lundi 29 décembre 2008

Petits riens

FMG © 2008
Une année se termine. Semblable et différente. Semblable à toutes les autres, parce que finalement ce n’est qu’une suite de jours où il se passe des choses essentiellement marquées par la régularité. Différente, parce qu’évidemment, il y a des moments uniques. Ils le sont d’ailleurs peut-être tous. Une année, c’est fait de petits riens qui rendent la vie unique.

C’est une évidence, mais un jour, j’ai reçu un courriel qui me le redisait avec des mots qui me parlaient. Ces mots étaient faits pour être chantés. Alors, j’ai chanté. Une mélodie est née et s’est transformée petit à petit en chanson. Une chanson sauvage : ces mots qui m’étaient partagés n’étaient pas destinés à trouver chez moi une musique. Mais voilà, on ne contrôle pas toujours son destin.

C’était il y a plus de trois mois. Les mots de Cath ont eu une autre existence. Voici qu’ils prennent vie une deuxième fois, pour dire les choses de la vie, ces petits riens qui font tout !

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Tu sais, on n'est que c'qu'on est
La vie passe la vie nous fait
Des quidams au quotidien
Inquiets, agacés d'un rien,
Colère et papier de verre
Pour un p'tit grain de travers
Du sable entre les rouages
Qui nous mine et nous enrage
C'est une broutille un caillou
Des instants de rien du tout
Mais qui sont un peu de nous
Ces petits riens qui sont tout.

Tu sais, on n'est que c'qu'on est
La vie glisse et nous défait
Nous démet nos certitudes
Lors des grandes solitudes
Cataclysme, raz-de-marée
La douleur dans la durée
Trie le bon grain de l'ivraie
Une main, une parole vraie
C'est une broutille un caillou
Des instants de rien du tout
Mais qui sont un peu de nous
Ces petits riens qui sont tout.

Tu sais, on est ce qu'on est
La vie va et nous remet
Debout, sereins et lucides
Nus et humbles mais solides
Prêts à s'étonner d'un rien,
À saisir la joie qui vient
D'un matin clair, d'une lumière
D'un plaisir qui nous est cher
C'est une broutille un caillou
Des instants de rien du tout
Mais qui sont un peu de nous
Ces petits riens qui sont tout.

Tu vois, on est ce qu'on est
La vie rit, la vie nous met
Un éclat dans le regard
Pour une rencontre, un hasard
Un autre humain qui t'émeut
Qui te touche te rend heureux
Des grains d'ambre et de lumière
Rires complices et joie claire
C'est une broutille un caillou
Des instants de rien du tout
Mais qui sont un peu de nous
Ces petits riens qui sont tout.


Paroles : Catherine GINEFRI-PORET
Musique et interprétation : François-Marie GERARD
09 2008

dimanche 28 décembre 2008

Soleil froid

FMG © 2008

Les Africains qui viennent en Europe durant l’hiver ont toujours beaucoup de mal à comprendre que le soleil peut briller de toute sa force sans réchauffer la Terre. Nous vivons ces journées lumineuses, où l’air ne paraît jamais aussi pur, où le bleu du ciel rivalise avec le rose de la nuit naissante et où il fait si froid qu’on se sent vivre dès qu’on met le pied dehors.

Ce sont des journées splendides, surtout quand on peut les vivre à la mer où le ciel se marie à l’eau, au sable et au soleil. Le vent est glacial, mais il peine quand même à pénétrer les quelques couches avec lesquelles on s’équipe pour affronter la rigueur.

Je ne sais pourquoi, j’ai l’impression que cette année qui se termine est un peu à l’image de cette froidure lumineuse. Beaucoup de lumières bien sûr. Elles étaient souvent faites de petites étincelles, mais elles ont illuminé mon chemin et je suis heureux d’avoir – je l’espère du moins – participé à les réverbérer. Beaucoup de froid aussi. Celui qui vous gèle et vous empêche d’être aussi énergique qu’on le souhaiterait. En y réfléchissant, je ne parle pas des lumières et du froid du monde. Je laisse à d’autres les bilans annuels. Mais je pense à ces lumières intérieures et ce froid qui vient parfois glacer ma chaleur interne. Je n’en discours pas trop souvent, ça n’en vaut pas la peine. Mais les nuits sont longues parfois à force d’être froides.

La vie est ainsi faite. Ce n’est pas parce qu’une année nouvelle s’annonce à l’horizon que j’aurais l’outrecuidance de penser qu’il pourrait en être ou en aller autrement. La lumière et la froidure continueront à m’accompagner, et c’est très bien ainsi. C’est dans le froid de la lumière qu’on croit à la chaleur de la nuit.

lundi 22 décembre 2008

Nouvel Hymne International Belge

Une fois de plus, la Belgique est en crise. Par les temps qui courent, cela n’a rien d’extraordinaire : le monde entier est en crise… Mais chez nous, on ne fait rien comme les autres : non seulement on participe largement à la crise financière et économique, mais aussi on n’oublie pas notre crise linguistique et on y ajoute une petite crise politique fondée sur un non-respect par le premier ministre lui-même (ou son entourage) de la sacro-sainte séparation des pouvoirs.

On se retrouve ainsi une fois de plus sans gouvernement au moment où il faut gouverner. Tout le monde (politique) s’accorde pour dire qu’il faut une résolution rapide de la crise, et tout le monde (politique) fait tout pour que la crise ne soit pas rapidement résolue. C’est le jeu évidemment, d’autant plus que des élections régionales et européennes auront de toute façon lieu dans 6 mois. Il semble donc plus important de spéculer sur ces élections que de trouver une solution.

Nous, le peuple, on en a marre de ce cirque. Mais comme les belges ont la réputation d’être bon public, on regarde en comptant les coups, en pissant un bon coup et en faisant les emplettes de Noël. C’est quand même plus important.

Dans cette grisaille, j’ai pu assister pas plus tard qu’hier, en pleine crise, à un spectacle revigorant de Raphy Rafaël. Zahori est un spectacle qui parle de la vie, dans ses joies et ses peines, ses plaisirs et ses douleurs, ses coups et ses caresses. Spectacle à voir et à déguster, de toute évidence. Et lorsque Raphy Rafaël nous propose son Nouvel hymne international belge, on se dit que décidément nos politiciens feraient bien de l’entendre !

(Mettez le lecteur audio sur Pause avant de lire la vidéo.)

J’suis à moitié Espagnol
Comme la moitié de la Belgique
Et à moitié Marocain
Comme la moitié de mes copains
J’suis à moitié des Marolles
Comme la moitié de la Belgique
Et à moitié Africain
Comme mon cousin Germain

Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Monaco
En passant par les Amériques
Et le Kilimandjaro
Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Tombouctou
En passant par les Amériques
Du Pôle nord jusqu’au Pérou…

J’suis à moitié Hollandais
Comme la moitié de la Belgique
Et à moitié Irlandais
Comme la moitié des Anglais
J’suis à moitié Portugais
Comme la moitié de la Belgique
Et moitié Sénégalais
Comme la plupart des Français !

Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Monaco
En passant par les Amériques
Et aussi le Kosovo
Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Perpignan
En passant par les Amériques
Et le barrage d’Assouan…

Moi qui suis moitié Flamand
Comme la moitié de la Belgique
Et Wallon l’autre mi-temps
Comme la plupart des gens
Et Bruxellois entre-temps
Comme la moitié de la Belgique
Je trouve ça très amusant
Et je rigole à plein temps.

Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Monaco
En passant par les Amériques
Et surtout Sarajevo
Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Calcutta
En passant par les Amériques
Et le lac Tanganyika
Et les falaises d’Etretat
Et les chutes du Niagara
Et les bras de Natacha
Avec le Kama-Sutra…

Moi qui suis un chaud latin
Comme la moitié de la Belgique
Avec du sang argentin
Comme tous les Napolitains
Je viens d’un pays lointain
Comme la moitié de la Belgique
Le pays des vrais Humains
Qui se tiennent tous les mains.

Comme la moitié de la Belgique
De Bruxelles à Monaco
En passant par les Amériques
Et le lion de Waterloo
Comme la moitié de la Belgique
Qui n’a plus qu’un seul souhait
Une devise magnifique:
Avec tout votre respect…
“Foutez-nous un jour la Paix!”

© Raphy Rafaël | Muzaïka Productions | Sabam

samedi 20 décembre 2008

Être cool sur Facebook

Il faut vraiment que je n’ai pas grand chose à raconter pour parler de Facebook et de l’application « Is cool », mais que voulez-vous, c’est la crise !

Bref, ceux qui sont sur Facebook peuvent participer à une application « Is cool » qui consiste théoriquement à être cool et pratiquement à cumuler des points qui prouveraient qu’on l’est ! C’est bien sûr une vaste supercherie : ceux qui ont beaucoup de points – des centaines de milliers même – ne sont pas plus cools que ceux qui n’en ont qu’une petite centaine, voire pas du tout.

