Réverbères
Allumeur de réverbères
Qu'y a-t-il de plus beau sur terre
Que de faire naître la lumière
Là où c'est nécessaire ?
mercredi 18 septembre 2024
Horreur absolue
Et puis, l’horreur absolue tombe sur l’humanité : des explosions simultanées de petits appareils de communication qui tuent et détruisent des milliers de personnes, au Liban, de manière aveugle et par surprise. Innocentes ou non, les victimes ne méritent pas une telle violence sournoise.
Je ne sais pas qui est responsable de ces explosions. Cela ne peut être qu’une puissance hyper organisée, tournée au quotidien vers l’anéantissement aveugle de ceux et de celles qui essaient d’exister à ses côtés. Il n’y a qu’une seule puissance au monde qui corresponde à ces caractéristiques. Je ne la nommerai pas. Ce serait lui faire trop d’honneur.
Elle ne connaît que l’horreur. Ce n’est sans doute pas le plus grand massacre depuis que l’homme existe. Mais c’est sans doute le plus horrible. Imaginez : vous avez dans votre poche un appareil qui permet de communiquer avec d’autres personnes. Peu importe que ces personnes soient recommandables ou non. L’appareil ne sert qu’à communiquer, rien de plus banal aujourd’hui.
Soudain, cet appareil – j’avoue ne pas encore comprendre comment – explose. En même temps pour des milliers de personnes. Aveuglément. Résultats : des blessures graves, des amputations, des yeux détruits à jamais… et des morts. Certaines victimes sont peut-être impliquées dans un combat lui-même violent, même si sans arme. D’autres ne le sont pas. Dans les deux cas, elles sont attaquées par surprise, sournoisement, sans s’occuper de l’endroit où elles se trouvent ni d’avec qui elles sont. Gratuitement.
C’est l’horreur absolue, la plus abjecte qui soit. Ce soir, je pleure notre humanité perdue. Maudits soient les responsables.
mardi 23 juillet 2024
À quoi ça tient ?
Camille Nicolle©2021
À quoi ça tient la création artistique ? Cadet de cinq, il me fallait trouver une place. Je n’avais pas encore cinq ans que je déclarais à qui voulait l'entendre que j'étais le génial inventeur du plan de l'Expo 58, ce plan en forme de vache ! Et qu'en passant, je n'étais pas moins que le brillant concepteur de l'Atomium, n'en déplaise à André Waterkeyn (concepteur officiel). Quelques années plus tard, j’écrivais mon premier poème, brillamment intitulé « La mort de Maman » ! Depuis lors, je n’ai jamais vraiment arrêté de « créer » : des poèmes, des chansons, des articles (parfois scientifiques), des livres (qu’ils soient scolaires, scientifiques, poétiques ou romanesques), des spectacles… Simple question de trouver sa place ? À quoi ça tient ?
À quoi ça tient la représentation ? Fondamentalement timide, incapable – sauf au prix d’immenses efforts – de rentrer en relation bilatérale avec qui que ce soit, toujours déjà ailleurs, je suis entré en représentation, sans jamais me sentir vraiment à ma place. Que ce soit dans ma vie professionnelle, amoureuse, associative, amicale, politique, artistique, familiale, intellectuelle…, je joue mon rôle, sans en avoir réellement les compétences. Touche à tout, je finis par ne toucher à rien… ou par ne rien toucher, c’est selon ! À quoi ça tient ? Tout ça.
vendredi 28 juin 2024
La chambre
Depuis toujours, la chambre est la pièce que je préfère dans les différents lieux où j’ai habité. Ça tombe bien, c’est l’endroit où d’habitude on passe le plus de temps. C’est aussi l’endroit où l’on peut se retirer du monde pour se plonger dans un calme réparateur, que ce soit en dormant ou non.
Enfant ou adolescent, ce ne fut pas toujours facile pour moi. Dernier d’une famille de cinq enfants, la chambre fut le plus souvent une antre à partager. Au début – mais je ne m’en souviens pas – j’accompagnai mes parents, pendant un hiver frigorifique. À part cette chambre parentale, que je fus le seul enfant à occuper, il y avait trois chambres, pour une fille et quatre garçons. Les comptes étaient faciles. Seul le partage tenait la route. Ce fut assez logiquement avec mon frère Bernard, mon aîné le plus proche. Je garde de très beaux souvenirs de ces moments où nous vivions chacun nos rêves, très différents. On se disputait quelques fois, mais plus souvent, on jouait ensemble. Au début de notre adolescence, nous descendîmes tous les deux d’un étage, dans une chambre plus grande, alors qu’une nouvelle pièce avait été aménagée pour notre sœur. La cohabitation fut plus difficile pour différentes raisons. Celles-ci m’amenèrent d’ailleurs à une opération de révolte : j’allai m’installer dans le grenier, accessible seulement par une échelle avec un matelas placé juste à côté du gouffre ! Je ne sais plus combien de temps a duré ce bras de fer, mais j’obtins gain de cause : la grande chambre du premier étage fut divisée en deux par une mince cloison. Je m’y installai avec délectation, mais non sans concession : c’était l’espace le plus petit avec un minuscule lit à replier chaque jour et avec une servitude de passage pour mon frère. Mais j’étais chez moi. Par la suite, mes frère et sœur s’en allant vivre – parfois de manière provisoire – leur propre vie, j’occupai en réalité toutes les chambres de la maison, avec au total sept « chambres » habitées dans cette maison natale.
