samedi 20 avril 2024

Ode aux Odes

 

Quand ce livre est arrivé entre mes mains, par l’entremise d’un ami fidèle, je l’ai regardé avec un certain scepticisme. Constitué de cinquante-quatre textes sans lien entre eux, si ce n’est bien sûr qu’ils sont tous des « Odes » à quelque chose, j’avais peur de ne pas m’y retrouver en les lisant. J’ai bien fait de les lire.

C’est d’abord très bien écrit, même si c’est une traduction du néerlandais. David Van Reybrouck, archéologue philosophe, dispose d’une très large érudition. S’il a à son actif une carrière scientifique impressionnante, il est aussi un auteur reconnu, notamment à travers ses ouvrages Le fléau et Congo, une histoire. Ce qu’il nous partage ici, ce sont des ressentis ou des émotions diverses, mais toujours heureuses.

L’auteur regarde sa vie de tous les jours à travers un prisme positif. Il ne fait pas vraiment de la philosophie et ne tente aucune généralisation. Il parle de lui, de moments furtifs qui l’inspirent, de jubilations contenues mais libérées.

En lisant ces odes, je ne pouvais que penser à ce blog Réverbères. Finalement, je ne fais pas vraiment autre chose que ce partage émotionnel. Ce billet est le 969e du blog, dont la moitié est constituée de Lumières ou de Coups de cœur. Qui sait, peut-être un jour choisirais-je une cinquantaine, voire un peu plus, de mes billets écrits depuis tout ce temps pour les partager à mon tour sous une forme papier. A priori, je me demande bien qui serait intéressé par un tel recueil de textes… mais ayant apprécié ces odes de Van Reybrouck, je me dis que certains seraient peut-être contents de lire ma prose, même s’il est évident que je n’ai ni le talent ni l’érudition de l’auteur.

D’ailleurs, celui-ci termine son ouvrage par ces mots : « Écrire des odes, je le conseille à tout le monde : on en devient plus attentif, plus enthousiaste, plus avide et plus reconnaissant. Bref, ode à l’ode ».

Ode.

dimanche 3 mars 2024

Quelle chance !

Je dois bien l’avouer, j’ai beaucoup de chance. Depuis ma tendre enfance, j’ai pu vivre et réaliser des tas d’expériences extraordinaires que ce soit dans ma vie personnelle, familiale, amicale, artistique, citoyenne, professionnelle, technique, etc. Moi qui ai désormais un âge respectable où beaucoup se contentent de regarder le temps qui passe en se remémorant et en regrettant les temps d’avant, j’ai la chance d’être embarqué dans des activités nouvelles, passionnantes et constructives.
 
Parmi ces activités, mes expériences artistiques ne sont pas les moindres. Ce n’est pas nouveau : je n’avais que treize ans quand j’ai commencé à écrire de la poésie. Très rapidement la musique m’a rattrapé et j’ai donc fait des chansons. Jeune ado, j’ai eu l’occasion de découvrir les joies de la scène comme récitant et chanteur dans des spectacles collectifs, avant, à 22 ans, de devenir surtout musicien accompagnateur et ensuite de décider enfin de suivre quelques cours de musique : solfège et contrebasse. Celle-ci me ramènera sur scène au sein d’un orchestre classique de mandolines, puis dans un groupe animant des bals folks pour enfants et/ou adultes. Après avoir enregistré deux CD de mes chansons, j’ai découvert les joies de l’écriture collective romancée avec la publication de trois romans.
 
Les circonstances de la vie m’ont éloigné de ce travail d’écriture, mais elles m’ont permis de découvrir de nouveaux horizons dans une voie plus théâtrale. Il y a notamment eu la création le 17 décembre 2023 du spectacle Wisconsin ! consacré à la migration des Gréziens au milieu du 19e siècle, sur un texte d’Yves Destrée et avec des chansons créées pour l’occasion. Pour le moment, le spectacle dort un peu, mais j’espère qu’il pourra revivre, car il en vaut vraiment la peine.
 