Il suffit de lire les réactions des cooleurs lorsque l’application déconne un peu et leur fait perdre – apparemment – tous leurs points. Ouh là, ils ne sont plus du tout cools dans ce cas, mais expriment toute leur rage.

Cela dit, la manière d’obtenir des points est en soi assez astucieuse : vous êtes un jour « invité » par un « ami », et ça vous vaut déjà un premier point. Encore faut-il « accepter » ce point. Si vous l’acceptez, l’ami qui vous l’a envoyé peut automatiquement vous envoyer un nouveau point, si du moins il en a l’envie. Il en aura certainement plus l’envie si au moment où vous acceptez son point, vous lui en envoyez un vous-même. Donc, il y a deux « boutons » à cliquer : l’un pour accepter les points qu’on vous envoie, l’autre pour en envoyer à ceux qui vous en envoient. Le retour d’ascenseur, quoi !

L’attitude cool me semble à l’évidence de cliquer à tous les coups sur les deux boutons : je reçois, donc j’envoie ! C’est non seulement l’attitude cool, mais c’est aussi le moyen le plus efficace pour augmenter son nombre de points : puisque tu es gentil avec moi, je suis gentil aussi… Bien sûr, si je te donne un point au moment où j’en reçois un de ta part, l’écart qui nous sépare n’augmente pas et ne diminue pas. Mais si j’envoie un point à 4 amis et qu’ils m’en renvoient chacun un, cela me fait 4 points de gagnés pendant que chacun de mes amis n’en a eu qu’un ! Par contre, si je n'en envoie pas à l'un d'entre eux, il risque de ne pas m'en envoyer non plus et je n'aurai donc que 3 points au lieu de 4 !

Vous m’avez suivi ? Fort vraisemblablement, non ! C’est d’ailleurs pourquoi pas mal de cooleurs n’ont pas tellement la couleur cool et se contentent d’accepter les points que je leur envoie en oubliant de m’en envoyer. Ça me fait râler – enfin, tout est relatif, parce que s’il fallait râler pour ça, où irions-nous ? – mais surtout ça me surprend de me rendre compte qu’autant de personnes ne comprennent pas que le meilleur moyen d’avoir des points qui prouvent soi-disant qu’on est cool est d’être cool vraiment, c’est-à-dire de donner et de recevoir avec le même enthousiasme.

Finalement, cette application un peu stupide (mais on s’y accroche) est peut-être très révélatrice de la nature humaine. Et c’est bien ça qui est inquiétant !

dimanche 14 décembre 2008

Inexorable vieillesse

Inexorablement, on finit par vieillir. Je ne parle pas de la vieillesse qu’on atteint durant la cinquantaine ou la soixantaine. Là, on est encore jeune ! Je parle de celle qui nous rattrape quand on dépasse les quatre-vingts ans. Et encore, certains sont encore en pleine forme à cet âge.

Finalement, ce n’est même pas une question d’âge (enfin, tout est relatif). Je parle de la vieillesse qui nous ronge les os, qui nous vole notre autonomie, qui nous ramène vers la dépendance. Tout le monde n’y arrive pas. Heureusement. Mais certains, quel que soit leur âge, connaissent cet hiver de la vie.

Ce n’est pas simple d’être vieux. Les maisons de repos ou les maisons de soins sont là pour nous les rappeler. On y voit beaucoup de solitude ou de désœuvrement. Parfois même, quand la tête ne suit plus tout à fait, on y croise beaucoup de vide et d’oubli. C’est dur, tant pour les vieux eux-mêmes que pour les jeunes et moins jeunes qui viennent les voir, quand il y a des jeunes et des moins jeunes qui viennent.

Pourtant, au-delà de ce qui est souvent de la détresse, il y a aussi un autre rapport à la vie. Les vieux savent mieux que nous qu’ils vont mourir. La mort est à côté d’eux. Elle n’attend qu’un petit signal ou qu’un léger signe de faiblesse. À force de côtoyer cette mort, ils en font leur compagne. Et ils goûtent pleinement à chaque instant de vie, à chaque petite richesse qu’elle peut apporter. Il y a alors une insouciance qui permet un regard neuf sur le monde et ses petites misères.

Inexorablement, on finit par vieillir. Est-ce un mal ?

dimanche 7 décembre 2008

Une question de regard

FMG © 2008

C’est juste une question de regard. D'un regard en duo.

Des chansons, j’en ai créé beaucoup. La plupart n’ont que peu d’intérêt, mais enfin, je les ai faites. Le plus souvent, j’ai conçu le texte et la musique ensemble. Mais il m’est arrivé aussi d’écrire d’abord le texte ou de commencer par la musique. Finalement, ça ne change pas grand chose.

J’ai aussi mis en musique, et parfois interprété, quelques textes écrits par d’autres. Une seule fois, je crois, une de mes musiques a été mise en texte par quelqu’un d’autre : Les trois ardéchois, chanson écrite et interprétée dans la version originale par Robert.

Ces derniers temps, j’ai mis en musique certains textes d’une amie, Cath. C’était une mise en musique quelque peu sauvage : j’avais reçu des textes que je sentais particulièrement bien. En les lisant, une musique venait spontanément. C’est juste une question de regard. J’ai formalisé ces musiques… mais ces textes étaient en réalité déjà mis en musique et interprétés par Yves Borredon. C’est lui qui avait eu la bonne idée de convaincre Cath de ce qu’elle pouvait écrire des chansons. Elle l’a fait avec brio. Moi, je me suis juste permis de détourner un peu ces textes et d’en faire des chansons sauvages. Juste pour le plaisir. Juste une question de regard, en fait.

Puis, Cath m’a envoyé un texte inachevé. Pas même destiné à devenir une chanson. Je l’ai lu et j’ai senti que, décidément, Cath écrivait des mots qui me parlaient. Juste une question de regard. Et j’ai fait quelque chose que je n’avais jamais fait. Tout en créant une musique, j’ai modifié quelques mots, quelques phrases. J’en ai même ajouté. J’ai transmis ces changements à Cath. Elle a réagi en me disant qu’elle verrait mieux tel mot, telle phrase, telle idée. Petit à petit, le texte a évolué. J’ai fait un premier enregistrement, jugé – avec raison – trop lent par Cath. Nous avons continué à modifier l’un ou l’autre mot. Au bout du compte, on ne sait plus très bien qui a fait quoi… Juste une question de regard.

Pour moi, il n’y a aucun doute : c’est le texte de Cath, grain de sel. Je n’ai fait qu’y contribuer. Cette première expérience d’écriture à deux, malgré les 350 km qui nous séparent, est assez troublante. Mais ô combien enrichissante. Et de toute façon, c’est juste une question de regard. D'un regard en duo.

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C'est une question de regard
Juste une question de regard
Le tien garde son silence
Mais il est plein de confiance
Alors je sais qu'il est tard
Je m'en remets au hasard
Entre tes bras en corbeille
Je laisse venir le sommeil
J'y réfléchirai demain
J'aurai le jour dans les mains
Et les idées bien plus claires
Au matin dans la lumière

C'est une question de patience
Juste une question de patience
Tu m'écoutes et tu attends
Il me faut un peu de temps
Mais tout sortira de l'ombre
Les mots et les idées sombres
Là où le cerveau s'embrume
Dans la colère ou l'écume
Où tout ce qu'on ne dit pas
Viendra peut-être pas à pas
Et le fil se déliera
L'écheveau se dénouera

C'est une question de présence
Juste une question de présence
Et je vais beaucoup plus loin
Ton regard me tient la main
Il me porte et me soutient
C'est un vent de trois fois rien
C'est un souffle de confiance
Qui me fait libre et j'avance
J’hésite, mais je crois en toi
Je sens que je deviens moi
Juste par un regard clair
Qui me rend le ciel ouvert

Paroles : Catherine GINEFRI-PORET et François-Marie GERARD
Musique et interprétation : François-Marie GERARD
Tous droits réservés 11/12 2008

samedi 6 décembre 2008

Sommets, reflets et lumières

FMG © 2008

La vie est souvent faite de lumières dans la nuit. On ne sait plus trop où on va et beaucoup de choses semblent aussi sombres que la nuit. C’est alors que des lumières surgissent, dans l’éclat ou le prolongement, et qu’elles viennent nous guider en nous redonnant confiance. Merci d’être ces lumières.

La vie est souvent faite de reflets. On s’imagine être seul, perdu avec nos convictions, nos doutes, notre manque de confiance en nous. C’est alors que des reflets surgissent pour nous faire voir la vie autrement. Les aspérités y deviennent plus floues et plus douces. Les lucioles s’y étalent pour créer un fond de clarté. On finit par s’y voir soi-même. Merci d’être ces reflets.

La vie est souvent faite de hauts et de bas. On se croit pris dans une banalité consternante où tout est pareil. C’est alors que des bas surgissent pour nous accrocher, nous déstabiliser. On craint de s’y perdre définitivement. C’est alors que des hauts surgissent, nous montrant qu’il est encore possible de relever le défi. Celui de toujours aller plus loin. Merci d’être ces hauts et ces bas.

