vendredi 31 décembre 2021

Instant de lumière

Le ciel n’est pas toujours bleu.
Parfois même, les nuages cachent la pureté de l’air.

    Derrière le brouillard, les sourires continuent à se dessiner.
    Au-delà des obstacles, l’amour persiste et nourrit.
    Au travers des nœuds inextricables, la vie émerveille et se laisse saisir.

        Chaque instant de lumière illumine le chemin.


Ce message d’amour, de solidarité, de positivité a une saveur particulière cette année. Depuis 1988 (je crois), nous envoyons, Brigitte et moi, une « carte de vœux » durant le mois de décembre. Une carte qui la plupart du temps n’est pas datée. Nos vœux ne se limitent pas à une année, mais à l’éternité. Le mot « vœux » n’y est jamais écrit et le texte n’en souhaite pas vraiment en tant que tels. Ce texte s’inspire de l’illustration que nous choisissons. Un an sur deux, une photo « familiale ». Et l’autre, un dessin, un bricolage, une photo « non familiale »… Et puis un texte. C’est moi qui l’écris, mais c’est Brigitte qui le corrige et l’améliore. Chaque mot est pesé, décidé ensemble.

Plus d’une personne, plus d’une famille nous ont dit « attendre notre carte » pour y découvrir nos mots de l’année, s’en imprégner et s’en nourrir.

L’année dernière, notre carte est partie alors que la maladie de Brigitte manifestait ses premiers signes. Nous sentions bien qu’il se passait quelque chose d’important. Pour la première fois, nous avons choisi une photo prise par Brigitte : celle d’un chemin… Et notre message terminait par « Cheminons doucement ensemble ». Il faisait écho aux faire-part de naissance de nos trois enfants. Chaque fois, ceux-ci contenaient les mots « Nous cheminerons gaiement ensemble ». Dès décembre dernier, nous savions que c’était désormais « doucement » que nous cheminerions. La photo est devenue celle du « Chemin de Brigitte ».

Et nous avons cheminé doucement ensemble pendant toute cette année 2021. Je ne mentirai pas : ce ne fut pas facile tous les jours. Pendant toute cette année, jusqu’au bout, Brigitte a voulu se promener, découvrir la nature, partager son chemin, allant parfois – il faut bien l’avouer – au-delà de ses forces. Mais marcher, c’était son truc. Aller plus loin…

La fin de l’année 2021 se rapprochait. Nous voulions tous les deux finaliser notre « carte de vœux ». Le choix de la photo était évident : c’était l’année de notre « photo familiale »… et nous avions vécu ces beaux moments, tous ensemble, à Berismenil, avec une organisation sans faille de Brigitte. Et cette photo nous montrait tous en hauteur, un peu plus près du ciel, tous réunis – unis – autour de Brigitte.

Il restait à écrire le texte. Nous n’allions pas nous voiler la face devant la réalité. J’ai écrit une première version que Brigitte a corrigé en adoucissant mon propos. Nous étions d’accord, une fois de plus. Le processus était lancé, chacun faisant ce qu’il avait à faire. La dernière étape était de plier les cartes, de les mettre dans une enveloppe, de coller sur celle-ci étiquette et timbre… Tout cela, c’est Brigitte qui l’a fait, sur son lit d’hôpital. Il fallait que ça parte ! Sans nous le dire, nous savions tous les deux que c’était notre dernière carte commune. Et qu’il y avait urgence à l’envoyer.

Chaque instant de lumière illumine le chemin…

mercredi 15 décembre 2021

Des signes…

Je suis sans doute en train de vivre les moments les plus intenses de ma vie. Ma femme Brigitte nous a quittés ce dimanche pour le grand voyage, après un an de souffrance face à cette merde de cancer du poumon. Elle n’a jamais fumé la moindre cigarette (ni le moindre joint), avait une hygiène de vie irréprochable, notamment sur le plan alimentaire. Mais voilà, ça lui est tombé dessus. Elle est restée égale à elle-même (et plus encore) : battante, positive, révoltée, confiante, sans jamais se plaindre de quoi que ce soit (sauf de cette injustice flagrante).

Les faits sont là, et ils ne sont évidemment pas faciles à vivre. En plus, il y a les « signes ». En soi, je n’y crois pas trop, mais force m’est de constater qu’ils sont là.

Tout d’abord, et ce n’est pas le moindre, Brigitte est partie le jour de mon anniversaire. Ça ne facilite pas les choses évidemment. Mais pour moi, c’est son ultime cadeau ! Désormais, elle ne souffre plus. Je ne sais pas si elle respire pleinement quelque part, mais elle ne souffre plus. Et ça, c’est un soulagement immense. Merci pour ce cadeau.

Samedi, nous avons passé avec elle une journée intense. Dure, mais remplie d’amour. Brigitte était tout à fait lucide. C’est elle qui nous donnait les instructions pour la suite. Je crois qu’elle se remplissait aussi de notre amour qui lui permettait de continuer à respirer même si ça devenait de plus en plus difficile. Elle a fini par s’endormir, sereine. Je l’ai veillée longtemps, je lui ai encore dit tout ce que j’avais à dire, et puis je suis rentré.

Pendant la nuit, j’ai téléphoné pour avoir des nouvelles. Ça allait, enfin, si on peut dire… Le matin, après une tasse de café, je me suis mis en chemin pour la rejoindre. Il suffit de pousser sur le bouton Start pour faire démarrer ma voiture, achetée récemment. Quand je l’ai fait, la voiture m’a répondu « Télécommande non détectée. Approchez la clé du bouton Start ». Elle ne m’avait jamais fait ça (et ne l’a plus fait depuis). J’ai dû m’y reprendre à deux fois. Cela veut dire que par deux fois, ma « clé télécommandée » a donné un baiser à ce foutu bouton Start pour m’autoriser à démarrer. Un peu plus d’un quart d’heure plus tard, j’arrivais dans la chambre de Brigitte. Elle était partie. Je l’ai embrassée une dernière fois, suis resté seul quelques instants avec elle, puis suis allé prévenir l’infirmière que c’était fini. Elle a été stupéfaite, m’a dit qu’elle l’avait vue un quart d’heure auparavant. Croyez ce que vous voulez, mais pour moi, il est clair que Brigitte a commencé son ultime voyage au moment où j’ai cherché à démarrer. Ce baiser entre télécommande et bouton Start, c’était le dernier acte d’amour qu’elle me donnait. Merci pour ce cadeau.

Ce n’était pas le dernier « signe ». Nous avons déménagé il y a cinq ans, en arrivant dans une commune extraordinaire. Tous les deux, nous nous y sommes engagés pour y être des citoyens actifs et responsables. Chacun à sa manière et selon nos spécificités, mais en parfaite harmonie et communion. Nous partagions souvent à propos de nos engagements respectifs, parfaitement complices dans ces actions pas toujours faciles. C’était devenu une dimension fondamentale de notre amour : agir concrètement ensemble pour une société meilleure, plus solidaire et plus démocratique. Dimanche soir, événement improbable : l’éclairage public de toute la commune tombe en panne. Pas de problèmes pour les maisons. Mais le noir total dans les rues. L’évidence m’est apparue clairement : une lumière s’était éteinte le matin, et toutes les lumières de notre commune s’associaient en hommage à cette nouvelle étoile qui brille désormais au firmament. Merci pour ce cadeau.

Même si ma tête est souvent remplie d’étoiles, je me sens plutôt quelqu’un de rationnel. J’analyse, je m’informe, je critique, je doute… Mais j’ai aussi appris que les « signes » peuvent s’imposer et qu’il faut pouvoir les lire. Je n’oserais jamais affirmer que les associations que j’ai décrites ici sont la stricte vérité. Les événements sont tous réels. Les liens que j’établis sont dictés par le sens que je veux bien y mettre. Mais quand les « signes » se répètent et se multiplient – il y en a d’autres dont je ne parle pas ici – on ne peut, je ne peux que me dire qu’ils sont là, avec tout le sens qu’ils portent en eux. Et qu’ils sont porteurs eux-mêmes. Et qu’il est bon de se sentir porté.

dimanche 5 décembre 2021

Petit pipi deviendra grand

 

L’autre jour, nous recevions mon beau-frère Michel. Ayant un petit besoin anodin et sans trop me poser de questions, je me suis levé et j’ai fait comme d’habitude : dans le jardin vite fait bien fait. Quelques minutes plus tard, Michel m’a demandé : « Puis-je utiliser tes toilettes extérieures ? » Nous avons bien ri et il a reçu le précieux sésame !

Revenu à l’intérieur, il m’a dit quelque chose comme « Et voilà un acte écologique bien fait ! », tout en m’expliquant que c'était sa pratique habituelle.

