vendredi 27 janvier 2012

Semal qui nous prend

Membre de la SABAM, ça ne me sert d'habitude pas à grand chose. Mais grâce à cette bonne vieille société, j’ai pu assister au spectacle « Ceci n’est pas un chanteur belge » de et avec Claude Semal ! Quel bonheur !

C’est loin d’être la première fois que je vois cet artiste en scène, mais ce nouveau spectacle – présenté en avant-première aux Riches-Claires jusque ce dimanche 29 janvier 2012 – est un petit bijou. Semal présente quatorze nouvelles chansons, plus une ancienne « Dormir au chaud », chantée en retrait, avec une violence maîtrisée mais néanmoins bien présente. Et il a tout à fait raison.

Pour le reste, beaucoup de chansons tournent autour de la belgitude – que cela aille d’une merveilleuse « Chez nous » en passant par la recette de la frite « La patate » sans oublier le tube interplanétaire « On a la frite », avec une tendresse aussi infinie que la critique acerbe qui les anime. C’est une des forces de Semal : allier tendresse, analyse critique, humour et poésie ! On est là dans la lignée – complètement assumée – du surréalisme, dans sa dimension la plus originelle.

Au-delà de la Belgique, Semal aborde des thèmes du quotidien : les éclopés de la clope, les maladies nosocomiales, la chirurgie esthétique, les implants érotiques… et même Facebook ! Chaque fois, ce sont de petits régals. Il se montre plus féroce lorsqu’il rend un « vrai » hommage à Guy Môquet, bien plus sincère que celui qu’a voulu donner un certain Président de droite à ce résistant communiste.

Là où Semal m’a le plus ému, c’est cependant dans la relation avec son fils. Si sur scène, celui-ci n’est qu’un œuf ou un ballon, on sent tout au long du spectacle cette incroyable relation d’amour entre le père et son vrai fils. Quel merveille ! Devant tant d’interrogations d’enfant, Semal nous dira deux grandes vérités fondamentales. Face aux inquiétudes de son fils et aux grands enjeux de la résistance, il lui dira simplement d’être lui-même, de croire à ce qu’il croit et de se moquer du reste ! Puis, pour finir, il nous sort une extraordinaire chanson sur « Être utile » où l’on sent bien que si on ne l’est pas, alors tout cela ne sert vraiment à rien, même si c’est futile, aussi petit fut-il…

Un Semal dégagé des artifices qui l’ont parfois accompagné. Mais cette fois subtilement accompagné d’une bande sonore très bien mise en musique par Frank Wuyts. Avec une indispensable mise en voix de Martine Kivits et une belle mise en scène de la compagne Laurence Warin (à côté de qui nous avions l’honneur d’être assis).

Un très beau spectacle à voir encore jusque dimanche… et puis plus tard pour tous ceux qui auront manqué ça. Parce que vraiment, c’est à ne pas manquer !

vendredi 20 janvier 2012

Megaupload dans les cordes

Hier soir, je l’ai vécu en direct. Je souhaitais transmettre à un ami le lien d’un fichier que j’avais transféré dernièrement sur Megaupload… et plus possible de me connecter sur mes fichiers. Megaupload, cette extraordinaire plateforme de partage de fichiers, est dans les cordes par décision de justice américaine.

La question est complexe. Étant moi-même actif dans une société de gestion des droits d’auteurs, je ne vais pas cracher dans la soupe. Le travail d’un auteur, dans quelque domaine que ce soit, est un vrai travail qui mérite salaire. L’explosion de la production numérique ne facilite pas le respect de cette règle essentielle et il faut trouver les moyens de régulation nécessaires pour permettre le respect de ce droit de base.

Maintenant, fallait-il pour autant fermer Megaupload ? Que ce site ait été utilisé pour transférer de manière illégale des tas de fichiers, c’est l’évidence même. Mais est-ce parce que de nombreux automobilistes ne respectent pas les limitations de vitesse sur les autoroutes belges qu’il faut pour autant fermer celles-ci ?

Il faut d’abord constater que la fermeture de Megaupload ne changera sans doute rien aux téléchargements illégaux. D’autres sites existent, qui font la même chose. Et d’autres sites naîtront tout aussi vite. Il y a même fort à parier que plus on fermera des sites de ce style, plus ils écloront. C’est une réalité qu’il me semble indispensable de prendre en compte. À ce niveau, une politique répressive risque fort de ne jamais atteindre ses objectifs, bien au contraire.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire pour que les droits des auteurs soient respectés. Mais il est sans doute plus important et intéressant de trouver des formules qui respectent les auteurs tout en reconnaissant la réalité des échanges numériques. Cela passe sans doute par des contributions au niveau des fournisseurs d’accès à Internet et par des « licences globales » permettant à tout un chacun de télécharger ce qu’il souhaite tout en assurant une rémunération des auteurs.