La vie est souvent faite de chaleur. Le froid de l’hiver nous assaille. La pluie tombe drue et glaciale. On croit qu’il n’y a plus de caresse possible. C’est alors que la chaleur surgit, ravivant tous nos sens, libérant un flot de tendresse et nous conduisant à l’extase absolue. Cet abandon total nécessite tant de confiance réciproque qu’il nous mène au creux de nous-mêmes. Merci d’être cette chaleur.

vendredi 5 décembre 2008

A-fric sans intérêt…

Cette caricature de Kroll parue dans Le Soir de ce 5 décembre 2008 n’est bien sûr qu’une caricature. Par définition, elle simplifie les traits. La réalité est évidemment bien plus complexe.

N’empêche… Pourquoi les Européens iraient-ils s’occuper de ce qui se passe en Afrique alors qu’ils ont tant à faire pour sauver leur économie ? À quoi bon dépenser de l’argent pour sauver des vies humaines qui ne rapporteront rien ?

L’Afrique porte malheureusement bien son nom. A-fric, avec un alpha privatif lourd de sens… Absence d’argent. L’Afrique se meurt de ne pas en avoir, de ne pas en produire, de ne pas en dépenser. Pas d’argent. Autant dire, pas de vie, pas d’existence, pas d’intérêt. Rien que des bouches à nourrir, rien que des santés à soigner, rien que de fausses démocraties à dériver…

Pourquoi nous en occuperions-nous ? Nous avons mieux à faire… Nous avons à cultiver nos petits sous, à goinfrer nos estomacs, à couvrir nos bambins de saintnicolaseries, à produire de la croissance…

Qu’on s’entretue au Congo en déplaçant des milliers de civils abandonnés à eux-mêmes, qu’on laisse une population au Zimbabwe s’éteindre de cholera pour ne pas troubler un dictateur… tout cela n’a pas d’importance. De toute façon, on n’a rien à gagner là-bas.

Mais n’a-t-on pas déjà tout perdu ? En commençant par notre dignité ?

dimanche 30 novembre 2008

La couleur est la gloire de la lumière

FMG © 2008

Nous sommes dans les journées les plus courtes de l’année, où la grisaille rivalise avec la froideur. Pourtant, cette photo a été prise ce vendredi 28 novembre 2008. Simplement, c’était dans la banlieue de Tunis. Et ce jour-là, il y faisait particulièrement beau et chaud. Enfin, tout est relatif : il faisait plus chaud que les jours précédents.

Ce soleil bleu, cette lumière lumineuse, et ces maisons colorées, ça change tout. Comme quoi, il ne suffit pas de grand chose pour transfigurer le monde et lui donner des atouts ensoleillés.

Combien ont-ils eu raison de peindre ces façades avec ces couleurs chaleureuses mais douces ! La vie naît tant de la couleur que de sa variété. On pénètre immédiatement dans un autre univers. Celui de la beauté.

« La couleur est la gloire de la lumière », écrivait Jean Guitton. Lui aussi avait bien raison. Si nous pouvions tous mettre un peu de couleurs dans notre vie, comme ce serait bon !

jeudi 27 novembre 2008

Pas encore pour maintenant

Stephen est mon ami. Nous avons quasiment le même âge (une vingtaine de jours nous séparent). Nous avons fait nos études d’instituteur ensemble. Nous avons habité ensemble. Nous avons été en vacances ensemble. Nous avons commencé à travailler ensemble. Nous avons travaillé pendant des années dans la même école. Nous avons passé des tas de bons moments ensemble. Quand j’ai changé de métier, nos chemins se sont un peu séparés, mais Stephen reste quelqu’un pour moi.

Dans quelques semaines, Stephen prendra sa préretraite. 30 ans de carrière. 55ans. Ça suffit en Belgique pour arrêter de travailler quand on est enseignant. Stephen va prendre sa préretraite et j’avoue que ça me fout un coup de blues.

Si je n’étais pas parti dans une autre direction, nous pourrions fêter une double préretraite. Ça m’aurait bien plu de fêter ça avec lui. Mais ma carrière se déroule désormais dans le privé, et je devrai attendre mes 65 ans pour partir à la retraite. Bon, j’avoue, à partir de 60 ans, je pourrais arrêter, mais avec une pension diminuée.

En réalité, je ne me sens pas prêt à arrêter tout. Et je crois que le jour où je prendrai ma retraite, il ne me faudra pas plus d’une semaine pour me dire « Bon, qu’est-ce que je fais maintenant ? ». Il n’empêche, je commence quand même à ressentir plus difficilement les contraintes du travail. J’aime mon métier et j’y fais des choses extraordinaires. J’y rencontre des personnes lumineuses. J’y découvre à chaque instant de nouveaux horizons. Ce qui me pèse, c’est le côté forcé du travail. Il faut aller travailler. Il faut faire des choses que je n’ai pas envie de faire. Il faut se battre contre soi-même pour animer un groupe difficile ou décrocher un client. Il faut aller au turbin tous les jours. Il faut se lever le matin. Ces contraintes font partie de la vie professionnelle. Elles m’ont très peu pesé jusqu’à présent. Mais je sens bien que ça commence.

Et dire que Stephen, lui, va voir les choses autrement. Tant mieux pour lui. Tant pis pour moi. Enfin, pas tout à fait tant pis : je le redis, j’aime mon métier et je continuerai à m’y investir avec enthousiasme. Mais quand même…

lundi 24 novembre 2008

Vigilante alternance

FMG © 2008

Une démocratie se caractérise fondamentalement par l’alternance. Sans alternance, pas de démocratie. En cela, les États-Unis donnent périodiquement une grande leçon de démocratie : un président démocrate suit un président républicain, sans que cela ne semble poser de véritables problèmes. Au contraire, peut-être plus que dans de nombreux autres pays, le Président américain est reconnu comme tel par l’ensemble des Américains, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont toujours d’accord avec lui, mais ils le respectent en tant qu’occupant de la plus haute fonction.

On ne peut pas dire qu’à cet égard, la Tunisie – où je passe une fois de plus quelques jours professionnels – soit un exemple d’alternance. Les fondements de la démocratie sont ici périodiquement bafoués. Bien sûr, il y a de temps en temps des élections, mais les résultats en sont connus d’avance et sont tellement marqués qu’ils ne peuvent en aucun cas être la véritable expression du peuple.

Ce pays en est-il pour autant une négation de la démocratie ? Difficile à dire. Il y a ici tant d’éléments dont se réclament les régimes démocratiques. Une liberté de penser, ce qui ne veut pas dire – malheureusement – une liberté de s’exprimer. De nombreux débats peuvent cependant avoir lieu ici dans le respect de la parole des acteurs. Quand on voit par exemple les ouvertures possibles dans le monde de l’éducation, on se dit qu’un certain Darcos aurait quelques leçons à recevoir de ce pays. Liberté aussi par rapport à l’Islam. Toutes les visions de cette religion se côtoient ici, apparemment sans grandes tensions et sans extrémisme. On me dira que celui-ci est étouffé dans l’œuf. Peut-être. Mais en attendant, ce qui transparaît pour un observateur occasionnel comme moi, c’est la liberté religieuse.

Bref, je n’oserais pas lancer de jugements péremptoires sur le niveau démocratique de ce pays. Globalement, je dirais plutôt que ce pays aux maisons si blanches est dans le noir et que l’horizon démocratique s’y limite à des lumières balisées dont on ne peut sortir. Mais dans ce noir global, et sans tendre vers l’horizon, il y a par ci par là des poches lumineuses telles des étincelles de liberté. Celles-ci existent, mais ne doivent pas conduire à se laisser endormir. Au contraire, la vigilance est de mise. Quand l’alternance ne peut exister, c’est la vigilance qui crée le reflet de vie.

samedi 22 novembre 2008

La ballade de nulle part

J’imagine que tous les lecteurs de ce billet connaissent Maxime Le Forestier. J’imagine par contre que tous ne savent pas que Maxime a une grande sœur qui s’appelle Catherine et qui a fait une belle carrière – avec notamment la sulfureuse chanson Le pays de ton corps – tout en l’interrompant en pleine gloire par soif de liberté. J’imagine que ceux qui connaissent l’existence de Catherine ne savent pas pour autant que frère et sœur ont commencé leur carrière, en 1966, par un duo appelé Cat & Maxim. Ce duo a enregistré deux 45 tours. On trouve quelques traces du premier « Emmène-moi » quand on navigue sur la toile. Trouver des traces du deuxième est plus rare, même s’il est cité dans quelques biographies de Maxime.

Amateur de Catherine, je lui consacre une page sur mon site personnel. Cette page est d’ailleurs très visitée. Il faut dire que les informations sur cette chanteuse extraordinaire ne sont pas légion. Bref, je faisais depuis la création de la page état du premier 45 tours, dont j’avais finalement obtenu des versions mp3. J’avoue que j’ignorais l’existence du deuxième 45 tours. Il a surgi brusquement dans ma vie, en venant de nulle part.