Par la suite, mes différents déménagements m’amenèrent à m’installer dans une quinzaine d'autres chambres (sans compter toutes celles dans lesquelles je n’ai fait que passer, dans des hôtels, sordides ou non, lors de mes nombreux voyages professionnels).
Aujourd’hui, je passe mes nuits et d’autres moments dans la chambre. Notre chambre, même si j’y suis seul depuis deux ans et demi maintenant. Nous avions, il y a huit ans déjà, choisi cette maison notamment parce qu’elle offrait une chambre de plain-pied. Naïvement, je pensais que c’était là que nous allions nous installer. Quand je t’en ai parlé, tu m’as rétorqué « Mais tu n'y penses pas, nous ne sommes pas des petits vieux » ! Comme toujours – ou plutôt souvent – tu avais raison. Et nous nous sommes installés à l’étage. J’y suis encore.
Chaque soir, lorsque je rejoins la chambre, je m’installe pour lire quelques pages. Avant, je ne lisais jamais au lit. Tu lisais. J’ai pris le relais. Pour toi. Ce moment d’intimité, c’est avec toi que je le vis. Quand j’ai fini et que je m’apprête à vivre mon propre rituel ancien – un quart d’heure de musique au casque – je m’arrête quelques instants. Je regarde sans regarder le rideau de la fenêtre. Je ne regarde surtout pas ta place qui est vide à côté de moi. Je te regarde, toi, dans ton absence éternelle, mais si présente dans mon cœur, dans ma tête. C’est en réalité le meilleur moment de ma journée.
Alors, je peux m’endormir, dans la chambre. Notre chambre.
mercredi 8 mai 2024
8 mai
Papa, je n’aurais jamais pensé vivre ce que j’ai vécu samedi dernier, 4 mai 2024. Je me suis retrouvé devant un monument aux morts, une écharpe d’échevin à mon épaule, entouré de trois drapeaux belges et de personnes qui – comme moi – ont vécu avec un père ancien prisonnier de guerre. Avec un peu d’avance, nous étions là pour commémorer la fin de la 2e guerre mondiale. Et je t’ai parlé, comme j’ai parlé à tous les autres, avec ces quelques mots.
T’avais 25 ans en l’an 40
T’avais rencontré la femme de ta vie
Tu t’apprêtais à la surprendre
À l’emmener en blanc à la mairie
T’avais pas prévu qu’il y aurait la guerre
Que tu partirais défendre ton pays
Pour te retrouver prisonnier de guerre
En captivité 5 ans de ta vie
Pendant tout ce temps il t’a fallu survivre
Continuer à croire aux vertus de l’amour
Veiller à ne pas partir à la dérive
Pour exister le jour du grand retour
Mesdames, Messieurs,
Ces mots, je les ai écrits et chantés en honneur de mon père. Il y a 84 ans, au début du mois de mai 1940, sergent volontaire de carrière, il est avec son unité à Massenhoven. La « campagne des 18 jours » va bientôt commencer. Le 28 mai, il apprend la capitulation de l’Armée belge. Il arrive en Allemagne le 5 juin après un long voyage en chalands et en trains, sans vivres et avec très peu d’eau. Il se retrouve au Stalag XIII A à Sulzbach, près de Nuremberg, où il reçoit cette plaque avec le numéro matricule 40.226. C’est le début de 5 longues années de captivité, passées à attendre, même si à la fin de la guerre, le travail à la ferme et au moulin occupait la plus grande partie de son temps.
Le 19 avril 1945, après avoir été libéré par les Américains et avoir passé près de 3 semaines dans des casernes de l'ex-armée allemande, mon père a finalement été ramené en train vers la Belgique et est arrivé le 8 mai 1945 à Neufchâteau.
C’est ce moment de libération et de renouveau que nous célébrons aujourd’hui, le 8 mai 1945, la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. C'est une date qui résonne profondément dans nos cœurs, car elle marque la victoire de la liberté sur l'oppression, de la paix sur la violence, et de l'espoir sur la désolation. Nous voulons honorer le courage et le sacrifice de millions d'hommes et de femmes qui ont lutté sans relâche pour défendre nos valeurs et notre liberté. Parmi eux se trouvaient nos pères, nos grands-pères, nos frères, nos voisins, qui ont enduré l'horreur des combats, la souffrance des blessures, et la cruauté de la captivité.
Je pense bien sûr tout particulièrement à mon propre père, prisonnier de guerre pendant cinq longues années, comme une centaine de milliers de jeunes belges. Son histoire personnelle est le reflet de tant d'autres, une histoire marquée par la résilience, la solidarité et l'espoir. Son courage et sa détermination, tout comme ceux de nombreux autres prisonniers de guerre, sont encore aujourd’hui des sources d'inspiration pour nous tous. Pourtant, Papa n’a jamais voulu nous parler de cette période. C’était un sujet tabou à la maison, comme s’il cherchait à croire que ce n’était pas arrivé.
