vendredi 23 février 2018

Enseignant Rambo, tRompez !

« Ils sont entraînés, il n’a pas réagi convenablement sous la pression ou c’est un lâche », a dit le président Trump en parlant de ce policier qui n’est pas intervenu lors de la tuerie au Lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride, le mercredi 14 février dernier. Deux jours plus tôt, le même Trump avait proposé comme solution miracle aux tueries dans les écoles américaines d’armer et de former des enseignants.

Que s’est-il passé dans la tête de ce policier, à quelques mois de la retraite et qui depuis a démissionné ? Peu importe. Je ne sais pas s’il est un « lâche ». Pour moi, c’est juste un « humain ». Plus que vraisemblablement, il a eu peur d’intervenir. Et cette peur a été plus forte que son devoir. En tant que policier placé devant une école pour en garantir la sécurité, il n’a pas fait ce qu’il fallait. De toute évidence. Même s’il était policier et s’il a été entraîné pour intervenir dans ce genre de circonstances, je ne le blâmerai pas. Qu’aurais-je fait à sa place ? Pas sûr que je serais intervenu. Pas sûr non plus que j’en sois pour autant un « lâche ».

À côté de cela, Trump veut transformer les enseignants en Rambo. Autant j’avoue ignorer complètement ce qu’est le métier de policier, autant je crois connaître ce qu’est le métier d’enseignant. C’est un des métiers les plus nobles, les plus exigeants, les plus incertains qui soient. La responsabilité d’un enseignant sur le devenir de ses élèves est immense. Un enseignant peut « casser », tout comme il peut contribuer à construire. Un vrai enseignant construit. Il existe pour instruire, pour ouvrir les voies de l’apprentissage et de la connaissance, pour apprendre à s’émerveiller et à vouloir en savoir plus.

S’il doit tout faire pour protéger ses élèves des turpitudes (des « trumpitudes » ?) du monde d’aujourd’hui, son métier n’est pas – et ne sera jamais – de manier la gâchette plus vite qu’un éventuel assaillant. Aux USA – là où se passent toutes ces tueries, pourquoi ? – plus d’un enseignant a tout fait pour protéger, au risque de sa vie, ses élèves. Les enseignants ne sont pas des « lâches ». Mais, même s’ils étaient formés, ils ne seront jamais des justiciers œuvrant par la violence contre une autre violence. Les enseignants sont des constructeurs, pas des destructeurs.

Imaginez le jour où un enseignant armé et formé n’aura pu empêcher un massacre des élèves aux alentours. Imaginez le jour où un enseignant armé et formé aura tiré trop tôt et tué un innocent juste parce qu’il présentait des signes de velléité.

Mettre cette pression infondée et absurde sur les enseignants n’est – personne n’est dupe, sauf les inconditionnels de Trump – qu’un moyen vain et aberrant de protéger le commerce des armes aux USA. Il y a de plus en plus de voix américaines qui se lèvent pour dénoncer cet aveuglement.

J’ai bien peur cependant que, le jour où je quitterai ce monde – disons dans une bonne trentaine d’années – le fameux deuxième amendement « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé » existera encore, avec toutes ses implications. Y compris celle de transformer les enseignants en soi-disant justiciers armés. Tout le contraire du fondement même du métier d’enseignant.

samedi 17 février 2018

Vous, migrants, je vous admire

Je n’admire pas grand monde. Chacun mène sa vie, avec plus ou moins de talents, de chances, d’opportunités saisies ou non. Certains en ont plus que d’autres et savent comment les exploiter. Je ne les admire pas pour autant. Par contre, aujourd’hui, s’il y a bien des êtres humains que j’admire, ce sont les migrants ! Ils n’ont rien pour eux, sauf leur soif de liberté et de dignité. Ils n’ont aucune chance de l’étancher. Mais ils la prennent, feignant d’ignorer qu’elle n’est qu’un risque.