Nous nous sommes lancés dans des calculs très savants. Nos besoins naturels respectifs tournent autour de quatre ou cinq occasions quotidiennes. Ce qui signifie environ 1800 fois par an pour chacun d’entre nous. Si – comme la plupart des gens – nous utilisions les lieux d’aisance intérieurs en tirant la chasse comme il se doit, cela ferait à chaque coup entre 3 ou 10 litres d’eau utilisée pour nettoyer la cuvette. Partons du principe que la chasse est bien réglée pour permettre ces petits nettoyages, on peut se fonder sur 3 litres à chaque occasion. La multiplication par le nombre d’occasions aboutit à 5400 litres annuels, soit 5,4 m3 d’eau économisés par le simple fait d’envahir le jardin pour éliminer notre liquide naturel.

Soyons de bon compte : tout le monde ne peut pas, pour d’évidentes raisons, en faire autant. Et globalement, il faut bien reconnaître que c’est plus difficile pour la plus grande moitié de l’humanité. Mais – sans aucune preuve scientifique – on peut penser qu’un quart des mecs pourrait en faire autant sans que cela ne pose de réels problèmes. Pour la Belgique, un quart des mecs, cela signifie environ 1,3 millions de personnes. Contentons-nous d’un million. Si tous ceux-là utilisaient les toilettes extérieures, on arriverait à 5,4 millions de m3 économisés par an, rien que pour la Belgique, c’est-à-dire un cinquième de la capacité du Barrage d’Eupen dont on parle beaucoup pour le moment ! Ce barrage fournit actuellement 55 000 m3 quotidiennement en eau potable. Cela veut dire qu’il me faudrait 10 ans de « besoin en extérieur » pour économiser l’eau journalière fournie par le barrage d’Eupen ! Ça peut paraître dérisoire. Mais je ne crois pas que ce le soit !

Là-dessus, je vais…

PS : il y a évidemment une erreur fondamentale et grave dans mes calculs ! Si je permets d'économiser 5,4 m3 d'eau potable par an, il me faudra non pas 10 ans, mais 10 000 ans pour atteindre la quantité quotidienne délivrée par le barrage d'Eupen ! C'est de plus en plus dérisoire, et cela reste cependant important !

jeudi 2 décembre 2021

Qui ne dit mot ne consent à rien

Il y a bien longtemps que je n’ai plus « séduit » une femme (si ce n’est ma femme, il y a une quarantaine d’années, c’était hier d’accord, mais…). Au vu de ce qui arrive à certaines personnes publiques, je me dis souvent qu’il ne doit pas être simple d’être « jeune et séduisant » aujourd’hui, qu’on soit célèbre ou non ! Comment vivre sereinement des relations d’un jour ou même de quelques jours ?

Il y a très longtemps, durant un bel été, j’étais dans un village de vacances intelligentes, rempli de jeunes, dont certain·es qui n’étaient que de passage. Il faisait chaud. La vie était intense. Il m’arrivait de faire une sieste réparatrice dans la chambre isolée dont je bénéficiais. Ce jour-là, j’étais en train de somnoler lorsque j’entendis la porte s’ouvrir. Je la sentis se glisser auprès de moi. « Elle », pas la porte ! « Elle », je ne la connaissais pas vraiment, mais – depuis son arrivée temporaire – nous avions partagé de bons moments à rire, à manger, à musiquer, à rêver… Sa présence à mes côtés pour cette sieste ne m’étonnait pas trop, ni ne me bouleversait d’ailleurs. J’étais bien, c’est tout. « Elle » semblait bien aussi. Ce qui devait arriver arriva. Ce fut un bel échange, sans fioriture. Jusqu’au moment où « elle » m’a dit : « Alors toi aussi, tu es un mec qui fait ça comme ça, sans trop s’inquiéter de l’autre, sans plus… ». Elle s’est levée… et est partie, me laissant pantois. Je ne sais même pas si je l’ai revue.

Plus de quarante ans passés, je n’en reviens toujours pas. Oui, j’avais fait ça comme ça, sans m’inquiéter, sans plus… Je n’avais (me semble-t-il) rien demandé. C’est elle qui m’avait rejoint durant ma sieste. On me dira que la porte était restée ouverte… mais personne d’autre ne l’avait jamais franchie ! Je l’appréciais. (« Elle », pas la porte !) Mais sans plus. J’étais jeune, son corps voluptueux, c’était la sieste alors qu’il faisait chaud dehors, et ce corps lascif s’était collé au mien… C’est tout.

Peu importe mon histoire finalement. Ce n’est même pas une histoire, juste un moment. Je n’avais rien demandé… et je ne suis pas sûr d’avoir obtenu quoi que ce soit. À part cette remarque « Alors toi aussi… ».

Et bien non, justement. Si c’était à refaire, je ne ferais rien. Rien de plus que ma sieste, éventuellement avec « elle » à mes côtés. Mais rien de plus. Je n’oserais pas. Je n’oserais plus. Le risque qu’elle en fasse – au moment même ou bien plus tard – une autre histoire que simplement sa petite phrase « Alors toi aussi… » serait bien trop grand. Je resterais donc coincé dans cette pseudo-indifférence qui me caractérise, au risque de passer pour un goujat pas capable d’honorer un cadeau offert. Si je me dis aujourd’hui que j’aurais été bien bête de passer à côté de ce moment de grâce juste pour la peur d’un lendemain aléatoire, je me dis aussi que c’est ce que j’aurais dû faire… et que, heureusement, je n’ai aucune notoriété !

Dans le fatras des informations qui se bousculent pour le moment, qu’on me comprenne bien : je réprouve totalement et fondamentalement tout acte imposé par un homme à une femme. Plus globalement, je condamne tout acte imposé à qui que ce soit par qui que ce soit. La difficulté est de savoir quand un acte est « imposé » ou non. Dans mon histoire, c’est « elle » qui est venue. Et c’est elle qui m’a dit après « Alors toi aussi… ». Je n’ai pas vraiment été « consentant », mais j’ai été (bien) actif, c’est évident ! Sans avoir rien cherché. Qui était « coupable » de quoi ? Aurais-je pu savoir, au début de ma sieste, qu’une femme que je ne connaissais pas vraiment allait me reprocher une attitude dont je ne me sens toujours pas responsable, mais qui fut indéniablement la mienne ?

Cette petite expérience sans lendemain m’amène à me poser des questions sur la manière dont on peut vivre sa sexualité aujourd’hui. Je ne cherche à excuser personne, surtout dans des histoires dont je ne connais que ce que l’on veut bien me faire connaître (et qui étonnamment semblent surtout toucher des personnes qui ont acquis une certaine notoriété). Plus globalement, je me dis qu’il ne doit désormais pas être simple de vivre le moment présent, juste pour le plaisir de le vivre… avec cette peur de la manière avec laquelle ce simple moment pourrait être réécrit plus tard, même quelques années plus tard pour certains. Sur la base de mon histoire, mais aussi d’autres qu’il m’est donné de connaître, je me dis de plus que les femmes n’ont pas le monopole du consentement alors même que cela semble acquis dans la manière actuelle de traiter ce type de situations. Je n'ai pas de réponse à ces questions, mais elles doivent pourrir la vie de beaucoup…

jeudi 18 novembre 2021

Convaincre ?

 

Dans cette crise sanitaire, s’il y a bien quelque chose dont je suis convaincu, c’est que personne ne peut (plus) convaincre personne de quoi que ce soit. Chacun a beau afficher des arguments construits ou non, ça ne change rien : l’autre reste dans sa position, quelle qu’elle soit. Il essaiera bien de contrer l’argument de l’autre, mais sans vraiment l’écouter. Au bout du compte, rien.

C’est la raison principale qui fait que depuis le début de la pandémie, je n’ai jamais publié quoi que ce soit en essayant de convaincre ceux ou celles qui n’auraient pas le même avis que moi. J’ai bien publié certains billets cherchant à apporter de l’information, à nuancer certaines affirmations, à éclairer les différents regards… sans jamais croire que cela aurait le moindre impact. J’ai souvent été plus incisif en commentant des posts de certains amis sur Facebook. C’est difficile de lire certaines absurdités sans réagir ! J’ai réagi… et je n’ai convaincu personne. Ai-je perdu mon temps ? Peut-être, mais on ne se refait pas…

Ce matin, j’ai reçu ma 3e dose de vaccin. Non pas pour obéir en mouton au discours dominant. J’en ai discuté avec mon médecin traitant, un gars pas vraiment partisan au départ des médecines invasives. Mais un gars qui réfléchit lucidement, en connaissance de cause, et qui prend les réalités telles qu’elles sont. Dans notre discussion, il est apparu que dans mon cas il était préférable d’avoir cette protection supplémentaire. Et voilà.