J’ai soudainement reçu un message de Pascal me demandant si j’étais intéressé par ce disque. Nous avons ainsi noué contact et – le plus simplement du monde – Pascal m’a fourni les images de la pochette et les 4 chansons en fichiers mp3.

Ces chansons n’ont rien d’extraordinaire. À les écouter, on se dit que Cat & Maxim ont bien fait de (re)devenir Catherine Le Forestier et Maxime Le Forestier tant ce qu’ils ont fait tous les deux par la suite est mille fois mieux que ces chansons de jeunesse. Mais là n’est pas l’important. Ce que je trouve de merveilleux, c’est qu’un collectionneur de disques de Maxime est arrivé sur ma page et a eu la simplicité de me contacter immédiatement. Il a ensuite eu la générosité de me partager ses trésors. Cela ne lui a rien coûté évidemment. Mais il l’a fait en m’expliquant qu’il ne sert à rien d’être collectionneur si ce n’est pas pour en faire profiter les autres ! Quelle superbe leçon de la part de Pascal, corse à la retraite.

Je n’ai plus moi-même qu'à partager avec vous cette chanson La ballade de nulle part, dont – si j’en crois les crédits indiqués sur le disque - Georges Moustaki a composé la musique, les paroles étant dues à un certain B. Varanges (même si partout sur la toile, le texte est attribué à Moustaki…).

Quoi qu’il en soit, avec tant de générosité, laissons-nous porter, le monde nous appartiendra…



J'ai longtemps marché,
J'ai longtemps cherché
Ici ou là.
J'allais dans le noir,
J'allais sans savoir
Vers qui, vers quoi.

Ensemble nous irons de ville en ville,
De ville en ville.
Nous marcherons d'un même pas tranquille
Et rien ne nous arrêtera.

Je t'ai attendu,
Je t'ai entendu
Venir de loin.
Je t'ai reconnu
Quand tu es venu
Prendre ma main.

Ensemble nous irons de ville en ville,
De ville en ville.
Nous marcherons d'un même pas tranquille
Et rien ne nous séparera.

Laissons-nous porter,
Laissons-nous guider
Par le hasard.
Allons jusqu'au bout
à ce rendez-vous
De nulle part.

Ensemble nous irons de ville en ville,
De ville en ville.
Nous marcherons d'un même pas tranquille.
Le monde nous appartiendra.

vendredi 21 novembre 2008

Justice en déliquescence

Jean-Marc roulait en voiture dans une zone limitée à 30 km/heure. Souhaitant tourner à gauche, il ralentit et se positionna à gauche. Il entendit à ce moment un bruit de chute et constata qu’une moto était tombée derrière lui, jetant à terre ses deux passagers, dont l’un fut blessé. La moto n’a pas touché la voiture de Jean-Marc. Des traces d’une longueur de 6 mètres montrent que la vitesse de la moto était certainement supérieure à 50 km/heure. La police a fait les constats nécessaires.

L’affaire passe en justice : les motards prétendent que la voiture s’est soudainement déportée et les a fait chuter. Alors que tous les éléments objectifs montrent qu’il n’en est rien, le juge décide de condamner Jean-Marc. La philosophie pénale aujourd’hui est de protéger les victimes à risque : les piétons, les cyclistes, les motards… C’est une logique comme une autre et, en tant que motard occasionnel, je la trouve assez cohérente. Sauf lorsqu’elle consiste à condamner quelqu’un qui n’a rien fait de mal sous le prétexte fallacieux que s’il n’avait pas été là, la chute de la moto n’aurait pas eu lieu.

Qu’à cela ne tienne, il suffit d’aller en appel. C’est la base du fonctionnement de la justice. Mais en appel, Jean-Marc est condamné, plus sévèrement même encore. En réalité, sur trois magistrats qui ont œuvré en appel, il y en a deux qui avaient déjà sévi en première instance. Pourquoi se seraient-ils déjugés ?

Cette histoire vraie me laisse pantois. Non seulement la justice, on ne sait pas trop bien pourquoi, condamne un innocent, mais en plus son fonctionnement va à l’encontre même de ses principes de base. Le fondement d’un tribunal d’appel est de permettre à un autre juge de reconsidérer les choses. Si c’est le même juge qui intervient en première instance et en appel, celui-ci n’a pas de sens. En bonne logique, on devrait pouvoir casser un tel jugement. Il semble que ce ne soit pas le cas. Le système entérine sa propre négation.

Comment voulez-vous, face à de telles absurdités, que les gens aient encore confiance dans la justice ?

mercredi 19 novembre 2008

Opérationalisation

FMG © 2008

J’ai pris une décision importante aujourd’hui, mais qui me désole, même si son importance est somme toute assez relative.

Désormais, je n’écrirai plus « opérationalisation », mais « opérationnalisation », avec deux n au lieu d’un seul ! Vous voyez, ça change tout !

C’est le résultat d’un long processus. En réalité, ne cherchez pas : le mot « opérationnalisation » avec 1 ou 2 n n’existe pas ! C’est un néologisme, créé sur la base de l’adjectif « opérationnel » qui existe bel et bien, avec 2 n.

Ce néologisme est cependant abondamment utilisé dans les langages opérationnels (c’est le cas de le dire) tels que la pédagogie ou la gestion de projets. Si vous utilisez ce bon Google, il nous fournit 47 400 occurrences (avec 2 c et 2 r) pour « opérationnalisation » avec 2 n, alors qu’il propose pas moins de 144 000 pages pour « opérationalisation » avec 1 seul n.

Pourquoi alors opter finalement pour 2 n ? Il faut dire qu’en anglais, le choix est vite fait : c’est automatiquement avec un seul n. Si, toujours dans Google, vous vous limitez aux pages francophones, on se retrouve immédiatement avec seulement 10 700 « opérationalisation ».

Y a-t-il un débat ? Oui. Les linguistes officiels vous diront que les deux possibilités existent dans le cas d’une nominalisation d’un adjectif en « nnel », mais qu’il vaut mieux préférer la double consonnalisation. Il y a différentes raisons à cette préférence, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, parce qu’elles sont en réalité boiteuses.

Personnellement, j’ai – jusqu’à présent – été beaucoup plus empirique. Il me semblait qu’ « opérationalisation » était beaucoup plus proche de « rationalisation » que de « institutionnalisation ». Et donc, par analogie, j’optais pour un seul n. Malheureusement, j’ai bien dû constater que la majorité des personnes optait pour 2 n.

Aujourd’hui encore, dans un document que j’avais préparé et que je projetais en formation, j’étais ennuyé de voir que mon « opérationalisation » était souligné de rouge par mon traitement de texte. Je reçus le coup fatal lorsque j’ai projeté un document réalisé par des participants, avec un bel « opérationnalisation » que le traitement de texte s’obstinait à ne marquer d’aucune manière ! Bref, je me suis avoué vaincu… et j’écrirai donc désormais « opérationnalisation ». Un point, c’est tout. Mais croyez-moi, c’est une décision difficile : cela fait près de 20 ans que je me bats contre des moulins à vent. Tout ça pour rien. Rassurez-vous : je ne pleurerai pas. Il y a des choses bien plus graves.

Par exemple, des problèmes de chauffage. Eux, ils me pourrissent (avec 2 r et 2 s) vraiment la vie. C’est pour ça que j’ai choisi une photo qui n’a rien à voir avec le contenu de mon coup de blues : ça me permet de penser à autre chose… et j’ai encore plus le blues !

Toute la musique que j'aime,
Elle vient de là, elle vient du blues.
Les mots ne sont jamais les mêmes
Pour exprimer ce qu'est le blues.

mardi 18 novembre 2008

Le bal des gens bien

À vrai dire, je ne suis pas un fan d’Adamo. Mais il faut bien reconnaître qu’il a réalisé une carrière admirable et que, durant cette carrière, il a pu faire quelques chansons qui sont de petits bijoux.

La plupart de celles-ci sont reprises dans cet album de duos. Le genre n’est pas nouveau et en soi, cela n’a rien d’extraordinaire. Mais c’est vrai que réunir autour d’un vieux briscard des « jeunes » comme Olivia Ruiz, Julien Doré, Renan Luce, Jeanne Cherhal ou Thomas Dutronc, c’est déjà pas mal !

Ce sont de vrais duos, où il y a un véritable apport du comparse. Dix-huit chansons qui sont presque toutes des coups de cœur. Je retiendrai pourtant ce qui pour moi a toujours été la meilleure chanson d’Adamo : Le ruisseau de mon enfance, interprétée ici avec Raphaël qui donne à cette chanson pleine de tendresse toute sa finesse et sa sincérité.