Ils n’ont rien. Sauf l’amour de ceux qui les entourent. Mais qui peut vraiment vivre d’amour et d’eau fraîche ? Ils n’ont rien et ne peuvent s’en contenter. Qui se contenterait de rien ? Qui accepterait de n’avoir aucun avenir ? Dans leur cas, la plupart d’entre nous se limiteraient à rouspéter, à s’exprimer sur les réseaux sociaux quant à l’injustice des gouvernements divers, à prétexter de l’égoïsme ambiant pour dissimuler leur propre égoïsme… Tout simplement parce que, pour nous occidentaux bien emmitouflés dans nos pantoufles, la question ne se pose pas vraiment. Quelle question ? Celle de vivre, d’exister, d’espérer…

Les migrants ne se posent sans doute même pas cette question. Ils n’en ont pas le temps ni la possibilité. La réponse s’impose d’elle-même : rester là où ils sont ne les conduira qu'à ce qui est pire que la mort : ne pas exister tout en étant vivant ! Beaucoup font le même constat, même chez nous. Certains choisissent la résignation, de faire avec ce qu’ils ont. D’autres optent pour une solution extrême : disparaître purement et simplement. Les migrants font le choix de l’espoir désespéré ou du futur improbable. Ils partent. Ils risquent leur vie. Ils supportent des conditions de vie que personne ne supporterait, s’il n’y avait cet espoir.

Je n’aurais pas le courage d’en faire autant. Alors, j’admire. Et je me révolte : qui peut-on être pour s’opposer à ce choix désespéré d’un hypothétique monde meilleur ? Quels arguments – à part un égocentrisme fondamental – peut-on avancer à un être humain en quête simplement d’un espace de vie pour lui dire que celui-ci lui est interdit sous prétexte qu’il n’est pas né au bon endroit ? Quand bien même il nous est impossible d’accueillir toute la misère du monde, qu’est-ce qui nous autoriserait à fermer notre porte à celui qui a tout risqué, y compris sa vie et son honneur, pour faire partie – comme vous et moi – de ce qu’on appelle l’humanité ?

Ils n’ont que leur vie. Ils la risquent. À chaque instant. Ils la perdent parfois. Plus rarement, ils la gagnent… Enfin ! Alors que ce devrait être un droit fondamental pour chacun d’entre nous, indiscutable et lumineux !

Oui, vraiment, vous, migrants, je vous admire !

lundi 5 février 2018

Le temps d'un retraité

Ma journée a été bien active : balade, écriture, recherches, information… Vers 16h30, ma chère et tendre rentre de sa journée de travail. Nous discutons et elle me rappelle qu’elle repart ce soir pour un accueil de nouveaux parents. Je la remercie de me le rappeler et nous envisageons les choix possibles : soit nous mangeons « avec les poules », soit je mange tout seul à notre heure habituelle (19 heures), soit je l’attends et on mange… quand on mangera ! Je choisis la solution « avec les poules » et je lui donne rendez-vous à 18h30.

Nous vaquons alors chacun à nos activités et vers 18h10, je me dis qu’il est temps d’aller cuisiner ! Je fais tout cela du mieux que je peux et arrivé à l’heure fatidique, je suis fier de constater que tout est prêt et j’appelle ma belle !

C’est alors qu’elle me dit « Mais il est 17h30 ! ». Oups, je me suis donc trompé d’une heure ! Après un léger flottement, nous avons décidé de manger vraiment « avec les poules » ! C’était bien bon, mais ni l’un·e ni l’autre n’a juré qu’il·elle ne grignoterait pas quelque chose en cours de soirée !

En réalité, l’heure d’un repas est une notion relative. Tout comme le besoin de manger. La plupart du temps, on ne mange pas parce qu’on a vraiment faim, mais parce qu’on a envie de rompre le rythme de travail, parce qu’on désire se retrouver ensemble, parce que le plaisir du partage nous appelle… Pour faciliter l’organisation, beaucoup – c’est notre cas – mangent chaque jour plus ou moins à la même heure, pour les mêmes raisons : rompre le rythme de travail, se retrouver ensemble, vivre le plaisir du partage… L’important n’est finalement ni dans le repas ni dans son heure !

Au bout du compte, manger « avec les poules », cela laisse plein de temps après. De toute façon, on n’a jamais que le temps qu’on se donne !