vendredi 20 août 2010

Vin en vain

Potferdek, ça n’est quand même pas possible cette histoire une fois. Un brave peye cultive son vin depuis des années sur un bout de terrain du Parc Josaphat à Schaerbeek, et voilà qu’un snul d’échevin vient lui dire comme ça qu’il doit aller poser ses slaches ailleurs, sans discussion possible.

Toute cette histoire commence au début des années septante. Un ket de Schaerbeek, Armand Ell, rêve de cultiver sa vigne. Le bourgmestre de l’époque, le sinistre Roger Nols, l’autorise à planter son brol sur une parcelle du Parc Josaphat. Le gars travaille tout ça a mac. À croire qu’il frouchelle avec sa vigne ! Mais pas de carabistouille, hein : il n’utilise que du fumier bio, pas le moindre pesticide.

À force de travail passionné, il a finalement fini par produire chaque année entre 200 et 300 bouteilles du précieux nectar. Et c’est pas du vlek : des spécialistes l’ont goûté à l’aveugle et ce vin rivalise avec les plus grands crus, à ce qu’il paraît. Comme il fait ça rien que pour le plaisir, Armand n’a même jamais vendu la moindre bouteille, pas même pour une dringuelle : il en boit quelques-unes – pas de quoi se prendre une tamponne – et distribue les autres à des amis ou des grands de ce monde qui ont un boentje pour ce liquide, y compris le zieverer d’échevin qui veut le foutre dehors maintenant.

Et pourquoi qu’il devrait s’en aller ? C’est même pas pour une brette, mais tout simplement parce que la commune veut installer un potager bio pour les enfants des écoles, avec des chicons peut-être. Moi, je sais vous dire : j’ai travaillé comme instit à Schaerbeek, tout près du Parc Josaphat, et croyez-moi, il y a toute la place qu’on veut pour faire ce potager ailleurs que sur la vigne d’Armand. Tout ça, c’est rien que pour lui foutre des emmerdes !

Pour une fois qu’il y a quelque chose de tof dans notre petit pays, faut qu’un pète-plus-haut-que-son-cul qui sait rien que babeler vienne embrouiller le bazar. Y a de quoi se dégoûter. Heureusement, y en a qui ont fait une pétition : ça peut réussir, mais pour ça, faut la signer et pas en stoemelings !!!

samedi 14 août 2010

Au-delà du visage

Qui n’a pas été impressionné par le visage d’Aisha, cette jeune afghane au visage mutilé, apparu en couverture du Times de la semaine dernière ? Impressionné bien sûr par l’absurdité de cette mutilation nasale liée à sa soif de liberté contrée par son mari obligé et taliban, mais impressionné aussi par – malgré tout – la beauté extraordinaire de cette femme libre et fière ?

Au-delà de l’absurdité de cette mâle vengeance, se pose la question du visage. L’être humain n’est-il pas avant tout un visage ? N’est-ce pas la première – si pas la seule – caractéristique que l’on voit lorqu’on découvre quelqu’un ? N’est-ce par par notre visage que nous extériorisons notre identité profonde ?

Comme le rappelle un article très intéressant de Libération, « l’illustration la plus frappante en est ce que les neurologues appellent la prosopagnosie. À la suite de la lésion d’une zone corticale bien précise, vous devenez incapable de reconnaître à qui appartiennent les visages qui vous font face, visages que vous voyez toutefois distinctement, et sur lesquels vous pouvez lire le sexe, l’âge, les émotions, bref, tout ce qui n’est pas l’identité. Votre propre visage dans le miroir vous semble celui d’un étranger. Ceci n’empêche pas de deviner à qui vous avez à faire, en vous fondant sur l’âge, le sexe, la voix, la démarche, les vêtements ».

Cette force identitaire du visage reçoit cependant des attaques importantes, certaines sociales, d’autres individuelles.

Attaques sociales, notamment par le port de la burqa. Si un vêtement consiste à cacher le visage, n’est-ce pas l’identité même de la personne – et par là la reconnaissance qu’on peut avoir d’elle – qui est occultée ? Comme je l’ai déjà écrit, je n’ai personnellement rien contre le port du voile par des musulmanes. Je n’ai d’ailleurs rien contre tout signe d’appartenance à une religion. N’est-ce pas normal d’indiquer d’une manière ou d’une autre une référence aux valeurs qu’on juge fondamentales ? Mais cacher son visage – ou être obligée de le cacher – est une atteinte fondamentale aux relations, aux échanges, à l’existence, à l’identité, à l’essence… En aucun cas, on ne peut l’accepter.

