jeudi 26 septembre 2013

Sagrada Familia

Ayant publié sur mon mur FB une vidéo montrant à quoi devrait ressembler, en 2026, la cathédrale Sagrada Familia, dessinée par Gaudi, un de mes amis – dont j’avoue ne pas toujours suivre le cheminement intellectuel, mais néanmoins ami – a commenté : « Dieu en demandait-il autant ? ». Bien sûr que non. Dieu n’a rien demandé. C’est l’homme qui lui offre.

Cette question reflète bien ce qui me semble une conception tout à fait erronée de Dieu, et faussant donc fondamentalement la compréhension que l’on peut avoir de la « chose religieuse ». Cette conception est anthropomorphique. Elle se représente Dieu à l’image de l’homme ! Et donc, dans ce cas-ci, d’un « quelqu’un » qui demanderait quelque chose !

Quel orgueil en fait de penser que Dieu – s’il existe – ressemblerait d’une manière ou d’une autre à l’homme ! Si la Genèse (1:26-27) déclare que « Dieu dit : ’’Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance’’ », elle ne dit évidemment pas l’inverse. Si nous sommes éventuellement à l’image de Dieu, c’est justement dans notre part immatérielle, et certainement pas dans toutes nos contingences et nos limites liées à notre statut d’être humain, simple animal parmi les animaux.

Chaque fois que l’homme imagine que Dieu lui ressemble, il réduit celui-ci à ses propres turpitudes et enferme l’humanité – sans parler de l’univers – dans une vue totalement étriquée. La fanatisme religieux trouve son origine dans cette conception : comme « l’homme est un loup pour l’homme », certains s’imaginent que Dieu est aussi un loup qui ne souhaite que la destruction de ceux qui ne le reconnaissent pas comme l’Être supérieur par excellence. Cette conception fausse aussi la réflexion en cas de catastrophe, naturelle ou humaine : « Comment Dieu peut-il permettre cela ? ». À nouveau, si Dieu existe, il ne permet rien du tout. Ce n’est pas lui qui décide de ce qui est ou n’est pas.

Mais alors, qui est Dieu et à quoi sert-il ? À vrai dire, je n’en sais rien et je ne cherche pas à le savoir, puisque de toute façon c’est impossible. Étant de culture chrétienne, je retiens que « Dieu est Amour ». S’il sert à quelque chose, ce ne peut donc être qu’à une seule chose : à aimer ! En disant cela, je suis loin de le réduire à une image anthropomorphique, car si l’homme peut lui aussi effectivement aimer – et ne cherche sans doute que ça – il faut bien reconnaître qu’il le fait de manière très imparfaite.

Au bout du compte, fallait-il construire à Barcelone cette cathédrale invraisemblable (que je n’ai jamais vue en vrai) ? Pourquoi pas ? C’est une manière comme une autre de se rapprocher – ou de croire se rapprocher – d’un amour divin. Et tout ce qui élève l’homme est, selon moi, bon à prendre, pour autant bien sûr que cela ne l’amène pas à se détourner de la vraie réalité humaine, avec toutes ses vicissitudes et ses limites.

jeudi 5 septembre 2013

Le goût de l'interdit

Tout à l’heure, marchant quelques mètres sur le trottoir, j’ai soudain vu un mégot de cigarette encore allumé, et – l’instant d’une seconde – j’ai eu la furieuse envie de le ramasser et de le terminer, ressentant soudainement un goût merveilleux de folie. Un goût que je connais depuis une cinquantaine d’années. Le goût de l’interdit.

Je n’ai pas ramassé le mégot. L’envie n’a duré qu’une seconde. Mais cette seconde fut remplie d’images, de parfums et de sensations. Il y a une cinquantaine d’années, alors que je n’étais qu’un enfant, je découvrais la cigarette. Et mes premiers émois étaient notamment liés à ces mégots que je ramassais pour les terminer. C’était la découverte du goût du tabac et de la nicotine, mais surtout sans doute le goût de l’interdit. C’était merveilleux.

Élevé dans un contexte catholique, je n’oubliais pas la réponse à une des questions du catéchisme : « Dieu voit tout, Dieu sait tout, même nos pensées les plus secrètes ». Et j’étais terrifié. Personne ne voyait que je ramassais ces mégots. Du moins, je m’en convainquais. Mais j’avais beau faire, je savais que Dieu, lui, voyait. À vrai dire, j’étais terrifié, mais cet acte de bravoure n’en avait que d’autant plus de sel. J’osais même braver le regard de Dieu, vous imaginez. Je savais que ce n’était pas bien, que je risquais de terminer en enfer, mais j’osais quand même. C’était envoûtant.