Dans un autre univers, il y a ces chansons surréalistes d’Adamo, des chansons bien belges tant elles sont en réalité délirantes : Vous permettez Monsieur, avec un Bénabar en pleine forme, Mes mains sur tes hanches, avec Julien Doré bien sage en réalité, et puis – avec deux anciens – l’improbable Les filles du bord de mer, avec un Souchon égal à lui-même, et l’amusante Ma tête, où Yves Simon apporte son phrasé et son sens du mot.

Les joyaux classiques d’Adamo sont bien sûr de la fête, même si ce ne sont pas mes interprétations préférées : Inch’Allah, avec Colagero, C’est ma vie, avec Isabelle Boulay, Tombe la neige, avec Laurent Voulzy, La nuit, avec Jeanne Cherhal…

Je retiendrai encore les deux dernières chansons, qui sont aussi les plus récentes, et qui sont fondamentalement des duos liées à tout jamais à leur co-interprète : toute la profondeur de Tant d'amour qui se perd, avec une Maurane toujours aussi planante, et puis l’humour joyeux de Ce George(s), avec la définitivement sublime Olivia Ruiz, resplendissante de beauté et d’énergie.

J’en reste là… mais c’est vraiment un album à découvrir, avec des chansons à redécouvrir. Finalement, cet Adamo, c’est un grand monsieur !

mardi 11 novembre 2008

Hêtre pourpre, être de pouvoir

FMG © 2008

Inévitablement, l’automne apporte son faisceau de couleurs. Comment ne pas se ravir devant tant de grâce, de luminescence, de profondeur ?

Et parmi toutes ces merveilles, le hêtre pourpre - Fagus sylvatica purpurea – prend plus que jamais toute sa force et tout son pouvoir.

Sa couleur rouge transfigure l’horizon. Ce n’est pas pour rien que la langue française rend compte, dans ses sens figurés, de la gloire passée et de l'excellence de la couleur rouge. Pourpre a désigné, par métonymie, le pouvoir, la puissance, la richesse.

En attendant, c’est un être qui sait prendre son temps. Au printemps, il est parmi les derniers à se recouvrir de ses plus beaux appâts. Mais lorsque les feuilles surgissent, cet arbre au port majestueux domine par sa force tout ce qui l’entoure. La forêt ne connaît pas d’être plus solennel. Où qu’il soit, il attire le regard et pousse à la modestie.

Et lorsque l’automne pointe ses froidures et ses ventures, le hêtre pourpre finit par laisser couler son sang, rougissant de son auguste force une dernière fois la verdure de la vie, avant de feindre s’endormir pour mieux nous dominer.

dimanche 9 novembre 2008

Mieux vaut un petit feu qui chauffe qu’un grand feu qui brûle

FMG © 2008

Finalement, un feu, ça a du bon par les temps qui courent. Imaginez que votre installation de chauffage tombe en panne. Une bête fuite d’eau qu’on ne peut pas trop localiser facilement. Imaginez que tous les chauffagistes du monde soient surchargés de travail et indisponibles pendant une période indéterminée. Imaginez, bien sûr, que tout cela se passe plutôt quand il fait froid que quand il fait chaud. (Cette dernière phrase est stupide : pourquoi le chauffage devrait-il fonctionner s’il fait chaud ?). Bref, imaginez que le froid s’installe progressivement dans votre « foyer ». Qu’est-ce que vous faites ?

On pourrait déménager, évidemment. C’est une solution efficace, mais pas si simple que ça à mettre en œuvre. On pourrait installer plein de chauffages électriques un peu partout. Je ne suis pas sûr que ce soit très efficace, mais ça doit surtout être très coûteux. On pourrait se couvrir de plusieurs couches, mais ça rend les mouvements moins fluides. Enfin bref, on pourrait sans doute des tas de choses, mais encore faudrait-il les pouvoir réellement.

Première hypothèse, simple : au moment où vous vous êtes installés, vous avez pensé à remplir un trou dans une cheminée par une cassette à bois. Deuxième hypothèse, tout aussi simple : au même moment, vous avez eu la bonne idée de vous installer dans une maison sise à côté d’un bois. Troisième hypothèse, plus complexe : ce bois est à l’abandon et périodiquement le vent fait tomber l’un ou l’autre arbre qu’il suffit de découper pour constituer un stock de bûches. Quatrième hypothèse, simpliste : il suffit de mettre des bûches dans la cassette et d’allumer un feu pour chauffer quelques pièces de la maison. Ça marche.

J’en reste là. Ce billet manque de toute évidence d’un quelconque intérêt. « Mieux vaut un petit feu qui chauffe qu’un grand feu qui brûle » disait Rowland Watkins. Il avait bien raison.

samedi 8 novembre 2008

Apprendre où à l'essai ?

La manière de concevoir l’erreur dans un processus d’apprentissage a fortement évolué. Il n’est pas loin le temps où se tromper constituait pour tout élève une faute pour laquelle il devait être puni. Cette idée assez immorale a conduit certains pédagogues à envisager un enseignement sans erreur : le courant néobéhavioriste a montré qu’en proposant des tâches limitées et progressives, on pouvait amener l’élève à progresser sans erreur d’autant plus que chaque réussite était récompensée par un renforcement positif. Cette conception a cependant été largement critiquée d’une part parce qu’elle consistait à modeler l’individu sans lui laisser beaucoup de liberté et d’autre part parce qu’elle permettait difficilement à apprendre à gérer la complexité. À la suite des travaux de Piaget qui a montré qu’apprendre consistait à franchir une série d’obstacles, l’erreur a acquis un nouveau statut : inutile d’essayer de la contourner, mais au contraire considérons-la comme une ressource au service de l’apprentissage. C’est en se plantant qu’on fait ses racines ! La plupart des pédagogues d’aujourd’hui s’inspirent du constructivisme et confèrent à l’erreur un rôle actif et positif dans l’apprentissage.

Même si je suis plutôt réticent aux thèses constructivistes quand celles-ci se transforment en vérité infaillible rejetant aux oubliettes toute autre démarche, j’ai toujours considéré que l’erreur était sans doute le meilleur moyen d’apprendre à ne plus en faire. Prenant connaissance – grâce un article d’Elise Dubuisson paru dans Le Soir du 8 novembre 2008 - d’une étude menée par une certaine Eveline Crone, psychologue de l’Université de Leiden, je me laisse cependant interpeller.

« Eveline Crone a observé au moyen de la technique de résonance magnétique fonctionnelle l’activation des zones cérébrales lors d’exercices d’apprentissage. D’après ces images, les mêmes aires cérébrales s’activent quel que soit l’âge. En revanche, l’intensité de cette activation varie fortement en fonction du type de commentaire reçu après l’exercice. Ainsi, chez les enfants de 8 à 9 ans, les aires responsables du contrôle cognitif réagissent fortement à des commentaires positifs, mais peinent à s’activer si les remarques sont négatives. À l’inverse, des enfants de 12 à 13 ans réagiront plus à un commentaire négatif. »

En d’autres termes, ces résultats indiquent qu’il est difficile pour de jeunes enfants d’apprendre de leurs erreurs. Cette observation est évidemment très importante pour les pratiques pédagogiques : mettre un élève de 8 ans dans une situation d’apprentissage où l’on sait bien qu’il se trompera n’est vraisemblablement pas aussi productif qu’on le pensait, ou du moins que certains voulaient bien le penser. Je ne crois pas que cela signifie qu’il ne faille pas confronter les jeunes élèves à des situations complexes ou à des défis. Mais ceux-ci doivent venir à un moment où l’élève a suffisamment appris pour réussir le défi ou résoudre la situation complexe.

Somme toute, c’est mettre en œuvre une pédagogie de la réussite en abordant la complexité uniquement au moment où celle-ci peut être abordée avec une probabilité de réussite suffisamment élevée. Cela n’a l’air de rien, mais en réalité, cela va à l’encontre de beaucoup de discours pédagogiques actuels. Et comme ces discours sont souvent prononcés par des personnes qui n’arrêtent pas de parler, il y a possiblement et malheureusement peu de chances qu’elles entendent les implications des travaux d’Eveline Crone !

mercredi 5 novembre 2008

Repos dévirginalisé

Jean-Louis Humblet © 1978

il est toujours un moment
inattendu et inquiet
où il convient de s'arrêter
de regarder devant et derrière soi

lorsqu'on s'y installe inévitablement
le soleil acquiert de nouvelles teintes
qui n'ont de l'étoile que l'essence
et il faut s'en réchauffer

on voudrait bien en ce moment
s'évader de ses propres rêves
s'encourir vers des montagnes
où la douceur se caresse des mains

peut-être un jour en sortirons-nous
mais pourra-t-on alors se taire parfois
et se laisser bercer par des mélopées
qui s'étirent au seuil de la vie.

FMG © 1978

lundi 3 novembre 2008

Ça, c’est bête !

FMG © 2008

Je sais que je vais me faire des ennemis, mais – que voulez-vous ? – il faut parfois regarder la vérité en face et oser la dire : je n’aime pas les animaux. Et les bêtes ne sont pas mes amies, loin de là !

