samedi 30 mars 2013

Où est le problème ?

Nous voici donc au changement d’heure. Comme à chaque changement – soit deux fois par an – on va lire çà et là les sempiternelles rouspétances. Pourtant, en ce domaine comme en d’autres, le meilleur moyen de ne pas avoir de problèmes est de ne pas en voir là où il n’y en a pas !

Sans doute, ce petit changement perturbe-t-il certains. Quand on creuse un peu la question, il apparaît que celles qui subissent le plus un effet négatif seraient les vaches laitières qui auraient quelques difficultés à se remettre du changement de rythme, avec non seulement une baisse quantitative de la production, mais aussi de sa qualité ! Elles auraient bien besoin d’une semaine pour s’adapter à la nouvelle donne. Il faut compatir, non seulement avec les vaches en question, mais sans doute surtout avec les fermiers qui sont les premiers à en subir les conséquences.

Pour le reste… On dit que les enfants et les personnes âgées ont du mal à s’en remettre également. Il serait plus correct de dire que certains enfants et certaines personnes âgées éprouvent certaines difficultés à s’habituer à cette modification temporelle. En tout cas, toutes les difficultés – pour autant qu’il y en ait – disparaissent après une semaine.

Les bénéfices du changement d’heure continuent quant à eux durant les 7 mois que dure l’heure d’été. Je ne parle pas des gains énergétiques. On sait que ceux-ci existent, mais qu’ils sont relativement faibles. Je parle simplement des gains en termes de bien-être. Pouvoir disposer de soirées plus longtemps lumineuses, c’est un réel profit ! Ce l’est d’autant plus quand on n’en finit pas de ne pas sortir d’un hiver sombre et froid. Changer d’heure, c’est un peu entrer vraiment dans le printemps et l’été. Et ça, c’est appréciable.

Bref, on ne peut nier que pour certains, ce changement positif est légèrement perturbant. Faut-il pour autant à chaque fois nous bassiner les oreilles avec cette histoire. Bien sûr, il faut rappeler que changement d’heure il y a et réexpliquer à chacun ce qu’il doit faire concrètement. Mais de là à remettre chaque fois en question cette mutation, il y a une marge. D’autant plus qu’en procédant ainsi, les médias ne font sans doute que créer le problème. Or, vraiment, le meilleur moyen de ne pas avoir de problèmes est de ne pas en voir là où il n’y en a pas !

Finalement, dans cette histoire, le plus gros problème est qu’il faut passer en revue toutes les horloges qui n’ont pas encore intégré le changement de manière automatique. Et ça en fait un sacré paquet !

samedi 16 mars 2013

L'inexorable disparition de l'écriture manuscrite

Ces mots, je les écris sur un clavier relié à un écran. Si quelqu’un les lit un jour, ce sera sur un autre écran. Plus que vraisemblablement, il n’y aura jamais personne qui les imprimera sur un papier. Quand bien même ce serait le cas, seule une imprimante interviendra. Ces mots existent, mais ils ne seront jamais écrits à la main « à l’ancienne ». L’écriture manuscrite est en train de disparaître.

Elle ne serait pas la première forme d’écriture à s’éteindre. Il y a longtemps que plus personne ne grave sur une pierre les « coins » de l’écriture cunéiforme des Sumériens. Plus personne ne trace sur des tablettes de cire ni ne dessine sur des papyrus les hiéroglyphes égyptiens ou des alphabets phéniciens. L’arrivée du parchemin, puis du papier, a révolutionné l’écriture qui a cessé d’être l’apanage de quelques privilégiés pour devenir pendant des siècles un moyen de communication largement répandu.

Mais aujourd’hui, alors que l’écrit n’a sans doute jamais été aussi présent, rares sont les occasions où l’on écrit à la main pour communiquer. L’émergence des supports électroniques est d’une telle ampleur que l’écriture manuelle devient obsolète. Il nous arrive évidemment encore d’écrire à la main, mais la plupart du temps, ce sont des écrits courts et utilitaires : une liste de courses, un rendez-vous dans son agenda, un chèque (en Belgique, ceux-ci n’existent même plus)… Bien peu de gens prennent encore le temps d’écrire leur courrier à la main. La plupart des écrivains, poètes, scientifiques… écrivent à l’aide de l’ordinateur. Même dans les auditoires, on voit de plus en plus d’étudiants encoder directement leurs notes de cours.