Aujourd'hui, en tant qu'échevin de notre commune rurale et au nom de celle-ci, je ressens le devoir et l'honneur de perpétuer le souvenir de ces héros, de ces hommes et de ces femmes qui ont tout donné pour que nous puissions vivre dans un monde meilleur. Leur sacrifice ne doit jamais être oublié.
En ce jour de mémoire, alors que la guerre est aux portes de notre Europe, engageons-nous à préserver et à défendre les idéaux de paix, de liberté et de démocratie pour lesquels tant de personnes ont combattu et sont mortes. Œuvrons sans relâche pour un avenir où les guerres seront remplacées par le dialogue, où les différences seront célébrées plutôt que combattues, et où la solidarité et la compassion seront les fondements de notre société.
Ma chanson se termine par ces mots :
On ne s’est pas souvent parlé
Ça n’se fait pas d’montrer ses sentiments
Mais sache que ta plus grande liberté
Est d’avoir pu y éduquer tes enfants
T’avais 25 ans en l’an 40
T’as rencontré la femme de ta vie
T’as réussi à la surprendre
À l’emmener en blanc à la mairie
Je vous remercie.
samedi 20 avril 2024
Ode aux Odes
C’est d’abord très bien écrit, même si c’est une traduction du néerlandais. David Van Reybrouck, archéologue philosophe, dispose d’une très large érudition. S’il a à son actif une carrière scientifique impressionnante, il est aussi un auteur reconnu, notamment à travers ses ouvrages Le fléau et Congo, une histoire. Ce qu’il nous partage ici, ce sont des ressentis ou des émotions diverses, mais toujours heureuses.
L’auteur regarde sa vie de tous les jours à travers un prisme positif. Il ne fait pas vraiment de la philosophie et ne tente aucune généralisation. Il parle de lui, de moments furtifs qui l’inspirent, de jubilations contenues mais libérées.
En lisant ces odes, je ne pouvais que penser à ce blog Réverbères. Finalement, je ne fais pas vraiment autre chose que ce partage émotionnel. Ce billet est le 969e du blog, dont la moitié est constituée de Lumières ou de Coups de cœur. Qui sait, peut-être un jour choisirais-je une cinquantaine, voire un peu plus, de mes billets écrits depuis tout ce temps pour les partager à mon tour sous une forme papier. A priori, je me demande bien qui serait intéressé par un tel recueil de textes… mais ayant apprécié ces odes de Van Reybrouck, je me dis que certains seraient peut-être contents de lire ma prose, même s’il est évident que je n’ai ni le talent ni l’érudition de l’auteur.
D’ailleurs, celui-ci termine son ouvrage par ces mots : « Écrire des odes, je le conseille à tout le monde : on en devient plus attentif, plus enthousiaste, plus avide et plus reconnaissant. Bref, ode à l’ode ».
Ode.
dimanche 3 mars 2024
Quelle chance !
Parmi ces activités, mes expériences artistiques ne sont pas les moindres. Ce n’est pas nouveau : je n’avais que treize ans quand j’ai commencé à écrire de la poésie. Très rapidement la musique m’a rattrapé et j’ai donc fait des chansons. Jeune ado, j’ai eu l’occasion de découvrir les joies de la scène comme récitant et chanteur dans des spectacles collectifs, avant, à 22 ans, de devenir surtout musicien accompagnateur et ensuite de décider enfin de suivre quelques cours de musique : solfège et contrebasse. Celle-ci me ramènera sur scène au sein d’un orchestre classique de mandolines, puis dans un groupe animant des bals folks pour enfants et/ou adultes. Après avoir enregistré deux CD de mes chansons, j’ai découvert les joies de l’écriture collective romancée avec la publication de trois romans.
Les circonstances de la vie m’ont éloigné de ce travail d’écriture, mais elles m’ont permis de découvrir de nouveaux horizons dans une voie plus théâtrale. Il y a notamment eu la création le 17 décembre 2023 du spectacle Wisconsin ! consacré à la migration des Gréziens au milieu du 19e siècle, sur un texte d’Yves Destrée et avec des chansons créées pour l’occasion. Pour le moment, le spectacle dort un peu, mais j’espère qu’il pourra revivre, car il en vaut vraiment la peine.
Puis, il y a ces soirées de cabaret créées au sein de l’ARC asbl. Un travail collectif de création dans le respect de la personnalité de chacun. Au départ, je n’ai fait que mettre en musique et interpréter le poème Obsession de Baudelaire. Puis, un peu plus. Pour notre dernier spectacle, à la Chandeleur 2024, ayant constaté qu’un des partenaires, Yves Nollet, était également contrebassiste, j’ai osé proposer : « Et si on faisait un duo de contrebasses ? ». C’était une idée un peu folle : aucun de nous deux n'est un virtuose de cet instrument difficile. Mais nous nous sommes lancés dans l’aventure, en incluant ce duo dans un sketch lié aux trains qui passent (ou non) qui convertit ce duo en un (pseudo) duel ! Cela a surtout transformé notre échange musical en un véritable moment de plaisir, tant pour nous que pour le public, sans pourtant empêcher les fausses notes ! Ce sont celles-ci qui font que ce billet est publié sous la rubrique « Coup de blues » : comment est-il possible de prendre tant de plaisir à réaliser cette prestation alors qu’elle est si déplorable au niveau technique ? Bah, qu’à cela ne tienne, nous nous sommes bien amusés et pour moi, c’était la première fois que j’étais un contrebassiste au devant de la scène, partageant cet honneur avec un ami. Quelle chance !
