mardi 17 septembre 2019

Ces discriminations si ordinaires

Dernièrement, je participais à une discussion lors d’un repas. Nous en sommes venus à parler d’une personnalité ayant, dans sa sphère d’influence, un certain pouvoir. Il s’agit d’un homosexuel. La discussion a dévié vers la sœur du compagnon, arrivée elle aussi à un certain niveau. Un « ami de mes amis » a clairement insinué que si cette femme, très jolie par ailleurs, était arrivée là, c’était parce qu’elle était la sœur de… J’ai exprimé mon indignation, en disant que c’était de la médisance et surtout que la dite sœur était avant tout ultra-compétente et méritait amplement son ascension.

J’ai regretté de ne pas avoir plus dénoncé ces discriminations si ordinaires, autant par manque d’envie d’envenimer la soirée que par fatigue. Pourtant, j’aurais dû !

Derrière cette insinuation de népotisme, il y avait surtout beaucoup de mépris inacceptable.

Du machisme d’abord. Par son discours amusé, l’« ami des mes amis » disait avant tout qu’une femme ne peut atteindre des sommets qu’en étant aidée, qu’elle ne peut avoir de compétences propres…

De l’homophobie aussi. Selon l’« ami des mes amis », si la femme avait été aidée, c’est parce qu’elle était la sœur du compagnon d’un homme… et qu’on sait bien que chez ces gens-là…

Si ça avait été un couple hétérosexuel et que la compagne avait eu un frère plutôt qu’une sœur, l’« ami des mes amis » n’aurait jamais osé prétendre ni insinuer qu’il n’était arrivé à ce niveau de responsabilités qu’en raison de ses liens familiaux.

Plus souvent qu’on ne peut le croire, on assiste ainsi à des discours ségrégationnistes larvés sous un vernis d’humour et d’autosuffisance. On ne réagit souvent pas assez, ne fut-ce que parce qu’on ne se rend même pas compte du sens profond de ce qui est dit. Tout cela est si ordinaire…

jeudi 12 septembre 2019

Au Train où vont les choses…


  

Ce mardi 10 septembre, nous avons donc passé deux heures et demie à patauger dans le Train, charmante rivière qui sillonne le Brabant wallon en traversant notamment Grez-Doiceau. Après-midi de nettoyage en compagnie de l’asbl Aer Aqua Terra  qui accomplit un travail quotidien extraordinaire pour vider nos rivières des déchets errants.

Le travail n’était pas de tout repos, malgré le magnifique soleil qui nous accompagnait. Les grandes bottes de pêcheur sont indispensables pour marcher dans l’eau, avec une profondeur moyenne de 50 cm. Il n’est déjà pas aisé de se déplacer avec cet équipement, mais lorsque les pieds s’enfoncent dans une bonne couche de vase, il faut de la force pour les en retirer, en veillant toujours à garder son équilibre. Même lorsqu’une chasse d’eau se déverse soudainement à hauteur d’homme ! Nous travaillons avec un outil constitué d’un manche et d’un crochet d’une vingtaine de centimètres qui permet de fouiner dans le sol et de dégager les déchets dénichés. Il faut alors les sortir, les mettre dans des seaux à remonter sur la berge. Ann-Laure se charge alors de les trier et de les étaler pour qu’ils sèchent et sensibilisent les passants.

La pêche fut « fructueuse » : sur une centaine de mètres, nous avons pu « sauver » deux débroussailleurs, un taille-haie thermique, un brûleur de chaudière, un pneu et sa jante, un grand paillasson, une veste hiver pour enfants, des morceaux de tôle ondulée Eternit amiantée, une guirlande de Noël, et bien sûr des canettes, des plastics, un tuyau, des métaux, des lingettes, des serviettes hygiéniques… Nous avons même vu une truite d’une bonne cinquantaine de centimètres. Elle faisait la sieste et nous l’avons laissée là !