Attaques individuelles et sans doute tout aussi sournoises. On a tendance à fuir le visage. Je n’ai personnellement jamais acquis la culture du « téléphone ». Je reconnais bien sûr que c’est un outil de communication efficace et rapide. Mais je n’ai jamais pu me faire au fait de ne pas voir mon interlocuteur, de ne pas pouvoir le sentir, de ne pas le « re-con-naître ». Certains moyens permettent de dépasser aujourd’hui cette limite. Je pense notamment aux communications téléphoniques par Skype (notamment) où l’on peut visualiser son interlocuteur avec une webcam. Pas mal, sauf que je constate à l’usage qu’on a plutôt tendance à fuir le regard de l’autre. Il est là devant nous, mais l’un et l’autre regardent ailleurs, comme si l’autre et l’un n’étaient pas là. Troublant.

Que dire alors de la multiplication des courriels et autres blogs ? L’endroit même où j’écris témoigne de cette culture. Personne ne me voit quand j’écris et je ne vois pas les personnes qui me lisent. Cela ne m’empêche pas, parfois, de dire des choses fondamentales qui sont constitutives de ma personnalité. Mais la distance est telle qu’on peut aussi, parfois, se demander de qui on parle, de qui je parle. Que connaissez-vous de mon visage en ce moment même, alors que c’est par lui que j’existe vraiment ? En tout cas, moi, je ne connais rien du vôtre. Qu’y a-t-il au-delà de votre visage ?

vendredi 13 août 2010

Allez go !

Au moment où Jackie Evancho, une petite fille de 10 ans, trouble les téléspectateurs et autres internautes par son interprétation adulte et professionnelle de « O mio babbino caro » de Puccini, je suis tombé sous le charme du travail d’une autre petite fille du même âge, Victoria Muguerza.

Ici, rien que de la spontanéité et de la création ! Cette petite fille a décidé d’écrire une chanson. Ses deux grands frères n’ont pas manqué de la railler. C’était sans compter l’intervention de leur oncle Philippe, professionnel de la musique. Celui-ci a pris la chanson, sentant bien sa qualité, et l’a arrangée. Victoria et Philippe se sont ensuite retrouvés pour l’enregistrer ! Allez go !

Je ne sais pas si cette chanson fera le tour du monde, mais j’ai été séduit par ce refrain dynamique. Les paroles ne bouleverseront pas l'univers, mais ce n’est évidemment pas cet aspect qui est le plus important dans ce type de chanson. Et puis, j’avoue, elles ne sont pas sans me rappeler les paroles de la première chanson que j’ai écrite, il y a bien longtemps…

En attendant, la chanson de Victoria devrait selon moi figurer en tête du hit parade. Allez go !

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Allez go !

Depuis toujours je t’attends, mais tu n’es pas venu
Moi je t’adorais, mais toi tu me détestais

Allez go go go, reste avec moi
Allez go go go, j’ai besoin de toi

Tu n’en avais rien à faire, moi j’étais bien triste
Toi tu étais méchant avec moi, pourtant tu es tout ce qu’il me reste

Mais toi tu étais là devant moi et moi je te regardais
Toi tu rigolais et moi, moi je pleurais

Aujourd’hui tu t’es retourné et tu m’as dit
« Je suis comme ça et puis voilà ah ah ah ! »

Victoria Muguerza © 2010


samedi 7 août 2010

Noces de palissandre

C’était le 7 août 1945, il y a 65 ans. La guerre venait de se terminer avec la fin de 5 ans de captivité pour lui et tout autant de patience pour elle. Le temps de se retrouver, ils se sont mariés. Soixante-cinq ans plus tard, ils sont toujours amoureux l’un de l’autre, avec la force et la solidité du palissandre.

Chaque fois qu’un ennui de santé vient les troubler, les conduisant à se séparer quelques temps, il faut voir leur émotion quand ils se retrouvent. Des amants comme ça, on n’en voit pas souvent !

Soixante-cinq ans de mariage et cinq enfants… ce ne fut pas le paradis tout le temps. Ils ont connu leur lot de difficultés, avec bien sûr l’accident, la paralysie et le départ prématuré du plus doux des cinq. Sans compter tous les inévitables soucis qui parcourent la vie lorsqu’on éduque des enfants. Ils les ont toujours surmontés, restant unis et solidaires dans la difficulté.

Que dire de plus… sinon d’admirer autant d’amour et de les en remercier ? Alors, tout simplement, merci, Papa et Maman. Et bon anniversaire !

mardi 3 août 2010

Un héros aux mains bien chargées

FMG © 2010

Tout pays a une part de mystère. C’est notamment celle-ci qui constitue son attrait. Étranger, on n’en fait jamais tout à fait le tour. N’empêche, découvrir cette affiche le long d’une route croate m’a interpellé ! Ante Gotovina, Héros ! Accessoirement sans doute, il est aussi en cours de procès au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie pour violation des lois et coutume de la guerre et crimes contre l'humanité.

