal que je ne veux bien l’admettre. Pourtant, ce n’est pas comme si c’était une surprise. Et, après tout, le vide sidéral n’est-il pas constellé de milliards d’astres plus étincelants les uns que les autres ? Le tout est de les trouver et de les atteindre, en espérant qu’ils ne soient pas trop hostiles. Ce nouveau voyage, je ne sais pas trop de quoi il sera fait. Pour le moment, je n’ai aucune certitude, seulement une myriade d’interrogations.
 
Comme je l’ai toujours dit : on verra.

mercredi 18 septembre 2024

Horreur absolue

Dans la multitude d’activités que j’ai à réaliser pour le moment, j’avais à écrire le billet désormais mensuel pour mon blog. J’avais le choix parmi les quatre libellés qui me guident depuis 2006. J’aurais pu faire un « coup de cœur », par exemple sur cette première noix de l’année que je viens de déguster. Elle était bonne, même si pas encore parfaite. J’aurais pu exprimer mes « interrogations » après avoir entendu une politicienne « engagée » dire qu’il fallait retarder un débat sur le droit des femmes de disposer librement de leur corps sous prétexte qu’il ne faut pas « froisser » un éventuel partenaire de gouvernement. Évidemment, les femmes, elles, on peut les « froisser » sans état d’âme. J’aurais pu discourir sur les « lumières » qu’apporte une émission de télévision comme « N’oubliez pas les paroles » où ce sont les personnes les plus humbles et les plus simples qui finissent par triompher. J’aurais pu…
 
Et puis, l’horreur absolue tombe sur l’humanité : des explosions simultanées de petits appareils de communication qui tuent et détruisent des milliers de personnes, au Liban, de manière aveugle et par surprise. Innocentes ou non, les victimes ne méritent pas une telle violence sournoise.
 
Je ne sais pas qui est responsable de ces explosions. Cela ne peut être qu’une puissance hyper organisée, tournée au quotidien vers l’anéantissement aveugle de ceux et de celles qui essaient d’exister à ses côtés. Il n’y a qu’une seule puissance au monde qui corresponde à ces caractéristiques. Je ne la nommerai pas. Ce serait lui faire trop d’honneur.
 
Elle ne connaît que l’horreur. Ce n’est sans doute pas le plus grand massacre depuis que l’homme existe. Mais c’est sans doute le plus horrible. Imaginez : vous avez dans votre poche un appareil qui permet de communiquer avec d’autres personnes. Peu importe que ces personnes soient recommandables ou non. L’appareil ne sert qu’à communiquer, rien de plus banal aujourd’hui.
 
Soudain, cet appareil – j’avoue ne pas encore comprendre comment – explose. En même temps pour des milliers de personnes. Aveuglément. Résultats : des blessures graves, des amputations, des yeux détruits à jamais… et des morts. Certaines victimes sont peut-être impliquées dans un combat lui-même violent, même si sans arme. D’autres ne le sont pas. Dans les deux cas, elles sont attaquées par surprise, sournoisement, sans s’occuper de l’endroit où elles se trouvent ni d’avec qui elles sont. Gratuitement.
 
C’est l’horreur absolue, la plus abjecte qui soit. Ce soir, je pleure notre humanité perdue. Maudits soient les responsables.

samedi 10 août 2024

Août en novembre

  

Ce billet n’a aucune importance et ne devrait même pas exister. Il ne doit d’être écrit que parce que lors de la publication de mon billet « Vide sidéral », j’ai constaté – horreur absolue – que je n’avais rien publié en août 2024, alors qu’une des règles absurdes que je me suis fixées dans la gestion de ce blog est d’avoir au moins un message mensuel. Je vais essayer de l’antidater, mais pas sûr que ça marchera.

Ça m’a permis quand même de constater qu’en le publiant, il sera le 975e. Un autre objectif que je me suis fixé en cours de route est de publier 1000 billets… et puis d’arrêter Réverbères. Il me reste donc, c’est mathématique, 25 textes à écrire. Nous sommes en novembre 2024. Avec un billet par mois, cela m’amène – c’est tout aussi mathématique – en décembre 2026 si je ne fais pas d’excès de zèle. Or, le blog a été créé le 23 décembre 2006. Vous me voyez venir : si je tiens le rythme, ce blog aura existé exactement 20 ans ! Ça me plaît bien comme idée.

Surtout, désormais, je sais quand cela se finira. Tout ça, grâce à ce billet décalé dans le temps. C’est pour cela qu’il est rangé dans l’intitulé « Lumières », car il m’en apporte.