Puis, il y a ces soirées de cabaret créées au sein de l’ARC asbl. Un travail collectif de création dans le respect de la personnalité de chacun. Au départ, je n’ai fait que mettre en musique et interpréter le poème Obsession de Baudelaire. Puis, un peu plus. Pour notre dernier spectacle, à la Chandeleur 2024, ayant constaté qu’un des partenaires, Yves Nollet, était également contrebassiste, j’ai osé proposer : « Et si on faisait un duo de contrebasses ? ». C’était une idée un peu folle : aucun de nous deux n'est un virtuose de cet instrument difficile. Mais nous nous sommes lancés dans l’aventure, en incluant ce duo dans un sketch lié aux trains qui passent (ou non) qui convertit ce duo en un (pseudo) duel ! Cela a surtout transformé notre échange musical en un véritable moment de plaisir, tant pour nous que pour le public, sans pourtant empêcher les fausses notes ! Ce sont celles-ci qui font que ce billet est publié sous la rubrique « Coup de blues » : comment est-il possible de prendre tant de plaisir à réaliser cette prestation alors qu’elle est si déplorable au niveau technique ? Bah, qu’à cela ne tienne, nous nous sommes bien amusés et pour moi, c’était la première fois que j’étais un contrebassiste au devant de la scène, partageant cet honneur avec un ami. Quelle chance !

dimanche 11 février 2024

Un joint ne vaut pas toujours mieux que deux tu l’auras

  

L’histoire sur laquelle se base ce billet n’a aucun intérêt intrinsèque. Elle est d’une banalité totale et je m’en excuse.
 
Lors de son dernier séjour chez moi, ma petite-fille Elise m’a signalé qu’il y avait une fuite au « WC d’en haut ». Je suis allé voir et j’ai constaté que lorsqu’on tirait la chasse d’eau, une bonne partie de cette dernière s’écoulait sur la cuvette et même par terre. N’allant personnellement dans ces toilettes que durant la nuit, sans allumer, je ne l’avais pas vu, mais ça ne m’étonnait pas. Bref, je me suis lancé dans le démontage, non sans difficulté. J’ai pu constater que le joint était sale et calcairisé. Nettoyage de celui-ci, remontage, essai, fuite encore plus grosse. Achat pour 3,49 € d’un nouveau joint, non identique au premier, redémontage, remontage, essai, fuite. J’ai fait ça plusieurs fois, toujours avec difficultés (espace de travail limité) et sans succès. Mon fils m’a dit de faire appel à quelqu’un, ce que j’ai fait, mais qui accepterait de se déplacer pour un aussi petit travail ? Je n’ai trouvé personne en tout cas.
 
J’étais totalement découragé. J’avais même envisagé de carrément remplacer cuvette et réservoir, mais ce n’était pas si simple et je déteste remplacer quelque chose qui peut encore fonctionner. Bref, je me suis lancé dans un dernier essai, en utilisant cette fois les deux joints superposés. Miracle : l’essai fut positif, pas une goutte d’eau ne fuyait. Depuis lors, c’est toujours le cas, même si je me dis qu’un jour ou l’autre la fuite réapparaîtra, inéluctablement. Mais profitons du présent, même s’il est éphémère.
 
Ça fait d’ailleurs une première leçon de cette histoire : profitons du présent, même s’il est éphémère. En réalité, il n’est même pas vraiment éphémère. Il est toujours déjà passé. Le présent est sans doute la seule chose qui existe alors même qu’elle n’existe déjà plus. Raison de plus d’en profiter.
 
Mon histoire quelconque est un beau contre-exemple de l’adage bien connu, issu de la fable de La Fontaine Le petit poisson et le pêcheur : « Un joint vaut mieux que deux tu l’auras ». Ici, tant que les joints étaient seuls, je n’arrivais à rien. Il a suffi que je les associe pour que ça fonctionne. C’est assez logique, un joint sert à réunir, s’il y en a deux, la réunion ne sera que plus forte. Unissons nos joints !
 
