lundi 25 décembre 2023

Surprises

 
FMG©2005

La vie est pleine de surprises. Le dire, l’écrire est d’une banalité éclatante. Tout le monde le sait, tout le monde le vit. Et tout le monde se laisse toujours surprendre.

Ces surprises ne sont pas toujours heureuses. Trop souvent même, on préférerait qu’elles n’existent pas. Nous aspirons quasi tous à la paix, à la tranquillité, à la permanence et nous redoutons la déstabilisation, le vide, les bousculades.

Ces surprises dont personne ne veut, j’en ai eu ma dose. Comme beaucoup, ma vie a basculé soudainement par la faute d’un crabe qui prend un malin plaisir à brouiller les cartes. Il ne m’a pas attaqué moi-même. Il s’en est pris à quelqu’un de bien plus fort que moi. Une invincible, prête à toutes les surprises. Pas à celle-là. Elle a été vaincue. Pour son plus grand malheur et pour tous ceux qui l’aimaient. On ne s’en remet pas, pourtant, depuis, elle n’arrête pas de nous montrer, de me montrer, le chemin. Celui des surprises.

Moi qui suis désormais septuagénaire – un mot peu connu en réalité – je viens de vivre le mois le plus surprenant de ma vie. Qui aurait pu imaginer que j’accéderais à des fonctions publiques aussi intenses et passionnantes alors que je ne suis qu’un simple citoyen engagé ? Qui aurait prédit que j’allais me retrouver – avec un certain succès – sur une scène de théâtre à donner une réplique aussi naïve que ciblée lors d’un spectacle mêlé de chansons, d’humour et d’engagement ? Qui aurait pu croire que tant d’êtres aimés comploteraient pour m’imposer à l’insu de mon plein gré des retrouvailles magiques et bouleversantes ? Qui aurait cru que toutes ces surprises aussi étonnantes qu’inattendues allaient me donner une énergie insoupçonnée et un dynamisme dont moi-même ne me croyais plus capable ?

De tout cela, c’est ce que je retiens. Moi qui préfère tout prévoir et tout maîtriser, je me retrouve depuis quelques années dans des situations où je ne maîtrise pas grand-chose. Ce sont ces situations qui me font grandir. Elles me permettent d’aller au-delà de moi-même et de transfigurer ma vie. Moi qui rêve de donner quelques lumières là où l’obscurité s’impose, je découvre la lumière qui s’impose à moi, qui m’élance au-delà de toutes mes propres limites.

On n'est jamais que ce qu'on est, que ce qu'on naît. On est. Plus que jamais, il suffit d'une étincelle pour que la vie s'embrase !

dimanche 19 novembre 2023

Tu veux ou tu veux pas ?

Les circonstances de la vie sont parfois étonnantes. À près de 70 ans, je suis devenu cette semaine conseiller communal et échevin de la commune de Grez-Doiceau. Ce n’était vraiment pas inscrit dans mon plan de carrière, d’autant plus que celle-ci est officiellement terminée depuis bientôt 8 ans. Mais ce n’est pas « à l’insu de mon plein grez ». Il y a 5 ans, je me suis présenté en connaissance de cause aux élections communales, concrétisant ainsi mon engagement citoyen de longue date.
 
Je n’étais habitant de cette commune rurale composée d’une dizaine de villages que depuis deux ans et, assez logiquement, je ne fis pas partie des 3 élus directs de notre liste. Mais les circonstances de la vie personnelle de ces « politiciens non professionnels » font qu’il y a des mouvements tout au long d’une législature de 6 ans. Il y a quelques semaines, je me suis donc retrouvé face à un dilemme inattendu : « tu veux ou tu veux pas ? ».
 
Répondre à cette question ne fut pas facile, pour différentes raisons tant personnelles qu’institutionnelles. J’ai fini par décider d’y aller, mais on peut se demander pourquoi. L’évolution de la société fait que la fonction politique n’est plus très valorisée. Pour beaucoup, les politiciens sont soit incompétents soit corrompus. Pour d’autres, seuls les citoyens de base savent ce qui est bon pour leur environnement. Pour la majorité, la vie politique ne les intéresse simplement pas, car – selon eux – elle ne leur apporte rien si ce n’est de devoir payer des impôts.
 
Choisir d’assumer mes responsabilités n’est pas un choix naïf. Je sais que les politiques n’ont pas de baguette magique, même s’ils ont les meilleures intentions du monde. Ils prennent des décisions pour l’intérêt général, en ayant la plupart du temps en mains le maximum d’éléments constitutifs de la situation. Ces décisions sont indispensables. Elles ne sont pas nécessairement toujours les meilleures, car elles dépendent de choix fondamentaux d’ordre idéologique sur la base de valeurs propres à chacun. En fonction de ces valeurs, le « bien public » n’a pas toujours le même sens. Pour le mettre en œuvre, il me semble naturel de m’impliquer dans les sphères où se prennent les décisions. Non pas pour disposer d’un quelconque pouvoir, mais pour essayer d’orienter les choses dans la direction qui me semble avoir du sens, ou du moins le sens que je veux bien y donner.
 
Mais je vous l’accorde : ça, ce sont de belles intentions. Elles m’ont convaincu d’y aller. Dans un an déjà, il me faudra tirer le bilan concret et là non plus, je ne suis pas naïf : je n’aurai pas changé le monde. Mais au moins, j’aurai essayé… un tout petit peu !

vendredi 13 octobre 2023

La plus belle histoire du monde

 

Aujourd’hui, sinistre vendredi 13, Hubert Reeves a rejoint les étoiles qu’il avait tant côtoyées. Un tout grand scientifique, un immense pédagogue. Ce billet lui rend hommage.

En 1995, il avait publié avec Joël De Rosnay, Yves Coppens et l’appui de Dominique Simonnet un petit livre extraordinaire : La plus belle histoire du monde.

Je n’ai découvert ce petit bijou qu’en 2003, cadeau d’un ami pour mes 50 ans. La lecture de cet ouvrage m’a profondément marqué : comment des choses si compliquées pouvaient-elles être expliquées si simplement ? Alors, j’ai décidé d’en faire une chanson, pour laquelle je n’ai pas fait grand-chose.

Je me suis contenté de reprendre quasi textuellement les introductions de chaque chapitre, avec quelques adaptations pour que cela colle à la musique.

Quels poètes ! Ces grands scientifiques racontent à mots simples l'histoire de l'Univers, de la Terre et de l'Homme, avec un optimisme incroyable de savants qui connaissent tous les maux de notre monde, mais qui gardent confiance.

Deux guitares d'accompagnement : l'Univers et la Terre, une en solo : l'Homme !

