jeudi 31 octobre 2013

Châtaignes grillées

Je viens de terminer la dégustation d’une bonne vingtaine de châtaignes grillées. Je les ai ramassées le week-end dernier. J’ai beaucoup de chance : il y a plusieurs châtaigniers dans le jardin et il suffit de se pencher pour les recueillir. Le mieux alors est de les laisser sécher quelques jours. Après les avoir entaillées, je les grille ensuite à la poêle recouverte d’un couvercle. Dix à quinze minutes… et c’est le plaisir suprême. Délicieux !

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé ça. Grâce à ma Maman. Je ne sais plus trop si elle aimait aussi ce plaisir simple. Elle aimait les « marrons glacés », ce qui revient un peu au même, mais en plus sophistiqué. Mais ce qui est sûr, c’est que Maman m’a appris à griller les châtaignes et à en raffoler.

Il y a bien sûr les châtaignes que l’on peut acheter, crues ou déjà grillées. Elles sont alors plus grosses que celles qui sont ramassées dans nos bois brabançons. Leur goût est peut-être plus subtil. Je ne sais pas. Ce qui me plaît, c’est de ramasser ces fruits secs fournis en abondance par nos arbres et de les déguster ensuite, sans frais, juste pour le plaisir du goût.

Un goût – et une odeur – particuliers, j’en conviens. La femme de ma vie n’aime pas trop cela, ni le goût, ni surtout l’odeur. Elle connaît cependant mon ravissement saisonnier. Elle l’accepte. C’est aussi cela l’amour !

Finalement, ce billet n’a peut-être d’autre ambition que celui de célébrer les deux femmes qui comptent le plus pour moi : ma Maman, disparue il y a juste un an, et ma Femme, encore et toujours présente à mes côtés. Elles me réchauffent, les doigts comme le cœur, tout comme ces exquises châtaignes.

samedi 26 octobre 2013

Aide sociale à petit prix

On fait grand cas en Belgique des problèmes de gestion du Samusocial bruxellois. Cette ASBL, financée essentiellement par les fonds publics, a pour vocation de venir en aide aux personnes en grande précarité sociale, mais il semblerait qu’elle fasse aussi autre chose avec l’argent dont elle dispose. Notamment, elle rémunère sa directrice.

Il y a d’autres éléments peu clairs dans la gestion financière du Samusocial, comme l’indique le rapport de l’Inspection des Finances, mandatée par la Commission communautaire commune (Cocom). N’ayant pas connaissance des éléments de fond, je me garderai de porter le moindre jugement sur l’affaire. Ce sera fait en temps utile par les instances habilitées.

Mais la question de la rémunération de la directrice interpelle chacun d’entre nous. Plus de 200 000 euros par an, c’est beaucoup. Beaucoup plus en tout cas que ce que gagnent la plupart des citoyens belges. Je suis interpellé, mais pas scandalisé.

L'aide sociale, organisée par la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS, vise à permettre à toute personne vivant sur le territoire belge de mener une vie conforme à la dignité humaine. Le Samusocial est un des outils de cette aide sociale. En soi, il n’est pas dit pour autant que les personnes qui s’occupent de cette aide sociale doivent vivre dans les mêmes conditions que celles qu’elles aident. En soi, il n’y a aucune raison que – parce qu’on travaille dans le social – on ne puisse pas jouir d’une rémunération adaptée au niveau de responsabilité et à l’investissement requis.

Qu’on me comprenne bien. Pour moi, une rémunération supérieure à 100 000 euros est de toute façon surfaite. S’il n’y avait personne qui gagnait plus de cette somme pour son travail, il y aurait beaucoup plus d’argent disponible pour rémunérer tout le monde, de manière équitable. La question n’est pas là.

La question est de savoir si, parce qu’on travaille dans le social, on doit automatiquement gagner moins qu’ailleurs. Ma réponse est clairement « Non » !

Au contraire, ceux qui travaillent dans le social occupent des fonctions qui me semblent bien plus importantes que beaucoup d’autres. Il me semble normal que cette importance soit valorisée. Non seulement pour les cadres, mais aussi pour tous les travailleurs sociaux. Il devrait en être de même dans les secteurs éducatifs ou de la santé.

S’offusquer de ce que gagne – ou de ce que devrait gagner – un travailleur social en comparaison des revenus – parfois inexistants – des personnes qu’il accompagne me semble faire de ces travailleurs sociaux des « sous-travailleurs ». Et ça, c’est un scandale !