J’ai réfléchi aussi de mon côté. Dans ma vie professionnelle, j’ai formé beaucoup de personnes à la gestion de projets, y compris l’analyse des risques. Il y a des risques en acceptant d’être vacciné. Pour les deux premières doses, j’ai chaque fois eu deux ou trois jours où je me sentais moins bien, sans gravité heureusement (pour dire les choses comme elles sont, j’ai été bien plus malade et pendant 15 jours lorsque j’ai eu le Covid). Mais oui, les effets secondaires existent. Dont l’effet le plus grave : la mort. Je parlerai ici uniquement de cet effet secondaire, car il est le plus factuel qui soit. Il y a d’autres effets secondaires, ils sont analysés par la pharmacovigilance, mais ils sont plus difficiles à comptabiliser. Parlons donc de chiffres.

En Belgique, il y a actuellement 8 625 656 personnes vaccinées, soit 74,9% de la population. Les observations officielles attribuent 4 cas de morts au vaccin. Traduire ça en pourcentage est illisible, alors disons que cela fait 4,64 décès pour 10 000 000 d’habitants. Ce sont les chiffres belges, mais ils sont sans doute valables plus largement.

Toujours en Belgique, les chiffres officiels donnent 1 540 000 cas de Covid détectés à ce jour. Parmi ceux-ci, il y a eu 26 484 morts. Cela fait 171 974,03 décès pour 10 000 000 de cas.

Certains me diront (mais oui, on me l’a dit) que ça, ce sont les chiffres « officiels » (et donc sujets à caution contrairement aux chiffres « aliternatifs ») et qu’« on sait bien que la plupart des "morts de Covid" ne sont pas morts du Covid » (sic).

Admettons qu’il y ait quelques erreurs d’approximation dans les chiffres, mais enfin, restons réalistes : s’il y a des erreurs, elles ne peuvent être que marginales et ne nous fions donc pas trop aux décimales… Mais enfin, il y a quand même un ordre de proportion. Selon ces chiffres, la maladie Covid-19 est (environ) 37 000 fois plus meurtrière que les vaccins élaborés pour s’en protéger.

N'importe quelle personne sensée conclurait qu’il vaut mieux se vacciner. Mais l’intelligence humaine est pleine de surprises : d’aucuns restent convaincus, en toute bonne fois (et j’insiste sur cet aspect), qu’il vaut mieux ne pas se faire vacciner parce que c’est bien trop dangereux.

Ce ne sont que des chiffres sur une dimension. Je pourrais en fournir bien d’autres, mais cela ne changerait rien. Ceux et celles qui pensent qu’il vaut mieux ne pas se faire vacciner continueront à penser qu’il vaut mieux ne pas se faire vacciner. Point barre.

Et mon billet n’aura convaincu aucun d’entre eux. Triste réalité.

jeudi 11 novembre 2021

Transmettre la mémoire… pour vivre


FMG © 2021

Il faut bien l’avouer : je n’aurais jamais pensé, il y a quelques années encore, assister à une cérémonie de commémoration du 11 novembre 1918. Je n’ai pas beaucoup d’attirance pour le passé et encore moins pour les guerres passées qui n’auraient jamais dû avoir lieu.

Ce matin, j’ai assisté avec émotion à l’hommage qui a été rendu dans mon village, Archennes. Je ne suis toujours pas attiré par le passé et ses guerres, mais deux éléments m’ont amené à me dire que ma place était là.

D’une part, mon père – même s’il n’est plus là physiquement – m’accompagne dans ma vie quotidienne. Il était né durant cette grande guerre et n’en a sans doute pas vraiment ressenti toute la barbarie. Mais lors de la suivante, dès les premiers jours d'invasion de la Belgique, il devint prisonnier de guerre, en captivité pour cinq ans de sa vie. Il n’en parla jamais beaucoup, mais depuis sa mort, à 98 ans, j’ai pris encore plus conscience du poids de ces stupidités guerrières. Ceux et celles qui les ont vécues, de près ou de loin, avec une jeunesse bousillée, voire définitivement disparue, ont bien droit à tout notre respect et notre souvenir. Pour la plupart, ils ou elles n’ont rien demandé. Mais ils se sont retrouvés dans un engrenage monstrueux qui, parfois, leur a pris leur vie, bêtement, sans seconde chance…

D’autre part, l’engagement citoyen que permet mon changement, il y a cinq ans, de région linguistique m’aide à mieux comprendre ce que signifie la mémoire citoyenne. Il ne s’agit pas de glorifier qui que ce soit dans le fatras des bêtises humaines. Il s’agit seulement de ne pas oublier. Et peut-être de revivre un peu, juste par le souvenir, les derniers moments de ces personnes qui fondamentalement ne demandaient qu’une chose : vivre libre.

Lors de la cérémonie de ce matin, après le (court) discours de circonstance de Thierry, porteur du drapeau du souvenir, il y avait deux gerbes de fleurs à déposer devant le monument. La première le fut, logiquement, par le bourgmestre. Pour la seconde, Thierry, maître de cérémonie, invita un enfant qui y assistait avec sa maman, à venir faire ce geste simple. Par cette invitation spontanée, Thierry a donné tout son sens à ce moment. Il s’agit bien de transmettre la mémoire, de garder vivants ces citoyens – nos parents, nos grands-parents, ceux de nos voisin·es… – qui se sont retrouvés dans une situation que personne ne souhaite vivre, mais qu’ils ont assumée. Sans doute avec plus de peur que de courage.

Il n’y a pas de plus grand courage que d’avoir peur de mourir pour ceux et celles qui restent. Il est important que les enfants et les jeunes le sachent et ne l’oublient pas. L’ennemi qui les attaquera n’aura peut-être pas un fusil en mains. Dans cette guerre climatique mondiale, il sera invisible. Certains de nos enfants et de nos jeunes y laisseront sans doute aussi leur vie, sans l’avoir demandé, sans même savoir si cela permettra aux autres humains de continuer à vivre libres. Au moment où la COP26 se termine, avec des effluves nauséabonds d’échec, voir un enfant fleurir ce monument aux morts m’a permis de respirer un parfum – tout aussi éphémère que fondamental – de liberté, d’espoir, de vie.

dimanche 7 novembre 2021

Derrière la saleté


FMG © 2021

La vie est loin d’être un long fleuve tranquille. En réalité, la plupart du temps, on est dans la saleté, de près ou de loin. Il est parfois possible d’utiliser un aspirateur. Ce sont des appareils qui n’arrêtent pas de se perfectionner et qui sont de plus en plus autonomes. Il suffirait donc de leur laisser faire leur job, mais il faut encore leur dire de le faire et surtout les vider de cette saleté simplement déplacée. Et cette souillure prend elle-même tant de formes différentes…

Elle s’immisce là où elle peut, sans trop se poser de questions. Quand elle n’est que poussière externe, ce n’est pas trop grave. Mais lorsque c’est notre corps qui en devient l’hôte, c’est une autre question. Et les aspirateurs, aussi performants qu’ils soient, ne peuvent pas toujours être d’une grande aide.

Prenons mes pieds. Comme écrivait Prévert, dans son poème « Dans ma maison » :

C'est très intelligent les pieds
Ils vous emmènent très loin quand vous voulez aller très loin
Et puis quand vous ne voulez pas sortir
Ils restent là, ils vous tiennent compagnie
Et quand il y a de la musique, ils dansent
On ne peut pas danser sans eux
Faut être bête comme l'homme l'est si souvent pour dire des choses aussi bêtes
Que "bête comme ses pieds", "gai comme un pinson"…

On ne peut pas marcher sans eux non plus. Depuis plus de dix ans, à chaque pas que je fais, j’ai mal. Mal à la plante des pieds. J’ai mal quand je marche, mais aussi quand je ne marche pas. Je suis bien sûr allé voir l’un ou l’autre podologue. Je porte des semelles dont je ne peux plus me passer, mais qui pourtant ne sont jamais parvenues à régler mon problème. J’ai fait de la kiné, mais sans plus de succès. Depuis le temps, je me suis fait une raison. Ça ne m’empêche pas de marcher et de faire des balades à défaut de ballades. Ça fait mal, mais – derrière la saleté – il y a les lumières qui éclairent toujours le chemin de manière sans cesse renouvelée.

Mon problème de pieds me pourrit la vie, mais il n’est de toute évidence qu’un détail, qu’un simple désagrément. Je suis bien placé pour le dire : il y a des saletés bien plus sournoises que ces pépins qui picotent ma base corporelle.

Ces saletés-là ne se posent pas plus de questions que la crasse usuelle. Elles s’installent sans qu’on leur demande ni qu’on les y autorise et pénètrent dans toute ouverture qui s’offre à elles. Sans qu’on puisse y faire grand-chose. Aspirer, inspirer, transpirer, respirer…

Et pourtant, derrière toute cette saleté, il y a des lumières auxquelles on ne s’attend pas, il y a des découvertes qui rapprochent, il y a des forces qui alimentent la vie, il y a des étincelles qui permettent de croire qu’un demain reste possible. Il faut juste regarder…

Il nous faut regarder
Ce qu'il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eau
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient.