La plus belle histoire du monde
 
De particule en particule
De molécule en molécule
Tout s’entrechoque tout se bouscule
L’univers dans la vie bascule


La scène est blanche infinie
Une clarté de frénésie
Un univers en incandescence
Dans un chaos sans nom ni sens
Des particules entrent en scène
Dans un désordre indescriptible
Résultats de leurs accouplements
Des atomes au cœur d’astres brûlants
Tentent des liaisons explosives
Et dans le désert spatial
Des molécules en ronde sidérale
Créent dans une banlieue galaxiale
Une planète singulière

Ni trop près ni beaucoup trop loin
D’un astre ô combien opportun
La Terre s’isole derrière son voile
Et prend le relais des étoiles
Pour faire évoluer la matière
Il pleut sur toute la planète
De subtiles molécules
Qui s’agencent dans les lagunes
Et inventent des gouttes de vie
Les cellules longtemps solitaires
Se retrouvent soudain solidaires
Les espèces naissent, meurent, varient
La vie croît et se multiplie

Des petits singes malins naissent
Dans un monde composé de fleurs
Pour résister à la sécheresse
Leurs descendants se redressent
Et découvrent un nouvel univers
Pas encore hommes, plus vraiment singes
Mais debouts sur leurs deux pattes arrières
Ils mangent des escargots
Le vieux monde meurt, un autre naît
Dominé par un curieux bipède
Qui conquiert la planète
Il invente l’amour, l’art, la guerre
Et s’interroge sur ses origines

François-Marie GERARD - FMG © 2004


mercredi 27 septembre 2023

Sauver une libellule… ou l’avenir de jeunes étudiantes ?


FMG©2023

Facebook m’a permis hier de faire une expérience fortuite, mais très instructive. J’ai « posté » deux messages. Le deuxième concernait cette jolie libellule que j’ai sauvée des affres d’une toile d’araignée et à laquelle je souhaitais une « longue vie ». Quand on sait que la durée moyenne de la vie d’une libellule est entre un et trois mois, mon souhait ne signifiait pas grand-chose. Quoi qu’il en soit, ce post a eu un joli succès : 33 personnes ont réagi positivement et 4 ont commenté (plus pour la beauté de la bête que pour mon acte de bravoure).

Plus tôt dans la journée, j’avais posté l’annonce de la publication du dernier article auquel j’ai (intensément) contribué : QCM à points négatifs au début de l’enseignement universitaire – Échecs abusifs et biais de genre. Ça fait évidemment beaucoup plus sérieux qu’une libellule, et les réactions témoignent bien de l’intérêt rencontré par le post : 2 pouces levés (un des coauteurs et mon frère) et 1 commentaire d’une amie qui, visiblement, n’a pas lu le texte référencé.

Inutile de vous dire qu’entre cette libellule tout aussi jolie qu’elle soit et cet article auquel j’ai consacré pas mal d’heures et d’énergie, ma propre préférence va au texte sérieux ! Non seulement parce qu’il est le produit d’un long travail, mais aussi et surtout parce que ce qu’il apporte est essentiel pour l’avenir de nombreuses étudiantes.

En bref, il y a eu un jour un examen universitaire concernant plus de 600 étudiants et étudiantes. Répartis dans deux auditoires différents, un premier groupe a été informé qu’il s’agissait d’un « questionnaire à choix multiple » qui serait noté ainsi : 1 point pour une bonne réponse et 0 point dans tous les autres cas. Les encadreurs du deuxième groupe se sont involontairement trompés : ils ont dit qu’il s’agissait d’un QCM « à points négatifs », c’est-à-dire qu’il y aurait 1 point pour une bonne réponse, 0 point en cas d’abstention (pas de réponse) et -0,25 point pour une mauvaise réponse.

Résultats des courses : alors qu’il s’agit du même questionnaire, l’examen sans points négatifs (premier groupe) est mieux réussi que celui avec points négatifs (deuxième groupe). Et ce sont avant tout les étudiantes qui sont « victimes » de ce mode de notation de l’examen. Il semble qu’elles prennent moins de risques : comme s’abstenir est possible « gratuitement », elles sont plus enclines à adopter cette possibilité alors même que souvent elles connaissent la bonne réponse.

Ces examens par QCM à points négatifs sont encore très répandus. Par exemple, c’est la modalité utilisée en août dernier lors du concours d’admission aux études de médecine et de dentisterie. On ne connaît pas encore les résultats différenciés en fonction du genre, mais il est fort probable que les taux de réussite soient plus faibles pour les jeunes-filles que pour les garçons. De nombreuses postulantes se verraient donc refuser l’entrée dans ces études non pas par incompétence ou manque de connaissances, mais juste parce qu’elles sont des femmes et que la modalité utilisée pour noter le concours les défavorise, comme notre étude le montre de manière scientifique et limpide.

Je suis fier d’avoir pu sauver cette libellule pour quelques heures d’une vie très courte. Mais je serais encore plus fier si la diffusion de cet article parvenait à sauver des centaines d’étudiantes d’échecs dans leurs études et dans le choix de celles-ci.

jeudi 21 septembre 2023

Invisible lumière

 
2020©Philippe Degobert et Adrien Lucca

Pour la première fois depuis que ce blog existe, c’est-à-dire bientôt 17 ans, j’ai été amené à modifier un des 960 billets qui y ont été publiés. J’avais bien changé parfois quelques structures de phrase, quelques mots imprécis, quelques fautes d’orthographe, mais c’était de ma propre initiative et sans grandes conséquences. Ici, j’ai modifié parce que quelqu’un me l’a demandé.

Le billet concerné a été écrit en août 2022 autour d’une citation qui m’avait intéressé. Ayant recherché le texte complet, je m’étais étonné de le voir attribué à deux personnes différentes, dans des versions quasi semblables. Assez rapidement, sur la seule base de l’année de publication des ouvrages concernés, j’en avais conclu que la première version était celle du livre où je l’avais découverte et que la deuxième était donc « empruntée » sans le dire par la personne que je citais. C’est elle qui m’a contacté en me demandant de modifier mon billet.

Ses premières explications ne me satisfaisaient pas vraiment, tout en comprenant qu’elle souhaitait que son nom disparaisse du billet. J’ai donc cherché à en savoir plus, en lui demandant clairement si elle avait emprunté cette citation sans en nommer l’auteur.

Elle m’a répondu qu’effectivement, elle avait « emprunté » ces mots ou cette idée, mais qu’elle ne pouvait les attribuer à un auteur précis puisqu’ils sont issus d’une tradition religieuse millénaire, présente tant dans le Judaïsme que dans l’Islam ou le Christianisme…

S’il y avait quelqu’un qui avait commis une erreur dans cette histoire, c’était bien moi. J’ai trop hâtivement conclu à une forme de plagiat et j’en ai accusé nommément une personne (même si je n’avais pas utilisé le terme très dur de « plagiat »). Je n’oserais pas l’affirmer parce que je ne me souviens pas de tout, mais je crois que c’est le seul billet de mon blog où j’ai accusé une personne précise en la nommant ! Cette accusation étant de plus inexacte, c’est ce qu’on appelle de la diffamation ! Heureusement, la personne concernée est d’une grande bienveillance et il m’a suffi de modifier mon texte pour assainir la situation.