Il faut dire que l’ordinateur offre de nombreux avantages dont celui de la propreté. Moi qui ne suis jamais arrivé à écrire de manière lisible, je bénis le ciel (et les hommes) d’avoir inventé l’ordinateur. Non seulement je peux écrire lisiblement et proprement, mais aussi je peux penser de manière dynamique et propre. Je peux revenir en arrière. Je peux effacer un mot, le déplacer, le remplacer. L’écriture peut même devenir un processus collectif où plusieurs personnes interviennent directement sur le texte en devenir. Sans oublier bien sûr les correcteurs orthographiques et autres dictionnaires de synonymes qui sont bien utiles quand on sait bien les utiliser. Bref, moi qui ai toujours beaucoup écrit, j’ai l’impression que ma force d’écriture s’est décuplée avec l’arrivée de l’ordinateur.

Inévitablement donc, on peut se poser la question de la disparition de l’écriture manuscrite. Celle-ci aura de moins en moins d’importance. On écrira de plus en plus notre liste de courses, notre agenda et autres babioles sur notre smartphone. Un jour, on se rendra compte qu’on n’écrit plus à la main. Que plus personne n’écrit à la main. Il y aura bien sûr des irréductibles et ils n’auront sans doute pas tort. Mais inexorablement, l’écriture manuscrite disparaîtra. Ce n’est pas pour demain, ni même pour après-demain. Mais peut-être dans 20 ans, dans 50 ans, voire même dans 100 ans. À l’échelle de l’histoire de l’écriture, c’est comme si c’était tout à l’heure.

On y perdra quelque chose, bien sûr. Mais l’humanité s’en remettra. Quand j’étais petit, j’ai appris à extraire des racines carrées à la main. Aujourd’hui, je prends ma calculette et c’est beaucoup plus simple ! Personne n’y a quelque chose à redire. J’ai aussi appris la calligraphie. Cela ne m’a pas aidé à avoir une écriture lisible, mais j’ai passé des heures à remplir des pages avec de belles lettres, en pure perte. La calligraphie a disparu aujourd’hui des classes d’école. Y a-t-il quelqu’un qui y a vraiment quelque chose à redire, en dehors d’une nostalgie vaporeuse ?

Une telle nostalgie n’a pas lieu d’être. À l’université, j’ai appris – avec beaucoup de plaisir – les statistiques. Nous utilisions déjà des calculatrices scientifiques, mais lors de l’examen, nous passions l’essentiel de notre temps à encoder des données pour calculer des moyennes et des écarts-types, afin de faire – quasiment à la main – les calculs de l’un ou l’autre test statistique relativement simple. Aujourd’hui, fini les calculatrices. Les données sont encodées dans un logiciel quelconque et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, on réalise tous les tests statistiques qu’on veut. Le travail n’est plus alors de calculer la valeur d’un t ou d’un F, mais d’interpréter les résultats des analyses réalisées et de leur donner du sens. Grâce à l’ordinateur, le statisticien peut se débarrasser du boulot de singe et se concentrer sur l’essentiel, à savoir l'utilisation des résultats. C’est bien plus intelligent, plus utile, plus complexe, plus significatif.

Il en va de même pour l’écriture. Ne plus devoir consacrer son énergie à l’acte physique d’écrire, être aidé dans la gestion difficile de l’orthographe… tout cela contribuera à aller à l’essentiel : le sens du message qu’on écrit, voire le style qu’on veut lui donner.

Cela dit, l’acte manuel d’écrire a son importance aussi ! Certains affirment qu’écrire à la main est bon pour le cerveau, car l'utilisation du stylo implique davantage d'activité cérébrale que l'utilisation du clavier. Certains médecins conseilleraient d’ailleurs aux personnes âgées de se remettre à l’écriture manuscrite pour garder un esprit vif. Cet acte physique permettrait aussi de structurer la pensée. Les plus fervents de l’écriture manuelle prétendent que le développement des écrans dans notre quotidien conduirait à une mauvaise ou une moindre utilisation de la partie du cerveau consacrée aux mouvements.