(Jacques Brel)


lundi 25 octobre 2021

Exister

 

En 1988, paraît le deuxième tome de S·O·S Bonheur par Griffo et Van Hamme. La première histoire de ce volume magistral nous conte l’aventure de Joachim Robin-Dulieu, chef de cabinet à la Sécurité publique, créateur de la C.U., carte universelle qui remplace toutes les autres cartes, y compris celles de paiement. Jusqu’au jour où un hacker quelconque décide de supprimer le dit Joachim de la banque de données centrale. Instantanément, Joachim Robin-Dulieu n’existe plus.

Cette histoire m’a profondément marqué à l’époque : nous n’existons donc que parce qu’une carte dit qui nous sommes. C’est le principe même de toutes les cartes que nous avons : carte d’identité, permis de conduire, cartes de banque, etc. Il suffit de perdre une de ces cartes (ou toutes) pour ne plus exister… ou découvrir le parcours du combattant existentiel.

Ce n’est pas mon cas et j’avoue que je fais une confiance quasi absolue à ces cartes. Sans trop y réfléchir, je me disais néanmoins que l’idéal serait de pouvoir supprimer le support physique « carte » alors qu’il y a bien d’autres moyens d’être reconnu pour qui l’on est : nos yeux uniques, nos empreintes digitales uniques, la forme de notre visage unique, etc. Les moyens existent pour utiliser ces éléments. Lorsque je voyageais souvent en avion (il y a 6 ou 7 ans), j’ai dû plus d’une fois présenter ma tête face à une machine pour laisser la machine décider si elle ouvrait ou non la porte automatique… Bref, je me disais : « Mais pourquoi s’encombrer de cartes puisqu’on peut être reconnu autrement, sans craindre le fait de perdre sa carte ? ».

Vous imaginez : vous allez au resto ou faites vos courses, la machine vous identifie dès le départ, vous consommez et vous vous en allez l’âme en paix en attendant que votre compte soit débité ! Plus de risque de perdre sa carte, de l’avoir oubliée ou encore de se l’être fait voler ! Pas même besoin d’une puce implantée corporellement pour exister et être reconnu en tant que tel !

Je m’apprêtais à écrire mon billet (désormais mensuel) en ce sens lorsque j’ai lu ce matin l’article La reconnaissance faciale s’étend de plus en plus en Europe. Et j’ai commencé (ou plutôt continué) à me poser des questions. Certes, les technologies existent dès maintenant et cela faciliterait méchamment la vie. La question centrale est que tout cela serait rassemblé dans un super grand fichier « central » et qu’on ne sait jamais ce qui serait fait de toutes ces données. Que ce soit pour des raisons commerciales, policières, sécuritaires, vénales… ou tout simplement pour le bon plaisir d’un fou qui déciderait d’en faire n’importe quoi.

Au bout du compte, une seule certitude : oui, j’existe. Je le sais, je le sens. Mais comment le prouver ? Comment être reconnu pour le citoyen que je suis, sans qu’on me piste ou me contrôle ? Comment circuler librement là où je veux aller, travailler là où je veux être utile, aimer là où je m’épanouis… sans m’encombrer de tous ces papiers qui ne sont jamais que des papiers ?

samedi 11 septembre 2021

Une ritournelle magique

 

J’écoute beaucoup de musique. Surtout de la chanson française, mais pas que. Découvrir un nouvel album est toujours un plaisir, surtout – je l’avoue – quand il s’agit d’une chanteuse. J’ai rarement une véritable émotion. La dernière dont je me souviens est quand j’avais écouté dans ma voiture le premier CD d’une chanteuse encore inconnue : une certaine Carla Bruni ! Et puis, voilà, cette fois, c’est avec Ritournelle de Stéphanie Blanchoud (qui n'a rien à voir avec la Bruni en question).

En Belgique, la plupart des gens la connaissent par la télévision : c’est elle qui joue le rôle de l’inspectrice Chloé Muller dans les deux saisons de la série Ennemi public. Stéphanie Blanchoud excelle dans ce rôle d’agente de police tourmentée, en charge d’un assassin tout aussi tourmenté.

Mais elle est aussi chanteuse. Depuis longtemps : son premier album, À cœur ouvert, date de 2005. Il y eut ensuite Insomnies en 2009, Blanche en 2012, Les beaux jours en 2015. Ils font tous partie de mes petits bonheurs discographiques. J’ai vue Stéphanie sur scène, à la Ferme du Biéreau (Louvain-la-Neuve), je ne sais plus quand, mais elle se faisait appeler Blanche à l’époque. J’avais été subjugué par cette voix.

Mon émotion (ou non) musicale est toujours liée avant tout à la voix et à l’ambiance. Les premières secondes d’écoute d’un·e chanteur·euse sont essentielles : ça passe ou ça casse, sans même encore savoir ce qu’il ou elle va raconter, alors même que le texte est un élément de base dans cette chanson de paroles que j’aime tant.

Stéphanie Blanchoud, qui écrit ses textes, nous parle d’elle. Rien de très joyeux en général. La vie, tout simplement. Sa vie. À ce stade, je n’oserais même pas disserter sur ce qu’elle nous dit. D’autres – elle-même – heureusement le font à ma place. 

Mais cette voix ! Suave, fragile, en perpétuelle recherche d’équilibre. En parfaite harmonie cependant avec l’instrumentation aussi discrète que pertinente. Un joyau… qui m’émeut. C’est tout. Tout ce qu’il faut pour me plaire… C’est déjà pas mal, non ?

dimanche 29 août 2021

Y a qu'à…

D’aucuns savent que je consacre un peu de mon temps à la vie politique de ma commune. Officiellement, je n’ai aucun pouvoir : je ne suis mandataire dans aucune institution représentative (conseil communal, CPAS, CCATM…) et je ne représente finalement que moi-même au sein d’un groupe – ECOLO pour ne pas le nommer – au sein duquel j’ai certaines responsabilités.

Cet engagement est assez récent : il correspond à mon dernier déménagement, il va y avoir cinq ans. Cela ne veut pas dire qu’avant je ne m’intéressais pas à la chose publique, mais je vivais en Région flamande, ce qui ne me poussait pas, pour différentes raisons, à participer activement à la vie citoyenne locale. En me retrouvant en 2016 en Région wallonne, j’ai senti qu’il était temps de me (ré)engager en tant que citoyen actif. J’avais déjà fait plus ou moins ça en Région bruxelloise plus de trente ans auparavant, mais ça me paraissait bien loin.

Bref, à défaut d’avoir un mandat quelconque qui n’est pas un objectif en soi, je participe activement à la vie de ma commune, non seulement dans son quotidien citoyen, mais aussi dans les prises de décision et d’orientation qui sont prises au niveau politique. C’est une expérience passionnante, sans cesse renouvelée. Ça ne veut pas dire « sans problème » ! En réalité, des problèmes à résoudre, il y en a chaque jour.

Tout cela n’a pas trop d’importance. Ce dont je souhaite parler aujourd’hui, c’est des « Y a qu’à… ». Ce sont de petites bêtes qu’on n’arrête pas de rencontrer une fois qu’on s’engage dans la vie citoyenne. Le plus souvent, elles sortent d’ailleurs, avec la meilleure bonne foi, de la bouche des citoyens et des citoyennes lambda. Leur authenticité ne fait aucun doute. Lorsque quelqu’un dit « Y a qu’à… », c’est un cri du cœur parfois même raisonné. Et vraisemblablement, dans la plupart des cas, il suffirait effectivement de… Sauf que ce n’est jamais aussi simple. Sauf que les problèmes et les situations sont toujours plus complexes que ce qu’on aimerait tous en penser.

En écrivant cela, je ne cherche nullement à dédouaner les politiques de leurs responsabilités. Si la solution évidente d’un problème citoyen est « qu’il n’y a qu’à faire ça… », il faut que les politiques essaient de le faire. Je dis simplement qu’en réalité, c’est quasi toujours plus compliqué que « ça » et que, de plus, « ça » ne se fait pas en un seul jour, qu’il ne suffit pas de le décider pour que « ça » se réalise comme par enchantement.

Cela signifie-t-il que les adeptes du « y a qu’à » doivent se taire ? Non. C’est sans doute l’indispensable discours des « militants ». S’ils commencent à s’encombrer de principes de réalité, ils ne diront vraisemblablement plus jamais quoi que ce soit. Or, le discours militant est indispensable pour éveiller les consciences, pour questionner les pratiques, pour douter du train-train soporifique, bref, pour secouer l’immobilisme naturel du système…

Face à ces « y a qu’à… » militants, le discours politique devrait être « c’est une bonne idée, analysons-la ainsi que ses incidences… et puis décidons et agissons ». Est-ce toujours ce qu’il se passe ? Je n’oserais pas l’affirmer. Mais ce que je peux affirmer par contre, c’est que dans la plupart des situations, que ce soit à un niveau local ou plus global, le « y a qu’à… » ne suffit pas, même si sa pertinence est souvent importante. La réalité l’est aussi…

Bref, il n’y a plus qu’à…

vendredi 30 juillet 2021

L’escarpin vert… une création collective extraordinaire

 

On pourrait croire que ce livre n’est qu’un ouvrage autoédité de plus, avec plusieurs auteurs, issu d’un atelier d’écriture. Pourtant, je suis convaincu que L’escarpin vert est tout à fait différent de Retour à l’authentique et Promenade aux oiseaux. Même si ce sont globalement les mêmes auteurs et que le processus d’édition est le même. Le processus d’écriture est, lui, tout à fait différent ! Et c’est cela qui est intéressant.