Au-delà de cette dimension factuelle, quelle leçon de vie ! L’objectif de ce blog Réverbères est clairement de contribuer à faire naître un peu de lumière, même et surtout quand la nuit est profonde. Au contraire de celle-ci, la lumière devrait toujours rester invisible pour justement rendre visible les éléments qu’elle éclaire. Je l’avais oublié et j’espère toujours m’en souvenir désormais.

lundi 28 août 2023

Tout fout l'camp

 
FMG©2015

Caramba, j’ai constaté hier que la petite lampe rouge de mon ampli ne s’allume plus quand il est en fonctionnement, contrairement à ce qu’on voit sur cette photo issue du premier billet que j’ai consacré au dit appareil. Le matériel électronique n’est décidément plus du tout fiable. Pensez donc : j’ai acheté cet amplificateur le 21 décembre 1974, soit il y a à peine 48 ans, 8 mois et 7 jours (ou 17 782 jours). Alors, me lâcher comme ça d’un coup, c’est dur quand même !
 
C’est vrai qu’à part ça, l’appareil fait toujours parfaitement ce qu’il doit : amplifier le signal sonore qu’il reçoit de telle sorte que je puisse écouter ma musique quasiment toute la journée, environ 333 jours par an. Il s’est même très bien adapté à la source sonore quasi-monopolistique que j’utilise aujourd’hui : un iPod classic 6e génération modèle de septembre 2009, c’est-à-dire avec un disque dur de 160 Gb. Apple a arrêté depuis longtemps la production de ce lecteur mp3, mais le mien fonctionne très bien et contient aujourd’hui 34 832 morceaux de différents styles.
 
Ne plus pouvoir écouter toute cette musique en étant accompagné de la petite lampe rouge témoin est vraiment inacceptable. Ça va m’obliger à ouvrir le boîtier et vraisemblablement à restaurer le mauvais contact un peu vieilli. Vraiment, tout fout l’camp.

vendredi 18 août 2023

Singes éducatifs

 
FMG©2023

Le plus difficile fut de trouver cette plaine de jeux, au Zoet Water. Théoriquement proche et facilement accessible, des indications de travaux troublèrent notre périple. Nous nous apprêtions à partir bredouilles lorsqu’Alexis attira mon attention : la plaine était bien là. Bel endroit, où seule une dizaine de personnes profitait des différents agrès, dont un grand « parcours du combattant ».

Mes petits-enfants l’explorèrent avec délice. Je les laissai se débrouiller, ce qu’ils faisaient très bien. Très rapidement, j’ai constaté qu’Alexis, 10 ans, veillait à ce que sa sœur Elise, 7 ans, franchisse bien les différents obstacles. « Veiller », cela signifiait simplement lui montrer comment il faisait et l’inviter à faire de même, à sa manière. Du style : « Regarde, je le fais, donc tu peux le faire… ». Et Elise l’a fait. Tout le parcours. À sa manière. En confiance.

Parmi les quelques autres personnes, il y avait un autre grand-père avec ses deux petits-enfants : une fille un peu plus âgée qu’Alexis et un garçon de l’âge d’Elise. Ce grand-père, contrairement à moi, était digne de confiance : il s’occupait directement de ses petits-enfants au lieu de se contenter de les observer de loin. Par exemple, pour ce petit pont de singe, il soutenait son petit-fils. Je veux dire qu’il l’entourait de ses mains pour qu’il ne tombe pas. Résultat : l’enfant n’a pas pu franchir le pont, son pied a raté la corde, il a lâché ses mains et leur parcours s’est arrêté là.

Racontant l’histoire à ma fille Anaïs, la maman, elle me dit : « En même temps, on a deux petits singes plutôt habiles... Ça aide à lâcher prise, par rapport à d'autres enfants peut-être plus gauches ». Je lui ai répondu : « La bonne question est : pourquoi sont-ils plus gauches ? »

Il n’y a pas de secret. Les enfants prennent les risques que leurs (grands-)parents leur laissent prendre en toute confiance. Si on leur dit, depuis leur plus jeune âge, « Attention, tu vas tomber », ils apprennent juste à tomber, la plupart du temps à mal tomber ! Si on les regarde, confiants tout en restant attentifs, ils… tombent… moins souvent. Surtout, ils apprennent la confiance : celle qu’on a en eux et donc celle qu’ils peuvent avoir en eux. Ça ne permet pas à tous de devenir des « petits singes plutôt habiles », mais au moins, on leur dit et leur fait sentir qu’ils peuvent le faire.

En anglais, ça se dit « Yes, you can ». Il n’y a pas de secret.

mardi 15 août 2023

L’insupportable prosélytisme

  

En ce jour férié religieux, je me remémore une rencontre faite il y a moins d’une semaine, sur un chemin escarpé de montagne. Il faisait chaud et cela montait fort, me demandant pas mal d’énergie. Dans un tournant particulièrement raide, je rencontre un homme de mon âge qui descendait. Nous entamons une conversation banale. Soudain, il ouvre son sac-banane et me tend un petit livret « Trouver l’espoir ». Je ne capte pas tout de suite et lui demande « C’est un projet dont vous vous occupez ? ». Il me répond : « Pas moi, c’est Jésus… ». Il se lance alors dans un discours visant à me prouver que je n’ai pas d’espoir, qu’il est temps de le trouver, que je dois m’abandonner à Jésus, etc. Insupportable !
 
J’ai déjà exprimé sur ce blog ma position vis-à-vis de la religion, notamment – il y a 10 ans déjà – dans mon billet « Le prosélytisme athée » qui ne vaut évidemment pas mieux que celui lié à une religion quelle que soit celle-ci. Je suis et resterai jusqu’à la fin de ma vie un « agnostique positif » : sachant qu’il est impossible de prouver ni l’existence de Dieu ni son inexistence, je dis que je ne sais pas si Dieu existe ou non, mais qu’il est donc possible qu’il existe. Je dis juste que je n’en sais rien et qu’il est impossible de savoir. Certains disent « savoir », mais en fait, ils ne font que « croire savoir », que ce soit dans un sens ou dans un autre. C’est leur droit. Je n’ai rien contre eux, tant qu’ils n’essaient pas de convaincre les autres qu’ils ont raison. C’est leur droit et leur histoire. Tant mieux si ça les nourrit. Tant mieux s’ils souhaitent fêter leur croyance avec ceux qui ont la même. Mais qu’ils foutent la paix aux autres !
 
