vendredi 26 août 2011

Les plaisirs cachés

FMG © 2011

Je viens de vivre ce qui sera peut-être ma dernière soirée dans ce pays merveilleux qu’est Madagascar. J’y travaille – par intermittence – depuis 2004 et j’ai appris à apprécier ce peuple et ce pays. J’y termine mon 24e séjour, sans avoir aucune certitude d’en vivre d’autres.

À Madagascar, le vendredi soir, c’est le « vendredi magnifique ». Dans les rues, il y a une animation particulière. Les étals de brochettes de bœuf et de poulet éclosent un peu partout. Plus discrètement, les vendeurs de bière font leurs affaires. Un pays comme un autre finalement.

À l’hôtel Palissandre qui m’accueille depuis mon premier séjour, le vendredi est consacré à une soirée malgache. Brochettes et punch offerts à l’apéritif. Nourriture malgache au menu du jour, préparée avec autant de qualité qu’elle ne l’est les autres jours. Et pendant tout ce temps, musique malgache. Ce soir, ils n’étaient que deux, mais la qualité de leur musique traditionnelle était à la mesure de celle du service que cet hôtel offre en permanence.

Il y avait dans la salle de restaurant une bonne vingtaine de convives qui – il faut bien l’avouer – ne semblaient pas trop s’intéresser à cette musique malgache interprétée par de bons musiciens. Du moins, c’est l’apparence que les convives donnaient. Peut-être en fait étaient-ils en train de planer. C’est difficile de montrer sa satisfaction musicale ou culturelle quand on est en train de se remplir la panse.

N’empêche, ne passe-t-on pas trop souvent à côté d’un petit bonheur qui en annonce un grand ? Il est ainsi des tas de moments où quelque chose d’extraordinaire se passe sans qu’on le perçoive, tout simplement parce que notre esprit ou notre corps est occupé par d’autres rêves tout aussi exaltants, mais qui servent d’écran aux autres plaisirs.

Cette soirée aurait pu être banale… une fin de mission de plus. Mais soudain, j’ai entendu les cordes de la valiha, j’ai entendu la voix mélodieuse de cette belle chanteuse, j’ai entendu les volutes mystérieuses de cet autre monde… Je m’y suis laissé bercer, me demandant pourquoi chaque jour n’était pas pareil et pourquoi tant de zigotos passaient à côté des réalités simples de la vie. Pourquoi laisser les plaisirs cachés ?

samedi 20 août 2011

La force de la conviction

FMG © 2011

Une grande dame s’en est allée. La dernière fois que je l’ai vue – il n’y a pas longtemps –, elle était toute petite, ravagée par la maladie. Derrière cette fragilité, il restait sa luminosité. C’est celle-ci que je garderai toujours en mémoire.

Ce n’est pas quelqu’un que j’ai très bien connu. Pour moi, c’était surtout, durant mon adolescence, la Maman d’ami(s) précieux. Je me suis retrouvé chez eux plus souvent qu’à mon tour. Elle m’a toujours accueilli, en toute simplicité. Confusément, je sentais bien que cette femme était différente des autres.

Ce n’est que bien plus tard que j’appris des éléments de son histoire : « L’exil des enfants de la guerre d’Espagne (1936-1939) ». Si elle était en Belgique, c’est parce que, enfant, elle avait dû fuir l’Espagne, sa guerre civile et sa folie. Ayant tout perdu, elle a eu tout à reconstruire. En restant fidèle à l’idéal de sa famille, de son peuple, de sa vie. Elle, apparemment si menue, se dévoua pour garder la mémoire de ces jours, pour réunir ceux qui les avaient fuis, pour donner sens à la vie qui s’était reconstruite.

Emilia laisse aujourd'hui derrière elle un homme, son mari qui en a été bleu toute sa vie. Il y avait de quoi. Elle laisse aussi trois enfants… bien grands maintenant. Ils sont tous les trois différents, mais ils ont en commun une fierté d’être et de vivre qui illumine ceux qui les approchent. Par eux, elle continue pleinement à vivre sa force de la conviction. Toujours aussi grande !

lundi 8 août 2011

Pierres pairées

En vacances chez nos amis français, nous avons passé d’excellents moments à jouer une adaptation libre du « Mot de passe ». En trois mots, il faut faire découvrir à son comparse un autre mot choisi par la paire adverse !