L’escarpin vert est un roman policier. Mais sans véritable enquête et recherche de coupable(s). Il y a un mort pas vraiment victime, un policier pas tout à fait ripoux, une belle femme pas complétement innocente, des personnages à moitié véreux, des histoires qui en expliquent partiellement d’autres, une trame qui se construit progressivement, de l’humour qui se voudrait noir, du sordide souvent bling bling, de la drogue et du sexe presque sinistres, un chien fidèle… Quoique, on ne sait pas vraiment ce que devient le chien au bout du compte. Il est peut-être plus impliqué qu’on ne le pense, allez savoir… Bref, une intrigue policière comme un autre. Mais qui se laisse lire. C’est du moins ce que les lecteurs et lectrices qui s’y sont essayés nous ont dit. Pour eux, c’est l’essentiel. Pour les cinq écrivants qui ont créé l’aventure, l’essentiel est ailleurs.

Nous nous sommes rencontrés lors d’ateliers d’écriture dont deux « stages » ont débouché sur deux romans chorals, avec chaque fois une seule histoire racontée par plusieurs personnages, les (parties de) chapitres s'enchaînant avec des points de vue différents. C’étaient des ateliers ou des stages d’écriture, ce qui signifie qu’un animateur – dans notre cas, une animatrice : Ariane – propose quelques contraintes formelles en plus d’une thématique. Après écriture d’un texte, on le partage et on le commente ensemble, l’avis de l’animatrice étant prédominant. Les deux ouvrages sur lesquels ces stages d’écriture ont débouché étaient intéressants et originaux, mais ils restaient globalement la juxtaposition de textes d’auteurs différents, avec une trame imposée par Ariane.

Dans le cas de L’escarpin vert, il n’y a ni animateur ni trame pensée pour servir de prétexte à l’écriture. Il y a juste cinq personnes qui décident de raconter ensemble une histoire dont elles ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. En plus, ces personnes ne se voient pas. Du moins « en vrai » ! Chaque semaine, pour meubler l’isolement dû à la pandémie, elles se retrouvent pendant une heure et demie par l’intermédiaire d’un logiciel de visioconférence (Skype pour être précis). L’idée est de décider ensemble d’un projet d’écriture pour la semaine. Le dimanche, chacun partage ce qu’il a écrit, les autres commentent un peu, puis on se fixe un nouveau projet. Ces échanges nous ont permis de créer le blog Mosaïque de mots, dont le titre dit bien ce qu’il a à dire : ce n’est qu’une mosaïque… Jusqu’au jour où l’un d’entre nous propose : « Et si on racontait une histoire… ? ». Tout le monde approuve. Ne sachant pas trop bien comment faire, on lance l’idée du « cadavre exquis » : l’un écrit un début d’histoire, le deuxième la continue et n’envoie rien que son texte à la troisième et ainsi de suite jusqu’à la cinquième. Ces cinq textes mis ensemble formaient une histoire composée de cinq personnages, mais celle-ci n’était pas nécessairement terminée. Alors, nous nous sommes dit : « Et si on continuait ? »

Personne ne connaissait l’histoire. Elle s’est créée au fur et à mesure de l’imagination et de l’apport de chacun. Des pistes délirantes ont parfois été ouvertes, sans être nécessairement relayées par les autres. Rien n’appartenait à quiconque : l’histoire avançait au fil des textes de chacun et, surtout, les personnages évoluaient selon l’écriture de celui ou celle qui s’en saisissait. C’est une différence essentielle par rapport aux ouvrages issus des stages d’écriture : là, chaque écrivant était maître de son personnage, même si des interactions naissaient avec parfois des surprises. Mais ici, un personnage devenait ce que celui ou celle qui en parlait en faisait. Les surprises n’ont pas manqué et tout le monde s’y est adapté. L’histoire elle-même évoluait en sens divers. Nous avons bien sûr dû recentrer l’intrigue à partir d’un certain moment, tout en la laissant ouverte aux délires de chacun.

Lorsque nous sommes entrés dans cette phase de recherche de cohérence, ce fut à nouveau un travail totalement collectif : chacun a relu l’ensemble, a décelé les inévitables cohérences, a proposé des pistes de cohérence, est intervenu sur une partie de texte même si ce n’était pas lui qui avait écrit le premier jet, etc. Au bout du compte, il s’agit vraiment d’une œuvre collective où chaque écrivant a amené sa part en totale interaction avec celle des autres. C’est assez exceptionnel !

Au-delà de ce travail collectif, il y a le plaisir ! Plus d’une fois, nous avons eu des fous rires en découvrant ce que l’autre avait fait d’un indice semé au hasard de la production. Nous étions les premiers spectateurs de notre histoire… et il faut avouer que nous étions un bon public.

À ce stade, nous ne savons pas vraiment ce qui sera la suite de ce projet. Lors de nos premières retrouvailles « en vrai », nous avons bien émis une idée de processus pour aller plus loin. Mais je n’oserais pas dire que c’est fait. On verra, et je vous avouerai que pour le moment, je m’en fous. Je suis entièrement sous le charme de ce projet tel qu’il a été réalisé. Chaque chose en son temps !


De gauche à droite : Isabelle Slinckx, Jeanne-Marie Hausman (conceptrice de la superbe couverture de l’ouvrage), François-Marie Gerard, Sabine Mammerickx, Philippe d’Huart

Si par hasard vous souhaitiez connaître cet ouvrage (qui coûte 10 EUR), vous pouvez m’adresser un message, voire même laisser un commentaire. Vous pouvez aussi, de manière plus anonyme, passer par le site du Livre en papier qui se charge de l’impression et de la diffusion. Il faudrait que je parle un jour de ce projet, car il mérite toute attention bienveillante !



samedi 10 juillet 2021

Vivre ensemble

 

Ce billet est écrit - comme tous ceux de mon blog Réverbères - à titre purement personnel. Il n'engage en rien les organisations auxquelles j'appartiens. J'ajoute qu'il n'est en rien lié à la nomination-démission d'Ihsane Haouach comme commissaire du gouvernement à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.

Je l’avoue : je cède à la mode qui veut que la question du port du voile dans la fonction publique apparaît pour beaucoup comme une priorité. Pensez donc : notre civilisation serait directement menacée parce qu’une femme porterait le voile dans l’exercice de ses fonctions publiques. Il me semblait que ce qui menaçait vraiment notre civilisation, l’humanité même, c’étaient les dérèglements climatiques. Mais bon, admettons.

Je tiens à clarifier dès le départ : personnellement, je trouve que le voile témoigne d’un système archaïque où les femmes sont soumises au diktat insupportable d’hommes qui n’ont aucune considération réelle pour ce qu’elles sont et dont le seul objectif est de cadenasser leur apparence sous de faux prétextes religieux. Cela ne signifie pas pour autant que la femme qui porte un voile adhère à ce système archaïque et/ou se soumet à ce diktat viril. J’espère que c’est suffisamment clair.

Je tiens aussi à préciser que la neutralité de la fonction publique et la séparation entre l’État et l’Église (quelle qu’elle soit, y compris l’Église laïque) sont des valeurs essentielles pour qu’un État pluriel et multiculturel tel que le nôtre puisse assumer sa raison d’être : servir tou·tes les citoyen·nes d’une manière égale pour le bien commun. C’est le seul objectif à poursuivre, et il n’est pas sûr que ce soit le cas lorsque le chef de l’État et quelques ministres assistent à un Te Deum pour la Fête nationale du 21 juillet.

La question fondamentale, trop peu posée, me semble dès lors être de savoir si l’État, au nom de cette neutralité, peut interdire – je dis bien « interdire », avec tout ce que cela implique au niveau de la liberté – une apparence faisant de celle-ci son vecteur essentiel. L’enjeu est bien de savoir s’il faut ou non interdire que des personnes aient l’apparence qu’elles veulent avoir ou que tout simplement elles ont. Il me semble évident que les agents publics doivent assurer un service égal et efficace pour tout le monde. Cette égalité et cette efficacité sont-elles liées à l’apparence de l’agent qui rend ce service ? Et faut-il aller jusqu’à interdire tout signe d’une différenciation de personnalité ?