Aujourd’hui, à Liège, ce sont les grandes festivités du 15 août. L’aspect religieux est présent : la procession de la Vierge Noire d’Outremeuse suivie d’une messe et d’un sermon en wallon. Ce dernier élément est significatif : certes, il y a une messe, mais celle-ci, y compris le sermon, est dite en wallon. Tout le reste de la fête (qui s’étale sur plusieurs jours) est folklorique. Personne n’essaie de convaincre qui que ce soit, pas même de faire la fête. Chacun fait ce qu’il veut et y prend plaisir.
 
Essayer de me convaincre que je n’ai pas d’espoir et que je devrais en avoir grâce à quelque démarche religieuse que ce soit est non seulement insupportable, mais aussi totalement irrespectueux de ce que je vis, de ce que je pense, de ce que je suis. Le prosélytisme, qu’il soit religieux ou athée, n’a jamais conduit qu’à la mort par les nombreuses guerres qu’il a engendrées.
 
Cela dit, vous en pensez ce que vous voulez…

dimanche 13 août 2023

Mentir à un menteur, ce n’est pas mentir

Au hasard d’un périple, nous avons atterri dans un établissement bien sympathique. Il faisait chaud, nous avions faim et soif. Notre commande de boissons fut vite effectuée, comprenant notamment des sodas. Le serveur arriva rapidement avec les bouteilles fermées sur son plateau. Il y avait aussi un curieux cylindre d’une dizaine de centimètres de hauteur. Le garçon le plaça sur la bouteille et poussa dessus. L’engin s’enfonça et ressortit avec la capsule. Nous n’avions jamais vu ça et nous exprimâmes notre admiration. Très fier, le gars nous dit que c’était lui qui avait inventé et construit ce petit appareil, en quelques exemplaires, pour lui et ses copains… Nous lui avons évidemment dit qu’il fallait industrialiser l’objet et le diffuser largement. Nous avons même parlé d’investir pour lancer l’affaire !
 
Nous étions admiratifs, mais pas niais quand même. On demandait à voir. À la fin du repas, lorsque j’ai été réglé l’addition, je lui ai reparlé de son appareil en le questionnant un peu. Flatté, il m’a proposé d’essayer ce décapsuleur miracle. Cela m’a permis de l’avoir en main, de le tester (super efficace) et de l’observer. J’ai tout de suite vu qu’il s’agissait bien d’un engin issu d’un processus industriel dont l’inventeur n’était certainement pas devant moi. Mais je lui ai redit la nécessité de faire connaître son dispositif, de le breveter, etc.
 
Comme je m’y attendais, il m’a fallu une dizaine de secondes pour trouver la dite invention, en vente pour quelques sous par les grands revendeurs internetois. Le moins cher que j’ai trouvé était proposé à 57 centimes. C’est dire !
 
Que retenir de tout cela ? D’abord que nous sommes loin de tout connaître. Nous n’avions jamais vu cet appareil génial (même si banal) et nous avons bien fait de manifester notre admiration béate de béotiens. Même si Flaubert a écrit qu’il est dans les mœurs d'un sot de s'extasier à toute parole, je ne suis pas sûr que nous étions si sots que cela. Je dirais même que tant qu’on peut s’extasier de la moindre chose qu’on ne connaît pas, c’est que nos mœurs sont sensées.
 
Enfin, je ne résiste pas à citer Sacha Guitry : l'un des mensonges les plus fructueux, les plus intéressants qui soient, et l'un des plus faciles en outre, est celui qui consiste à faire croire à quelqu'un qui vous ment qu'on le croit. C’était juste jouissif.

samedi 29 juillet 2023

Groseilles narquoises

 
FMG©2023

Depuis que notre superbe jardin a perdu sa jardinière préférée, il se laisse aller un peu à l’abandon. On peut le comprendre : « Un jardin sans jardinier, c'est comme les souris quand le chat n'est pas là ! C'est le bazar ! », écrit un certain Barnabé. Il n’y a pas de chats à la maison, c’est peut-être pour cela qu’il y a les souris. Allez savoir. En tout cas, le jardin sans jardinière, c’est le bazar, je confirme.
 
Les dernières victimes sont les nombreux buis qui le peuplaient. La jardinière passait beaucoup de temps à essayer de les sauver des ravages de la pyrale des buis et autres champignons agressifs. Découragée, elle me disait chaque année : « C’est la dernière fois que je m’escrime, le combat est inégal ». À propos de combat inégal, la jardinière y connaissait quelque chose. Les buis lui ont survécu et j’ai essayé de reprendre la lutte. Ça fonctionnait vaille que vaille, mais là, ça y est : en deux ou trois jours, ils sont tous foutus.
 
Bref, tout pousse de manière un peu sauvage : la glycine, les rhododendrons (pas fameux cette année), le magnolia, les azalées, les jacinthes sauvages, les weigelias, le chèvrefeuille, les pivoines, les iris, les clématites, les roses, les geraniums, les cornouillers, les lysimaques, les seringats, les muscaris, les callicarpes, les hydrangeas, les spirées, les alchemilles, les bignones, les hibiscus, les anémones, les pieris, les ellébores, les primevères, les myosotis, et toutes d’autres plantes dont je ne connais pas les noms. Dans tous les cas, j’ignore complètement ce qu’il faut faire pour les entretenir.
 
Parmi toute cette végétation, il y a quelques plants qui sont censés donner des fruits. Mon œil ! Quand la jardinière était là, il y avait bien quelques fraises sauvages qui montaient le bout de leur nez pour aussitôt se faire dévorer. Elle avait planté aussi quelques petits fruitiers, style framboisier, cassissier et groseiller. Des cassis, on n’en a jamais eus. Des framboises, ce fruit merveilleux, je les ai comptées cette année sur les doigts d’une main. Et puis, il y a ces groseilles qui me narguent. Je n’ai jamais trop aimé ce fruit. Quand j’étais jeune, ma maman en faisait de la confiture ou de la gelée que je mangeais pour lui faire plaisir, sans plus. Depuis que j’ai quitté le nid maternel, je ne mange plus de confiture. Mais voilà, il y a ces groseilles. Elles ne sont pas très nombreuses, mais elles sont là, protégées des oiseaux par un filet que la jardinière avait placé avec les meilleures intentions du monde. Donc, ces groseilles sont là semblant me dire : « Tu vois, même sans la jardinière, la vie continue avec ses petits plaisirs » ! Je vous le dis, elles me narguent. Et je me laisse prendre : chaque fois que je passe devant elles, j’en récolte quelques-unes et je les mange là, directement de la plante à ma bouche, comme un baiser adorable, malgré son acidité.
 
