mercredi 29 octobre 2008

Namur, ville des brumes

FMG © 2008

En quelques jours, la température s’est radicalement refroidie. C’est un plaisir. Moi qui me retrouve périodiquement dans des pays chauds, je goûte pleinement la jouissance du froid ! Elle est relative, bien entendu. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ceux qui sont dans la rue, ou dans un immeuble mal isolé et peu chauffé. Le froid peut tuer. Je ne l’oublie pas.

Mais la chaleur peut tuer aussi et elle est lourde à porter. Il est en vérité beaucoup plus difficile de s’adapter à la chaleur qu’au froid. Quand il fait froid, il suffit de mettre une couche supplémentaire de vêtements. Quand il fait chaud, on atteint rapidement une limite qu’on ne peut pas dépasser.

Mon propos n’est pas là cependant. Il fait froid ces jours-ci. Mais il fait froid sous le soleil. Concept toujours difficile à comprendre pour un africain : comment peut-il à la fois geler et soleiller ? C’est pourtant la réalité. Les paysages prennent alors des contours bien singuliers, surtout lorsqu’on est en plein automne. Les couleurs des arbres diffusent à elles seules toute la chaleur dont on a besoin.

Certaines régions se couvrent de brumes, imperméables durant la matinée, flou artistique durant l’après-midi. La ville de Namur, confinée entre la Sambre et la Meuse, à l’abri de la Citadelle, offre des mystères qu’il me plaît à imaginer. Je n’en perçois pas toutes les clés. Mais cette ville, berceau de ma famille, offre des voies qui méritent d’être explorées.

dimanche 26 octobre 2008

Les signaux détournés (7)

(Illustration issue de la page Dormir de Facebook)

Je roulais depuis longtemps. Quelle idée de vouloir traverser tout un pays simplement pour aller voir un lever de soleil sur la mer. Mais parfois il y a des plaisirs qu’il ne faut pas se refuser. Au diable les bons penseurs qui décréteront du haut de leur savoir universel qu’il est dangereux de rouler toute une nuit sans s’arrêter (si ce n’est pour faire le plein, bien entendu).

Je roulais donc depuis longtemps. J’ai toujours aimé rouler la nuit. L’éclat des phares crée la lumière et on a l’impression d’être une flèche qui se fraie un chemin à travers l’éther. Le danger est sans doute accru du fait qu’inévitablement, on ne voit pas tout ce qui nous entoure. Mais on voit aussi les autres voitures depuis bien plus loin, grâce à leurs phares lucioles dans la nuit.

La route était longue, mais j’étais en pleine forme. J’allais enfin voir ce lever de soleil dont je rêvais depuis quelques jours. Que dis-je, quelques semaines. Il me semble que je l’avais bien mérité. Il faut toujours avoir à sa disposition un beau petit lever de soleil, surtout quand on a une certaine tendance – passagère bien sûr – à broyer du noir. Bref, plus j’avançais dans le noir, plus je me rapprochais de la lumière naissante. Quelle ivresse !

Je n’ai pas réalisé tout de suite. J’avoue que j’étais perdu un peu dans mes rêves. Mais petit à petit, je pris conscience que je croisais périodiquement un signal qu’il me semblait n’avoir jamais rencontré. Il me semblait qu’il y était fait état de zigzags. L’autoroute me semblait pourtant démesurément droite. Tellement droite qu’on finirait par s’y endormir. Je crus voir aussi le dessin d’un pont suspendu, mais je sentais bien que le délire m’envahissait.

Il faisait toujours aussi noir. Cependant, plus le temps passait, plus mon cœur gonflait de bonheur à l’idée de profiter enfin de ce lever de soleil. Petit à petit pourtant naissait aussi l’envie de plus en plus grande de dormir. Je me demandais bien pourquoi. Ce n’est quand même pas parce qu’on roule pendant toute une nuit pour aller voir un lever de soleil qu’on devrait s’endormir au volant. Quelle idée saugrenue.