D’autre part, il est vrai que notre écriture est un élément fondamental de notre être  et révèle bien des choses sur notre caractère et notre personnalité, du moins pour ceux qui savent décoder et interpréter – sans trop travestir – les différents types d'écritures. Pour écrire, notre cerveau envoie des signaux à nos mains et à nos doigts, via le système nerveux : comme chaque cerveau est différent, chaque écriture est différente. Elle est une autre empreinte digitale ! L’abandon de cette empreinte serait dès lors quelque part une perte d’identité, ainsi d’ailleurs qu’une distanciation de l’histoire de l’humanité…

Tous ces éléments sont importants à prendre en compte et, maintenant que la question de la disparition de l’écriture se pose de manière concrète, il est indispensable de multiplier les recherches pour essayer de comprendre quel peut être le rôle exact de l’écriture manuelle dans la construction de l’identité et de l’intelligence. Ces recherches devront aborder une question essentielle et lourde de sens : faut-il encore apprendre aux enfants de 6 ans à écrire à la main ?

Il est trop tôt pour répondre à cette question. L’école sera sans doute le dernier bastion de l’écriture manuscrite. Quand celle-ci  aura quasiment entièrement disparu des pratiques humaines, on continuera vraisemblablement encore à l’enseigner. Par habitude d’abord, mais aussi parce que de nombreux pédagogues, psychologues, neurologues… argueront du fait que l'apprentissage de l'écriture manuscrite permet de développer la psychomotricité chez les enfants et contribue à la stimulation et au développement de certaines zones du cerveau.

Néanmoins, qu’on le veuille ou non, on est sans doute dans une évolution inéluctable. Un instituteur ayant réfléchi à celle-ci écrit : « S’il fallait en effet vraiment mettre l’accent sur les compétences des citoyens de demain, je supprimerais de mon emploi du temps l’apprentissage des boucles et des ponts, non sans une certaine nostalgie du temps passé, tout comme mes anciens collègues ont dû pleurer amèrement la disparition de l’encrier et de la plume, et de l’apprentissage associé des pleins et des déliés. Les temps changent, les techniques aussi, l’école se doit de les accompagner. »

N’est-ce pas là le véritable défi ? Comment s’inscrire dans le mouvement de l’histoire, en accompagnant – voire en précédant – les évolutions inéluctables, sans s’enfermer dans une inutile et improductive nostalgie ?

lundi 11 mars 2013

Pérégrinations

Hier, j’étais – pour le plaisir – à la pointe nord-ouest de la Belgique, plus précisément d’ailleurs à la pointe sud-ouest des Pays-Bas. Aujourd’hui, j’ai travaillé à la pointe sud-est de la Belgique, plus précisément en France d’ailleurs. Et me voilà de retour chez moi, aux alentours de Wavre. Entre A et B, 323 km.

Dans l’absolu, ce n’est pas grand chose. À l’échelle de la Belgique, c’est énorme. C’est vraiment la traverser de long en large, selon la distance la plus grande possible.

En réalité, ce n’étaient que quelques centaines de kilomètres supplémentaires dans ma vie professionnelle. S’il m’est arrivé de voyager un peu partout dans le monde pour aller travailler, pour le moment, je parcours les quatre coins de la Belgique, ou plus précisément de la Wallonie. C’est un peu long parfois, mais c’est supportable.

Les déplacements en soi ne sont pas désagréables. On peut rêver, écouter de la musique, apprécier les paysages, réfléchir à l’un ou l’autre point en n’ayant pas peur de parler seul tout haut… Quand les conditions climatiques ne sont pas excellentes, comme ce soir au retour, c’est plus stressant, mais à nouveau, c’est supportable.