dimanche 11 février 2024
Un joint ne vaut pas toujours mieux que deux tu l’auras
L’histoire sur laquelle se base ce billet n’a aucun intérêt intrinsèque. Elle est d’une banalité totale et je m’en excuse.
Lors de son dernier séjour chez moi, ma petite-fille Elise m’a signalé qu’il y avait une fuite au « WC d’en haut ». Je suis allé voir et j’ai constaté que lorsqu’on tirait la chasse d’eau, une bonne partie de cette dernière s’écoulait sur la cuvette et même par terre. N’allant personnellement dans ces toilettes que durant la nuit, sans allumer, je ne l’avais pas vu, mais ça ne m’étonnait pas. Bref, je me suis lancé dans le démontage, non sans difficulté. J’ai pu constater que le joint était sale et calcairisé. Nettoyage de celui-ci, remontage, essai, fuite encore plus grosse. Achat pour 3,49 € d’un nouveau joint, non identique au premier, redémontage, remontage, essai, fuite. J’ai fait ça plusieurs fois, toujours avec difficultés (espace de travail limité) et sans succès. Mon fils m’a dit de faire appel à quelqu’un, ce que j’ai fait, mais qui accepterait de se déplacer pour un aussi petit travail ? Je n’ai trouvé personne en tout cas.
J’étais totalement découragé. J’avais même envisagé de carrément remplacer cuvette et réservoir, mais ce n’était pas si simple et je déteste remplacer quelque chose qui peut encore fonctionner. Bref, je me suis lancé dans un dernier essai, en utilisant cette fois les deux joints superposés. Miracle : l’essai fut positif, pas une goutte d’eau ne fuyait. Depuis lors, c’est toujours le cas, même si je me dis qu’un jour ou l’autre la fuite réapparaîtra, inéluctablement. Mais profitons du présent, même s’il est éphémère.
Ça fait d’ailleurs une première leçon de cette histoire : profitons du présent, même s’il est éphémère. En réalité, il n’est même pas vraiment éphémère. Il est toujours déjà passé. Le présent est sans doute la seule chose qui existe alors même qu’elle n’existe déjà plus. Raison de plus d’en profiter.
Mon histoire quelconque est un beau contre-exemple de l’adage bien connu, issu de la fable de La Fontaine Le petit poisson et le pêcheur : « Un joint vaut mieux que deux tu l’auras ». Ici, tant que les joints étaient seuls, je n’arrivais à rien. Il a suffi que je les associe pour que ça fonctionne. C’est assez logique, un joint sert à réunir, s’il y en a deux, la réunion ne sera que plus forte. Unissons nos joints !
La conclusion principale est cependant ailleurs. Même au moment où tu crois que tu n’y arriveras pas, tu peux le faire. En anglais, « Yes, you can » comme je l’ai déjà développé en son temps à partir d’une autre histoire. Ici, je n’y croyais vraiment plus et je ne trouvais personne pour m’aider. Alors, par désespoir en réalité, je me suis dit « Essaie encore, d’une manière que tu n’as pas utilisée ». Et ça a marché. Je ne dis pas qu’on peut tout faire. Je veux dire qu’on peut faire ce dont on se sent capable, même si sur le moment il y a des tas de raisons de se dire que cela n’aboutira pas. Essayer une dernière fois est la seule manière d’y arriver. Ou autrement dit : « Si tu n’essaies pas, tu n’y arrives pas » !
J’en resterai là.
mercredi 24 janvier 2024
Être juive…
Le hasard – auquel je ne crois pas trop – m’a amené ces derniers mois à lire des livres mettant en scène des Juifs, ou plutôt des Juives. J’avoue ne pas bien connaître le Judaïsme et ces lectures sont à ce titre intéressantes. Elles m’interpellent aussi dans le contexte actuel d’une guerre absurde et meurtrière que certains essaient de présenter comme l’indispensable protection et défense des Juifs, alors qu’elle est plutôt une histoire d’agressions entre habitants d’un même pays appartenant à des communautés différentes. Ou sans doute plutôt d’un même territoire composé de deux États.
Mais parlons de ces trois livres, tous écrits par une femme.
Le premier que j’ai lu est une autobiographie, L’amour après, de Marceline Loridan-Ivens. Une femme extraordinaire, rescapée de la Shoah, grande amie de Simone Veil, elle a passé sa vie à faire la fête n’en faisant qu’à sa tête. C’est ce qu’elle raconte dans ce livre qui va beaucoup plus loin que ça. Elle n’était pas vraiment une juive orthodoxe, mais ses confidences témoignent de sa lutte contre l’absurdité, notamment celle de l’antisémitisme.