Je suis devenu fumeur. Puis, j’ai arrêté, il y a 35 ans. Je n’ai jamais eu envie de recommencer. Sauf ce matin. L’instant d’une seconde. Mais dans cette envie furtive, ce qui m’excitait, ce n’était pas la cigarette. C’était ce goût mystérieux de l’interdit. Rien que le fait de ressentir encore cette curieuse sensation, cet attrait irrésistible, je me suis senti léger et libre. Comme quoi…

dimanche 1 septembre 2013

Guide peu sûr

Allant découvrir l’excellent Festival des Granges, près de Bar-le-Duc, je devais donc me rendre en cette ville. Mon GPS – loin d’être un haut de gamme – refuse de prendre en compte à la fois la carte du Benelux et celle de France. Bref, lorsque je me rends dans ce merveilleux pays, je suis obligé de programmer un trajet jusqu’à la frontière et une fois celle-ci passée de reprogrammer un nouveau trajet. Pas très pratique, mais c’est comme ça.

Après avoir étudié les possibilités sur plusieurs sites de calcul d’itinéraire – étonnant de constater qu’ils donnent tous un parcours différent – je choisis de prendre comme première direction la frontière située tout près de Longwy. Ce choix résultait essentiellement du fait que j’ai dû me rendre plusieurs fois à Longwy cette année pour raison professionnelle… et que connaissant donc le lieu, cela me semblait un bon choix.

Arrivé à Longwy, je ne reprogrammai pas immédiatement mon GPS. Est-ce pour cela qu’il m’invita à continuer ma route sur l’E411, mais j’avoue que je fus étonné de me retrouver à un certain moment sur l’A31 du côté de Metz. Sans me poser trop de questions, je continuai ma route, ou plutôt mon autoroute ! J’arrivai à Bar-le-Duc après avoir parcouru 384 km de mon domicile et j’étais bien content !

Lorsqu’il me fallut repartir, je reprogrammai le dit GPS vers Longwy. Sauf erreur de ma part, il m’indiqua une distance de 197 km. Je partis, mais après 500 m, je ratai la route qu’il m’indiquait à un rond-point et partis dans une autre direction. Très rapidement, je me rendis compte que je m’embarquais dans une mauvais voie, mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que la distance jusque Longwy était passée à 165 km. Par la grâce d’une erreur, je venais de gagner 32 km ! Je continuai donc ma route. Bien agréable au demeurant : de belles petites routes, pleines de découvertes !

Arrivé près de Verdun, mon cher GPS me pria de prendre l’autoroute A4 pour me diriger vers Metz. N’ayant pas trop d’idée où j’étais, je m’apprêtais à obéir à la machine quand je constatai que cette autoroute était payante ! Comme cela ne me réjouissait guère et que j’aimais bien les petites routes, je me décidai à continuer vers Verdun. À ce moment-là, la « voix » ne fut pas très contente et me pria plus d’une fois de faire demi-tour dès que possible, en respectant les consignes de prudence. C’est avec un certain plaisir que je refusai obstinément toutes ces injonctions qui me semblaient débiles !

À un certain moment, mon GPS se rendit à la raison et me laissa continuer ma route, non sans me dire qu’il me fallait parcourir 65 km jusque Longwy. Je fus stupéfait. Une minute plus tôt, il me promettait encore dans les 120 km, voire plus. Par mon simple refus d’obéissance, je venais de gagner une soixantaine de kilomètres !

Ma route fut des plus plaisantes. Il n’y avait personne sur des routes agréables entourées de beaux paysages. Il fallait juste ralentir dans les quelques villages traversés, sans que cela ne ralentisse vraiment le chemin. Je rejoignis Longwy où, grâce à ma connaissance de la ville, je pus facilement retrouver les pompes à essence luxembourgeoises et continuer ma route dans les meilleures conditions.

Arrivé à la maison, j’avais cette fois parcouru 306 km depuis Bar-le-Duc, au lieu des 384 du trajet aller. Un gain de 78 km, soit un gain de 20% sur le trajet total, mais en réalité de 40% sur le trajet Longwy-Bar-le-Duc !

Cette histoire est banale et ne vaut sans doute pas la peine d’être racontée, mais quand même, ça fait une sacrée différence ! Je n’étais même pas plus en sécurité sur les autoroutes. J’y consommais certainement plus. Et le temps de voyage était plus rapide par les petites routes. Alors, pourquoi mon GPS m’a-t-il envoyé par un tel détour ? Je ne lui faisais déjà pas trop confiance avant, mais maintenant je sais vraiment qu’il est un « guide peu sûr » ! Et ça ne m’amuse pas trop !