Il y a de nombreuses différenciations de personnalité qui peuvent conduire à des apparences différentes. Porter le voile indique effectivement un trait important d’une personnalité. Mais il en est de même du port de la cravate, du maquillage plus ou moins marqué, de la forme du décolleté, de la longueur ou de la teinte des cheveux, du port de boucles d’oreilles, de piercings ou de tatouages, de la présence d’un pin’s emblématique ou non, de la longueur de la jupe ou du pantalon, de la forme de la barbe, des inscriptions sur un masque sanitaire, de la couleur de la chemise, de la cravate ou de l’écharpe, voire tout simplement du sourire… Comme a pu l’expliciter Erving Goffman, la visibilité qu’une personne donne d’elle-même appelle immanquablement une interprétation sur ce qu’elle est et sur ses intentions. C’est sur cet ensemble d’indices, de signes, d’informations – livrés la plupart du temps de façon non consciente et involontaire – que va s’organiser l’interaction entre les personnes et se mettre en place un ordre social au niveau de chacune des situations. C’est de toute façon ainsi, quel que soit le signe extérieur concerné.

Il y a longtemps que différentes organisations ont compris cette réalité. C’est pourquoi plusieurs d’entre elles imposent un uniforme : la police, les pompiers, l’armée, les mouvements de jeunesse de toute obédience, certaines écoles, etc. L’idée est de faire en sorte que tout le monde se ressemble afin que les différenciations de personnalité ne soient pas visibles et n’influencent pas la relation sociale. Dans cette logique, plutôt que d’interdire des signes de différenciation (en sachant que, dans le débat actuel, le seul signe à interdire serait le voile…), ne devrait-on pas se tourner vers une uniformisation de l’apparence des agents publics ? En allant jusqu’au bout de la logique, il faudrait alors cacher tout ce qui pourrait créer la différenciation et imposer un uniforme permettant à tout un chacun de se trouver en face d’un·e individu totalement anonyme. Par exemple, afin de gommer toute différenciation, l’uniforme de la fonction publique belge (quel que soit le genre de l’agent) pourrait être de ce type :
 


D’accord, là, je déconne, à dessein. Ça me permet juste de montrer, avec un peu d’humour, l’absurdité de la réponse « interdiction » apportée par beaucoup à de réelles questions complexes qui concernent le « vivre ensemble ». Vivre ensemble, ce n’est pas commencer par exclure. Interdire une certaine apparence, c’est exclure, sans compter qu’en soi interdire est une atteinte insupportable à la liberté individuelle, chère à certains (qui pourtant cherchent à l’imposer).

Je ne crois pas qu’il faille imposer à tout agent public un uniforme qui lui ferait perdre toute existence personnelle. Je ne crois pas qu’il faille interdire à un agent public de choisir l’apparence qu’il donne, inconsciemment ou non, de lui-même. Je crois qu’il faut faire confiance a priori au souci de toute personne qui s’engage dans la fonction publique de servir le bien commun et donc celui de toutes les personnes qui y font appel. Je crois que vivre ensemble, c’est vivre ensemble…

mardi 1 juin 2021

N’est pas toujours mouton qui l’on croit

FMG©2021

Lorsque le soleil commence à se coucher, je bénéficie d’un changement de pâture des moutons. Ils viennent s’installer juste devant moi. Les changer de prairies n’a pas l’air trop difficile. La fermière appelle et ils viennent tous se planquer devant la grille de leur pré diurne. La porte s’ouvre et ils traversent en rang la rue où personne ne passe pour retrouver leur garde-manger vespéral. C’est ce moment le plus intéressant : ils s’éparpillent tous occupant la totalité de la parcelle. Aucun esprit grégaire chez ces moutons : c’est juste du chacun pour soi !

Ce n’est pas vraiment le cas des êtres humains. Ceux-là, dès qu’un peu de (pseudo-)liberté est retrouvée, se concentrent en des zones diverses, mais où ce qui compte est qu’il y ait d’autres personnes. Par exemple, faire une manif avec plein de monde bien serré. Ou encore rejoindre un (petit) festival où l’on va pouvoir se sentir proches les uns des autres pour faire la fête. Ou bien, tout simplement, faire une petite terrasse où l’important n’est pas de se rafraîchir la gorge, mais de se sentir un pion parmi les autres pions dégustant ce droit humain fondamental de pouvoir s’engluer tous au même endroit. On se demande qui sont « les moutons » ?

Grâce à cette pandémie, aux confinements, aux différentes mesures prises par les autorités pour gérer tant bien que mal cette crise, jusque et y compris cette campagne de vaccination sans équivalent historique, et aux réseaux sociaux qui nous ont permis de voir s’épanouir sans état d’âme des milliers d’experts ultracrépidarianistes, on a vu ressurgir sans limite l’expression : « Mais tu n’es qu’un mouton » ! Cette formulation, toujours empreinte de mépris hautain, est assez étonnante quand on voit que la seule chose qui compte vraiment pour un mouton, c’est trouver son petit lopin d’herbe qui lui permettra de satisfaire son seul besoin : bouffer ! Surtout en ne s’occupant pas des autres.

C’est d’autant plus surprenant que c’est un amas de complotistes, d’antivax et autres négationnistes de la pandémie qui considère tous les autres comme des moutons. Or, s’il y a bien des personnes qui suivent le chemin tracé par d’autres, ce sont celles qui constituent cet amas. En réalité, elles s’inspirent toutes des mêmes gourous qui, sous couvert d’arguments pseudo-scientifiques, proclament haut et fort que la pandémie n’existe pas, qu’elle n’est pas si grave que ça, que les masques ne servent à rien, que les vaccins encore moins, que les vaccinés vont tous mourir dans d’horribles souffrances dans les deux ans qui viennent, etc. J’ai pris le temps de lire et d’écouter ces gourous (du style Serge Rader, pharmacien antivax qui vient de mourir après avoir attrapé la covid qu’il niait). S’ils ont une compétence, c’est avant tout en matière de manipulation. Et ça marche : leurs adeptes croient tout ce qu’ils disent, sans vraiment faire preuve de discernement. Attention : je ne dis pas que tout ce que disent ces gourous est faux. Je ne dis pas non plus que cette crise a bien été gérée par nos autorités. Je ne dis pas enfin qu’il n’y a pas des questions auxquelles il faut rester vigilant, en gardant son sens critique face aux tentatives de certains de monopoliser le pouvoir, de se faire un maximum de fric, etc. La seule chose que je dis, c’est qu’avant d’accuser les autres de « moutons », il est intéressant de se poser certaines questions sur son propre cheminement. N’est pas toujours mouton qui l’on croit.

samedi 29 mai 2021

Se ressourcer


FMG©2021

Il arrive toujours un moment où on a besoin de se ressourcer et de reprendre souffle. Il y a mille manières de le faire et ce qui importe est de trouver celle qui nous convient. Pouvoir le faire au pays des sources est un cadeau presque tombé du ciel.

En profiter pleinement n’est pas une sinécure ! Il y a tellement de raisons de rester sur le qui-vive et de garder le contrôle de tout, même de ce que l’on sait incontrôlable. Certains y arrivent mieux que d’autres. Je suis dans les autres…

Cela ne veut pas dire que je suis les autres. Par les temps qui courent, quand on essaie de s’en tenir au bon sens et à la rigueur, on est tellement vite qualifié de mouton, tout juste bon à suivre ce qu’on lui dit de faire. Parler et réagir me semblent des démarches indispensables. Mais ce ne sont pas les attitudes les plus reposantes. Alors, pouvoir s’éloigner de tout, n’entendre que le chant des oiseaux, les cris d’enfants ou encore, au loin, le bruit d’un tracteur, goûter enfin un peu la chaleur du soleil, respirer pleinement… Quel bonheur ! Petit bonheur, mais bonheur quand même !

jeudi 8 avril 2021

Hemmes et fommes, même combat

 

L’affront fait aux femmes par le protocole turc lors de la réception des autorités européennes par M. Erdogan, président turc, est affligeant. Le plus désolant est l’attitude, ou plutôt la non-attitude, de Charles Michel, Président adoubé du Conseil européen qui s’est contenté d’allonger les jambes pour prendre ses aises et faire comme si de rien n’était. Pendant ce temps, Mme Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, s’étonnait de ne pas trouver de siège et se résignait à s’asseoir sur un sofa lui conférant de toute évidence un statut inférieur.

Je ne vais pas ici ergoter sur cet épisode malheureux. Il faut en fait surtout se réjouir de voir une femme à la tête d’une institution aussi importante. Ce n’est pas partout pareil.

La place de la femme en politique, comme en beaucoup de domaines, est souvent minorée et cela pose un réel problème. Les élus politiques sont censés représenter la population. Celle-ci est constituée à parts quasi égales d’hommes et de femmes*. Il serait donc normal qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans les assemblées politiques ainsi que dans les exécutifs. C’est loin d’être le cas, malgré de très rares exceptions.