Le deuxième livre est un « roman vrai », La carte postale, d’Anne Berest. À partir d’une énigmatique carte postale, l’auteure part à la recherche de l’histoire de ses aïeux morts en déportation. Histoire captivante où l’on sent toute la difficulté de vivre normalement quand on est juif, même si ce n’est pas une priorité personnelle.
Enfin, je suis occupé à lire Vivre avec nos morts, de Delphine Horvilleur. Rabbine de son état, elle a prononcé l’oraison funèbre de nombreuses personnes, dont celle de Marceline Loridan-Ivens. Ce livre m’a été offert par un ami soucieux de mon bien-être, et je l’en remercie. J’ai hésité à le lire parce qu’aujourd’hui, mon objectif est avant tout de vivre avec les vivants. Finalement, je m’y suis lancé, sans regret. J’y découvre surtout la compréhension juive de la vie et de la mort.
Ces trois livres, les histoires de ces trois femmes, sont bien différents l’un de l’autre. Pourtant, ils parlent de la même chose : du judaïsme. Moi qui suis chrétien de naissance, mais agnostique positif de conviction, j’avoue ne pas adhérer plus à cette religion, mais j’y découvre – grâce à ces livres – une approche profondément humaine et respectueuse de la vie et des humains.
Cette découverte ne m’étonne pas. Même si depuis la nuit des temps, certains s’obstinent à utiliser les religions pour faire la guerre, celles-ci sont toutes plutôt orientées vers le respect mutuel, vers l’amour, vers la paix. Sans entrer dans une quelconque polémique, dans la crise actuelle autour de la bande de Gaza, ce n’est en réalité pas un conflit entre Juifs et Musulmans. D’un côté, il y a Israël, un État créé le 14 mai 1948, après le vote par l’ONU du plan de partage de la Palestine. Et de l’autre, il y a l’État arabe issu de ce partage rejeté dès le départ par la quasi-totalité des dirigeants de la communauté palestinienne. Depuis lors, ceux-là ne s’entendent pas, et ça fait du grabuge. Des milliers de morts inutiles, d’un côté comme de l’autre. Et totalement incompréhensibles quand on connaît un peu mieux les fondements du Judaïsme comme de l’Islam.
lundi 25 décembre 2023
Surprises
Ces surprises ne sont pas toujours heureuses. Trop souvent même, on préférerait qu’elles n’existent pas. Nous aspirons quasi tous à la paix, à la tranquillité, à la permanence et nous redoutons la déstabilisation, le vide, les bousculades.
Ces surprises dont personne ne veut, j’en ai eu ma dose. Comme beaucoup, ma vie a basculé soudainement par la faute d’un crabe qui prend un malin plaisir à brouiller les cartes. Il ne m’a pas attaqué moi-même. Il s’en est pris à quelqu’un de bien plus fort que moi. Une invincible, prête à toutes les surprises. Pas à celle-là. Elle a été vaincue. Pour son plus grand malheur et pour tous ceux qui l’aimaient. On ne s’en remet pas, pourtant, depuis, elle n’arrête pas de nous montrer, de me montrer, le chemin. Celui des surprises.
Moi qui suis désormais septuagénaire – un mot peu connu en réalité – je viens de vivre le mois le plus surprenant de ma vie. Qui aurait pu imaginer que j’accéderais à des fonctions publiques aussi intenses et passionnantes alors que je ne suis qu’un simple citoyen engagé ? Qui aurait prédit que j’allais me retrouver – avec un certain succès – sur une scène de théâtre à donner une réplique aussi naïve que ciblée lors d’un spectacle mêlé de chansons, d’humour et d’engagement ? Qui aurait pu croire que tant d’êtres aimés comploteraient pour m’imposer à l’insu de mon plein gré des retrouvailles magiques et bouleversantes ? Qui aurait cru que toutes ces surprises aussi étonnantes qu’inattendues allaient me donner une énergie insoupçonnée et un dynamisme dont moi-même ne me croyais plus capable ?
De tout cela, c’est ce que je retiens. Moi qui préfère tout prévoir et tout maîtriser, je me retrouve depuis quelques années dans des situations où je ne maîtrise pas grand-chose. Ce sont ces situations qui me font grandir. Elles me permettent d’aller au-delà de moi-même et de transfigurer ma vie. Moi qui rêve de donner quelques lumières là où l’obscurité s’impose, je découvre la lumière qui s’impose à moi, qui m’élance au-delà de toutes mes propres limites.
On n'est jamais que ce qu'on est, que ce qu'on naît. On est. Plus que jamais, il suffit d'une étincelle pour que la vie s'embrase !
dimanche 19 novembre 2023
Tu veux ou tu veux pas ?
Les circonstances de la vie sont parfois étonnantes. À près de 70 ans, je suis devenu cette semaine conseiller communal et échevin de la commune de Grez-Doiceau. Ce n’était vraiment pas inscrit dans mon plan de carrière, d’autant plus que celle-ci est officiellement terminée depuis bientôt 8 ans. Mais ce n’est pas « à l’insu de mon plein grez ». Il y a 5 ans, je me suis présenté en connaissance de cause aux élections communales, concrétisant ainsi mon engagement citoyen de longue date.