Il fallait bien néanmoins me rendre à l’évidence. Mes yeux picotaient inlassablement. Encore un effort, tenir le coup. Le lever de soleil n’était plus très loin. Je ne savais plus trop où j’en étais. Je finis par regarder ma montre. Pas de problème, j’avais encore le temps. Je m’étirai progressivement. Il me semblait que mon volant n’était plus dans mes mains. N’était-ce pas plutôt un oreiller ? Brusquement, j’ouvris les yeux, sortant de la torpeur de ma nuit. Le lever de soleil était déjà passé. Ciel, ils avaient encore décidé de changer d’heure…

samedi 25 octobre 2008

Continuer à y croire

FMG © 2008

Parmi la multitude des blogs, il en est plusieurs qui sont consacrés à suivre la progéniture de l’auteur du blog, généralement la maman. On découvre leurs bons mots, leurs doutes, leurs émerveillements, leurs premiers exploits, leurs peurs… et le bonheur de leurs parents pour qui ces petits enfants sont de merveilleuses pépites.

J’avoue ne pas avoir encore découvert - ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas - de blogs consacrés à des adolescents où les parents décriraient et commenteraient leurs mots parfois durs et crus, leurs certitudes faussement sûres, leurs désabusements, leurs exploits dont ils sont les seuls à se vanter, leurs désillusions cachées… et le doute de leurs parents pour qui ces ados restent de merveilleuses pépites, mais qui en font voir de toutes les couleurs.

Pourtant, des choses à écrire, ce n’est pas ça qui manque. La sentence « Petits enfants, petits soucis ; grands enfants, grands soucis » est sans doute un cliché caricatural. Mais elle n’est pas trop loin de la vérité.

Inutile de s’étendre sur toutes ces frustrations qu’on encaisse comme on peut, avec plus ou moins d’amertume ou de recul. Elles font partie de la vie et il serait vain de vouloir les ignorer ou les éliminer. Au bout du compte, ce qui importe est de garder confiance. Non pas faire confiance, car ce serait souvent se leurrer et faire croire à l’autre qu’on est dupe. Mais avoir confiance. Se dire que le jeune avance, malgré tout, dans la bonne direction. SA direction. Continuer à y croire.

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Tu es un ado
Rien qu’un ado
Tu te mets à dos
Tous ceux qui ne le sont plus
Tu vas crescendo
Sans aucun credo
En un eldorado
Dont tu te sentirais exclu

Ce qui t’intéresse, c’est le moment présent
D’être avec tes copains devant une bonne bière
Pour devenir sérieux, il sera toujours temps
Demain n’est rien d’autre qu’un autre avant-hier
Tu ne sais pas trop ce que tu es ou n’es pas
Cela t’importe peu tu es ce que tu parais
Il te faut montrer ce qu’il y a de mieux en toi
Ou du moins de la manière dont tu le voudrais

Ce qui te plairait c’est qu’on te foute la paix
Qu’on te laisse vivre avec ton insouciance
Il s’ra toujours assez tôt pour devenir parfait
En attendant on peut dire que tu t’en balances
Alors tu te refermes derrière ton mp3
Et tu rêves à l’amour qui te ferait exister
Qui te ferait sortir de ton costume étroit
Même si tu sais qu’il ne ferait que passer

Tu vis dans un monde peuplé de tentations
Qui peuvent te faire croire que tu as trouvé le sens
De cette vie qui t’offre plus de désillusions
Que de raisons de croire à une vague espérance
Derrière tout ce qui te donne un air de rufian
Pendant que beaucoup pensent que tu te dévergondes
Il t’arrive d’entrevoir que finalement
Oui, c’est bien toi qui es l’avenir du monde

François-Marie GERARD - FMG © 2006

mercredi 22 octobre 2008

Tombe la pluie

Peut-on avoir une quelconque influence sur les éléments naturels ? A priori, je dirais que non. Je peux encore imaginer qu'on puisse avoir une influence collective et scientifique : je n'en suis pas trop sûr, mais je crois savoir que les hommes sont parvenus à faire tomber la pluie dans certaines régions désertiques, en jouant sur divers facteurs climatiques. Et si ce n'était pas encore le cas, je ne doute pas que ce le serait dans quelques temps.

