mercredi 27 septembre 2023

Sauver une libellule… ou l’avenir de jeunes étudiantes ?


FMG©2023

Facebook m’a permis hier de faire une expérience fortuite, mais très instructive. J’ai « posté » deux messages. Le deuxième concernait cette jolie libellule que j’ai sauvée des affres d’une toile d’araignée et à laquelle je souhaitais une « longue vie ». Quand on sait que la durée moyenne de la vie d’une libellule est entre un et trois mois, mon souhait ne signifiait pas grand-chose. Quoi qu’il en soit, ce post a eu un joli succès : 33 personnes ont réagi positivement et 4 ont commenté (plus pour la beauté de la bête que pour mon acte de bravoure).

Plus tôt dans la journée, j’avais posté l’annonce de la publication du dernier article auquel j’ai (intensément) contribué : QCM à points négatifs au début de l’enseignement universitaire – Échecs abusifs et biais de genre. Ça fait évidemment beaucoup plus sérieux qu’une libellule, et les réactions témoignent bien de l’intérêt rencontré par le post : 2 pouces levés (un des coauteurs et mon frère) et 1 commentaire d’une amie qui, visiblement, n’a pas lu le texte référencé.

Inutile de vous dire qu’entre cette libellule tout aussi jolie qu’elle soit et cet article auquel j’ai consacré pas mal d’heures et d’énergie, ma propre préférence va au texte sérieux ! Non seulement parce qu’il est le produit d’un long travail, mais aussi et surtout parce que ce qu’il apporte est essentiel pour l’avenir de nombreuses étudiantes.

En bref, il y a eu un jour un examen universitaire concernant plus de 600 étudiants et étudiantes. Répartis dans deux auditoires différents, un premier groupe a été informé qu’il s’agissait d’un « questionnaire à choix multiple » qui serait noté ainsi : 1 point pour une bonne réponse et 0 point dans tous les autres cas. Les encadreurs du deuxième groupe se sont involontairement trompés : ils ont dit qu’il s’agissait d’un QCM « à points négatifs », c’est-à-dire qu’il y aurait 1 point pour une bonne réponse, 0 point en cas d’abstention (pas de réponse) et -0,25 point pour une mauvaise réponse.

Résultats des courses : alors qu’il s’agit du même questionnaire, l’examen sans points négatifs (premier groupe) est mieux réussi que celui avec points négatifs (deuxième groupe). Et ce sont avant tout les étudiantes qui sont « victimes » de ce mode de notation de l’examen. Il semble qu’elles prennent moins de risques : comme s’abstenir est possible « gratuitement », elles sont plus enclines à adopter cette possibilité alors même que souvent elles connaissent la bonne réponse.

Ces examens par QCM à points négatifs sont encore très répandus. Par exemple, c’est la modalité utilisée en août dernier lors du concours d’admission aux études de médecine et de dentisterie. On ne connaît pas encore les résultats différenciés en fonction du genre, mais il est fort probable que les taux de réussite soient plus faibles pour les jeunes-filles que pour les garçons. De nombreuses postulantes se verraient donc refuser l’entrée dans ces études non pas par incompétence ou manque de connaissances, mais juste parce qu’elles sont des femmes et que la modalité utilisée pour noter le concours les défavorise, comme notre étude le montre de manière scientifique et limpide.

Je suis fier d’avoir pu sauver cette libellule pour quelques heures d’une vie très courte. Mais je serais encore plus fier si la diffusion de cet article parvenait à sauver des centaines d’étudiantes d’échecs dans leurs études et dans le choix de celles-ci.

jeudi 21 septembre 2023

Invisible lumière

 
2020©Philippe Degobert et Adrien Lucca

Pour la première fois depuis que ce blog existe, c’est-à-dire bientôt 17 ans, j’ai été amené à modifier un des 960 billets qui y ont été publiés. J’avais bien changé parfois quelques structures de phrase, quelques mots imprécis, quelques fautes d’orthographe, mais c’était de ma propre initiative et sans grandes conséquences. Ici, j’ai modifié parce que quelqu’un me l’a demandé.

Le billet concerné a été écrit en août 2022 autour d’une citation qui m’avait intéressé. Ayant recherché le texte complet, je m’étais étonné de le voir attribué à deux personnes différentes, dans des versions quasi semblables. Assez rapidement, sur la seule base de l’année de publication des ouvrages concernés, j’en avais conclu que la première version était celle du livre où je l’avais découverte et que la deuxième était donc « empruntée » sans le dire par la personne que je citais. C’est elle qui m’a contacté en me demandant de modifier mon billet.

Ses premières explications ne me satisfaisaient pas vraiment, tout en comprenant qu’elle souhaitait que son nom disparaisse du billet. J’ai donc cherché à en savoir plus, en lui demandant clairement si elle avait emprunté cette citation sans en nommer l’auteur.

Elle m’a répondu qu’effectivement, elle avait « emprunté » ces mots ou cette idée, mais qu’elle ne pouvait les attribuer à un auteur précis puisqu’ils sont issus d’une tradition religieuse millénaire, présente tant dans le Judaïsme que dans l’Islam ou le Christianisme…

S’il y avait quelqu’un qui avait commis une erreur dans cette histoire, c’était bien moi. J’ai trop hâtivement conclu à une forme de plagiat et j’en ai accusé nommément une personne (même si je n’avais pas utilisé le terme très dur de « plagiat »). Je n’oserais pas l’affirmer parce que je ne me souviens pas de tout, mais je crois que c’est le seul billet de mon blog où j’ai accusé une personne précise en la nommant ! Cette accusation étant de plus inexacte, c’est ce qu’on appelle de la diffamation ! Heureusement, la personne concernée est d’une grande bienveillance et il m’a suffi de modifier mon texte pour assainir la situation.

Au-delà de cette dimension factuelle, quelle leçon de vie ! L’objectif de ce blog Réverbères est clairement de contribuer à faire naître un peu de lumière, même et surtout quand la nuit est profonde. Au contraire de celle-ci, la lumière devrait toujours rester invisible pour justement rendre visible les éléments qu’elle éclaire. Je l’avais oublié et j’espère toujours m’en souvenir désormais.