Ça ne veut pas dire que je n’ai jamais eu un brin d’affection pour l’une ou l’autre bête. Dans ma vie communautaire, il m’est arrivé de cohabiter avec l’un ou l’autre chat, voire l’un ou l’autre chien. Comme je n’avais finalement rien contre eux, on a fini par bien s’entendre. Quand je rentrais à la maison, Kidu me faisait autant la fête qu’à son vrai maître. Comme quoi…

Cela ne m’empêche pas de ne pas trop comprendre la place qu’on donne dans notre société aux animaux. Ils font bien sûr comme nous partie des êtres vivants et à ce titre, ils méritent tout mon respect. Quand je vois dans le jardin un lièvre, un chevreuil, un pic-vert, un écureuil, ou tout autre animal sauvage qui profite du calme des lieux, je les observe toujours avec plaisir. Ils sont chez eux comme je suis chez moi. On partage la même terre, mais nous avons chacun nos espaces et surtout nos libertés.

Finalement, j’aime bien les animaux qui sont libres et indépendants. À une seule condition : qu’ils respectent les êtres humains ! Quand j’apprends aujourd’hui que deux chiens errants ont déchiqueté une femme qui se promenait sur le bord d’une route, près de Montpellier, et que celle-ci est décédée à la suite de ses blessures, je suis révolté. Ces chiens devraient être tués. Tous les chiens errants devraient l’être. Je n’ose pas dire « tous les chiens », mais peut-être le pensé-je quand même.

J’ai parfaitement conscience que de nombreux animaux sont les seuls à manifester quelque affection à de nombreuses personnes seules. N’est-ce pas inquiétant ? Notre société est-elle tombée si bas ? Quand on voit les sommes colossales qui sont consacrées à ces animaux domestiques, n’y a-t-il pas d’autres utilisations possibles de tout cet argent qui bénéficieraient plus à l’humanité ?

Je vais en rester là ! Inutile de risquer de mettre ma vie en danger… on ne sait jamais ce qui peut arriver à quelqu’un qui ose dire que les animaux, ce n’est pas son truc ! Tant pis, c’est dit.

samedi 1 novembre 2008

La vaine conquête de l’autonomie

Gaston Chaissac © 1961

Qu’est-ce qui fait qu’un individu devient autonome ou non ? Même si les scientifiques n’arrêtent pas de trouver des gènes de toutes sortes, censés expliquer pourquoi on devient alcoolique, violent ou névrosé, j’ai du mal à croire que l’autonomie serait inscrite dans un gène ou l’autre. Ce déterminisme ne convient pas trop à l’idée que j’ai de l’être humain.

Mais j’ai du mal à croire aussi que ce soit uniquement une question d’éducation. Si c’était le cas, tous ceux qui reçoivent la même éducation devraient atteindre le même degré d’autonomie, ce qui est loin d’être le cas. Il est bien sûr impossible de recevoir la même éducation, car celle-ci est faite non seulement par les éducateurs officiels que sont les parents, enseignants et autres éducateurs professionnels, mais aussi par tous les éducateurs informels liés aux événements que l’on vit, aux personnes qu’on rencontre, etc. N’empêche, je ne parviens pas trop à me dire que notre autonomie ne serait que le résultat des circonstances dans lesquelles on s’est trouvé.

Construirait-on tout seul notre autonomie ? Difficile à croire aussi. Pour cela, il faudrait être autonome… Comment quelqu’un qui ne l’est pas pourrait-il décider seul d’être autonome ou de ne pas l’être ? On entre là dans le domaine des injonctions paradoxales. Comment dire à quelqu’un « Sois autonome » s’il ne l’est pas ?

En attendant, force m’est de constater que certains n’arrivent jamais au degré d’autonomie nécessaire pour trouver pleinement leur place dans notre société. Pourquoi ? Comment ? Qu’y faire ? Je n’en sais rien (ce qui est peut-être, finalement, une preuve de ma propre non-autonomie…).

L’autonomie est trop souvent confondue avec l’indépendance. On peut être autonome sans être indépendant. Un enfant, inévitablement dépendant, peut être tout à fait autonome. Et ce n’est pas parce qu’on est indépendant qu’on est autonome.

Être autonome, c’est pouvoir avancer sans être enfermé par les contingences de la dépendance. C’est, finalement, être responsable de soi, quelles que soient les contraintes dans lesquelles on se trouve. N’est-ce pas finalement une vue de l’esprit ? Et l’esprit est-il quelque chose qui se conquiert ?

mercredi 29 octobre 2008

Namur, ville des brumes

FMG © 2008

En quelques jours, la température s’est radicalement refroidie. C’est un plaisir. Moi qui me retrouve périodiquement dans des pays chauds, je goûte pleinement la jouissance du froid ! Elle est relative, bien entendu. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ceux qui sont dans la rue, ou dans un immeuble mal isolé et peu chauffé. Le froid peut tuer. Je ne l’oublie pas.

Mais la chaleur peut tuer aussi et elle est lourde à porter. Il est en vérité beaucoup plus difficile de s’adapter à la chaleur qu’au froid. Quand il fait froid, il suffit de mettre une couche supplémentaire de vêtements. Quand il fait chaud, on atteint rapidement une limite qu’on ne peut pas dépasser.

Mon propos n’est pas là cependant. Il fait froid ces jours-ci. Mais il fait froid sous le soleil. Concept toujours difficile à comprendre pour un africain : comment peut-il à la fois geler et soleiller ? C’est pourtant la réalité. Les paysages prennent alors des contours bien singuliers, surtout lorsqu’on est en plein automne. Les couleurs des arbres diffusent à elles seules toute la chaleur dont on a besoin.

Certaines régions se couvrent de brumes, imperméables durant la matinée, flou artistique durant l’après-midi. La ville de Namur, confinée entre la Sambre et la Meuse, à l’abri de la Citadelle, offre des mystères qu’il me plaît à imaginer. Je n’en perçois pas toutes les clés. Mais cette ville, berceau de ma famille, offre des voies qui méritent d’être explorées.

dimanche 26 octobre 2008

Les signaux détournés (7)

(Illustration issue de la page Dormir de Facebook)

Je roulais depuis longtemps. Quelle idée de vouloir traverser tout un pays simplement pour aller voir un lever de soleil sur la mer. Mais parfois il y a des plaisirs qu’il ne faut pas se refuser. Au diable les bons penseurs qui décréteront du haut de leur savoir universel qu’il est dangereux de rouler toute une nuit sans s’arrêter (si ce n’est pour faire le plein, bien entendu).

Je roulais donc depuis longtemps. J’ai toujours aimé rouler la nuit. L’éclat des phares crée la lumière et on a l’impression d’être une flèche qui se fraie un chemin à travers l’éther. Le danger est sans doute accru du fait qu’inévitablement, on ne voit pas tout ce qui nous entoure. Mais on voit aussi les autres voitures depuis bien plus loin, grâce à leurs phares lucioles dans la nuit.

La route était longue, mais j’étais en pleine forme. J’allais enfin voir ce lever de soleil dont je rêvais depuis quelques jours. Que dis-je, quelques semaines. Il me semble que je l’avais bien mérité. Il faut toujours avoir à sa disposition un beau petit lever de soleil, surtout quand on a une certaine tendance – passagère bien sûr – à broyer du noir. Bref, plus j’avançais dans le noir, plus je me rapprochais de la lumière naissante. Quelle ivresse !

Je n’ai pas réalisé tout de suite. J’avoue que j’étais perdu un peu dans mes rêves. Mais petit à petit, je pris conscience que je croisais périodiquement un signal qu’il me semblait n’avoir jamais rencontré. Il me semblait qu’il y était fait état de zigzags. L’autoroute me semblait pourtant démesurément droite. Tellement droite qu’on finirait par s’y endormir. Je crus voir aussi le dessin d’un pont suspendu, mais je sentais bien que le délire m’envahissait.

Il faisait toujours aussi noir. Cependant, plus le temps passait, plus mon cœur gonflait de bonheur à l’idée de profiter enfin de ce lever de soleil. Petit à petit pourtant naissait aussi l’envie de plus en plus grande de dormir. Je me demandais bien pourquoi. Ce n’est quand même pas parce qu’on roule pendant toute une nuit pour aller voir un lever de soleil qu’on devrait s’endormir au volant. Quelle idée saugrenue.

Il fallait bien néanmoins me rendre à l’évidence. Mes yeux picotaient inlassablement. Encore un effort, tenir le coup. Le lever de soleil n’était plus très loin. Je ne savais plus trop où j’en étais. Je finis par regarder ma montre. Pas de problème, j’avais encore le temps. Je m’étirai progressivement. Il me semblait que mon volant n’était plus dans mes mains. N’était-ce pas plutôt un oreiller ? Brusquement, j’ouvris les yeux, sortant de la torpeur de ma nuit. Le lever de soleil était déjà passé. Ciel, ils avaient encore décidé de changer d’heure…

samedi 25 octobre 2008

Continuer à y croire

FMG © 2008

Parmi la multitude des blogs, il en est plusieurs qui sont consacrés à suivre la progéniture de l’auteur du blog, généralement la maman. On découvre leurs bons mots, leurs doutes, leurs émerveillements, leurs premiers exploits, leurs peurs… et le bonheur de leurs parents pour qui ces petits enfants sont de merveilleuses pépites.