Ah oui, un détail dans cette histoire : quand j’étais louveteau, il y a plus de soixante ans, j’ai été totemisé. Je vous le donne en mille : Groseille narquoise !

dimanche 23 juillet 2023

L’art des filleul·les


©Adeline Halot

La vie m’a doté de quatre filleul·les. En 2007 déjà, j’exprimais ici la joie que cela représente ainsi que la difficulté de créer et d’entretenir une relation qui tombe un peu du ciel. Alors qu’il ou elles ont respectivement 42, 36, 31 et 29 ans, j’y reviens parce que ce n’est que récemment que j’ai pris conscience que tou·tes les quatre sont impliqué·es dans des professions qui tournent autour de l’art et de la culture, ce que je trouve extraordinaire, même si les portes d’entrée sont variées.

Ma première filleule, Isabelle, est « Coordinatrice d'activités biculturelles » dans une commune de Bruxelles. Derrière ce mot « biculturel » se cache simplement le fait que Bruxelles est bilingue français-néerlandais avec donc deux cultures. C’est en réalité un peu hypocrite parce qu’il y a Bruxelles pas moins de 184 nationalités, ce qui en fait la deuxième ville la plus cosmopolite du monde après Dubaï. Pour le dire autrement, plus de la moitié des résidents bruxellois sont nés dans un pays étranger. C’est peut-être ça finalement ce côté « biculturel » : Isabelle coordonne des activités pour les Belges de souche, quelle que soit leur langue, mais aussi pour « le reste du monde ». Belle étape pour elle qui commença à travailler dans l’univers muséal, notamment celui de Magritte.

La deuxième, Céline, a toujours été attirée par les arts de la scène et en particulier par le 7e art : le cinéma. Elle aurait aimé bien sûr être une actrice reconnue, mais elle s’épanouit aujourd’hui pleinement dans son rôle de productrice ou – pour utiliser son titre officiel – de « Development Coordinator ». Elle m’a permis de découvrir l’importance de cette fonction dans la genèse et la création de projets audacieux, même s’il s’agit pour le moment avant tout de courts métrages, comme « Orage » dont on peut voir ici le teaser avec toute la sensibilité et la profondeur qu’on pressent.

Ma troisième filleule, Adeline, est celle qui met le plus « la main à la pâte ». Son outil est un métier à tisser où elle associe fibres naturelles et fils de métal. Elle structure ensuite ces « tissus » pour créer des formes inédites et lumineuses, comme le montre très bien la photo reprise ci-dessus. Ce travail – de plus en plus reconnu – est à l’intersection de l’artisanat, du design et de l’art. Elle en parle avec cette simplicité qui la caractérise dans l’interview qui suit.



Enfin, mon quatrième filleul, Simon, est actif dans l’art qui m’est sans doute le plus proche : la musique. Comme Céline, il intervient plutôt du côté de la production, en tant qu’« Assistant booker & promoter ». Il accompagne et promeut des groupes de la scène rock belge et internationale. Il lui arrive aussi d’avoir une guitare en mains et d’en faire de jolies choses.


Voilà. Ce billet n’a d’autre ambition que de mettre en avant quatre « jeunes » avec lesquel·les j’entretiens – de loin en loin – une relation particulière. À ce titre, ils ont chacun·e une place privilégiée dans mon propre univers. Et les savoir tou·tes les quatre engagé·es dans une démarche en relation avec l’art et la culture ne fait que contribuer à les rendre uniques à mes yeux.

dimanche 25 juin 2023

La virgule

 

Page extraite du livre que je lis pour le moment : Les lisières, d’Olivier Adam. Sorti en 2012, ce roman était promis au Prix Goncourt. Mais voilà, il ne figurait même pas sur la première liste des livres sélectionnés ! C’est peut-être à cause de la virgule. Dans ces dix lignes, prises quasiment au hasard, il y a – selon moi – au moins six virgules qui manquent. Et ça m’énerve.
 
C’est le premier livre que je lis de cet auteur. Je suis donc incapable de dire si c’est une manie dans son style, un choix délibéré constant, une volonté d’allonger les phrases, etc. Pour moi, tant dans mes travaux d’écriture que de relecture, j’ai toujours fait très attention aux virgules. À leur présence. À leur place. Au sens qu’elles apportent au texte. Ce n’est pas juste un signe de ponctuation qu’on met parfois, quand on en a envie. C’est un élément constitutif du langage écrit français qui est « utile à la juxtaposition, à la coordination et à la subordination ainsi qu’à l’encadrement et au détachement de groupes et de phrases ». Ce n’est pas moi qui le dis, mais le site Alloprof qui y consacre une excellente page faisant le tour de cette petite virgule.
 
L’exemple le plus classique est la phrase « On mange, les enfants » qui pourrait s’écrire « On mange les enfants » où l’on passe d’un repas convivial à celui d’une ribambelle d’ogres. Il est possible de trouver des exemples plus complexes : « L’extra-terrestre arrive dans le jardin un pistolet à la main la tête haute je l’attends debout derrière la porte mon mari se cache en tremblant de peur l’étranger phosphorescent pousse la porte sans crainte je m’avance un tir un cri et tout est fini ». Qui est dans le jardin ? Qui est armé ?. Qui est derrière la porte ? Qui a peur ? Qui n’a pas peur ? Qui tire et qui crie ? Pour répondre à ces questions il faut obligatoirement ponctuer convenablement le texte. Et savoir de plus, si on est en Belgique ou ailleurs…
 
Bref, une virgule, ça n’a l’air de rien, mais elle a son importance ! Alors, parfois, on peut discuter si on en met une ou pas. Par exemple, dans la phrase précédente, il faut une virgule devant « mais », comme il le faut toujours devant les coordonnants tels que mais, c'est-à-dire, donc, car, alors, puis, etc. Ça se discute cependant. Je n’en fais plus une religion. Tout en continuant à penser que placer une virgule rythme le texte et permet d’en faciliter la lecture.
 
Sans jamais oublier, comme a dit l’autre : « La vie est une série de virgules. Pas de points. »

samedi 27 mai 2023

En finir avec une sentence de mort

 
C’est un tout petit livre : 10 cm de largeur, 14 cm de hauteur, 0,5 cm d’épaisseur. Le corps de la police n’est pas bien grand non plus : sans doute du 8, avec des notes de bas de page en 6 maximum. Mais quel grand livre !
 
Les auteurs s’en prennent à cette phrase malheureusement célèbre de Michel Rocard : « On ne peut accueillir toute la misère du monde ». Ils démontent petit à petit chacun des morceaux de cette sentence sinistre qui semble tellement évidente que personne n’ose vraiment s’y opposer. Le philosophe Pierre Tevenian et le juriste Jean-Charles Stevens le font.
 
« On », ce n’est personne et tout le monde à la fois. C’est surtout donc un moyen de ne pas dire « je ». Le « on » impersonnel permet de tout dire, y compris le racisme.
 