Tous ces déchets se prélassaient depuis relativement longtemps. C’est la première fois qu’Ann-Laure et Marc passaient par là. C’est évidemment effrayant de voir tout ce qu’on peut « pêcher » dans ces petites rivières, mais nos accompagnateurs nous ont assuré – toujours avec beaucoup d’humour – qu’une rivière qui a été nettoyée reste propre. En d’autres termes, il y a beaucoup moins de personnes qui jettent leurs crasses aujourd’hui qu’avant-hier. Le simple fait d’exposer au regard de tous les déchets découverts permet vraiment de sensibiliser et d’éduquer les passants, notamment les enfants.


FMG©2019

C’est en sensibilisant et en éduquant qu’on peut espérer des résultats probants. Eu égard à la pollution aquatique globale, cette action n’est… qu’une goutte d’eau. Mais ce sont celles-ci qui font les grandes rivières et puis les océans. Tout ce qui est nettoyé est nettoyé, avec une certaine stabilité. Pas parfaite, mais réelle. C’est loin d’être négligeable, au Train où vont les choses…


lundi 2 septembre 2019

La chance d’être enseignant

Loan Vu Kim©1978

Il y a 41 ans, je faisais ma première rentrée en tant qu’instituteur. Vocation tardive, ma carrière n’allait durer qu’une douzaine d’années, d’une rare intensité. Je n’oserais pas dire que ce furent les plus belles années de ma carrière professionnelle, parce que celles qui suivirent – toujours autour de l’éducation et de la formation – furent tout autant passionnantes et riches d’apprentissage. C’est cependant une de mes plus grandes fiertés : j’ai été – je suis – instituteur !

Travailler avec des enfants pour participer à leur éducation, c’est à tout moment voir le sens de son action. C’est contribuer à construire le monde à travers ces jeunes qui deviendront les adultes, et donc les acteurs, de demain. Tout en développant des relations vraies qui se fondent sur de réels échanges. Sur la vingtaine d’enfants qui figurent sur cette photo, la moitié se retrouve aujourd’hui parmi mes « amis » Facebook ! Et il faut moins des doigts d’une main pour compter ceux ou celles dont je n’ai plus jamais eu de nouvelles.

Pourtant, être enseignant dans notre société n’est pas toujours évident. J’avoue ne pas avoir toujours mis en avant ma profession d’instituteur. Il faut dire que plus d’une fois, me retrouvant dans une assemblée où chacun présentait son métier, lorsque venait mon tour, je ne recevais qu’un « Ah oui, c’est un beau métier ! » et on passait à autre chose, me faisant clairement comprendre que s’occuper d’enfants n’est quand même pas aussi sérieux que se consacrer à produire de l’argent, des logiciels, des breloques quelconques à commercialiser… La plus grande difficulté rencontrée durant ces années est la dévalorisation sociale. Bien sûr, tout le monde sait l’importance des enseignants – sans eux, que feraient tous ces commerciaux et autres producteurs de biens et services ? – mais ils ne sont trop souvent perçus que comme des « subalternes » permettant aux vrais actifs de s’employer aux activités de production.

Ce regard condescendant sur les enseignants, je ne l’ai que trop souvent perçu. Pas nécessairement de la part des parents d’élèves. Il faut dire que j’avais la chance de travailler au sein d’une école ouverte, où le choix de chacun était d’œuvrer pour une éducation épanouissante et constructive. C’est plus en dehors de l’école qu’il était difficile de n’être qu’un « petit instituteur ».

Qu’à cela ne tienne, ce qui se vivait dans nos classes était une histoire merveilleuse, valorisante, et pleine de sens. Si c’était à refaire, pour rien au monde je n’échangerais ces rentrées scolaires et les découvertes et partages qu’elles annonçaient pour une nouvelle année. J’espère – j’ose le croire – avoir pu participer à la construction des personnalités de chacun des enfants qui me furent confiés. Je sais que chacun d’eux a contribué à la mienne et je ne les en remercierai jamais assez.

C’est tout le bien que je souhaite à toutes ces femmes et tous ces hommes qui en ces jours (re)commencent une nouvelle aventure, toujours renouvelée. Qu’ils et elles n’oublient jamais la chance qu’ils ont !