mercredi 31 octobre 2012

Maman

Tu es partie cette nuit, Maman, pour ton dernier voyage. Qu’il soit comme tu l’as rêvé.

Ton chemin avec nous fut long : tu venais de fêter tes 96 ans. Pendant toutes ces années, tu as passé ton temps à faire tout ce que tu pouvais pour faciliter la vie des autres, particulièrement de ceux qui t’étaient proches.

Je n’étais pas là pour en témoigner, mais je suis convaincu que ta jeunesse fut consacrée à aider tes parents, ton frère et ta sœur. Ce qui ne t’a pas empêché de prendre du bon temps avec tes cousines et tes amies.

Lorsque tu devins une femme adulte, tu rencontras Papa, mais vous fûtes vite séparés : la guerre emmena Papa en captivité durant 5 longues années. Ce ne furent certainement pas des années faciles. Je suis sûr qu’à nouveau tu fis tout ce qui était possible pour surmonter les difficultés quotidiennes et continuer à croire, à faire croire, que tout s’arrangerait.

Ce fut le cas et dès que ce fut possible, vous vous êtes mariés. De cet amour naquirent 5 enfants, dont je fus le dernier. Au début de votre mariage, tu étais professeur et cela te plaisait bien. Mais quand nous arrivâmes, tu fis un choix. Je me souviens que, jeune adolescent, je t’ai demandé pourquoi tu ne travaillais pas. Tu m’avais répondu avec un grand sourire : « Mais parce que j’ai décidé de m’occuper de vous, mes enfants ! Et cela remplit une vie ! ». Ta réponse m’avait fortement impressionné.

D’autant plus qu’éduquer cinq enfants – quatre garçons et une fille – n’était pas une sinécure. Il y eut plusieurs moments difficiles qu’il te fallut surmonter avec courage, nourri par ta Foi. Il y eut évidemment l’accident d’Étienne qui nous a tous tellement touchés au plus profond de nous-mêmes. C’est peut-être pour toi que c’était le plus dur. Pourtant, jamais je ne t’ai vu flancher. C’est toi qui nous soutenais et qui continuais à faire vivre la vie.

Ton énergie n’était jamais prise en défaut. Lorsqu’Étienne disparut, ce fut un nouveau moment difficile que tu vécus toujours avec la même dignité. Lorsque nous vidions son appartement, je me souviens d’un moment où Philippe, Bernard et moi étions tous les trois vidés, fatigués tant nerveusement que physiquement. C’est toi qui nous as relancés, comme si de ton côté tu n’éprouvais aucune lassitude.

Assez logiquement, il y eut des beaux-enfants qui apprécièrent à sa juste valeur l’accueil que vous leur avez donné. Tu as eu ainsi huit petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants. Ils ont tous les douze pu apprécier ta bonne humeur et ton souci permanent de t’intéresser à leur découverte de la vie.

À la suite de ta chute, vous vous êtes retrouvés, Papa et toi, dans une vie un peu retirée du monde. Tu consacras alors toute ton énergie et ton attention à Papa. Nous avions beau te dire qu’il fallait que tu penses un peu à toi, tu continuais à te donner entièrement à celui dont tu partageas la vie durant 67 années, avec toujours la même complicité et la même émotion lorsque vous vous retrouviez après une courte hospitalisation de l’un ou de l’autre !

Pour toute cette énergie, ce dévouement, ce courage, je te dis merci, Maman. Je t’aime.

dimanche 14 octobre 2012

Le saut

C’est évidemment l’exploit du jour : Felix Baumgartner a sauté de 39 km d’altitude pour s’offrir une chute libre folle, franchissant au passage le mur du son. Tout ça vécu en direct par des milliers (des millions ?) de personnes, qui ont sans doute senti leurs tripes s’égarer lorsqu’on l’a vu partir en vrille… pour ensuite se stabiliser.

L’exploit est bien plus grand que la victoire attendue de Bart De Wever à Anvers (Antwerpen), mais je ne sais pas lequel des deux événements aura l’impact le plus important. Fort possible que ce soit cette victoire politique. Pour autant que le fameux Bart sache faire quelque chose de sa victoire, ce qui n’est pas certain. Parviendra-t-il seulement à négocier une majorité ? Finalement, il ne vaut peut-être pas mieux que son homonyme Bart Simpson !

De toute évidence, je suis bien plus impressionné par le saut de Felix. Même s’il est vraisemblable qu’il s’agit d’un exploit quelque peu inutile. Mais l’inutile n’est-il pas la caractéristique première de la beauté ?

On pourrait croire qu’il faut être fou pour sauter ainsi. Il faut certainement l’être un peu. À nouveau, la folie n’est-elle pas un signe indispensable de l’intelligence ? Pour oser se lancer, il s’est préparé durant des mois et des mois. Finalement, la seule inconnue était que personne n’avait jamais fait cela. Certaines questions n’étaient donc pas résolues à l’avance. L’inconnu n’est-il pas la source fragile de l’exploit ?

J’imagine que les nombreux paramètres qui ont été relevés durant cette chute de quelques minutes permettront à la science d’en savoir un peu plus. Certaines de ces nouvelles informations seront peut-être réutilisées dans des contextes plus ou moins semblables. Ceux-ci sont cependant a priori assez rares. On peut donc se poser des questions sur cette activité publicitaire pour une boisson énergisante qui s’est déjà révélée à la pointe de l’actualité lors de la course F1 du jour. On peut se poser des questions, oui. Mais on peut aussi rêver. J’avoue que regarder cet exploit en direct m’a replongé dans les premières années de la découverte spatiale, avec ces reportages où il ne se passe pas vraiment grand chose, mais où ce qui se passe est absolument unique et merveilleux. Par la magie de la télévision, on se donne l’illusion d’y participer un peu. Quel plaisir !

dimanche 7 octobre 2012

Le soleil

"Un moment de l’été indien" © Claude Théberge

Y a le soleil du monde

Qui fait chauffer les corps

En se montrant plus fort

Que la mort moribonde

Hier, il a plu quasiment toute la journée. Aujourd’hui, un magnifique soleil d’octobre darde ses rayons, découpant des ombres insolites et subtiles. « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière », a écrit Edmond Rostand. Il a bien raison.

Nous connaissons tous des périodes d’automne ou d’hiver. Elles noircissent nos vies et parviennent parfois à nous faire croire que rien n’a de sens, que tout est inutile. L’homme est ainsi fait que – la plupart du temps – il parvient à continuer à animer une petite flamme d’espoir dans sa nuit moribonde. Et un jour, le soleil revient.

Il suffit d’une éclaircie, d’un rayon qui s’infiltre sans se laisser dévier de son but. Il suffit même parfois simplement de croire que cette lumière n’est pas que virtuelle, qu’elle existe vraiment… pour qu’elle existe vraiment !

Quelle chaleur alors ! On sent le sang circuler partout dans nos veines, alimenter la moindre de nos cellules, surtout celles du cerveau et celles de la vie. Et on se laisse aller au bien-être de cette douceur dynamique dont les caresses sont toujours aussi pénétrantes que revigorantes. Malgré la mort. Grâce à la vie.

Qu’est-ce qui fait vivre la vie

Qui nous porte au-delà de nous

Qu’est-ce qui nous rend fou

Qui nous donne autant d’envie

Y a le soleil du monde

Qui fait chauffer les corps

En se montrant plus fort

Que la mort moribonde