Il faut évidemment garder un certain équilibre. La directrice du Samusocial gagne – à mes yeux – clairement trop d’argent. Même si assumer des responsabilités importantes exige un investissement complet – que je ne voudrais personnellement pas vivre – et/ou des compétences qui ne sont pas nécessairement le lot du commun des mortels, il n’y a pas de raison de gagner autant, alors que la majorité des personnes se battent pour boucler le budget familial mensuel au prix de sacrifices et de choix épineux. Salaire trop élevé donc, oui. Mais pas parce qu’elle est directrice du Samusocial.

vendredi 25 octobre 2013

Retour au peuple légitime

FMG © 2005

Aujourd’hui, les Malgaches votent pour le premier tour de l’élection présidentielle. Une élection dont on ne parlera sans doute pas beaucoup, mais qui revêt une grande importance pour Madagascar. Elle survient plus de quatre ans après le remplacement d’un Président par un autre, poussé par des mouvements populaires et par l’armée.

Il est trop tôt pour dire si ces élections, tant attendues, tant promises, auront un quelconque impact positif sur la vie quotidienne des Malgaches. En réalité, c’est malheureusement fort peu vraisemblable. Si le Président sortant a trouvé – notamment – sa place grâce à des mouvements de foule, cette forme de « légitimité » populaire ne l’a pas amené à bouleverser dans un sens positif la vie de ses concitoyens. L’arrêt de l’aide internationale y est évidemment pour beaucoup (elle a depuis lors repris et on peut espérer qu’elle augmentera encore désormais). Mais il n’est pas sûr que ce Président auto-proclamé ait réellement cherché à améliorer la réalité du peuple qui l’avait – en quelque sorte, pas certaine – porté au pouvoir. Il semble qu’il a surtout cherché à garder celui-ci et à empêcher son prédécesseur de revenir.

Aujourd’hui, ces élections redonnent enfin le pouvoir – enfin, du moins, un certain pouvoir ! – au peuple légitime. Il n’y aura pas de miracle. Même si les anciens présidents se sont vu interdire leur candidature, le petit jeu politique reste ce qu’il est et certains candidats, y compris parmi les deux qui iront au second tour, ne sont sans doute que des marionnettes. De plus, il est évident que ce n’est pas parce qu’un nouveau président serait élu, avec toute la légitimité démocratique qui fait défaut depuis 2009, qu’il pourrait d’un coup de baguette magique changé la réalité quotidienne, si difficile, des Malgaches. Il suffit de savoir que, selon la Banque mondiale, 92% des Malgaches vivent avec moins de 2 dollars par jour pour se rendre compte des difficultés permanentes de ce peuple si extraordinaire.

Il faudra donc attendre pour voir si ces élections annoncent de réels changements (et j’avoue être relativement sceptique). Il n’empêche, le retour à la légitimité populaire est en soi une excellente nouvelle. La démocratie est ce qu’elle est, pleine de défauts et de limites. Mais l’absence de démocratie est pire encore. Et la démocratie passe par une formalisation des règles d’accès au pouvoir. Il est sans doute certaines révolutions, dans l’histoire de l’humanité, qui ont permis de jeter aux oubliettes des pouvoirs qu’il valait mieux voir disparaître. Mais ces révolutions ne peuvent trouver une réelle légitimité que lorsqu’elles débouchent sur un véritable système démocratique où le peuple dispose, de manière organisée et structurée, le droit de choisir ceux qui géreront leur cheminement et leur développement socio-économico-politique.

Espérons que cette journée ne soit pas pour Madagascar et surtout les Malgaches comme un fétu de paille…


lundi 14 octobre 2013

Travailleur forcé bénévole ?

Visiblement, la campagne électorale belge a commencé. Chacun y va de sa petite idée pour attirer les foules. La dernière en date, du côté des libéraux mais pas que… (et ils ne font que reprendre une idée émise depuis longtemps par ailleurs) : faire travailler bénévolement les chômeurs ! Entre le « c’est une excellente idée et il faut les obliger » et le « c’est stupide, scandaleux et inutile », il y a place pour plusieurs positions nuancées. Celles-ci n’apparaissent malheureusement pas trop dans le débat : ce n’est pas vendeur !

Il est troublant de constater le nombre de personnes – y compris (surtout ?) parmi les politiques – qui pensent que les chômeurs sont des profiteurs qui abusent de « l’assistanat » et qu’il est donc important de mettre au pas en les obligeant à travailler. Bénévolement qui plus est puisqu’ils reçoivent déjà assez d’argent comme ça ! Quelle lamentable perception des choses ! S’il y a certainement des abus, comme partout, la plupart des personnes qui sont au chômage ne demanderaient pas mieux que d’avoir un emploi correct et rémunéré convenablement. Ce ne sont pas eux qui ont demandé d’être au chômage. C’est « la société » qui est incapable de leur fournir un travail, pour de nombreuses raisons, dont les principales sont sans doute à chercher du côté de la quête effrénée du profit à tout prix, en se souciant peu de l’humain.