En plus de ne pas atteindre l’objectif recherché, la fermeture brutale de Megaupload est injuste. Si effectivement la plateforme était le lieu de transferts illégaux, elle était aussi la possibilité de sauvegarder et de partager des fichiers de manière tout à fait légale. Chacun – j’en suis – pouvait y placer des fichiers, personnels ou professionnels, pour en garder une copie et y donner accès à d’autres personnes bien déterminées. La fermeture du site coupe ainsi des milliers d’utilisateurs de leurs fichiers. En réalité, ce sont surtout ces utilisateurs « légaux » qui sont touchés par la fermeture du site. Les « illégaux » sont eux déjà sur d’autres plateformes.

Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on partage des fichiers musicaux ou visuels qu’on est inévitablement dans l’illégalité. Par exemple, le blog Des raretés… pour le plaisir partageait, en passant par Megaupload, des chansons publiées en leur temps sur 33 ou 45 tours et qui n’ont jamais été rééditées en CD. Ces albums rares étaient ainsi partagés avec tous ceux que cela intéressait, sans atteindre d’une quelconque manière les droits de leurs auteurs. Pour certains de ces disques, il est possible de les acheter sur des sites de seconde main. Cela coûte une fortune. Que vaut-il mieux ? Revendre un 45 tours à un prix 100 fois supérieur à ce qu’on l’a acheté il y a 40 ans, ou partager gratuitement ces chansons oubliées pour que chacun puisse en profiter ? Il en est ainsi par exemple du 45 tours du « Double cinq » que j’ai partagé sur ce blog il n’y a pas longtemps et qui est maintenant inaccessible. Loin de léser les auteurs de ces chansons, je crois que je leur donnais une seconde vie !

Il est inutile dans ce débat d’accabler les USA. C’est vrai que la justice américaine a pris une décision qui affecte le monde entier. Elle ne l’a pas prise seule : d’autres pays sont impliqués aussi, dont la Nouvelle-Zélande. Le problème du piratage est effectivement international et on ne peut pas reprocher à une nation de prendre des mesures radicales pour organiser la lutte contre ce fléau. Mais ce n’est pas en prenant des mesures répressives et aveugles qu’on parviendra à faire quoi que ce soit.

En attendant, un outil extraordinaire de partage est fermé – et il y aura sans doute des fermetures d’autres sites. Cela ne change pas grand chose pour les pirates. Mais pour les utilisateurs légaux, cela change énormément, avec parfois même des conséquences dramatiques. De plus, on peut quand même se poser de nombreuses questions au niveau de la liberté. Fermer Megaupload, c’est – qu’on le veuille ou non – museler une partie de notre liberté d’échange. C’est attenter à notre droit fondamental de partager ce qu’on souhaite partager. C’est interdire aux gens de gérer leurs affaires comme ils le veulent. C’est organiser une censure au niveau mondial. Et cela, c’est quand même vachement interpellant !

mardi 10 janvier 2012

Plus ou moins

« Maintenant, je suis ‘plus ou moins pour’ le mariage homosexuel ». Cette phrase fait donc actuellement le buzz. Elle a été prononcée par Laura Beyne qui deviendra quelques instants plus tard Miss Belgique. Pour la tester tant sur ses jugements que sur sa manière de les exprimer, on lui avait demandé son opinion sur les mariages homosexuels. Sa réponse a sans doute globalement été exprimée maladroitement. Que je sache pourtant, on n’attend pas d’une Miss Belgique d’être une championne de la défense des idées. Cette réponse est néanmoins pleine de pertinence.

Elle l’est d’autant plus au moment où des « faiseurs d’opinion » comme Benoît XIV et Mgr Léonard ont répété leur condamnation sans équivoque du mariage entre homosexuels, en accompagnant celle-ci de grandes déclarations nauséabondes. Selon ces messieurs, ce mariage menacerait l’humanité tout entière et les majorités parlementaires qui l’ont adopté usurperaient leur pouvoir ! Ces prises de position sont cohérentes avec le cadre moral dans lequel évolue l’Église. C’est certainement en cohérence interne par rapport à la morale catholique, mais sans doute en incohérence externe par rapport au monde dans lequel nous vivons.

Revenons à Miss Belgique ! Certains bien pensants lui reprochent de ne pas s’être prononcée résolument pour le mariage homosexuel. Constatons d’abord que ce n’est pas le cas de tout le monde. Par exemple, Jean-Pierre Frisee, de l’asbl « Alliage » qui lutte contre l’homophobie à Liège, pense que cette déclaration est seulement anecdotique. De toute évidence, c’est ce qu’elle est. La belle Laura n’a pas cherché à entamer un grand débat moral. Heureusement !