Je n’étais habitant de cette commune rurale composée d’une dizaine de villages que depuis deux ans et, assez logiquement, je ne fis pas partie des 3 élus directs de notre liste. Mais les circonstances de la vie personnelle de ces « politiciens non professionnels » font qu’il y a des mouvements tout au long d’une législature de 6 ans. Il y a quelques semaines, je me suis donc retrouvé face à un dilemme inattendu : « tu veux ou tu veux pas ? ».
Répondre à cette question ne fut pas facile, pour différentes raisons tant personnelles qu’institutionnelles. J’ai fini par décider d’y aller, mais on peut se demander pourquoi. L’évolution de la société fait que la fonction politique n’est plus très valorisée. Pour beaucoup, les politiciens sont soit incompétents soit corrompus. Pour d’autres, seuls les citoyens de base savent ce qui est bon pour leur environnement. Pour la majorité, la vie politique ne les intéresse simplement pas, car – selon eux – elle ne leur apporte rien si ce n’est de devoir payer des impôts.
Choisir d’assumer mes responsabilités n’est pas un choix naïf. Je sais que les politiques n’ont pas de baguette magique, même s’ils ont les meilleures intentions du monde. Ils prennent des décisions pour l’intérêt général, en ayant la plupart du temps en mains le maximum d’éléments constitutifs de la situation. Ces décisions sont indispensables. Elles ne sont pas nécessairement toujours les meilleures, car elles dépendent de choix fondamentaux d’ordre idéologique sur la base de valeurs propres à chacun. En fonction de ces valeurs, le « bien public » n’a pas toujours le même sens. Pour le mettre en œuvre, il me semble naturel de m’impliquer dans les sphères où se prennent les décisions. Non pas pour disposer d’un quelconque pouvoir, mais pour essayer d’orienter les choses dans la direction qui me semble avoir du sens, ou du moins le sens que je veux bien y donner.
Mais je vous l’accorde : ça, ce sont de belles intentions. Elles m’ont convaincu d’y aller. Dans un an déjà, il me faudra tirer le bilan concret et là non plus, je ne suis pas naïf : je n’aurai pas changé le monde. Mais au moins, j’aurai essayé… un tout petit peu !
vendredi 13 octobre 2023
La plus belle histoire du monde
Aujourd’hui, sinistre vendredi 13, Hubert Reeves a rejoint les étoiles qu’il avait tant côtoyées. Un tout grand scientifique, un immense pédagogue. Ce billet lui rend hommage.
En 1995, il avait publié avec Joël De Rosnay, Yves Coppens et l’appui de Dominique Simonnet un petit livre extraordinaire : La plus belle histoire du monde.
Je n’ai découvert ce petit bijou qu’en 2003, cadeau d’un ami pour mes 50 ans. La lecture de cet ouvrage m’a profondément marqué : comment des choses si compliquées pouvaient-elles être expliquées si simplement ? Alors, j’ai décidé d’en faire une chanson, pour laquelle je n’ai pas fait grand-chose.
Je me suis contenté de reprendre quasi textuellement les introductions de chaque chapitre, avec quelques adaptations pour que cela colle à la musique.
Quels poètes ! Ces grands scientifiques racontent à mots simples l'histoire de l'Univers, de la Terre et de l'Homme, avec un optimisme incroyable de savants qui connaissent tous les maux de notre monde, mais qui gardent confiance.
Deux guitares d'accompagnement : l'Univers et la Terre, une en solo : l'Homme !
De molécule en molécule
Tout s’entrechoque tout se bouscule
L’univers dans la vie bascule
La scène est blanche infinie
Une clarté de frénésie
Un univers en incandescence
Dans un chaos sans nom ni sens
Des particules entrent en scène
Dans un désordre indescriptible
Résultats de leurs accouplements
Des atomes au cœur d’astres brûlants
Tentent des liaisons explosives
Et dans le désert spatial
Des molécules en ronde sidérale
Créent dans une banlieue galaxiale
Une planète singulière
Ni trop près ni beaucoup trop loin
D’un astre ô combien opportun
La Terre s’isole derrière son voile
Et prend le relais des étoiles
Pour faire évoluer la matière
Il pleut sur toute la planète
De subtiles molécules
Qui s’agencent dans les lagunes
Et inventent des gouttes de vie
Les cellules longtemps solitaires
Se retrouvent soudain solidaires
Les espèces naissent, meurent, varient
La vie croît et se multiplie
Des petits singes malins naissent
Dans un monde composé de fleurs
Pour résister à la sécheresse
Leurs descendants se redressent
Et découvrent un nouvel univers
Pas encore hommes, plus vraiment singes
Mais debouts sur leurs deux pattes arrières
Ils mangent des escargots
Le vieux monde meurt, un autre naît
Dominé par un curieux bipède
Qui conquiert la planète
Il invente l’amour, l’art, la guerre
Et s’interroge sur ses origines
François-Marie GERARD - FMG © 2004
mercredi 27 septembre 2023
Sauver une libellule… ou l’avenir de jeunes étudiantes ?