Obliger les chômeurs à travailler bénévolement est à la fois irrespectueux des chômeurs et des travailleurs. Les chômeurs parce qu’on les transforme en travailleurs forcés, sans même leur accorder le salaire approprié. Les travailleurs parce qu’on leur fait comprendre qu’eux aussi, finalement, pourraient travailler bénévolement.

Prétendre d’autre part qu’il n’y a place pour aucune discussion et qu’on ne peut envisager aucune activité professionnelle pour les chômeurs en dehors d’un contrat de travail classique et rémunérateur, c’est sans doute aussi être trop extrême dans l’approche de cette dure réalité.

N’y a-t-il pas place pour des solutions intermédiaires, respectueuses de tous et de tout, dans un modèle « win-win » ? Permettre à des chômeurs de réaliser des travaux de service social utiles à la communauté. J’écris bien « permettre » : la notion d’obligation ne me semble avoir aucun sens dans ce débat. Sur une base volontaire, les chômeurs devraient pouvoir exercer des tâches non pas subalternes, mais socialement reconnues et valorisées. Pour la beauté du geste ? Non, il n’y a aucune raison de faire cela « bénévolement ». Un système d’avantages devrait pouvoir être mis en place, de telle sorte que ce travail ne soit pas équivalent à une mise au travail. Justement pour ne pas dévaloriser celle-ci, pour que le demandeur d’emploi soit effectivement incité à trouver un emploi, un vrai, dans le cadre d’un contrat de travail officiel et rémunérateur.

L’objectif de telles mesures ne serait pas du tout que les chômeurs impliqués « méritent » leur allocation de chômage. Ils la méritent parce qu’ils n’ont pas de travail, par solidarité sociale. Point barre. L’objectif serait plutôt de leur offrir une voie concrète de réinsertion socio-professionnelle, tout en étant utile à la communauté. Certains n’ont d’ailleurs pas attendu un quelconque encadrement de cette perspective pour s’y inscrire résolument. Ils sont cependant une minorité. Est-il si naïf de croire que notre société pourrait s’organiser pour développer des pistes actives et concrètes dont tout le monde sortirait vainqueur ?

samedi 12 octobre 2013

Pas mort pour rien

Thomas. 20 ans. Mort ce vendredi, à Louvain-la-Neuve. Après une guindaille bien arrosée. Bêtement. Aurait pu n’être qu’un banal fait-divers. Stupide, mais banal. Le père de Thomas, avec beaucoup de dignité, ne l’entend pas ainsi. Son fils est mort pour avoir trop bu, trop fait la fête. Alors, il veut qu’au moins, il ne soit pas mort pour rien.

Dans une lettre ouverte à tous les étudiants qui font la guindaille, le père de Thomas dit aux jeunes : « Mobilisez-vous contre l’excès d’alcool dans les soirées » !

Il est impossible de dire comment ce message sera reçu. Beaucoup le liront, se diront qu’il a raison, et partiront faire la fête sans se priver de boire. En étant convaincu que c’est la seule solution pour s’amuser. Les jeunes d’aujourd’hui imaginent difficilement qu’il est possible de se marrer sans être bourré. L’alcool est banalisé : il est abondamment consommé par des jeunes de plus en plus jeunes. Sans contrôle d’eux-mêmes. Seule la guindaille compte.

Pourtant, je cite ma fille, ancienne étudiante : « Baptisée, j'ai pu profiter des guindailles en n'abusant que très rarement de l'alcool. OUI, on peut s'amuser sans boire ! ».

Tout le monde est concerné. Tout le monde se sentira concerné en lisant la lettre ouverte de ce père qui, blessé au plus profond de lui-même, ose montrer du doigt – sans jugement – ce véritable fléau qu’est l’alcool auprès des jeunes. Auprès d’ailleurs de tous ceux – jeunes ou moins jeunes – qui n’envisagent de faire la fête qu’en consommant une bonne quantité.

Si cette lettre ouverte faisait réfléchir quelques jeunes, quelques personnes… si un peu moins d’alcool était consommé dans les guindailles, dans les fêtes… si certains essayaient, ne fut-ce qu’une fois, à s’amuser sans boire, alors – peut-être – Thomas ne serait-il pas mort pour rien. Puisse cette lettre être lue, intimement, par le plus grand nombre.