Elle a simplement dit qu’elle était « plus ou moins pour » ! Comme elle a raison. Je ne dis pas cela par rapport au mariage homosexuel. Pour moi, la question n’est pas là, car celui-ci est avant tout aujourd’hui une réalité qui permet à de nombreuses personnes de trouver leur place dans la société, comme ils le désirent.

Mais je crois qu’on gagne souvent à être « plus ou moins pour » plutôt que de se prononcer unilatéralement dans un sens ou dans un autre. La réalité est toujours complexe. Elle est toujours en couleurs. Le noir et le blanc n’y ont pas beaucoup de place. Pour toutes les questions fondamentales, on peut bien sûr avoir une vision très claire, mais on peut aussi avoir des doutes, exprimer des nuances, se poser des questions. Le doute n’est-il pas la marque la plus profonde de l’humanité ? Exprimer des nuances n’est-il pas la meilleure preuve d’une belle intelligence ? Se poser des questions n’est-il pas un passage obligé vers la vie ?

vendredi 6 janvier 2012

Juste deux ans trop tôt

Il y a un peu plus de trois ans, je célébrais ici le départ de mon ami Stephen vers la préretraite (ou plutôt DPPR – Disponibilité pour convenance personnelle Précédant la Pension de Retraite [faut le savoir quand même]). Depuis, il se porte bien, merci pour lui. Si j’avais fait la même carrière que lui – c’est-à-dire si j’étais resté instituteur – j’aurais pu faire la même chose. J’ai choisi une autre voie et je suis loin de le regretter. Mais désormais, la date de ma pension s’est éloignée d’un coup !

Enfin, oui et non. En réalité, la date officielle est toujours la même : 65 ans (soit fin 2018 ou début 2019). Mais avec l’arrivée de notre nouveau gouvernement belge, les règles ont un petit peu changé. À l’époque, je pouvais prendre – comme tous les salariés belges – une pension anticipée à partir de 60 ans. Ce seuil va passer à 62 ans. Bon, deux ans de carrière en plus, ce n’est pas dramatique (d’autant plus que je n’avais pas encore pris de décision formelle). Mais ça, c’est sans compter une autre modification : désormais, il ne suffira plus de 35 ans de carrière (que j’aurai en 2013), mais de 40 années (et cela, je ne les aurai qu’en 2018).

Très concrètement, je pouvais donc arrêter de travailler à partir de 60 ans alors qu’avec les nouvelles règles – dont les arrêtés d’application doivent encore être concrétisés – je devrai me maintenir jusque 65 ans. Je suis passé d’un seul coup d’une possibilité de retraite dans 2 ans à une obligation de prester encore 7 ans. Cela fait une augmentation soudaine et brutale de 350% !

Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas en train de me lamenter sur mon triste sort ni même à contester le bien-fondé des décisions gouvernementales. C’est vrai qu’elles ne me plaisent pas trop dans ce qu’elles impliquent pour moi, mais d’un autre côté il fallait bien faire quelque chose pour réformer le système des pensions, car c’était invivable à moyen terme. Je ne sais pas si les décisions prises sont les meilleures à prendre ni même si elles permettront d’atteindre leurs objectifs. Je ne suis ni économiste ni politicien. Mais il fallait faire quelque chose et ce quelque chose correspond sans doute globalement à ce qui a été décidé.

Tout changement de règles à ce niveau a des répercussions pour tout le monde. Mes enfants qui rentrent petit à petit dans la vie professionnelle ne peuvent même pas savoir à quel âge ils pourront prendre leur pension ni même s’ils auront une pension. Je sais aussi que dans la majorité des pays de notre Terre, les gens ne savent même pas ce qu’est une pension, ou si peu ! Bref, je ne vais pas me larmoyer sur mon sort, mais ça fait quand même un choc.

Je fais un métier passionnant qui ne sera jamais reconnu comme ayant une certaine « pénibilité » (d’ailleurs, il faudrait pour ça que mon métier soit tout simplement « reconnu »). Il ne faut cependant pas croire qu’il ne fatigue pas, tant moralement que physiquement. Et donc, 7 années à prester encore, cela me paraît beaucoup… et je me serais volontiers passé d’une partie de celles-ci !

