Yahne le Toumelin © 2003
Notre salle de formation était au 3e étage d’un ancien bâtiment. Alors qu’on nous y conduisait, on nous offrit le choix entre l’ascenseur et l’escalier. Il était tôt et je savais que la journée allait être longue. J’ai choisi l’ascenseur. Il était tout petit. J’entrai le premier et me calai au fond. Nous étions une vingtaine à devoir monter. D’autres collègues béninois s’engouffrèrent également dans ce minuscule cagibi. Un, deux, trois… nous étions déjà quatre. Mais la seule femme du groupe souhaitait encore entrer. Nous n’allions pas lui dire non, galanterie oblige. J’osai pourtant dire du fond de la cage que je n’étais pas sûr que tout le monde pourrait entrer, mais mon doute eut peu d’écho. La porte se referma. Je proposai que quelqu’un pousse sur le bouton 3 et l’ascenseur commença à monter.Combien de mètres parcourut-il vraiment ? Je n’en sais rien. En tout cas, il s’arrêta brusquement et visiblement, nous n’étions pas arrivés au 3e étage, ni au 2e ni au premier. Nous étions bloqués dans une zone improbable entre deux étages. Une porte apparaissait vers le haut de la cage, avec une petite fenêtre qui laissait passer un peu de lumière de l’étage.
La lumière. Je crois qu’elle fut essentielle. Nous étions bloqués, encaqués dans cette cage minuscule, compressés les uns contre les autres à tel point qu’il était impossible de bouger quoi que ce soit, mais la lumière était restée allumée. Cela nous aida certainement à garder notre calme. Nous nous bornâmes à constater que nous étions arrêtés là où il ne fallait pas et qu’on n’allait vraisemblablement pas rester là toute la journée. Nos collègues appelleraient bien les secours. Nous entendions d’ailleurs leurs voix au loin. Mais rien ne se passait.
L’un d’entre nous essaya d’appeler un collègue au téléphone… Peine perdue : pas de réseau. Je souris en voyant le numéro de téléphone à appeler en cas de dysfonctionnement ! À un moment, nous entendîmes la voix de notre guide « Vous êtes bloqués ? » « Oui, cela semble être le cas ! » « Ah bon, je vais appeler un technicien ». Nous étions sauvés. Enfin, pas tout à fait encore !
Nous dûmes encore attendre quelques minutes avant d’entendre des cliquetis du côté de la porte et de voir celle-ci s’ouvrir enfin. Nous sortîmes enfin de notre petite prison, non sans franchir une marche d’une bonne soixantaine de centimètres. Nous remerciâmes notre sauveur et rejoignîmes notre salle de travail comme si de rien n’était. Nous n’en avons même pas reparlé.
À aucun moment, il n’y eut le moindre signe de panique. Chacun d’entre nous semblait parfaitement serein. Nous discutions calmement entre nous, parfois même avec une pointe d’humour. Sans doute, le fait d’être serrés les uns contre les autres contribua à ce calme – nous étions vraiment solidaires ! – alors qu’il avait de quoi inquiéter : nous étions largement au-dessus du poids toléré par l’ascenseur !
C’est la première fois que cela m’arrivait. J’en garde un bon souvenir ! Dix bonnes minutes de chaleur humaine, de partage d’émotions, de dignité… et de lumière !
J'aime beaucoup ce post. De là à dire que j'aurais aimé être à ta place, certainement pas... Mais tu en as retiré quelque chose de lumineux et, mais c'est une habitude, de très joliment écrit.
RépondreSupprimer(D'ailleurs on s'y croirait...brrr)