Ce soir-là, l’équipe des filles devait (faire) découvrir le mot « colonie ». Assez simple, non ? Mais quel ne fût pas notre étonnement d’entendre notre amie française proposer en premier mot-indice « pairée » ! Mais que voulait-elle bien dire ? Heureusement, elle proposa deux autres mots qui permirent à Brigitte de prononcer le mot magique « colonie », ce qui n’avait rien de prodigieux, il faut bien l’avouer.

On discuta donc, pour essayer de comprendre, ce « pairée » mystérieux. Il ne fallut pas longtemps pour éclairer notre lanterne. Nath avait simplement dit « Perret ». Pierre Perret !

Nous n’en revenions pas, nous les petits Belges ! Il faut savoir – je m’inspire de l’excellent livre Dictionnaire des belgicismes, de Michel Francard et al., paru en 2010 chez De Boeck-Duculot - que « le français de Belgique présente un certain nombre de traits généraux de prononciation qui le caractérisent en propre ». Parmi les plus répandus, on peut retenir « le maintien de l’opposition /ε/ - /e/ en finale absolue, ce qui permet (notamment) de distinguer la première personne du singulier du futur simple (je mettrai [-e]) de la première personne du singulier du conditionnel présent (je mettrais [-ε]). »

C’est quand même dingue de se dire que des peuples qui parlent la même langue, dont certains souhaiteraient annexer – rien que ça – les autres, alors même qu’ils craignent d’être envahis par ailleurs, ne parviennent même pas à prononcer les mots de la même manière ! Notez que ce sont d’ailleurs les Belges qui « maintiennent » l’opposition entre les deux sons, alors même que les Français (enfin, certains d’entre eux du moins) ont perdu cette différenciation phonologique fondamentale sur le plan sémantique !

Arrivé au terme de ce billet, vous vous demandez peut-être quel est le sens de la photo qui l’illustre. Ce n’est pourtant pas difficile : « la chondrite carbonée NWA 2224 possède des chondres polychromes très jolis. Elle pourrait être pairée avec la NWA 3118 », comme le signale judicieusement l’excellent site de l’Association des géologues amateurs de Belgique ! Ce sont donc des pierres pairées !


lundi 1 août 2011

Silence de Taizé

BH © 2011

Quel que soit l’état d’esprit dans lequel on s’y trouve, il faut reconnaître qu’assister à une veillée de prière dans l’église de Taizé est un moment intense.

Voir plus de 2000 jeunes, issus du monde entier, se réunir en silence pour vivre un moment de méditation est déjà une expérience en soi. Ici, point de discours moralisateur ou prosélytiste. Juste le silence. Le silence et les chants. Ceux-ci sont basiques et répétitifs. Ils créent une harmonie douce, envoûtante. On s’y laisse embarquer. La polyphonie est simple, mais elle s’exprime en tant de langues qu’on se laisse bercer pour un tour de monde fraternel.

Il y a bientôt 40 ans, j’avais vécu la découverte de cette ambiance comme un véritable révélateur – pour ne pas parler de « révélation » - qui anima le chemin de ma jeunesse d’une force irrésistible.

Y revenant – en touriste, il faut bien le dire – quelques décennies plus tard, j’avoue ne pas m’être envolé. Bien sûr, l’ambiance n’est pas celle qu’on rencontre à tout coin de rue. Tout est fait pour entrer en soi-même et trouver les chemins qui permettent d’en sortir. Il y a là une certaine magie intense et profonde. Mais la magie n’a pas pris cette fois. C’est vrai que pour cela il aurait sans doute fallu y croire.

N’empêche, lorsqu’on quitte ces lieux, on se sent un peu différent. Comme s’il s’était quand même passé quelque chose. Allez savoir !