J’avoue ne pas avoir encore découvert - ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas - de blogs consacrés à des adolescents où les parents décriraient et commenteraient leurs mots parfois durs et crus, leurs certitudes faussement sûres, leurs désabusements, leurs exploits dont ils sont les seuls à se vanter, leurs désillusions cachées… et le doute de leurs parents pour qui ces ados restent de merveilleuses pépites, mais qui en font voir de toutes les couleurs.

Pourtant, des choses à écrire, ce n’est pas ça qui manque. La sentence « Petits enfants, petits soucis ; grands enfants, grands soucis » est sans doute un cliché caricatural. Mais elle n’est pas trop loin de la vérité.

Inutile de s’étendre sur toutes ces frustrations qu’on encaisse comme on peut, avec plus ou moins d’amertume ou de recul. Elles font partie de la vie et il serait vain de vouloir les ignorer ou les éliminer. Au bout du compte, ce qui importe est de garder confiance. Non pas faire confiance, car ce serait souvent se leurrer et faire croire à l’autre qu’on est dupe. Mais avoir confiance. Se dire que le jeune avance, malgré tout, dans la bonne direction. SA direction. Continuer à y croire.

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Tu es un ado
Rien qu’un ado
Tu te mets à dos
Tous ceux qui ne le sont plus
Tu vas crescendo
Sans aucun credo
En un eldorado
Dont tu te sentirais exclu

Ce qui t’intéresse, c’est le moment présent
D’être avec tes copains devant une bonne bière
Pour devenir sérieux, il sera toujours temps
Demain n’est rien d’autre qu’un autre avant-hier
Tu ne sais pas trop ce que tu es ou n’es pas
Cela t’importe peu tu es ce que tu parais
Il te faut montrer ce qu’il y a de mieux en toi
Ou du moins de la manière dont tu le voudrais

Ce qui te plairait c’est qu’on te foute la paix
Qu’on te laisse vivre avec ton insouciance
Il s’ra toujours assez tôt pour devenir parfait
En attendant on peut dire que tu t’en balances
Alors tu te refermes derrière ton mp3
Et tu rêves à l’amour qui te ferait exister
Qui te ferait sortir de ton costume étroit
Même si tu sais qu’il ne ferait que passer

Tu vis dans un monde peuplé de tentations
Qui peuvent te faire croire que tu as trouvé le sens
De cette vie qui t’offre plus de désillusions
Que de raisons de croire à une vague espérance
Derrière tout ce qui te donne un air de rufian
Pendant que beaucoup pensent que tu te dévergondes
Il t’arrive d’entrevoir que finalement
Oui, c’est bien toi qui es l’avenir du monde

François-Marie GERARD - FMG © 2006

mercredi 22 octobre 2008

Tombe la pluie

Peut-on avoir une quelconque influence sur les éléments naturels ? A priori, je dirais que non. Je peux encore imaginer qu'on puisse avoir une influence collective et scientifique : je n'en suis pas trop sûr, mais je crois savoir que les hommes sont parvenus à faire tomber la pluie dans certaines régions désertiques, en jouant sur divers facteurs climatiques. Et si ce n'était pas encore le cas, je ne doute pas que ce le serait dans quelques temps.

Mais ma question porte sur une influence individuelle, non voulue, tout en étant systématique. Je m'explique. Dans le cadre professionnel, j'ai effectué plus de 50 missions en Tunisie, et c'est encore le cas pour le moment. Je ne sais plus trop quand j'ai commencé à me poser certaines questions, mais toujours est-il que je me suis aperçu un jour qu'il pleuvait quasiment à chaque fois que je venais en Tunisie. Alors même que ce n'est pas vraiment un pays où il pleut tout le temps.

Une fois que j'eus pris conscience de ce phénomène, j'y prêtai plus attention et je dus bien constater l'évidence : à chaque mission en ces terres, à un moment donné, il pleuvait. Sans aucune exception. Je le communiquai à mes collègues tunisiens qui m'écoutèrent avec un scepticisme évident. Pourtant, l'évidence était là : il suffisait d'être présent en Tunisie pour qu'il pleuve. Pas nécessairement longtemps. Mais de manière systématique. Je me souviens d'un séminaire où je l'avais annoncé dès le premier jour, alors même qu'il faisait superbe. J'étais le plus sceptique de tous... mais il finit par pleuvoir. Un orage intense même. Je me souviens d'un autre séminaire à Hammamet en plein mois d'août. Il ne pleut pas à Hammamet au mois d'août. Sauf qu'il a plu. Il suffisait que je sois là.

N'étant plus venu en Tunisie depuis un certain temps, j'avais oublié cette histoire. Je suis ici depuis lundi et il fait un temps superbe. Très agréable. Ce matin, vers 11 heures, brusquement et sans préavis, il s'est mis à pleuvoir. Fortement. Indiscutablement.

J'ai eu un moment d'extase : oui, ça marche toujours... Mais cette extase a fait place à de nombreuses interrogations. Qui suis-je pour faire tomber la pluie de manière systématique en Tunisie ? (C'est le seul pays où ça m'arrive). Ai-je un pouvoir magique ? Dois-je l'utiliser pour nourrir cette terre qui souvent en a bien besoin ? Qui suis-je donc ?

jeudi 16 octobre 2008

La colline aux malices

FMG © 2008

La voix est ample, vibrante. Elle vient du fond des tripes et y conduit directement. On ne reste pas longtemps indifférent devant cette puissance, cette force et cette conviction.

Il n’y a pas grand monde sur la scène. Juste Antoine Quinet aux claviers et puis, Coline Malice, à la voix et à l’accordéon (diatonique). Mais toute la scène est habitée de ce bout de femme qui nous raconte ses histoires, qui nous partage ses émotions, qui nous fait voltiger de voyage en rencontre, de rencontre en voyage, de colline en malice.

En regardant le ciel doucement se coucher
J’pense aux mille merveilles qui restent à inventer
Solitaire dans mes rêveries
Ni guerre, ni loi, ni ennemi
Seule à regarder la pluie
C’est pour des p’tits moments comme ça qu’on vit
Seule à regarder la vie
C’est dans des p’tits moments comme ça qu’on vit

Coline Malice (belge installée en Auvergne) trouvera – c’est sûr – son chemin dans l’univers de la chanson. Cette chanson des artisans, celle avec laquelle il est si bon de respirer (Mon pays tranquille), de sentir les larmes couler lorsque l’émotion vous assaille (une chanson extraordinaire pour une vieille dame qui se retrouve en maison de repos), de partager ses peurs, mais surtout son bonheur (Vingt-neuvième hiver), de toucher toute la fragilité du monde (Petite fleur).

Si ce moment est inoubliable, si les cœurs étaient ouverts, si des jeunes ados eux-mêmes se sont laissés prendre au piège de la tendresse et de la vérité, « c’est que c’était comme ça ! ».


(Mettez le lecteur audio sur Pause avant de lire la vidéo.)

D'autres vidéos (pas de très bonne qualité malheureusement) sont disponibles ici. Sans oublier bien sûr, son CD Petits moments qui vient de sortir… Un régal !

mardi 14 octobre 2008

Porter la croix de la croissance

Il y a un certain temps que je souhaite faire un billet sur la croissance. J’aurais dû le faire depuis longtemps, car tout le monde croira que c’est la crise financière actuelle qui m’amène sur ce terrain que je ne connais pas trop. Finalement, croyez ce que vous voulez… mais ne croyez pas trop à la croissance.

Pourtant, toute notre économie occidentale est fondée sur elle. Sans la croissance, tout irait mal, du moins si on en croit les économistes et autres argentiers. Dès que la croissance diminue, c’est comme si le ciel nous tombait sur la tête. Notre bien-être, tant individuel que collectif, lui serait intimement lié.

Il ne s’agit pourtant que d’un concept économique. Quand les biens et les services produits dans une société augmentent sur une période donnée, on dit qu’elle est en croissance. Et on postule que pour que la société soit épanouie et épanouissante, il faut qu’elle soit en croissance.

L’indicateur magique de cette croissance porte sur le produit intérieur brut. Lorsque celui-ci est exprimé par habitant, on obtient un indicateur du pouvoir d’achat. Plus on a de pouvoir d’achat, plus il y a de croissance. Et plus on achète, plus on est heureux ! Enfin, c’est du moins l’idée des défenseurs de la croissance.

Je ne suis pas économiste. Mais pas sot non plus : il ne faut pas l’être pour constater que cette croissance se fait au détriment des ressources qu’elle nécessite. Croître à tout prix, c’est remiser au frigo un développement durable.

