mercredi 27 octobre 2010

Sans preuve

Deux procès importants viennent de se terminer en Belgique. Le premier concernait l’assassinat d’une parachutiste lors d’un saut avec un parachute saboté. Le jury de la Cour d’assises a déclaré coupable une jeune institutrice, membre du même club parachutiste et accessoirement maîtresse du même amant que la victime. Le deuxième, plus sinistre, impliquait un jeune étudiant accusé d’avoir assassiné son père, sa mère et sa sœur. Il a également été déclaré coupable.

Dans les deux cas, outre l’horreur des crimes, il faut constater que ces deux jeunes ont été condamnés sans aucune preuve de leur culpabilité. Il existe bien sûr des indices importants dans les deux cas, mais il y a aussi de nombreuses questions qui peuvent être soulevées. Notamment en raison du fait qu’il semble que l’instruction judiciaire a été réalisée en ne privilégiant qu’une seule hypothèse : celle de la culpabilité de ceux qui sont aujourd’hui officiellement coupables, alors même que d’autres hypothèses auraient pu être investiguées.

Ces deux jeunes n’ont pas arrêté de clamer leur innocence. S’ils sont coupables, c’est qu’ils ont menti. Dans les deux cas, le mensonge semble de toute façon bien présent et pose question. Néanmoins, comment réagirions-nous - vous ou moi – si nous étions accusés d’un crime horrible dont on ne serait pas responsable alors même qu’on pourrait l’être ? Pas sûr qu’on ne glisserait pas par-ci par-là l’un ou l’autre mensonge pour essayer de s’en sortir.

La question principale est bien sûr de savoir si l’on peut déclarer quelqu’un coupable d’un meurtre sans en avoir la preuve. Moralement parlant, la réponse à cette question serait plutôt négative. Comment justifier de condamner à de lourdes peines des jeunes qui ne sont peut-être que des victimes de l’instruction ?

D’un point de vue juridique, par contre, la réponse à la question est évidemment positive. N’est-ce pas là la raison d’être du système judiciaire ? Si celui-ci se bornait à devoir constater la culpabilité attestée par des preuves (et à décider de la peine correspondante), il ne servirait pas à grand chose. À la limite, on pourrait s’en passer. Par contre, c’est dans les cas où la vérité factuelle n’existe pas qu’il est nécessaire de créer la vérité judiciaire.

Est-ce la vraie vérité ? Comment le savoir ? Pour des raisons de proximité familiale, j’aurais en tout cas préféré pour le jeune Léopold que la vérité – tant réelle que judiciaire – soit autre. Contrairement à ce que certains mettent en avant, je ne crois pas que la question soit de savoir si la vérité judiciaire émane d’un jury populaire ou d’un jury professionnel. De toute façon, elle « émane »… et elle ne sera jamais que la vérité du jury qui la construit. La société se donne le droit – sans doute avec raison – d’accorder sa confiance au jugement de ce jury.

Cela n’empêche pas la question lancinante : « Et s’ils s’étaient trompés ? ».

3 commentaires:

  1. « Et s’ils s’étaient trompés ? ». C'est ce que je me pause comme question également!

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  2. Trop d'émotion pour réagir sereinement...En pensée avec vous, Léopold,
    Vincent et vos proches.

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  3. "Sans preuve" : j'ai lu ces nouvelles et ça m'a troublée aussi... La justice, comme toute chose humaine, est imparfaite. Mais l'erreur en ce domaine est particulièrement insupportable. Comment être sûr, alors, quand un faisceau de présomptions (seulement) est présent, sans pouvoir établir la vérité ?
    Espérons qu'on ne condamne pas des innocents...
    De tout coeur avec vous si vous êtes proches ou concernés.

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