Ce n’est pas à moi de faire le procès de cet homme au passé sulfureux. Mais les accusations ne sont pas légères : persécutions pour des motifs d'ordre politique, racial et religieux, meurtre, déplacement forcé de population, et destructions sans motif de villes et villages. Il est ainsi poursuivi pour les meurtres sous son autorité d'au moins 150 civils serbes de Krajina, et particulièrement du meurtre d'une personne à Benkovac, de 30 personnes à Knin et d'une personne à Korenica. Il est aussi accusé de pillage et de destruction de bâtiments et d'habitations serbes dont le but aurait été d'empêcher tout retour des habitants serbes dans cette région.

On peut bien sûr comprendre qu’il soit considéré comme un héros par certains. Surtout dans sa région natale : nous logions à Pakoštane, là où Gotovina a lui-même passé son enfance. Il est de plus certain qu’il a contribué à « gagner » cette guerre qui a permis à la Croatie d’être aujourd’hui un pays libre, indépendant et démocratique. Toute la question est évidemment de savoir si pour atteindre cette indépendance, il fallait passer par ces exactions.

Comme disait l’autre, il n’y a guère de guerres qui en valent la peine. Certaines correspondent à des combats légitimes. Mais les vilenies qui les accompagnent leur enlèvent souvent toute crédibilité. Faut-il tuer pour être libre ?

dimanche 1 août 2010

Martine, notre ange

Tu as toujours été un ange. Notre histoire s’est terminée il y a plus de 30 ans. Mais pour toi comme pour moi, c’était la première. Nous avons découvert ensemble l’amour, la tendresse, le partage, la communion tant spirituelle que physique, la souffrance aussi. Pendant tout ce temps, tu as toujours été un ange. Un ange bien concret qui me faisait découvrir la vie, la joie, l’insouciance.

Après 5 années d’intense échange, nos chemins se sont séparés, mais notre tendresse partagée n’a jamais diminué. Tout au long de ces 30 années, nous sommes restés confidents, même si nous ne nous voyions que bien peu. Nous continuions à partager cette suprême complicité de « la première fois ». Tu restais toujours un ange.

Tu as continué ta vie, bien remplie. Toujours aussi vive, aussi enthousiaste, aussi entière, aussi surprenante. Je n’en connais pas grand chose, mais je sais que tu ne t’es pas ennuyée… et que tu n’as pas ennuyé ceux et celles qui ont partagé un moment de ton parcours. Celui-ci ne fut pas toujours facile, car les imbéciles heureux et les problèmes de santé n’ont pas manqué de te montrer leur jalousie face à tant de liberté et de joie de vivre. Mais tu continuais à être un ange.

Les problèmes de santé ont fini par te rattraper. De manière inattendue et féroce. Tu as lutté avec cette énergie qui te caractérisait et tu nous as nourris de cette confiance. Tu allais t’en sortir. Mais ce combat physique, tu l’as perdu. On finit tous par le perdre, sauf que toi, c’était trop tôt. Ton corps t’a lâchée, mais ton esprit et ton énergie nous ont émerveillés et continuent à le faire. Tu es toujours et plus que jamais un ange. Notre ange.

Quand nous étions ensemble, je t’avais écrit cette chanson : « Soupçon de chanson ». Depuis lors, je l’ai souvent chantée, me sentant à chaque fois si proche de toi. Aujourd’hui, je la chante encore et je la partage ici dans la version bien imparfaite mais que tu as connue, enregistrée en 1977 ! Et je sais que tu as connu la chanson qui délivre les enfants de tous les soupçons. Sois un ange à jamais.

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Soupçon de chanson

toi qui as trouvé le chemin de mon cœur
au fil de ton doux sourire moqueur
toi qui par ta grâce de vivacité
m’as montré ce que signifiait la liberté

toi qui pourtant n’as jamais pu te taire
mais qui sus me forcer à un silence austère
toi qui par tes yeux de rose du matin
as pu découdre tous mes fils de pantin

toi qui par ton angoisse prématurée
as pu adoucir de longues et mornes soirées
toi qui jamais un seul instant
n’as pu me faire perdre de temps

toi que je ne parviens à comprendre
tellement je ne cesse de t’entendre
toi qui bouleverses toutes mes pensées
par ton absence de toute arrière-pensée

toi qui désarçonnes toutes mes croyances
par la simple apparition de ton insouciance
je voudrais que tu connaisses la chanson
qui délivre les enfants de tous les soupçons

François-Marie GERARD © 1977