Pour lutter contre cette situation, plusieurs systèmes ont été mis en place. Singulièrement en Belgique où, pour les élections communales et provinciales, le principe de la « tirette » est de vigueur depuis 2018 : sur les listes, les deux genres doivent être intercalés, que ce soit une femme, un homme, une femme… ou un homme, une femme, un homme…

Pour assurer la parité, il y a aussi des systèmes de quota, avec plusieurs possibilités : dans les élus, ou dans les exécutifs, il faut un minimum d’un genre (par exemple, au moins un tiers de femmes ou au moins un tiers de chaque genre), voire la parité parfaite.

Cette dernière formule semblerait aller de soi et est défendue par de nombreuses personnes. Elle pose cependant des problèmes démocratiques, surtout si la parité n’est pas respectée au niveau des candidatures. Par exemple, j’ai vécu une élection interne à un parti politique dans lequel le principe de parité effective est la règle (même si elle n’est pas nécessairement écrite). L’élection concernait deux postes à pourvoir. Il y avait 4 candidats : 1 femme et 3 hommes. Il ne faut pas avoir fait de hautes études statistiques pour se rendre compte de la difficulté : la femme avait 100% de chances d’être élue, alors que les hommes n’en avaient que 33%. Dit autrement encore : la femme était retenue d’office, l’élection n’ayant lieu que pour les hommes. Dans le cas présent, cela ne représentait pas une réelle difficulté, mais on voit qu’un objectif louable d’assurer une représentation équitable de la population peut conduire à un processus dont la dimension démocratique est en partie niée.

Personnellement, je préfère donc de loin le système de la « tirette » qui assure à la fois la présence égalitaire des deux genres et la liberté de choix aux électeurs. Et cette liberté, ceux-ci la prennent. Dans ma commune, les élections communales de 2018 ont permis de déboucher sur un conseil communal constitué en majorité… de femmes ! Les électeurs ont choisi une majorité de femmes pour trois des cinq listes présentes aux élections (chacune en tirette parfaite). Les deux autres listes n’ont que deux élu(e)s, voire même un seul. On en est même aujourd’hui à une situation tout à fait inédite pour une des listes, ayant obtenu 8 sièges. Actuellement, ces 8 sièges sont tous attribués à des femmes ! Certes, il y a eu des démissions et malheureusement un décès, mais il est quand même extraordinaire – et merveilleux – d’avoir ainsi un groupe politique exclusivement composé de femmes, non pas parce que des règles ou des quotas l’auraient imposé, mais parce que les électeurs ont choisi de porter leurs votes avant tout sur des femmes. On est là bien loin d’une situation artificiellement imposée, mais face à une réelle orientation donnée par les électeurs dont on ne peut que se réjouir.

* En réalité, actuellement, il naît plus de garçons que de filles. Ce n’est que pour la tranche 50-54 ans, que l’égalité est plus ou moins parfaite. Au-delà de cette tranche, il y a plus de femmes.

lundi 29 mars 2021

Psychiatrie du néant

Axel est le fils d’une amie. Je le connais depuis sa naissance, ou presque. Un caractère fort, dès le départ. Une tête aussi, pas toujours simple à structurer. Pour des raisons qui me sont volontairement largement inconnues, il se retrouve depuis quelques mois en institution psychiatrique passant de l’une à l’autre. Pour être soigné ? Pas vraiment.

Confronté à une réalité soi-disant thérapeutique – ce qui n’est en soi déjà pas simple pour lui – Axel a inventé le concept de « psychiatrie du néant ». Et ce n’est pas triste. Ou plutôt, c’est triste ! Voici ce qu’il écrit dans un billet publié sur Facebook et Linkedin. (J’ai juste supprimé certains éléments d’identification qui, à mon niveau, ne présentent pas d’intérêt.)

Après près de six mois passés dans ce que je nomme la #psychiatriedunéant, je vais tenter d’énumérer les caractéristiques qui en font une honte du système de soins de santé à mes yeux. Je précise que je ne vise que le versant « toxicologie » de la psychiatrie et les deux lieux où j’ai résidé (DSM et la CFS). (…) Je tiens aussi à dire que je ne vise en aucun cas les professionnel·e·s souvent charmant·e·s, dévoué·e·s et compétent·e·s croisé·e·s. Ma réflexion est d’ordre systémique et vise l’institution, non les personnes. Dernière précision : entre le désert thérapeutique de DSM et la CFS, il y a un saut qualitatif indéniable, en particulier au niveau des activités proposées. Mais certains éléments sont communs aux deux structures et relèvent des champs médical, psychologique et social. Les voici :
1. Le diagnostic est incertain, variable et très peu expliqué au patient qui ne peut en conséquence être un acteur éclairé de son parcours de soins.
2. Le traitement médicamenteux est également variable et jamais expliqué.
3. Le travail psychothérapeutique est inexistant (DSM) ou sans périodicité définie (CFS).
4. Le travail social (enquête) est inexistant (DSM) ou peu visible et expliqué (CFS). Pour quelqu’un comme moi qui suis néo-SDF, c’est très insécurisant et donc contre-productif en termes de santé mentale.
5. Le psychiatre agit davantage comme censeur des critiques et préfet de discipline que comme médecin. (…)
6. Les « éducateurs » (ah, ce terme infantilisant !) sont exagérément intrusifs concernant l’ordre, l’hygiène et l’emploi du temps mais peu attentifs au bien-être de manière plus générale.
7. Les « référents » prévus par la loi brillent par l’absence de proactivité.
8. Les « médiateurs » également prévus par la loi marchent sur des œufs en raison de leur proximité au sein de l’institution.
9. Quand un événement extérieur survient (…), vous ne bénéficiez d’aucun soutien psychologique ou logistique. On vous laisse désespérément seul alors que la chose a été communiquée à l’équipe.
Mon avis est que l’institution psychiatrique telle que je la vis est particulièrement maltraitante et ne souffre pas la moindre critique légitime et démocratique. Elle préférera toujours la persistance dans l’erreur à l’aveu de la moindre faute dans la pratique ou le jugement. De toute façon, nous ne sommes que des « fous », peut être dangereux, n’est-ce pas ?
Ceci est un texte de nature politique et doit être considéré comme tel. (…)


Je ne suis pas à la place d’Axel et je ne peux donc certifier que ses constats sont corrects et/ou pertinents. Mais il s’exprime en connaissance de cause. C’est du vécu. Pour le suivre dans son expression depuis ces six mois, je peux témoigner que chaque fois qu’une perche lui a été tendue pour sortir de cette psychiatrie du néant, il l’a saisie, s’y est accrochée, y a cru… pour retomber encore un peu plus bas. C’est du vécu, mais ce n’est que son vécu. Certes. Ce n’est qu’un témoignage, forcément subjectif, partial et partiel. Il me semble néanmoins suffisamment structuré et lucide pour interroger les institutions psychiatriques. 

Que font-elles vraiment pour aider leurs « clients » à sortir de leur situation difficile ? Trop souvent, ne sont-elles pas seulement des « gardiennes » (pour utiliser ce terme encore malheureusement parfois utilisé pour désigner les institutrices maternelles), juste bonnes à « garder » ? Comme un « gardien de prison » protège surtout la société de ses délinquants…

Une personne qui se retrouve en institution psychiatrique, peu importe la raison, est une personne en souffrance complexe. On peut certes alors tenter de l’endormir et de l’occuper, mais si on ne la considère pas pleinement comme une personne inscrite dans une démarche de vie, même si celle-ci est complexe et peu lisible, et capable de retrouver une autonomie constructive, ne passe-t-on pas complétement à côté des objectifs ? À moins bien sûr qu’on en reste au concept d’« asile ». J’ose espérer – mais seulement espérer – que ce n’est plus le cas.

samedi 20 février 2021

Porte ouverte

 


FMG©2021

Cette photo d’une porte ouverte de mon bureau vers le jardin est d’une banalité affligeante ! Et pourtant ! Quelle force, quelle vie !

Pour la première fois depuis très longtemps, cette porte est ouverte et reste ouverte. Elle refroidit sans doute un peu la chaleur de mon bureau, mais elle apporte la vie, le chant des oiseaux, la lumière de l’accueil, la beauté de l’Arbre de vie !

De tout temps, la fin du mois de février et le début du mois de mars ont toujours été pour moi les périodes les plus difficiles de l’année. Celles où l’on se demande si l’hiver va se terminer, avec toute sa froideur, sa rigueur, sa désolation.

Alors, quand un bout de printemps pointe le bout de son nez, quel bonheur ! Ce mouvement chaleureux survenant seulement quelques heures après la vague de froid n’a que plus de valeur. Nous sommes en plein dérèglement. Il n’est pas « normal » d’ouvrir grande une porte extérieure un 20 février. Mais parfois, rien que pour le plaisir du moment présent, on ouvre et on respire…

S’il suffisait d’ouvrir une porte pour sauver le monde et célébrer la vie, je vous jure que je l’ouvrirais et plus encore… Celle-ci n’a pas cette ambition, mais elle éclate de sa naïveté lumineuse.