Facebook m’a permis hier de faire une expérience fortuite, mais très instructive. J’ai « posté » deux messages. Le deuxième concernait cette jolie libellule que j’ai sauvée des affres d’une toile d’araignée et à laquelle je souhaitais une « longue vie ». Quand on sait que la durée moyenne de la vie d’une libellule est entre un et trois mois, mon souhait ne signifiait pas grand-chose. Quoi qu’il en soit, ce post a eu un joli succès : 33 personnes ont réagi positivement et 4 ont commenté (plus pour la beauté de la bête que pour mon acte de bravoure).
Plus tôt dans la journée, j’avais posté l’annonce de la publication du dernier article auquel j’ai (intensément) contribué : QCM à points négatifs au début de l’enseignement universitaire – Échecs abusifs et biais de genre. Ça fait évidemment beaucoup plus sérieux qu’une libellule, et les réactions témoignent bien de l’intérêt rencontré par le post : 2 pouces levés (un des coauteurs et mon frère) et 1 commentaire d’une amie qui, visiblement, n’a pas lu le texte référencé.
Inutile de vous dire qu’entre cette libellule tout aussi jolie qu’elle soit et cet article auquel j’ai consacré pas mal d’heures et d’énergie, ma propre préférence va au texte sérieux ! Non seulement parce qu’il est le produit d’un long travail, mais aussi et surtout parce que ce qu’il apporte est essentiel pour l’avenir de nombreuses étudiantes.
En bref, il y a eu un jour un examen universitaire concernant plus de 600 étudiants et étudiantes. Répartis dans deux auditoires différents, un premier groupe a été informé qu’il s’agissait d’un « questionnaire à choix multiple » qui serait noté ainsi : 1 point pour une bonne réponse et 0 point dans tous les autres cas. Les encadreurs du deuxième groupe se sont involontairement trompés : ils ont dit qu’il s’agissait d’un QCM « à points négatifs », c’est-à-dire qu’il y aurait 1 point pour une bonne réponse, 0 point en cas d’abstention (pas de réponse) et -0,25 point pour une mauvaise réponse.
Résultats des courses : alors qu’il s’agit du même questionnaire, l’examen sans points négatifs (premier groupe) est mieux réussi que celui avec points négatifs (deuxième groupe). Et ce sont avant tout les étudiantes qui sont « victimes » de ce mode de notation de l’examen. Il semble qu’elles prennent moins de risques : comme s’abstenir est possible « gratuitement », elles sont plus enclines à adopter cette possibilité alors même que souvent elles connaissent la bonne réponse.
Ces examens par QCM à points négatifs sont encore très répandus. Par exemple, c’est la modalité utilisée en août dernier lors du concours d’admission aux études de médecine et de dentisterie. On ne connaît pas encore les résultats différenciés en fonction du genre, mais il est fort probable que les taux de réussite soient plus faibles pour les jeunes-filles que pour les garçons. De nombreuses postulantes se verraient donc refuser l’entrée dans ces études non pas par incompétence ou manque de connaissances, mais juste parce qu’elles sont des femmes et que la modalité utilisée pour noter le concours les défavorise, comme notre étude le montre de manière scientifique et limpide.
Je suis fier d’avoir pu sauver cette libellule pour quelques heures d’une vie très courte. Mais je serais encore plus fier si la diffusion de cet article parvenait à sauver des centaines d’étudiantes d’échecs dans leurs études et dans le choix de celles-ci.
jeudi 21 septembre 2023
Invisible lumière
2020©Philippe Degobert et Adrien Lucca
Pour la première fois depuis que ce blog existe, c’est-à-dire bientôt 17 ans, j’ai été amené à modifier un des 960 billets qui y ont été publiés. J’avais bien changé parfois quelques structures de phrase, quelques mots imprécis, quelques fautes d’orthographe, mais c’était de ma propre initiative et sans grandes conséquences. Ici, j’ai modifié parce que quelqu’un me l’a demandé.
Le billet concerné a été écrit en août 2022 autour d’une citation qui m’avait intéressé. Ayant recherché le texte complet, je m’étais étonné de le voir attribué à deux personnes différentes, dans des versions quasi semblables. Assez rapidement, sur la seule base de l’année de publication des ouvrages concernés, j’en avais conclu que la première version était celle du livre où je l’avais découverte et que la deuxième était donc « empruntée » sans le dire par la personne que je citais. C’est elle qui m’a contacté en me demandant de modifier mon billet.
Ses premières explications ne me satisfaisaient pas vraiment, tout en comprenant qu’elle souhaitait que son nom disparaisse du billet. J’ai donc cherché à en savoir plus, en lui demandant clairement si elle avait emprunté cette citation sans en nommer l’auteur.
