mardi 11 avril 2023

Les enfants des autres

Il ne m’arrive désormais que très rarement d’aller au cinéma. Les dernières fois où cela s’est passé, c’est au cinéclub de mon village : CinéGrez. Vendredi dernier, je suis allé voir le film Les enfants des autres. Je l’avoue : c’était surtout pour y admirer Virginie Efira qui vient de recevoir le César de la meilleure actrice pour son rôle dans ce film. Que de chemin parcouru depuis que je l’ai vue en 2005 dans le petit théâtre d’Ittre jouer pour la première fois sur scène la pièce de René de Obaldia intitulée Pour ses beaux yeux.
 
Depuis lors, cette femme m’a toujours subjugué. C’est d’ailleurs elle que j’avais en tête lorsque j’ai créé le personnage d’Aline, dans Retour à l’authentique1, mon premier roman choral. Bien loin du stéréotype de ravissante blonde idiote, Virginie Efira crée dans Les enfants des autres un personnage plein de finesse, de sensibilité, d’interrogations.
 
Après la séance, j’ai eu la chance de parler sur le parking avec une voisine plus ou moins proche. En échangeant sur le film et tout ce qu’il signifie, je me suis souvenu qu’il y a plus de quarante ans, j’ai écrit une chanson intitulée « Les enfants des autres ». En ce début des années 80, j’étais instituteur célibataire. J’adorais mon métier dont le sens indispensable transpire d’évidence. Chaque matin, je n’allais pas au taf. J’allais rejoindre « mes enfants » pour cheminer avec eux vers la connaissance et la conscience.
 
Alors, les mots ont glissé d’eux-mêmes sur le papier.

Ce ne sont jamais
Que les enfants des autres
Peut-être les vôtres
Je leur dis « mes… »

C’est ma chanson la plus courte : 18 mots, 69 caractères ! Mais, à l’époque, c’était pour moi peut-être la plus dense, la plus complète, la plus significative. Toute ma vie y était, pleine de sens et d’intensité. Cette chanson toute simple reste pour moi un tournant. Derrière tout le sens qui la porte, il y avait ce sentiment de ne pas faire partie du « collectif de ceux et celles qui ont des enfants », comme le dit si bien Virginie Efira dans le film. Depuis lors, j’ai eu la chance d’avoir à mon tour trois merveilleux enfants et de connaître ce bonheur incroyable – même s’il n’est pas toujours facile – d’être parents, d’être père.
 
L’enregistrement de la chanson a un aspect particulier. Une de mes élèves avait accepté de me prêter sa clarinette pendant 24 heures. Je n’en avais jamais joué avant et je ne l’ai plus fait depuis. Ça vaut ce que ça vaut ! La guitare et la flûte à bec alto sont normalement mieux maîtrisées, mais les moyens d’enregistrement de l’époque ont leur limite : un seul enregistreur à bande avec copies successives pour rajouter les différentes pistes, le tout copié artisanalement sur cassette, avant, bien plus tard, d’être numérisé. Bref, ne tirez pas trop sur le pianiste…

Les enfants des autres

1 GERARD, F.-M., GRIFFON, S., HAUSMAN, J.-M., MAMMERICKX, S., SLINCKX, I. & TASSILE, P., sous la conduite de JOUNIAUX, A. (2018). Retour à l’authentique, Strépy-Bracquegnies : Le Livre en papier. ISBN 978-2-8083-0329-3

dimanche 9 avril 2023

Obsolescence déprogrammée

 Le 22 mars dernier, la Commission européenne a enfin adopté une « proposition relative à des règles communes visant à promouvoir la réparation des biens ». En bref, davantage de produits devraient être réparés dans le cadre de la garantie légale et les consommateurs disposeront d'options plus simples et moins coûteuses pour réparer des produits techniquement réparables (aspirateurs, tablettes, smartphones…) lorsque la garantie légale a expiré ou lorsque le bien ne fonctionne plus en raison de l'usure.


Responsabiliser les producteurs est certainement le meilleur moyen pour lutter contre l’obsolescence programmée. Il restera des cas où cette lutte sera sans effet, même face à une usure prématurée. Fin 2019, j’ai acheté un nouveau MacBook Pro dont la publicité vantait son autonomie : plus de 10 heures ! Trois ans plus tard, il me restait moins d’une heure avant de devoir me rebrancher.

On me dira « c’est normal »… C’est ce que Apple m’a dit quand je suis allé les voir. Ils m’ont dit qu’il était possible de remplacer la batterie, mais que cela devrait me coûter aux alentours de 300€. Sournoisement, ils m’ont demandé « est-ce que l’ordinateur fonctionne sur secteur » ? En ajoutant donc que je n’avais aucune raison de me plaindre, c’était normal !

Ça ne m’arrangeait pas vraiment, parce qu’un portable qui ne peut pas fonctionner de manière autonome n’est pas vraiment un portable. Bref, vexé, j’ai cherché à en savoir plus. Et j’ai trouvé un tutoriel expliquant comment changer la batterie et me permettant d’avoir 10% de réduction. Ça m’a coûté 80€, matériel spécifique compris.

Bien sûr, encore fallait-il faire le changement en lui-même. La vidéo est très explicite et ça semble simple, mais je me doutais bien que ce ne l’était pas vraiment. J’ai donc préféré faire appel à mon gendre… et j’ai eu bien raison. Il a fait ça calmement, sans s’énerver quand c’était plus compliqué que prévu (surtout décoller la batterie d’origine). Après un peu moins d’une heure, l’ordinateur redémarrait en ayant récupéré une belle autonomie.

C’était sans compter un incident par la suite. Pour rejoindre une réunion, je dépose l’ordinateur sur le siège passager de ma voiture. Au premier carrefour, besoin de freiner brusquement pour éviter un accident. L’ordinateur vole et retombe sur le plancher de la voiture. C’est du bon matériel et tout fonctionne quand je le rallume… sauf que la batterie ne se recharge plus. Deuxième appel à mon gendre qui rebranche un minuscule connecteur.

Un nouveau choc, quelques semaines plus tard, débouche sur la même panne : la batterie se décharge volontiers, mais refuse obstinément de faire le chemin inverse. Cette fois, je me dis « tu es capable »… Bref, j’ouvre le capot de l’ordinateur, je déconnecte et reconnecte le connecteur… et hop, tout fonctionne correctement !

Fidèle à moi-même, je retire quelques leçons de cette histoire :
•    il vaut mieux ne pas trop croire ce que le constructeur officiel vous dit quand il y a une réparation à faire. Il a plutôt tendance à minimiser le problème et à vous proposer une solution coûteuse ;
•    il est possible, dans de nombreux cas, de trouver des solutions alternatives bien moins coûteuses et tout aussi efficaces ;
•    si on ne se sent pas capable de mettre soi-même la solution alternative en œuvre, on peut trouver assez facilement une personne à la fois gentille et compétente, qui ne demande qu’une chose : vous faire plaisir… et réparer le problème ;
•    en observant cette personne agir, on peut se rendre compte que finalement, ça n’a pas l’air si compliqué que ça… et oser par la suite assumer pleinement la situation.

Plus encore que les (indispensables) règles décidées par la Commission européenne, ce sera cela qui permettra de déprogrammer, en de nombreux autres domaines aussi, l’obsolescence qui nous est imposée !

PS : Je ne peux à cet égard que saluer le travail des nombreux Repair Café, dont celui de ma commune.