Mais ma question porte sur une influence individuelle, non voulue, tout en étant systématique. Je m'explique. Dans le cadre professionnel, j'ai effectué plus de 50 missions en Tunisie, et c'est encore le cas pour le moment. Je ne sais plus trop quand j'ai commencé à me poser certaines questions, mais toujours est-il que je me suis aperçu un jour qu'il pleuvait quasiment à chaque fois que je venais en Tunisie. Alors même que ce n'est pas vraiment un pays où il pleut tout le temps.

Une fois que j'eus pris conscience de ce phénomène, j'y prêtai plus attention et je dus bien constater l'évidence : à chaque mission en ces terres, à un moment donné, il pleuvait. Sans aucune exception. Je le communiquai à mes collègues tunisiens qui m'écoutèrent avec un scepticisme évident. Pourtant, l'évidence était là : il suffisait d'être présent en Tunisie pour qu'il pleuve. Pas nécessairement longtemps. Mais de manière systématique. Je me souviens d'un séminaire où je l'avais annoncé dès le premier jour, alors même qu'il faisait superbe. J'étais le plus sceptique de tous... mais il finit par pleuvoir. Un orage intense même. Je me souviens d'un autre séminaire à Hammamet en plein mois d'août. Il ne pleut pas à Hammamet au mois d'août. Sauf qu'il a plu. Il suffisait que je sois là.

N'étant plus venu en Tunisie depuis un certain temps, j'avais oublié cette histoire. Je suis ici depuis lundi et il fait un temps superbe. Très agréable. Ce matin, vers 11 heures, brusquement et sans préavis, il s'est mis à pleuvoir. Fortement. Indiscutablement.

J'ai eu un moment d'extase : oui, ça marche toujours... Mais cette extase a fait place à de nombreuses interrogations. Qui suis-je pour faire tomber la pluie de manière systématique en Tunisie ? (C'est le seul pays où ça m'arrive). Ai-je un pouvoir magique ? Dois-je l'utiliser pour nourrir cette terre qui souvent en a bien besoin ? Qui suis-je donc ?

jeudi 16 octobre 2008

La colline aux malices

FMG © 2008

La voix est ample, vibrante. Elle vient du fond des tripes et y conduit directement. On ne reste pas longtemps indifférent devant cette puissance, cette force et cette conviction.

Il n’y a pas grand monde sur la scène. Juste Antoine Quinet aux claviers et puis, Coline Malice, à la voix et à l’accordéon (diatonique). Mais toute la scène est habitée de ce bout de femme qui nous raconte ses histoires, qui nous partage ses émotions, qui nous fait voltiger de voyage en rencontre, de rencontre en voyage, de colline en malice.

En regardant le ciel doucement se coucher
J’pense aux mille merveilles qui restent à inventer
Solitaire dans mes rêveries
Ni guerre, ni loi, ni ennemi
Seule à regarder la pluie
C’est pour des p’tits moments comme ça qu’on vit
Seule à regarder la vie
C’est dans des p’tits moments comme ça qu’on vit

Coline Malice (belge installée en Auvergne) trouvera – c’est sûr – son chemin dans l’univers de la chanson. Cette chanson des artisans, celle avec laquelle il est si bon de respirer (Mon pays tranquille), de sentir les larmes couler lorsque l’émotion vous assaille (une chanson extraordinaire pour une vieille dame qui se retrouve en maison de repos), de partager ses peurs, mais surtout son bonheur (Vingt-neuvième hiver), de toucher toute la fragilité du monde (Petite fleur).

Si ce moment est inoubliable, si les cœurs étaient ouverts, si des jeunes ados eux-mêmes se sont laissés prendre au piège de la tendresse et de la vérité, « c’est que c’était comme ça ! ».


(Mettez le lecteur audio sur Pause avant de lire la vidéo.)

D'autres vidéos (pas de très bonne qualité malheureusement) sont disponibles ici. Sans oublier bien sûr, son CD Petits moments qui vient de sortir… Un régal !

mardi 14 octobre 2008

Porter la croix de la croissance

Il y a un certain temps que je souhaite faire un billet sur la croissance. J’aurais dû le faire depuis longtemps, car tout le monde croira que c’est la crise financière actuelle qui m’amène sur ce terrain que je ne connais pas trop. Finalement, croyez ce que vous voulez… mais ne croyez pas trop à la croissance.