Au-delà de ce problème – qui n’est pas le moindre – il y a lieu de s’interroger aussi sur le concept même de croissance. Le bien-être humain est-il vraiment lié à son développement économique ? Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : il est évident que le développement économique est indispensable. Trop d’êtres humains n’en bénéficient pas aujourd’hui, ou en bénéficient trop peu. Mais il s’agit là d’une question d’équité, et non pas de croissance. En réalité, celle-ci ne profite la plupart du temps qu’aux plus riches.

Cette course effrénée à la croissance ne conduit nulle part. Il me semble qu’il faudrait la remplacer par une course au développement humain. L’indice de développement humain existe d’ailleurs. Il prend en compte la santé (mesurée par l’espérance de vie), le niveau d’éducation (mesuré par le taux d’alphabétisation) et le niveau de vie (mesuré bien entendu par le PIB par habitant). Ce n’est pas encore parfait, mais l’IDH met au moins l’accent sur d’autres réalités. Sans surprise, ce sont bien sûr les pays industrialisés qui ont l’IDH le plus élevé.

Il ne faut pas se faire d’illusion : la croissance a encore de beaux jours devant elle, même si elle va souffrir dans les années qui viennent. Mais si seulement on cherchait à atteindre une croissance du développement humain de tous les pays, on aurait quand même fait un pas dans la bonne direction. C’est une illusion ? Pourquoi ?

lundi 6 octobre 2008

La fée Mirabelle

"Mirabelle" - Clara Massé © 2008

Il était une fois une fée. La fée Mirabelle. Dès son plus jeune âge, elle en étonna plus d’un. Il faut dire qu’apparemment, elle n’avait aucun don spécial. Ce qui est assez étonnant pour une fée. Elle ne faisait aucun miracle et toutes ses amies fées se demandaient bien pourquoi c’était une fée. Elles ne comprenaient pas, mais elles devaient bien reconnaître qu’elles se sentaient bien auprès de Mirabelle. C’était comme s’il se dégageait d’elle une force de vie incommensurable. Mirabelle ne faisait rien de spécial, car elle ne savait rien faire de spécial. Mais il suffisait qu’elle ouvre les bras pour accueillir ses amis et ses amies pour que ceux-ci se sentent pris dans un souffle étonnamment chaleureux et pénétrés d’une harmonie substantielle.

Mirabelle continua à mener sa vie de la manière la plus naturelle qui soit. Tout le monde se sentait bien auprès d’elle et tout le monde se demandait bien pourquoi.

Ce qui devait arriver arriva. La fée Mirabelle rencontra un prince. Il n’était ni riche ni charmant. À vrai dire, il ignorait même qu’il était prince. Aussi, il menait une vie normale, bercée surtout par les élans de la musique. Il avait d’ailleurs découvert un secret mystérieux : la musique peut relier les hommes !

C’est certainement la musique qui finit par réunir Mirabelle et le prince. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Les bras ouverts de Mirabelle et la musique du prince les conduisirent à découvrir Huayna Picchu et la musique des Andes. Le prince avait compris qu’au fond, les sikus, kénas, charangos et autres bombos n’étaient que des instruments bidouillés avec des morceaux de bambou, des carapaces de tatou, ou des peaux de chèvres. Mais il savait que parfois, de ces instruments, sortent des sons tellement inattendus qu’ils sont si beaux.

Ils vécurent longtemps ensemble. Une vie comme toutes les vies, sauf qu’elle était faite de chaleur, de musique et de bonheur. Il suffisait que Mirabelle ouvre les bras pour que tout s’ensoleille et que la vie de tous devienne une fête.

Un jour, alors que Mirabelle et son prince étaient en balade, ils sentirent soudain un froid glacial. Ils connaissaient cette forêt pour s’y être souvent promenés. Mais jamais, ils n’avaient senti cette froidure. Brusquement, ils virent devant eux deux horribles gnomes. Ils les attendaient patiemment. Ils se présentèrent : « Nous sommes Creutzfeldt et Jakob. Nous venons te chercher, Mirabelle. Le monde des ténèbres a besoin de ta chaleur. »

Mirabelle et le prince eurent beau lutter, les gnomes avaient pris leur décision.

Le prince se retrouva seul. Désemparé. Esseulé. Comment pourrait-il vivre sans sa Mirabelle ? Pourtant, il continuait à sentir périodiquement ces vagues de chaleur qu’il avait tant connues chaque fois que Mirabelle ouvrait ses bras. À vrai dire, il n’avait jamais trop cru que Mirabelle était une fée. Maintenant qu’il sentait cette chaleur l’envahir inévitablement, il comprit que les bras de Mirabelle étaient encore ouverts, prêts à l’accueillir, à lui donner la vie. Elle les avait tant ouverts qu’ils ne pouvaient plus se refermer. Décidément, Mirabelle était une vraie fée !

Pour A.C.

dimanche 5 octobre 2008

Vous avez dit crise ?

Notre monde vit quelques turbulences. Nul ne sait quand elles s’arrêteront. Il y a toutes sortes de mesures qui sont prises et qui ont certainement un effet, mais il est impossible de savoir si elles permettront de régler le problème de fond. Il est même sans doute plus opportun d’en douter que d’y croire !

Je serais bien incapable d’expliquer les tenants et les aboutissants de cette vaste affaire. La complexité économique est évidente et on ne peut pas la réduire à des explications réductrices. Néanmoins, un mécanisme semble tout aussi évident : certains ont voulu se faire de l’argent facile. On en prête, on en échange, on croit que la source en est inépuisable, surtout quand cette source est virtuelle (quand bien même ce sont au bout du compte des petites gens qui trinquent). Tant que le système fonctionne, tout va bien. Mais un jour, on se rend compte que ce qu’on prête n’est pas remboursé, que plus personne n’a rien à échanger, que la source n’est pas totalement inépuisable. Alors, la crise démarre. Ceux qui étaient riches ne le sont plus. Ou du moins, les institutions chargées de gérer les richesses ne les possèdent plus. À partir de là, le château de cartes peut commencer à s’effondrer. Il s’effondre.

Les grands argentiers nationaux et internationaux commencent alors à s’en inquiéter. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, des sommes colossales sont libérées pour tenter de sauver l’économie mondiale. Le discours sur la protection des petits épargnants permet de faire passer la pilule, de faire croire que les décisions prises le sont au bénéfice de la population, alors que – vraisemblablement – elles servent surtout à protéger les intérêts des puissants et des riches. Tout le monde applaudit. Pourtant, il reste des questions qui ne trouveront peut-être jamais de réponses.

Les petits épargnants sont-ils vraiment sauvés ? Pour le savoir, il n’y a qu’une seule solution : chacun devrait aller retirer ses sous confiés aux banquiers et autres financiers. Ce serait malheureusement une très mauvaise idée. S’il fallait vraiment rembourser tout le monde, le système ne pourrait que s’effondrer définitivement. Il est basé sur les échanges. Le moindre euro placé dans une banque est automatiquement « échangé » pour le faire fructifier d’une manière ou d’une autre. Si un épargnant isolé peut effectivement récupérer à tout moment ses sous, par définition il est impossible que tous les épargnants le fassent en même temps. Ce n’est donc qu’avec le temps qu’on en saura un peu plus. Ça dépend fortement de ce qui se passera dans les mois qui viennent, mais personne ne le sait.

Alors que tous les États ont actuellement des budgets limités, comment peut-on en un week-end libérer des milliards ? Peut-on expliquer que nos dirigeants ne sont jamais parvenus à régler les problèmes de famine dans le monde alors qu’il suffirait de quelques millions d’euros ou de dollars, mais qu’ils trouvent des milliards pour tenter de régler les problèmes des riches argentiers qui ont mal spéculé ? C’est évidemment une question naïve dont la réponse est complexe. Notamment parce qu’il est vrai qu’en essayant de sauver l’économie occidentale, ils permettent de ne pas sombrer dans une crise mondiale dont les premières victimes seraient inévitablement les pays les plus pauvres, et surtout les populations les plus pauvres. Il n’empêche qu’on peut se demander comment on peut trouver facilement et rapidement des milliards pour sauver un système financier quand on ne parvient pas à trouver des millions pour sauver des gens.

Tout cela a-t-il un sens, finalement ? L’économie est la gestion de la rareté. Elle est normalement au service de la collectivité, de telle sorte que tout le monde puisse bénéficier de la rareté. Elle se fonde sur des échanges dont chacun devrait profiter. N’y a-t-il pas longtemps maintenant que l’économie n’est plus cet échange équitable ? Certains n’ont-ils pas voulu créer de la richesse à partir d’une rareté inexistante (ce en quoi elle serait encore plus rare…) ?

Quoi qu’il en soit, la seule issue actuelle est de garder un minimum de confiance dans le système, sans quoi celui-ci s’effondrerait, inévitablement. Mais peut-on garder confiance ?