« Ne peut pas », possibilité ou autorisation ? Nul n’étant tenu à l’impossible, il apparaît dès lors illégitime de demander le moindre compte et la moindre remise en question (page 17).
 
« Accueillir », constater la simple présence d’immigrants, leur accorder statut et droits, leur souhaiter bienvenue et en prendre soin ? À nouveau, le terme peut tout dire et surtout son contraire.
 
« Toute ». La ficelle rhétorique est grosse, là encore : il s’agit une fois de plus d’intimider, d’impressionner, de terrifier, d’attiser les phobies en produisant un sentiment de « submersion », d’« invasion », de « grand remplacement », (…) alors qu’on sait par ailleurs que seul·es 6,3% des déplacé·es ont migré vers un pays riche (page 31).
 
« La misère du monde ». C’est la partie du livre la plus intéressante, la plus complète. Elle permet de redire que cette « misère » ne l’est pas vraiment, que ceux qui arrivent jusque chez nous ne sont pas n’importe qui, que les « accueillir » est synonyme de production de richesse… Que s’il est inacceptable moralement aux yeux de tous (…) de refuser des soins aux enfants, aux malades ou aux handicapé·es en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il doit être tout aussi inacceptable de le faire quand les dit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·es viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte xénophobie (page 58).
 
Une soixantaine de pages qui devraient être lues par tous et toutes, d’urgence, pour l’hospitalité.

 

mardi 11 avril 2023

Les enfants des autres

Il ne m’arrive désormais que très rarement d’aller au cinéma. Les dernières fois où cela s’est passé, c’est au cinéclub de mon village : CinéGrez. Vendredi dernier, je suis allé voir le film Les enfants des autres. Je l’avoue : c’était surtout pour y admirer Virginie Efira qui vient de recevoir le César de la meilleure actrice pour son rôle dans ce film. Que de chemin parcouru depuis que je l’ai vue en 2005 dans le petit théâtre d’Ittre jouer pour la première fois sur scène la pièce de René de Obaldia intitulée Pour ses beaux yeux.
 
Depuis lors, cette femme m’a toujours subjugué. C’est d’ailleurs elle que j’avais en tête lorsque j’ai créé le personnage d’Aline, dans Retour à l’authentique1, mon premier roman choral. Bien loin du stéréotype de ravissante blonde idiote, Virginie Efira crée dans Les enfants des autres un personnage plein de finesse, de sensibilité, d’interrogations.
 
Après la séance, j’ai eu la chance de parler sur le parking avec une voisine plus ou moins proche. En échangeant sur le film et tout ce qu’il signifie, je me suis souvenu qu’il y a plus de quarante ans, j’ai écrit une chanson intitulée « Les enfants des autres ». En ce début des années 80, j’étais instituteur célibataire. J’adorais mon métier dont le sens indispensable transpire d’évidence. Chaque matin, je n’allais pas au taf. J’allais rejoindre « mes enfants » pour cheminer avec eux vers la connaissance et la conscience.
 
Alors, les mots ont glissé d’eux-mêmes sur le papier.

Ce ne sont jamais
Que les enfants des autres
Peut-être les vôtres
Je leur dis « mes… »

C’est ma chanson la plus courte : 18 mots, 69 caractères ! Mais, à l’époque, c’était pour moi peut-être la plus dense, la plus complète, la plus significative. Toute ma vie y était, pleine de sens et d’intensité. Cette chanson toute simple reste pour moi un tournant. Derrière tout le sens qui la porte, il y avait ce sentiment de ne pas faire partie du « collectif de ceux et celles qui ont des enfants », comme le dit si bien Virginie Efira dans le film. Depuis lors, j’ai eu la chance d’avoir à mon tour trois merveilleux enfants et de connaître ce bonheur incroyable – même s’il n’est pas toujours facile – d’être parents, d’être père.
 
L’enregistrement de la chanson a un aspect particulier. Une de mes élèves avait accepté de me prêter sa clarinette pendant 24 heures. Je n’en avais jamais joué avant et je ne l’ai plus fait depuis. Ça vaut ce que ça vaut ! La guitare et la flûte à bec alto sont normalement mieux maîtrisées, mais les moyens d’enregistrement de l’époque ont leur limite : un seul enregistreur à bande avec copies successives pour rajouter les différentes pistes, le tout copié artisanalement sur cassette, avant, bien plus tard, d’être numérisé. Bref, ne tirez pas trop sur le pianiste…

Les enfants des autres

1 GERARD, F.-M., GRIFFON, S., HAUSMAN, J.-M., MAMMERICKX, S., SLINCKX, I. & TASSILE, P., sous la conduite de JOUNIAUX, A. (2018). Retour à l’authentique, Strépy-Bracquegnies : Le Livre en papier. ISBN 978-2-8083-0329-3

dimanche 9 avril 2023

Obsolescence déprogrammée

 Le 22 mars dernier, la Commission européenne a enfin adopté une « proposition relative à des règles communes visant à promouvoir la réparation des biens ». En bref, davantage de produits devraient être réparés dans le cadre de la garantie légale et les consommateurs disposeront d'options plus simples et moins coûteuses pour réparer des produits techniquement réparables (aspirateurs, tablettes, smartphones…) lorsque la garantie légale a expiré ou lorsque le bien ne fonctionne plus en raison de l'usure.


Responsabiliser les producteurs est certainement le meilleur moyen pour lutter contre l’obsolescence programmée. Il restera des cas où cette lutte sera sans effet, même face à une usure prématurée. Fin 2019, j’ai acheté un nouveau MacBook Pro dont la publicité vantait son autonomie : plus de 10 heures ! Trois ans plus tard, il me restait moins d’une heure avant de devoir me rebrancher.

On me dira « c’est normal »… C’est ce que Apple m’a dit quand je suis allé les voir. Ils m’ont dit qu’il était possible de remplacer la batterie, mais que cela devrait me coûter aux alentours de 300€. Sournoisement, ils m’ont demandé « est-ce que l’ordinateur fonctionne sur secteur » ? En ajoutant donc que je n’avais aucune raison de me plaindre, c’était normal !

Ça ne m’arrangeait pas vraiment, parce qu’un portable qui ne peut pas fonctionner de manière autonome n’est pas vraiment un portable. Bref, vexé, j’ai cherché à en savoir plus. Et j’ai trouvé un tutoriel expliquant comment changer la batterie et me permettant d’avoir 10% de réduction. Ça m’a coûté 80€, matériel spécifique compris.

Bien sûr, encore fallait-il faire le changement en lui-même. La vidéo est très explicite et ça semble simple, mais je me doutais bien que ce ne l’était pas vraiment. J’ai donc préféré faire appel à mon gendre… et j’ai eu bien raison. Il a fait ça calmement, sans s’énerver quand c’était plus compliqué que prévu (surtout décoller la batterie d’origine). Après un peu moins d’une heure, l’ordinateur redémarrait en ayant récupéré une belle autonomie.