Pourtant, toute notre économie occidentale est fondée sur elle. Sans la croissance, tout irait mal, du moins si on en croit les économistes et autres argentiers. Dès que la croissance diminue, c’est comme si le ciel nous tombait sur la tête. Notre bien-être, tant individuel que collectif, lui serait intimement lié.

Il ne s’agit pourtant que d’un concept économique. Quand les biens et les services produits dans une société augmentent sur une période donnée, on dit qu’elle est en croissance. Et on postule que pour que la société soit épanouie et épanouissante, il faut qu’elle soit en croissance.

L’indicateur magique de cette croissance porte sur le produit intérieur brut. Lorsque celui-ci est exprimé par habitant, on obtient un indicateur du pouvoir d’achat. Plus on a de pouvoir d’achat, plus il y a de croissance. Et plus on achète, plus on est heureux ! Enfin, c’est du moins l’idée des défenseurs de la croissance.

Je ne suis pas économiste. Mais pas sot non plus : il ne faut pas l’être pour constater que cette croissance se fait au détriment des ressources qu’elle nécessite. Croître à tout prix, c’est remiser au frigo un développement durable.

Au-delà de ce problème – qui n’est pas le moindre – il y a lieu de s’interroger aussi sur le concept même de croissance. Le bien-être humain est-il vraiment lié à son développement économique ? Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : il est évident que le développement économique est indispensable. Trop d’êtres humains n’en bénéficient pas aujourd’hui, ou en bénéficient trop peu. Mais il s’agit là d’une question d’équité, et non pas de croissance. En réalité, celle-ci ne profite la plupart du temps qu’aux plus riches.

Cette course effrénée à la croissance ne conduit nulle part. Il me semble qu’il faudrait la remplacer par une course au développement humain. L’indice de développement humain existe d’ailleurs. Il prend en compte la santé (mesurée par l’espérance de vie), le niveau d’éducation (mesuré par le taux d’alphabétisation) et le niveau de vie (mesuré bien entendu par le PIB par habitant). Ce n’est pas encore parfait, mais l’IDH met au moins l’accent sur d’autres réalités. Sans surprise, ce sont bien sûr les pays industrialisés qui ont l’IDH le plus élevé.

Il ne faut pas se faire d’illusion : la croissance a encore de beaux jours devant elle, même si elle va souffrir dans les années qui viennent. Mais si seulement on cherchait à atteindre une croissance du développement humain de tous les pays, on aurait quand même fait un pas dans la bonne direction. C’est une illusion ? Pourquoi ?

lundi 6 octobre 2008

La fée Mirabelle

"Mirabelle" - Clara Massé © 2008

Il était une fois une fée. La fée Mirabelle. Dès son plus jeune âge, elle en étonna plus d’un. Il faut dire qu’apparemment, elle n’avait aucun don spécial. Ce qui est assez étonnant pour une fée. Elle ne faisait aucun miracle et toutes ses amies fées se demandaient bien pourquoi c’était une fée. Elles ne comprenaient pas, mais elles devaient bien reconnaître qu’elles se sentaient bien auprès de Mirabelle. C’était comme s’il se dégageait d’elle une force de vie incommensurable. Mirabelle ne faisait rien de spécial, car elle ne savait rien faire de spécial. Mais il suffisait qu’elle ouvre les bras pour accueillir ses amis et ses amies pour que ceux-ci se sentent pris dans un souffle étonnamment chaleureux et pénétrés d’une harmonie substantielle.

Mirabelle continua à mener sa vie de la manière la plus naturelle qui soit. Tout le monde se sentait bien auprès d’elle et tout le monde se demandait bien pourquoi.

Ce qui devait arriver arriva. La fée Mirabelle rencontra un prince. Il n’était ni riche ni charmant. À vrai dire, il ignorait même qu’il était prince. Aussi, il menait une vie normale, bercée surtout par les élans de la musique. Il avait d’ailleurs découvert un secret mystérieux : la musique peut relier les hommes !

C’est certainement la musique qui finit par réunir Mirabelle et le prince. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Les bras ouverts de Mirabelle et la musique du prince les conduisirent à découvrir Huayna Picchu et la musique des Andes. Le prince avait compris qu’au fond, les sikus, kénas, charangos et autres bombos n’étaient que des instruments bidouillés avec des morceaux de bambou, des carapaces de tatou, ou des peaux de chèvres. Mais il savait que parfois, de ces instruments, sortent des sons tellement inattendus qu’ils sont si beaux.