Que se passera-t-il en janvier 2027 ? Je n’en sais rien. Je pourrais – c’est un vieux rêve – réaliser une sélection parmi ces mille dérives. En sélectionner une centaine par exemple. Éventuellement, les retravailler un petit peu… et pourquoi pas, en faire une publication papier ? Mais nous n’en sommes pas là et on verra bien !

Je suppose aussi que je continuerai à écrire. Peut-être créer un nouveau blog, même si la mode est passée depuis longtemps. Là aussi, on verra. En attendant, profitez de ce beau soleil du mois d’août !

mardi 23 juillet 2024

À quoi ça tient ?

 
Camille Nicolle©2021

À quoi ça tient la vie ? Quand commence-t-elle ? Comment ? Mes parents auraient dû se marier au début des années ’40. La guerre est passée par là, mon père s’est retrouvé quelque part en Allemagne pendant cinq ans, sans liberté. Quand il l’a retrouvée, ils se sont rapidement mariés en faisant ce qu’ils souhaitaient bien naturellement : deux enfants, un garçon et une fille. La vie a décidé de leur en apporter une en plus : un deuxième garçon s’est annoncé à l’insu de son plein gré. Mes parents n’ont pas voulu le laisser seul et ont conçu un troisième gars. C’est ce qu’on m’a raconté du moins, je n’étais pas encore là ! Mais la vie et l’amour ne maîtrisent pas tout : un jour, un racoulot – c’est le mot de ma Maman – s’est annoncé, sans coup férir. C’était moi. À quel moment ai-je commencé à vivre ? Le 12 décembre 1953, jour de ma naissance ? Neuf mois plus tôt, à l’aube d’un printemps vivifiant ? Ou quelque part un peu avant 1940 quand mes parents se sont rencontrés ? Allez savoir… à quoi ça tient ?

À quoi ça tient la création artistique ? Cadet de cinq, il me fallait trouver une place. Je n’avais pas encore cinq ans que je déclarais à qui voulait l'entendre que j'étais le génial inventeur du plan de l'Expo 58, ce plan en forme de vache ! Et qu'en passant, je n'étais pas moins que le brillant concepteur de l'Atomium, n'en déplaise à André Waterkeyn (concepteur officiel). Quelques années plus tard, j’écrivais mon premier poème, brillamment intitulé « La mort de Maman » ! Depuis lors, je n’ai jamais vraiment arrêté de « créer » : des poèmes, des chansons, des articles (parfois scientifiques), des livres (qu’ils soient scolaires, scientifiques, poétiques ou romanesques), des spectacles… Simple question de trouver sa place ? À quoi ça tient ?

À quoi ça tient la représentation ? Fondamentalement timide, incapable – sauf au prix d’immenses efforts – de rentrer en relation bilatérale avec qui que ce soit, toujours déjà ailleurs, je suis entré en représentation, sans jamais me sentir vraiment à ma place. Que ce soit dans ma vie professionnelle, amoureuse, associative, amicale, politique, artistique, familiale, intellectuelle…, je joue mon rôle, sans en avoir réellement les compétences. Touche à tout, je finis par ne toucher à rien… ou par ne rien toucher, c’est selon ! À quoi ça tient ? Tout ça.

vendredi 28 juin 2024

La chambre


FMG©2024

Depuis toujours, la chambre est la pièce que je préfère dans les différents lieux où j’ai habité. Ça tombe bien, c’est l’endroit où d’habitude on passe le plus de temps. C’est aussi l’endroit où l’on peut se retirer du monde pour se plonger dans un calme réparateur, que ce soit en dormant ou non.

Enfant ou adolescent, ce ne fut pas toujours facile pour moi. Dernier d’une famille de cinq enfants, la chambre fut le plus souvent une antre à partager. Au début – mais je ne m’en souviens pas – j’accompagnai mes parents, pendant un hiver frigorifique. À part cette chambre parentale, que je fus le seul enfant à occuper, il y avait trois chambres, pour une fille et quatre garçons. Les comptes étaient faciles. Seul le partage tenait la route. Ce fut assez logiquement avec mon frère Bernard, mon aîné le plus proche. Je garde de très beaux souvenirs de ces moments où nous vivions chacun nos rêves, très différents. On se disputait quelques fois, mais plus souvent, on jouait ensemble. Au début de notre adolescence, nous descendîmes tous les deux d’un étage, dans une chambre plus grande, alors qu’une nouvelle pièce avait été aménagée pour notre sœur. La cohabitation fut plus difficile pour différentes raisons. Celles-ci m’amenèrent d’ailleurs à une opération de révolte : j’allai m’installer dans le grenier, accessible seulement par une échelle avec un matelas placé juste à côté du gouffre ! Je ne sais plus combien de temps a duré ce bras de fer, mais j’obtins gain de cause : la grande chambre du premier étage fut divisée en deux par une mince cloison. Je m’y installai avec délectation, mais non sans concession : c’était l’espace le plus petit avec un minuscule lit à replier chaque jour et avec une servitude de passage pour mon frère. Mais j’étais chez moi. Par la suite, mes frère et sœur s’en allant vivre – parfois de manière provisoire – leur propre vie, j’occupai en réalité toutes les chambres de la maison, avec au total sept « chambres » habitées dans cette maison natale.