C’était sans compter un incident par la suite. Pour rejoindre une réunion, je dépose l’ordinateur sur le siège passager de ma voiture. Au premier carrefour, besoin de freiner brusquement pour éviter un accident. L’ordinateur vole et retombe sur le plancher de la voiture. C’est du bon matériel et tout fonctionne quand je le rallume… sauf que la batterie ne se recharge plus. Deuxième appel à mon gendre qui rebranche un minuscule connecteur.

Un nouveau choc, quelques semaines plus tard, débouche sur la même panne : la batterie se décharge volontiers, mais refuse obstinément de faire le chemin inverse. Cette fois, je me dis « tu es capable »… Bref, j’ouvre le capot de l’ordinateur, je déconnecte et reconnecte le connecteur… et hop, tout fonctionne correctement !

Fidèle à moi-même, je retire quelques leçons de cette histoire :
•    il vaut mieux ne pas trop croire ce que le constructeur officiel vous dit quand il y a une réparation à faire. Il a plutôt tendance à minimiser le problème et à vous proposer une solution coûteuse ;
•    il est possible, dans de nombreux cas, de trouver des solutions alternatives bien moins coûteuses et tout aussi efficaces ;
•    si on ne se sent pas capable de mettre soi-même la solution alternative en œuvre, on peut trouver assez facilement une personne à la fois gentille et compétente, qui ne demande qu’une chose : vous faire plaisir… et réparer le problème ;
•    en observant cette personne agir, on peut se rendre compte que finalement, ça n’a pas l’air si compliqué que ça… et oser par la suite assumer pleinement la situation.

Plus encore que les (indispensables) règles décidées par la Commission européenne, ce sera cela qui permettra de déprogrammer, en de nombreux autres domaines aussi, l’obsolescence qui nous est imposée !

PS : Je ne peux à cet égard que saluer le travail des nombreux Repair Café, dont celui de ma commune.

mardi 14 mars 2023

Toute erreur administrative est inacceptable…

  

Cela fait un certain nombre d’années que j’ai droit à un remboursement des impôts, plus ou moins important. C’est en réalité un privilège : la plupart des contribuables n’ont pas les moyens d’avoir payé trop lors des prélèvements normaux, précomptes divers et autres. Ce n’est pas non plus la meilleure solution : être remboursé, cela signifie qu’on a prêté, sans intérêt bien sûr, de l’argent à l’État qui ne le rembourse que fort tard.

Du moins, quand il le rembourse. Par la force des choses, cette année fiscale est particulière. Ma femme ayant succombé à un foutu cancer en 2021, il m’a fallu choisir – en 2022 – entre une déclaration d’impôt conjointe ou séparée. Pas évident de savoir quel choix réaliser. Les outils de simulation ne sont soit pas évidents à gérer, soit pas à jour. Et pour la plupart, ils sont dans les deux cas. Finalement, après un contact téléphonique très agréable et efficace avec une fonctionnaire de l’administration fiscale, il est apparu qu’il m’était préférable de faire une déclaration commune. Cela me permettrait de gagner 5 euros !

Chose analysée, chose faite. Je reçus début décembre 2022 mon « avertissement-extrait de rôle » m’informant que l’État devait me rembourser l’équivalent d’un mois de ma pension, au plus tard le 28 février 2023. En janvier 2023, un courrier m’interpella. Il me disait que « le SPF Finances dispose toujours d’un remboursement des Contributions Directes en votre faveur. Une précédente tentative de régler ce montant a échoué ». Cela n'avait pas beaucoup de sens et j’ai téléphoné pour en savoir plus. J’eus très rapidement une conversation avec un fonctionnaire qui s’étonnait comme moi, mais qui disait que c’était sans doute lié au décès. Il me dit faire quelques manipulations informatiques et que tout était en ordre.

Le 28 février, ainsi que les jours suivants, pas de remboursement. Je me décide à nouveau de les appeler, moi qui déteste le téléphone. Miracle, je rentre une nouvelle fois très rapidement en contact avec une personne à qui je peux expliquer mon problème. Elle est très compatissante, m’explique qu’elle vient de traiter un cas semblable mais plus grave, qu’elle-même a été confrontée à une situation difficile lors du décès de son frère, etc. Surtout, elle me dit que le problème vient sans doute du fait que dans leur système, je suis répertorié comme « séparé ». Non pas « veuf », mais « séparé ». Elle m’explique que dans ce cas, le système refuse le remboursement ! Elle me dit faire une note et changer le statut, ce qui devrait permettre le remboursement dans les deux semaines. Au cas où ce ne serait pas le cas, elle me donne une adresse électronique…

À ce jour, pas de remboursement, comme de bien entendu. Mais le plus grave n’est même pas là. Ce qui me révolte le plus est de voir que l’administration transforme mon nouveau et difficile statut de « veuf » en « séparé ». Sur le plan affectif, c’est scandaleux. Il n’y a pas que dans l’administration que cela arrive. En juillet 2022, une banque m’avait demandé d’actualiser mes informations personnelles. Là non plus, le statut « veuf·ve » n’existait pas. La banque me demanda de me déclarer « célibataire ». Je ne suis ni séparé, ni célibataire. Je suis veuf. C’est un mot lourd de sens. Constater que ce n’est pas vraiment un statut dans certains cas administratifs est une injure impardonnable qui s’ajoute à la douleur personnelle. C’est inacceptable, mais…

vendredi 10 février 2023

Quand les syndicats ferment la porte

 

Deux syndicats ont pris hier une décision lourde de conséquences pour la mise en œuvre du « Pacte d’excellence » pour l’enseignement de la Communauté française de Belgique (dite aujourd’hui « Fédération Wallonie-Bruxelles »…). Le Sel-Setca (tendance socialiste) et l’Appel-CGSLB (tendance libérale), actifs uniquement dans l’enseignement dit « libre », ont jeté l’éponge pour protester contre le projet de décret sur l’évaluation des enseignants.
 
Ils acceptent le volet formatif de cette future évaluation, mais rejettent totalement l’aspect « sanction » qui – après un long processus réglementé – pourrait déboucher sur une éviction de l’enseignant qui ne ferait rien pour améliorer ses (in)compétences. Le discours de ces syndicats – et de pas mal d’enseignants, il faut bien le reconnaître – peut se caricaturer ainsi : « nous refusons d’être évalués parce que nous risquons d’être sanctionnés, y compris par un renvoi de l’enseignement » !
 