Elle m’a répondu qu’effectivement, elle avait « emprunté » ces mots ou cette idée, mais qu’elle ne pouvait les attribuer à un auteur précis puisqu’ils sont issus d’une tradition religieuse millénaire, présente tant dans le Judaïsme que dans l’Islam ou le Christianisme…
S’il y avait quelqu’un qui avait commis une erreur dans cette histoire, c’était bien moi. J’ai trop hâtivement conclu à une forme de plagiat et j’en ai accusé nommément une personne (même si je n’avais pas utilisé le terme très dur de « plagiat »). Je n’oserais pas l’affirmer parce que je ne me souviens pas de tout, mais je crois que c’est le seul billet de mon blog où j’ai accusé une personne précise en la nommant ! Cette accusation étant de plus inexacte, c’est ce qu’on appelle de la diffamation ! Heureusement, la personne concernée est d’une grande bienveillance et il m’a suffi de modifier mon texte pour assainir la situation.
Au-delà de cette dimension factuelle, quelle leçon de vie ! L’objectif de ce blog Réverbères est clairement de contribuer à faire naître un peu de lumière, même et surtout quand la nuit est profonde. Au contraire de celle-ci, la lumière devrait toujours rester invisible pour justement rendre visible les éléments qu’elle éclaire. Je l’avais oublié et j’espère toujours m’en souvenir désormais.
lundi 28 août 2023
Tout fout l'camp
Caramba, j’ai constaté hier que la petite lampe rouge de mon ampli ne s’allume plus quand il est en fonctionnement, contrairement à ce qu’on voit sur cette photo issue du premier billet que j’ai consacré au dit appareil. Le matériel électronique n’est décidément plus du tout fiable. Pensez donc : j’ai acheté cet amplificateur le 21 décembre 1974, soit il y a à peine 48 ans, 8 mois et 7 jours (ou 17 782 jours). Alors, me lâcher comme ça d’un coup, c’est dur quand même !
C’est vrai qu’à part ça, l’appareil fait toujours parfaitement ce qu’il doit : amplifier le signal sonore qu’il reçoit de telle sorte que je puisse écouter ma musique quasiment toute la journée, environ 333 jours par an. Il s’est même très bien adapté à la source sonore quasi-monopolistique que j’utilise aujourd’hui : un iPod classic 6e génération modèle de septembre 2009, c’est-à-dire avec un disque dur de 160 Gb. Apple a arrêté depuis longtemps la production de ce lecteur mp3, mais le mien fonctionne très bien et contient aujourd’hui 34 832 morceaux de différents styles.
Ne plus pouvoir écouter toute cette musique en étant accompagné de la petite lampe rouge témoin est vraiment inacceptable. Ça va m’obliger à ouvrir le boîtier et vraisemblablement à restaurer le mauvais contact un peu vieilli. Vraiment, tout fout l’camp.
vendredi 18 août 2023
Singes éducatifs
Le plus difficile fut de trouver cette plaine de jeux, au Zoet Water. Théoriquement proche et facilement accessible, des indications de travaux troublèrent notre périple. Nous nous apprêtions à partir bredouilles lorsqu’Alexis attira mon attention : la plaine était bien là. Bel endroit, où seule une dizaine de personnes profitait des différents agrès, dont un grand « parcours du combattant ».
Mes petits-enfants l’explorèrent avec délice. Je les laissai se débrouiller, ce qu’ils faisaient très bien. Très rapidement, j’ai constaté qu’Alexis, 10 ans, veillait à ce que sa sœur Elise, 7 ans, franchisse bien les différents obstacles. « Veiller », cela signifiait simplement lui montrer comment il faisait et l’inviter à faire de même, à sa manière. Du style : « Regarde, je le fais, donc tu peux le faire… ». Et Elise l’a fait. Tout le parcours. À sa manière. En confiance.
Parmi les quelques autres personnes, il y avait un autre grand-père avec ses deux petits-enfants : une fille un peu plus âgée qu’Alexis et un garçon de l’âge d’Elise. Ce grand-père, contrairement à moi, était digne de confiance : il s’occupait directement de ses petits-enfants au lieu de se contenter de les observer de loin. Par exemple, pour ce petit pont de singe, il soutenait son petit-fils. Je veux dire qu’il l’entourait de ses mains pour qu’il ne tombe pas. Résultat : l’enfant n’a pas pu franchir le pont, son pied a raté la corde, il a lâché ses mains et leur parcours s’est arrêté là.
Racontant l’histoire à ma fille Anaïs, la maman, elle me dit : « En même temps, on a deux petits singes plutôt habiles... Ça aide à lâcher prise, par rapport à d'autres enfants peut-être plus gauches ». Je lui ai répondu : « La bonne question est : pourquoi sont-ils plus gauches ? »
Il n’y a pas de secret. Les enfants prennent les risques que leurs (grands-)parents leur laissent prendre en toute confiance. Si on leur dit, depuis leur plus jeune âge, « Attention, tu vas tomber », ils apprennent juste à tomber, la plupart du temps à mal tomber ! Si on les regarde, confiants tout en restant attentifs, ils… tombent… moins souvent. Surtout, ils apprennent la confiance : celle qu’on a en eux et donc celle qu’ils peuvent avoir en eux. Ça ne permet pas à tous de devenir des « petits singes plutôt habiles », mais au moins, on leur dit et leur fait sentir qu’ils peuvent le faire.
En anglais, ça se dit « Yes, you can ». Il n’y a pas de secret.