Dernièrement, j’ai été invité à signer le Manifeste pour la promotion d’un État laïque, proposé par le Réseau d'Actions Pour la Promotion d’un État Laïque (R.A.P.P.E.L.).
Si comme ses initiateurs, je suis attaché aux valeurs humanistes et démocratiques, soucieux d’égalité et de mixité sociale et culturelle, je ne peux adhérer au principe de neutralité qu’ils défendent, notamment pour être appliqué dans les services publics.
Je suis évidemment convaincu que le droit ne peut varier, tant dans sa création que dans son exécution, au gré d’un quelconque dogme, tradition ou particularisme « culturel ». Est-ce pour autant qu’il faille promouvoir la neutralité ?
Si on en croit Wikipedia, la neutralité désigne généralement un positionnement d'abstention bienveillant ou armé, l'absence d'implication. Quelque part, la neutralité, c’est une manière de ne pas exister. On s’abstient. Et s’abstenir, c’est accepter de ne pas être ce qu’on est, avec ses particularités, ses convictions, ses traditions.
Qu’il serait triste un monde où chacun vivrait en parfaite neutralité ! Surtout ne pas faire état de ses convictions de peur d’influencer l’autre d’une manière ou d’une autre ! N’est-ce pas d’ailleurs un profond manque de respect de l’autre qu’on considérerait comme incapable de se faire un avis par lui-même face à un autre avis ?
La neutralité me semble de plus un mythe, car elle est en soi une valeur que ses promoteurs souhaitent imposer aux autres. Ça me rappelle toute la mouvance libertaire en éducation qui a sévi durant la deuxième moitié du XXe siècle, notamment à Summerhill. Parmi d’autres, il y a l’idée de n’imposer aucune valeur aux enfants, de telle sorte qu’ils puissent construire eux-mêmes leurs valeurs en toute liberté. L’idée est généreuse, mais c’est oublier que l’absence de valeur est une valeur en soi, et que vouloir n’imposer aucune valeur, c’est imposer cette absence de valeur.
Mais alors, quoi ? Comment arriver à ne pas imposer une manière de voir ou de vivre selon des valeurs personnelles ? Comment préserver l’égalité entre toutes les personnes face à la chose publique ?
Il me semble que la pluralité est préférable à la neutralité. Chacun doit pouvoir être lui-même, à tout moment de sa vie, et doit pouvoir le rester. Il est normal qu’un être humain affiche ses convictions, surtout les plus profondes. Mais il est normal aussi qu’il respecte les convictions des autres, tout comme il attend que ses propres convictions soient respectées. Nous vivons de toute façon dans des sociétés où il y a pluralité de religions, de valeurs, de convictions, de cultures… Plutôt que d’ignorer cette diversité, il me semble plus important de la reconnaître et de la considérer comme une réalité fondamentale.
La neutralité consiste à croire artificiellement qu’on est tous pareils. La pluralité revient à reconnaître la spécificité de chacun et à permettre qu’elle s’exprime pour construire ensemble un monde pluriel, dans le respect mutuel. Une utopie ? Non, je ne crois pas. Pas une sinécure non plus. Mais une réelle possibilité de progresser vraiment, en prenant en compte le monde et les gens tels qu’ils sont.
Alors, neutralité ou pluralité ? À vos claviers…
Je lis (ou je relis ?) ton petit mot. Eh oui, tu fais partie des allumeurs.
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