Ils vécurent longtemps ensemble. Une vie comme toutes les vies, sauf qu’elle était faite de chaleur, de musique et de bonheur. Il suffisait que Mirabelle ouvre les bras pour que tout s’ensoleille et que la vie de tous devienne une fête.

Un jour, alors que Mirabelle et son prince étaient en balade, ils sentirent soudain un froid glacial. Ils connaissaient cette forêt pour s’y être souvent promenés. Mais jamais, ils n’avaient senti cette froidure. Brusquement, ils virent devant eux deux horribles gnomes. Ils les attendaient patiemment. Ils se présentèrent : « Nous sommes Creutzfeldt et Jakob. Nous venons te chercher, Mirabelle. Le monde des ténèbres a besoin de ta chaleur. »

Mirabelle et le prince eurent beau lutter, les gnomes avaient pris leur décision.

Le prince se retrouva seul. Désemparé. Esseulé. Comment pourrait-il vivre sans sa Mirabelle ? Pourtant, il continuait à sentir périodiquement ces vagues de chaleur qu’il avait tant connues chaque fois que Mirabelle ouvrait ses bras. À vrai dire, il n’avait jamais trop cru que Mirabelle était une fée. Maintenant qu’il sentait cette chaleur l’envahir inévitablement, il comprit que les bras de Mirabelle étaient encore ouverts, prêts à l’accueillir, à lui donner la vie. Elle les avait tant ouverts qu’ils ne pouvaient plus se refermer. Décidément, Mirabelle était une vraie fée !

Pour A.C.

dimanche 5 octobre 2008

Vous avez dit crise ?

Notre monde vit quelques turbulences. Nul ne sait quand elles s’arrêteront. Il y a toutes sortes de mesures qui sont prises et qui ont certainement un effet, mais il est impossible de savoir si elles permettront de régler le problème de fond. Il est même sans doute plus opportun d’en douter que d’y croire !

Je serais bien incapable d’expliquer les tenants et les aboutissants de cette vaste affaire. La complexité économique est évidente et on ne peut pas la réduire à des explications réductrices. Néanmoins, un mécanisme semble tout aussi évident : certains ont voulu se faire de l’argent facile. On en prête, on en échange, on croit que la source en est inépuisable, surtout quand cette source est virtuelle (quand bien même ce sont au bout du compte des petites gens qui trinquent). Tant que le système fonctionne, tout va bien. Mais un jour, on se rend compte que ce qu’on prête n’est pas remboursé, que plus personne n’a rien à échanger, que la source n’est pas totalement inépuisable. Alors, la crise démarre. Ceux qui étaient riches ne le sont plus. Ou du moins, les institutions chargées de gérer les richesses ne les possèdent plus. À partir de là, le château de cartes peut commencer à s’effondrer. Il s’effondre.

Les grands argentiers nationaux et internationaux commencent alors à s’en inquiéter. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, des sommes colossales sont libérées pour tenter de sauver l’économie mondiale. Le discours sur la protection des petits épargnants permet de faire passer la pilule, de faire croire que les décisions prises le sont au bénéfice de la population, alors que – vraisemblablement – elles servent surtout à protéger les intérêts des puissants et des riches. Tout le monde applaudit. Pourtant, il reste des questions qui ne trouveront peut-être jamais de réponses.

Les petits épargnants sont-ils vraiment sauvés ? Pour le savoir, il n’y a qu’une seule solution : chacun devrait aller retirer ses sous confiés aux banquiers et autres financiers. Ce serait malheureusement une très mauvaise idée. S’il fallait vraiment rembourser tout le monde, le système ne pourrait que s’effondrer définitivement. Il est basé sur les échanges. Le moindre euro placé dans une banque est automatiquement « échangé » pour le faire fructifier d’une manière ou d’une autre. Si un épargnant isolé peut effectivement récupérer à tout moment ses sous, par définition il est impossible que tous les épargnants le fassent en même temps. Ce n’est donc qu’avec le temps qu’on en saura un peu plus. Ça dépend fortement de ce qui se passera dans les mois qui viennent, mais personne ne le sait.