Qu’à cela ne tienne, lundi, je recommence à travailler pour une année 2012 qui sera bien intensive ! Sachant combien de gens aimeraient simplement pouvoir travailler, j’en ai bien de la chance !

lundi 2 janvier 2012

Les signaux détournés (11)

Par ces temps de fêtes, il faut savoir encaisser tous ces ingrédients succulents qu’on ingère en parfaite décontraction, sauf le lendemain quand on se regarde dans ce foutu miroir qui n’hésite jamais à accentuer tous les défauts de notre corps. Comme si ce n’était pas déjà assez affreux comme ça !

Toujours est-il que c’est assez déconfit que j’avais accepté une énième invitation à un repas de fête pour célébrer dignement cette année qui allait finir ou commencer, je ne sais plus trop bien. Mon esprit était vaseux et mon ventre gargouillait doucement à la suite des quelques festivités que je lui avais déjà infligées. C’était assez affligeant !

Je ne connaissais pas trop l’endroit et mon appareil de guidage satellitaire l’ignorait tout simplement. C’était bien parti. Après de nombreux détours, je finis par arriver devant des grandes grilles grises, largement ouvertes. Dès que je les dépassai pour emprunter une longue allée, je fus surpris de découvrir de curieux signaux routiers. D’habitude, ceux-ci sont plutôt rares dans une propriété privée. Si le signe du Yin et du Yang avait de quoi me rassurer – quoique, on ne sait jamais trop bien ce qu’il signifie –, je n’en dirais pas autant des hiéroglyphes qui ornaient le bas du signal d’interdiction. Que pouvaient-ils signifier ? Dans quelle secte allais-je me retrouver ?

Arrivé devant une belle bâtisse, je garai ma voiture et pénétrai dans cette demeure largement éclairée. Dès mon entrée, je découvris un buffet somptueux où de nombreux mets s’offraient au plaisir des yeux. J’eus cependant un haut-le-cœur m’effrayant déjà de devoir remettre ça !

La charmante personne qui m’avait invité se dirigea alors vers moi et me prit par le bras en me demandant si je connaissais leur mouvement : le MLM ! Je dus bien avouer mon ignorance totale. Elle souria et me demanda si je connaissais alors le seul régime alimentaire qui fonctionne vraiment ! Ayant été horrifié de me voir dans le miroir matinal, je lui montrai à la fois mon ignorance et mon intérêt. Elle souria encore et déclara « MLM » ! De plus en plus intrigué, je lui demandai de s’expliquer. M’emmenant faire le tour de l’incroyable buffet composé de deux mille douze douceurs plus affriolantes les unes que les autres, elle me dit que c’était bien simple : je pouvais manger de tout (enfin, façon de parler en l’occurrence), à la seule condition « MLM » ! Elle me susurra alors à l’oreille le secret de leur secte : « Mange La Moitié » ! Pour maigrir durablement et ostensiblement, il suffit de manger la moitié. J’ai envie d’un steak de 200 grammes. Pas de problème, pour autant que je n’en mange que 100 grammes. Je rêve de boire un bon whisky. Pas de problème, mais un verre servi à demi suffira. Une dame blanche est mon dessert préféré. Pas de problème, mais une boule de glace au lieu de deux fera très bien l’affaire. Et ainsi tout à l’avenant !

J’étais émerveillé. Voilà la solution et la voie, que je recherchais depuis si longtemps. Je décidai d’entrer immédiatement en religion et je mangeai le meilleur des festins que j’avais jamais dégustés. Mais la moitié seulement.

Alors que je profitais pleinement - c'est un euphémisme bien sûr - de ces adorables pitances, je fus intrigué par un couple qui en faisait tout autant, à la seule différence qu’à première vue ils ne semblaient pas réellement se priver de la moitié ! À côté d’eux, j’avais d’ailleurs une taille mannequin ! Je m’approchai d’eux et comme ils m’invitaient à les rejoindre, je leur demandai s’il y a longtemps qu’ils faisaient partie du mouvement MLM. Ils éclatèrent de rire et me confièrent qu’ils en étaient en réalité les fondateurs. Ils n’y avaient cependant plus aucune responsabilité, car les gourous actuels n’appréciaient pas vraiment leur évolution. Voyant mon regard étonné, ils m’avouèrent enfin qu’ils avaient un peu détourné le slogan fondateur « MLM » ! Je les invitais à m’en dire plus, mais visiblement ils hésitaient. Ils durent sans doute reconnaître en moi un futur adepte, et ils m’avouèrent : « MLM… Mange Le Maximum » !

Je fus pris d’une nausée sordide… et je m’en allai rejoindre ma voiture pour m’enfuir aussitôt. Je ne fus qu’à moitié étonné de constater que la moitié de mon réservoir avait été siphonnée. Il y en a qui ne perdent pas facilement le sens de leur vie.