Par la suite, mes différents déménagements m’amenèrent à m’installer dans une quinzaine d'autres chambres (sans compter toutes celles dans lesquelles je n’ai fait que passer, dans des hôtels, sordides ou non, lors de mes nombreux voyages professionnels).

Aujourd’hui, je passe mes nuits et d’autres moments dans la chambre. Notre chambre, même si j’y suis seul depuis deux ans et demi maintenant. Nous avions, il y a huit ans déjà, choisi cette maison notamment parce qu’elle offrait une chambre de plain-pied. Naïvement, je pensais que c’était là que nous allions nous installer. Quand je t’en ai parlé, tu m’as rétorqué « Mais tu n'y penses pas, nous ne sommes pas des petits vieux » ! Comme toujours – ou plutôt souvent – tu avais raison. Et nous nous sommes installés à l’étage. J’y suis encore.

Chaque soir, lorsque je rejoins la chambre, je m’installe pour lire quelques pages. Avant, je ne lisais jamais au lit. Tu lisais. J’ai pris le relais. Pour toi. Ce moment d’intimité, c’est avec toi que je le vis. Quand j’ai fini et que je m’apprête à vivre mon propre rituel ancien – un quart d’heure de musique au casque – je m’arrête quelques instants. Je regarde sans regarder le rideau de la fenêtre. Je ne regarde surtout pas ta place qui est vide à côté de moi. Je te regarde, toi, dans ton absence éternelle, mais si présente dans mon cœur, dans ma tête. C’est en réalité le meilleur moment de ma journée.

Alors, je peux m’endormir, dans la chambre. Notre chambre.

mercredi 8 mai 2024

8 mai

 

Papa, je n’aurais jamais pensé vivre ce que j’ai vécu samedi dernier, 4 mai 2024. Je me suis retrouvé devant un monument aux morts, une écharpe d’échevin à mon épaule, entouré de trois drapeaux belges et de personnes qui – comme moi – ont vécu avec un père ancien prisonnier de guerre. Avec un peu d’avance, nous étions là pour commémorer la fin de la 2e guerre mondiale. Et je t’ai parlé, comme j’ai parlé à tous les autres, avec ces quelques mots.
 
 

T’avais 25 ans en l’an 40

T’avais rencontré la femme de ta vie

Tu t’apprêtais à la surprendre

À l’emmener en blanc à la mairie

T’avais pas prévu qu’il y aurait la guerre

Que tu partirais défendre ton pays

Pour te retrouver prisonnier de guerre

En captivité 5 ans de ta vie

Pendant tout ce temps il t’a fallu survivre

Continuer à croire aux vertus de l’amour

Veiller à ne pas partir à la dérive

Pour exister le jour du grand retour

 
Mesdames, Messieurs,
 
Ces mots, je les ai écrits et chantés en honneur de mon père. Il y a 84 ans, au début du mois de mai 1940, sergent volontaire de carrière, il est avec son unité à Massenhoven. La « campagne des 18 jours » va bientôt commencer. Le 28 mai, il apprend la capitulation de l’Armée belge. Il arrive en Allemagne le 5 juin après un long voyage en chalands et en trains, sans vivres et avec très peu d’eau. Il se retrouve au Stalag XIII A à Sulzbach, près de Nuremberg, où il reçoit cette plaque avec le numéro matricule 40.226. C’est le début de 5 longues années de captivité, passées à attendre, même si à la fin de la guerre, le travail à la ferme et au moulin occupait la plus grande partie de son temps.
 
Le 19 avril 1945, après avoir été libéré par les Américains et avoir passé près de 3 semaines dans des casernes de l'ex-armée allemande, mon père a finalement été ramené en train vers la Belgique et est arrivé le 8 mai 1945 à Neufchâteau.
 