La conclusion principale est cependant ailleurs. Même au moment où tu crois que tu n’y arriveras pas, tu peux le faire. En anglais, « Yes, you can » comme je l’ai déjà développé en son temps à partir d’une autre histoire. Ici, je n’y croyais vraiment plus et je ne trouvais personne pour m’aider. Alors, par désespoir en réalité, je me suis dit « Essaie encore, d’une manière que tu n’as pas utilisée ». Et ça a marché. Je ne dis pas qu’on peut tout faire. Je veux dire qu’on peut faire ce dont on se sent capable, même si sur le moment il y a des tas de raisons de se dire que cela n’aboutira pas. Essayer une dernière fois est la seule manière d’y arriver. Ou autrement dit : « Si tu n’essaies pas, tu n’y arrives pas » !
 
J’en resterai là.

mercredi 24 janvier 2024

Être juive…

 

Le hasard – auquel je ne crois pas trop – m’a amené ces derniers mois à lire des livres mettant en scène des Juifs, ou plutôt des Juives. J’avoue ne pas bien connaître le Judaïsme et ces lectures sont à ce titre intéressantes. Elles m’interpellent aussi dans le contexte actuel d’une guerre absurde et meurtrière que certains essaient de présenter comme l’indispensable protection et défense des Juifs, alors qu’elle est plutôt une histoire d’agressions entre habitants d’un même pays appartenant à des communautés différentes. Ou sans doute plutôt d’un même territoire composé de deux États.
 
Mais parlons de ces trois livres, tous écrits par une femme.
 
Le premier que j’ai lu est une autobiographie, L’amour après, de Marceline Loridan-Ivens. Une femme extraordinaire, rescapée de la Shoah, grande amie de Simone Veil, elle a passé sa vie à faire la fête n’en faisant qu’à sa tête. C’est ce qu’elle raconte dans ce livre qui va beaucoup plus loin que ça. Elle n’était pas vraiment une juive orthodoxe, mais ses confidences témoignent de sa lutte contre l’absurdité, notamment celle de l’antisémitisme.
 
Le deuxième livre est un « roman vrai », La carte postale, d’Anne Berest. À partir d’une énigmatique carte postale, l’auteure part à la recherche de l’histoire de ses aïeux morts en déportation. Histoire captivante où l’on sent toute la difficulté de vivre normalement quand on est juif, même si ce n’est pas une priorité personnelle.
 
Enfin, je suis occupé à lire Vivre avec nos morts, de Delphine Horvilleur. Rabbine de son état, elle a prononcé l’oraison funèbre de nombreuses personnes, dont celle de Marceline Loridan-Ivens. Ce livre m’a été offert par un ami soucieux de mon bien-être, et je l’en remercie. J’ai hésité à le lire parce qu’aujourd’hui, mon objectif est avant tout de vivre avec les vivants. Finalement, je m’y suis lancé, sans regret. J’y découvre surtout la compréhension juive de la vie et de la mort.
 
Ces trois livres, les histoires de ces trois femmes, sont bien différents l’un de l’autre. Pourtant, ils parlent de la même chose : du judaïsme. Moi qui suis chrétien de naissance, mais agnostique positif de conviction, j’avoue ne pas adhérer plus à cette religion, mais j’y découvre – grâce à ces livres – une approche profondément humaine et respectueuse de la vie et des humains.
 
Cette découverte ne m’étonne pas. Même si depuis la nuit des temps, certains s’obstinent à utiliser les religions pour faire la guerre, celles-ci sont toutes plutôt orientées vers le respect mutuel, vers l’amour, vers la paix. Sans entrer dans une quelconque polémique, dans la crise actuelle autour de la bande de Gaza, ce n’est en réalité pas un conflit entre Juifs et Musulmans. D’un côté, il y a Israël, un État créé le 14 mai 1948, après le vote par l’ONU du plan de partage de la Palestine. Et de l’autre, il y a l’État arabe issu de ce partage rejeté dès le départ par la quasi-totalité des dirigeants de la communauté palestinienne. Depuis lors, ceux-là ne s’entendent pas, et ça fait du grabuge. Des milliers de morts inutiles, d’un côté comme de l’autre. Et totalement incompréhensibles quand on connaît un peu mieux les fondements du Judaïsme comme de l’Islam.