Alors que tous les États ont actuellement des budgets limités, comment peut-on en un week-end libérer des milliards ? Peut-on expliquer que nos dirigeants ne sont jamais parvenus à régler les problèmes de famine dans le monde alors qu’il suffirait de quelques millions d’euros ou de dollars, mais qu’ils trouvent des milliards pour tenter de régler les problèmes des riches argentiers qui ont mal spéculé ? C’est évidemment une question naïve dont la réponse est complexe. Notamment parce qu’il est vrai qu’en essayant de sauver l’économie occidentale, ils permettent de ne pas sombrer dans une crise mondiale dont les premières victimes seraient inévitablement les pays les plus pauvres, et surtout les populations les plus pauvres. Il n’empêche qu’on peut se demander comment on peut trouver facilement et rapidement des milliards pour sauver un système financier quand on ne parvient pas à trouver des millions pour sauver des gens.

Tout cela a-t-il un sens, finalement ? L’économie est la gestion de la rareté. Elle est normalement au service de la collectivité, de telle sorte que tout le monde puisse bénéficier de la rareté. Elle se fonde sur des échanges dont chacun devrait profiter. N’y a-t-il pas longtemps maintenant que l’économie n’est plus cet échange équitable ? Certains n’ont-ils pas voulu créer de la richesse à partir d’une rareté inexistante (ce en quoi elle serait encore plus rare…) ?

Quoi qu’il en soit, la seule issue actuelle est de garder un minimum de confiance dans le système, sans quoi celui-ci s’effondrerait, inévitablement. Mais peut-on garder confiance ?

samedi 4 octobre 2008

Hommage à Brel

FMG © 2008

Amateur de chanson française, je resterai toujours avec une grande frustration : celle de n’avoir jamais vu Jacques Brel sur scène. Quand il s’y produisait encore, j’étais trop jeune et – il faut bien le reconnaître – pas trop intéressé par ce qu’il faisait. Ça me semblait quand même un peu réservé aux vieux… Même en 1969, lorsque Brel monta L’homme de la Mancha, je suivis cela d’un œil circonspect. Je m’en suis toujours voulu par la suite : j’avais 15 ans, et j’aurais pu aller voir ce spectacle qui me donna finalement tant d’émotions, par disque interposé.

Bref, je restais avec ma frustration, et je ne pouvais inévitablement que rester avec elle. Jusqu’à hier. J’ai vu Brel sur scène. Et on n’en ressort plus tout à fait le même.

Bien sûr, ce n’était pas Brel. Lui qui ne croyait pas trop à la résurrection n’allait pas revenir comme ça, pour un soir, faire un nouveau tour de chant, comme il le faisait dans les années 60. Ce n’était pas Brel. Juste Filip Jordens, accompagné des Chopins des P’tits Matins. Un flamand amoureux de Brel.

Jordens réinterprète Brel. Il n’essaie pas de l’imiter. Mais il en a intégré les intonations et surtout la gestuelle. Au bout du compte, on sait qu’on a devant soi Filip Jordens, mais c’est Brel qu’on voit et qu’on entend. Il y a une alchimie tout à fait particulière qui se crée. On se sent plongé des années en arrière, tout en étant aujourd’hui. C’est l’enchantement ! (C’est le cas de le dire.)

Jordens a choisi de n’interpréter que des chansons que Brel a effectivement chantées sur scène. On n’a pas droit à des chefs d’œuvre comme Orly, Jaurès, Vesoul, Regarde bien petit… Il aurait pu le faire. Mais cela aurait sans doute faussé la magie. C’eût été en tout cas moins crédible. Alors, merci pour ce choix et ce merveilleux hommage.

Parmi Le diable (Ça va), Les bigotes, Les flamandes, Les bonbons, Marieke, Ne me quitte pas, La chanson de Jacky, Amsterdam, Les fenêtres… voici – Belgique oblige – Le plat pays. D’autres chansons – Les désespérés, Les singes et Les vieux – sont disponibles ici.


(Mettez le lecteur audio sur Pause avant de lire la vidéo.)