C’est ce moment de libération et de renouveau que nous célébrons aujourd’hui, le 8 mai 1945, la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. C'est une date qui résonne profondément dans nos cœurs, car elle marque la victoire de la liberté sur l'oppression, de la paix sur la violence, et de l'espoir sur la désolation. Nous voulons honorer le courage et le sacrifice de millions d'hommes et de femmes qui ont lutté sans relâche pour défendre nos valeurs et notre liberté. Parmi eux se trouvaient nos pères, nos grands-pères, nos frères, nos voisins, qui ont enduré l'horreur des combats, la souffrance des blessures, et la cruauté de la captivité.
 
Je pense bien sûr tout particulièrement à mon propre père, prisonnier de guerre pendant cinq longues années, comme une centaine de milliers de jeunes belges. Son histoire personnelle est le reflet de tant d'autres, une histoire marquée par la résilience, la solidarité et l'espoir. Son courage et sa détermination, tout comme ceux de nombreux autres prisonniers de guerre, sont encore aujourd’hui des sources d'inspiration pour nous tous. Pourtant, Papa n’a jamais voulu nous parler de cette période. C’était un sujet tabou à la maison, comme s’il cherchait à croire que ce n’était pas arrivé.
 
Aujourd'hui, en tant qu'échevin de notre commune rurale et au nom de celle-ci, je ressens le devoir et l'honneur de perpétuer le souvenir de ces héros, de ces hommes et de ces femmes qui ont tout donné pour que nous puissions vivre dans un monde meilleur. Leur sacrifice ne doit jamais être oublié.
 
En ce jour de mémoire, alors que la guerre est aux portes de notre Europe, engageons-nous à préserver et à défendre les idéaux de paix, de liberté et de démocratie pour lesquels tant de personnes ont combattu et sont mortes. Œuvrons sans relâche pour un avenir où les guerres seront remplacées par le dialogue, où les différences seront célébrées plutôt que combattues, et où la solidarité et la compassion seront les fondements de notre société.
 
Ma chanson se termine par ces mots :
 

On ne s’est pas souvent parlé

Ça n’se fait pas d’montrer ses sentiments

Mais sache que ta plus grande liberté

Est d’avoir pu y éduquer tes enfants

T’avais 25 ans en l’an 40

T’as rencontré la femme de ta vie

T’as réussi à la surprendre

À l’emmener en blanc à la mairie

 
Je vous remercie.


samedi 20 avril 2024

Ode aux Odes

 

Quand ce livre est arrivé entre mes mains, par l’entremise d’un ami fidèle, je l’ai regardé avec un certain scepticisme. Constitué de cinquante-quatre textes sans lien entre eux, si ce n’est bien sûr qu’ils sont tous des « Odes » à quelque chose, j’avais peur de ne pas m’y retrouver en les lisant. J’ai bien fait de les lire.

C’est d’abord très bien écrit, même si c’est une traduction du néerlandais. David Van Reybrouck, archéologue philosophe, dispose d’une très large érudition. S’il a à son actif une carrière scientifique impressionnante, il est aussi un auteur reconnu, notamment à travers ses ouvrages Le fléau et Congo, une histoire. Ce qu’il nous partage ici, ce sont des ressentis ou des émotions diverses, mais toujours heureuses.

L’auteur regarde sa vie de tous les jours à travers un prisme positif. Il ne fait pas vraiment de la philosophie et ne tente aucune généralisation. Il parle de lui, de moments furtifs qui l’inspirent, de jubilations contenues mais libérées.

En lisant ces odes, je ne pouvais que penser à ce blog Réverbères. Finalement, je ne fais pas vraiment autre chose que ce partage émotionnel. Ce billet est le 969e du blog, dont la moitié est constituée de Lumières ou de Coups de cœur. Qui sait, peut-être un jour choisirais-je une cinquantaine, voire un peu plus, de mes billets écrits depuis tout ce temps pour les partager à mon tour sous une forme papier. A priori, je me demande bien qui serait intéressé par un tel recueil de textes… mais ayant apprécié ces odes de Van Reybrouck, je me dis que certains seraient peut-être contents de lire ma prose, même s’il est évident que je n’ai ni le talent ni l’érudition de l’auteur.

D’ailleurs, celui-ci termine son ouvrage par ces mots : « Écrire des odes, je le conseille à tout le monde : on en devient plus attentif, plus enthousiaste, plus avide et plus reconnaissant. Bref, ode à l’ode ».

Ode.