Mais ce que j’apprécie le plus, c’est que le simple fait de venir de loin, d’avoir parcouru de nombreux kilomètres pour aller travailler avec des gens rend ceux-ci plus disponibles, plus ouverts, plus cordiaux. C’est un phénomène difficile à expliquer et je ne m’autoriserais pas à le généraliser à toute circonstance. Cependant, la plupart du temps, ça marche et j’ai l’impression au bout du compte que ces journées aux longs déplacements sont aussi plus efficaces, plus souriantes, plus épanouies…

Finalement, ce n’est peut-être qu’une impression. Comme si les kilomètres me saoulaient et m’introduisaient dans un univers second. Allez savoir. En attendant, au bout du compte, c’est bien agréable.

dimanche 3 mars 2013

Rendez-lui ses Tours

Lance Armstrong est déchu. Il a triché, il a avoué, il est puni. Et pourtant, j’ose écrire : « Rendez-lui ses Tours, ses victoires, ses exploits ». Il a triché, c’est certain. Mais il a tout simplement triché comme les autres. Chaque jour apporte sa part de nouvelles informations sur les pratiques dopantes dans le cyclisme tout comme dans d’autres sports. Alors, arrêtons l’hypocrisie et acceptons que tous ceux – ou quasi tous ceux – qui gagnent sont d’une manière ou d’une autre préparés à le faire avec toutes les méthodes qui peuvent y contribuer.

Il semble maintenant évident que toutes les victoires au Tour de France, depuis 1991, ont été acquises avec l’aide de cette charmante Erythropoïétine, mieux connue sous le vocable EPO. 1991, c’est la première victoire de Miguel Indurain, avec l’aide du Docteur Conconi, celui qui – en 1984 déjà – avait construit de toute pièce l’incroyable record de l’heure de Francesco Moser.

De 1991 à 2012, cela fait 21 Tours. Dont 7 à l’actif de Lance Armstrong. Un tiers seulement. Mais tous les autres sentent tout autant ce souffre nauséabond. Indurain, Riis, Ullrich, Pantani, Pereiro, Contador, Sastre, Schleck, Evans, Wiggins… plus tous les autres qui ont fini dans les 10 premières places… et tous les autres qui, malgré l’aide médicale, n’ont pas pu atteindre le nirvana cycliste !

Les coureurs étaient-ils plus propres avant 1991 ? Difficile à dire, mais peu crédible. On peut évidemment l’espérer avec, par exemple, quelqu’un comme Lemond. Mais il est sans doute le seul à le savoir avec exactitude. Et encore, combien de coureurs n’ont-ils pas été aidés « à l’insu de leur plein gré » ? On peut remonter ainsi bien loin : le dopage n’est quand même pas une invention des années 80 ! Avant l’EPO, d’autres produits ou procédés ont sévi (et sévissent encore) : ACTH (synacthène), anti-inflammatoires, broncho-dilatateurs, corticoïdes, cannabis (THC), clenbuterol, compléments alimentaires, créatine, hémoglobine synthéthique ou animale, nandrolone, testostérone, transfusions sanguines… sans oublier le « pot belge » !

On sait aussi aujourd’hui qu’il ne suffit pas qu’un coureur – quel qu’il soit – nie fermement s’être dopé pour qu’il dise la vérité. Alors, il est plus simple de croire que, d’une manière ou d’une autre, ils y sont tous passés.

C’est là que je dis : « Rendez à Armstrong ses maillots jaunes ». Bien sûr, il a triché et menti. Sans doute plus et mieux que tous les autres ! Mais être le premier d’une bande de dopés, c’est toujours être le premier. Ses Tours, il ne les a pas obtenus dans un fauteuil. Il a pédalé, sué, souffert… Pourquoi serait-il plus coupable que tous les autres ?

En écrivant cela, je ne cherche pas à l’excuser, en aucune manière. Je constate simplement qu’il est pourri au pays des pourris. Si on voulait vraiment nettoyer l’histoire du Tour – et plus globalement du cyclisme, pour ne pas dire du sport professionnel en général – il faudrait effacer tous les palmarès… depuis que le Tour (ou le sport professionnel) existe ! Cela n’aurait évidemment aucun sens. Alors, gardons les palmarès, en sachant ce qu’ils signifient.

Et puis luttons encore et toujours contre le dopage. Ou alors légalisons-le, puisque de toute façon il continuera à exister. Ne soyons pas stupidement bisounours. Le dopage est un fait et un fléau. Pour l’éradiquer – pour autant que ce soit possible – il faut le voir tel quel : un fait et un fléau. C’est d’ailleurs sans doute dans le cyclisme qu’il est le plus considéré à ce niveau. Que la lutte continue.