Certains expliquent cette position par l’absence d’une culture de l’évaluation dans le monde de l’enseignement ! Or, s’il y a un univers professionnel où on n’arrête pas d’évaluer, c’est bien l’enseignement. Imaginez une seule seconde qu’un élève dise à son professeur : « je refuse d’être évalué parce que je risque d’être sanctionné, y compris par un redoublement ou un renvoi de l’école » ! Inutile de vous faire un dessin : il y a de fortes (mal)chances que cet élève se fasse remettre à sa place illico presto.
 
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : bien sûr, cette évaluation – pouvant dans des cas extrêmes déboucher sur une sanction fatale – doit être cadrée, avec un processus clairement défini, des critères bien établis, des possibilités de recours, etc. Étant paraît-il un spécialiste de l’évaluation, cela me semble évident. Mais il me semble tout aussi évident qu’un professionnel de son domaine, faisant convenablement son boulot même dans des conditions difficiles, ne doit jamais craindre la moindre évaluation. Pas plus que l’élève qui est plus ou moins attentif aux cours et qui se prépare vaille que vaille à passer ses examens.
 
Dans quasi tous les métiers, il y a aujourd’hui des procédures d’évaluation, que ce soit dans le privé ou dans la fonction publique. Pourquoi le monde de l’enseignement devrait-il se différencier à ce niveau ? Pourquoi ceux qui évaluent à tour de bras – malheureusement parfois sans grande rigueur – devraient-ils être dispensés d’être de bons professionnels ? C’est bien de cela qu’il s’agit : mettre en place un processus qui permet d’améliorer les compétences des enseignants (c’est le volet formatif), mais pouvant déboucher sur un constat qu’un enseignant refuse ou est incapable de s’améliorer, avec une décision sévère au bout du compte. C’est dur, oui. Mais c’est le cas partout. Pourquoi faudrait-il traiter de manière différente les enseignants à cet égard ?
 
J’ai bien conscience que je ne vais pas me faire des ami·es avec ce billet. Surtout ne venez pas me dire, comme je le lis souvent, « on voit bien que vous n’êtes pas enseignant » ! Je ne le suis plus, mais je l’ai été – à tous les niveaux d’enseignement – et j’ai consacré et consacre encore une très grande partie de ma vie à la qualité de l’enseignement, que ce soit en Belgique ou dans le reste du monde.
 
C’est bien de cela qu’il s’agit : la qualité de l’enseignement. Celle-ci est liée à de nombreux éléments, mais – en tant que citoyen – je ne pourrais accepter qu’un système éducatif ne veille pas à être de qualité. Or, quoi qu’on puisse en penser, ce n’est pas le cas du système belge. La mise en œuvre du « Pacte d’excellence » (même si cette appellation est malheureuse) est à ce niveau indispensable. Mettre en danger celle-ci pour des réflexes de caste est inacceptable. J’ose espérer que les syndicats le comprendront.

mardi 24 janvier 2023

La multiplication des pains

Ainsi donc, j’ai gagné un colis saveur offert par ma boulangerie. J’ai déjà parlé de celle-ci en admirant la jeune entrepreneuse qui s’est lancé ce défi au moment où des tas d’autres boulangeries sont contraintes de fermer boutique. Trois mois plus tard, c’est une success story comme on dit en anglais : la boulangerie ne désemplit pas grâce à la qualité de ses pains, de ses viennoiseries, de ses pâtisseries et surtout de l’accueil de toute l’équipe.
 
Pour remercier ses clients, Jade (absente lorsque je suis allé chercher mon gain) a lancé un concours sur l’inévitable Facebook : il fallait publier et commenter une photo du pain mangé au petit-déjeuner. Il suffisait ensuite d’attendre les likes du commentaire et espérer en avoir le plus une semaine plus tard.
 
J’avoue que je ne me suis pas trop foulé pour la photo ni pour le commentaire, mais c’était sincère, la stricte vérité et ça m’amusait (oui, on s’amuse comme on peut, je sais…).

Pour ceux qui ne parlent que français, les « pistolets », c’est ce qu’on appelle des « petits pains », mais qui n’ont leur saveur exceptionnelle qu’en Belgique.

Enfin bref, ma photo était publiée, mais encore fallait-il avoir des likes. N’étant pas trop sûr d’en avoir, j’ai lancé un appel sur ma page Facebook. C’est surtout ma famille qui y a répondu. Ma fille qui me soutient toujours dans mes petits délires a même partagé l’appel sur sa propre page, ce qui m’a valu quelques pouces levés inespérés. Sans trop forcer, j’ai rapidement pris une belle avance sur une autre cliente qui avait publié une photo finalement proche de la mienne, mais sans les fameux pistolets.
 

La semaine s’écoulait paisiblement, et lorsque je passais voir où en était le concours, je ne m’inquiétais pas trop. Sauf que trois jours avant le comptage final, le score de ma « concurrente » augmentait petit à petit. Plus que vraisemblablement, elle (ou un de ses proches) activait également son réseau, ce qui est de bonne guerre surtout quand on n’est pas vraiment en guerre.

La clôture du concours était fixée à 19 heures, dimanche dernier. De mon côté, j’avais une répétition à partir de 16h30 pour un spectacle local à présenter dans 2 semaines. Bref, impossible de suivre les derniers rounds alors que je voyais bien que j’allais inexorablement être dépassé. Juste avant de partir, j’ai envoyé un message à quelques ami·es, dont mon dernier fils qui n’avait pas encore manifesté son enthousiasme devant mes pistolets. Et je suis allé répéter, en me disant que le deuxième lot ferait déjà une très belle récompense.

Lors d’une courte pause, je regarde mon terminal de poche et je trouve ce message de mon fils : « C'est fait. J'ai envoyé le lien à un groupe d'amis aussi ». Et là, c’est l’explosion, d’autant plus que sa compagne en fait tout autant. Lors d’une autre pause, je leur écris même : « Oui, arrêtez c'est trop » !

J’ai donc gagné. Mes deux – malheureux, mais délicieux – pistolets se sont transformés en un magnifique panier rempli de merveilleuses gourmandises liquides et solides. Un régal multiple à déguster.

Tout ça n’a évidemment pas beaucoup d’importance. Mais j’en retiens plusieurs leçons. Vous savez, de ces « leçons » passionnantes et qui vous ouvrent d’autres horizons…

D’abord, même quand on croit que ça ne peut pas réussir, que tout est foutu, il reste toujours un espoir qui peut conduire au succès, même si on n’y croit pas vraiment. Il suffit parfois d’une petite chose, la bonne, pour que tout se transforme.

Cette « bonne petite chose », elle vient souvent des autres. Tout seul, on n’est pas grand-chose. Avec les autres, avec nos proches, on peut créer des étincelles. Surtout quand on ne s’y attend pas.

C’est ça la « multiplication des pains ». On part de deux pistolets banals, on arrive à un panier gourmand. On n’y croit plus trop, on atteint un sommet, aussi anodin soit-il. On se sent seul, on se retrouve ensemble.