Notamment pour vous, Luc et Guy. Vous êtes avec moi dans mon bureau de lumière.

lundi 15 février 2021

Art religieux ?

 

S’il est bien des artistes que j’admire, ce sont les prêtres. Je ne sais pas trop comment ils parviennent à susciter un enthousiasme et une fidélité absolues auprès de leurs fans. Ils parviennent à les réunir toutes les semaines, dans des endroits pas toujours bien chauffés, où les sièges sont loin d’être confortables et où la ferveur des fidèles n’a d’égale que la banalité avec laquelle le message artistique est diffusé. Pas vraiment de magie, mais un enthousiasme constant des spectateurs.

Il doit y avoir un secret que ces artistes se refilent d’année en année, plutôt même de siècle en siècle. Comment expliquer autrement que la même mise en scène sans aucune surprise attire depuis si longtemps des milliers de spectateurs, et cela dans le monde entier ? Il faut vraiment que ces artistes soient des génies.

Nos autorités publiques ont d’ailleurs bien identifié cet art extraordinaire qui attire des foules disparates. Alors qu’avec cette foutue pandémie du coronavirus, on ne peut nulle part se réunir à plus de trois ou quatre personnes, les prêtres (et autres pandores religieux) ont obtenu cet incroyable privilège de pouvoir réunir semaine après semaine une quinzaine de personnes dans leurs édifices magiques. À vrai dire, je ne comprends pas très bien cette limite à quinze personnes tant les dits édifices sont parfois grandioses et qu’on pourrait y accueillir sans problème, pour certains d’entre eux, plus d’une centaine d’aficionados sans les mettre en péril.

Mes mots ci-dessus « la même mise en scène sans aucune surprise » sont clairement à nuancer. Depuis longtemps, la musique accompagne cette mise en scène. Les plus grands compositeurs – Bach, Mozart, Beethoven, etc. – l’ont bien compris et ont créé des musiques éternelles pour accompagner les artistes-prêtres. Et dans les cérémonies actuelles limitées à 15 personnes, la musique est la plupart du temps bien présente. Le moins qu’on puisse dire est que cela aide les artistes à maintenir l’écoute et la participation des spectateurs. C’est le miracle musical, semaine après semaine.

Hier, 14 février 2020, à l’Église de Crupet, un artiste a voulu célébrer cet art universel en invitant une quinzaine de spectateurs à vibrer avec lui. La police s'est sentie obligée d'arrêter très rapidement la cérémonie, cela en flagrante contradiction avec les arrêtés qui autorisent ces cérémonies en ces lieux. Le célébrant était seul sur « scène » avec 15 personnes masquées, à distances, éparpillées dans l’église. Mais voilà, la seule différence par rapport à d’autres offices, c’est que celui-ci avait été rebaptisé « concert » et que le célébrant était Quentin Dujardin, guitariste de son état.

Quelqu’un peut-il m’expliquer ?

samedi 6 février 2021

Où va-t-on ?



FMG©2021

Après quatre années de bons et loyaux services – c’est-à-dire n’avoir servi à strictement rien – les piles d’un détecteur de fumée ont manifesté dans un dernier acte de bravoure qu’elles étaient en fin de vie. Il suffisait donc de les remplacer. Modèle CR2450, pas standard, ce serait trop facile.

Mais enfin, ça se trouve, dans le magasin de bricolage le plus proche. Verdict : 9,99 EUR pour 2 piles. Il m’en faut trois ! Je m’apprête donc à payer 19,98 EUR et à me retrouver avec une pile dont je n’ai que faire. Éclair de génie : et si j’allais voir au rayon « détecteurs de fumée ».

Effectivement, j’en trouve un à 9,99 EUR qui me promet cinq années de fonctionnement ! Après quelques instants d’hésitation – c’est ridicule d’acheter un nouvel appareil pour en remplacer un autre qui fonctionne très bien – je me décide quand même. À la caisse, je constate qu’en plus j’ai droit à 25% de réduction pour promouvoir les appareils de détection (information inscrite en néerlandais, on se demande pourquoi, mais qu’importe…). De retour à la maison, je constate qu’en réalité il s’agit d’un appareil en tout point identique au précédent (ce qui m’évite en plus de devoir dévisser et revisser le support) !

Bref, j’ai payé 7,49 EUR pour un nouvel appareil avec de nouvelles piles garanties 5 ans plutôt que les 19,98 EUR pour des piles de remplacement, soit 62,5% en moins ! Certes, je ne me retrouve pas avec une pile neuve inutile, mais c’est un véritable scandale ! Il est inacceptable que l’achat d’un nouvel appareil soit économiquement parlant préférable au remplacement des piles. C’est inacceptable pour la plupart des personnes dans le même cas qui ne penseront pas à aller voir ce qui se passe au rayon des détecteurs. C’est inacceptable d’un point de vue écologique puisque, même en apportant l’ancien appareil en excellent état à la déchetterie, il n’y aura pas grand-chose qui sera recyclé, pour autant qu’ils prennent le temps de le faire, ce qui serait en réalité absurde dans une analyse bénéfice/coût.

Certes, j’ai « gagné » 12,49 EUR, mais je n’ai jamais autant râlé ! Mais où va-t-on ?
 

mardi 26 janvier 2021

Les charmes du virtuel


Un chanteur que j’apprécie beaucoup, non seulement pour ses talents d’auteur-compositeur-interprète, mais aussi pour ses qualités d’être humain, s’apprête à sortir l’enregistrement, en version voix-guitare, d’environ 80 chansons. Nicolas Peyrac (pour ne pas le nommer) a profité du confinement pour ressortir des placards des chansons déjà enregistrées, parfois il y a longtemps, et les a gravées dans la mémoire de son iPhone, en les partageant sur les réseaux sociaux, pour le plus grand plaisir de nombreux passionnés. La matière et la demande étaient là. Il suffisait de mastériser les morceaux et de les mettre sur… un clé USB style carte de banque. C’est là que ma réflexion commence.

Suivant l’annonce de la nouvelle sur sa page, un commentaire est apparu : « Ça me désole que l'on arrive à ces supports qui ne ressemblent à rien, mais il faut vivre avec son temps, adieu Cd, vinyles… ». Je respecte complètement cet avis, mais j’avoue qu’il ne me concerne plus du tout. Il y a longtemps que je n’écoute plus de la musique qu’à travers les fichiers contenus dans mon iPod. Celui-ci contient aujourd’hui plus de 30 000 morceaux, écoutés systématiquement selon une méthode aléatoire qui m’est propre et qui a évolué depuis 2007. La musique – celle que j’écoute du moins, à l’inverse de celle que je joue – n’a pour moi plus rien de matériel. Seule elle m’importe, dans sa musicalité.

Cette dématérialisation ne concerne pas que la musique. J’avoue ne plus être fort intéressé par tout ce qui est matériel : les cadeaux, les voitures, les appareils de toute sorte… tout en appréciant bien sûr l’intention derrière les cadeaux, les déplacements derrière les voitures, les services rendus par les appareils de toute sorte… Il y a aussi un certain temps que je n’utilise plus d’argent liquide, ayant toute confiance dans l’argent électronique, y compris « sans contact ». Ces périodes de confinement m’auront aussi permis d’apprécier les relations virtuelles. Elles ne remplacent bien sûr pas un bon contact direct et physique, mais elles offrent des possibilités parfois magiques d’être en contact lorsque les circonstances matérielles ne le permettraient pas en temps normal, avec aussi de nombreux gains en termes de temps et de déplacement.

Finalement, il y a deux grands domaines où la matérialité des choses m’intéresse encore au plus haut point : avant tout, bien sûr, la nourriture et la boisson. J’imagine bien que celles-ci auront également des développements immatériels, mais en attendant j’en jouis à juste titre. Le deuxième domaine concerne les livres, en particulier les bandes dessinées. Les moyens de lecture virtuels existent, mais ils ne m’intéressent pas du tout. Je lis bien sûr énormément d’informations virtuelles, mais je n’imagine pas un seul instant lire une BD sur un écran quelconque. Non, là, il me faut l’objet bien en mains, le sentir, le toucher, le caresser, en tourner les pages en m’imprégnant de leur grammage ou de leur finition…

Tout cela pour dire – comme Philibert-Joseph Le Roux – qu’au bout du compte, tous les goûts – virtuels ou non – sont dans la nature. Il n’est pas toujours facile de comprendre pourquoi l’autre ne ressent pas la même chose, s’attache à des éléments différents, vit autrement le même événement. N’est-ce pas en fait juste le résultat de différences purement… virtuelles ?