Deux syndicats ont pris hier une décision lourde de conséquences pour la mise en œuvre du « Pacte d’excellence » pour l’enseignement de la Communauté française de Belgique (dite aujourd’hui « Fédération Wallonie-Bruxelles »…). Le Sel-Setca (tendance socialiste) et l’Appel-CGSLB (tendance libérale), actifs uniquement dans l’enseignement dit « libre », ont jeté l’éponge pour protester contre le projet de décret sur l’évaluation des enseignants.
Ils acceptent le volet formatif de cette future évaluation, mais rejettent totalement l’aspect « sanction » qui – après un long processus réglementé – pourrait déboucher sur une éviction de l’enseignant qui ne ferait rien pour améliorer ses (in)compétences. Le discours de ces syndicats – et de pas mal d’enseignants, il faut bien le reconnaître – peut se caricaturer ainsi : « nous refusons d’être évalués parce que nous risquons d’être sanctionnés, y compris par un renvoi de l’enseignement » !
Certains expliquent cette position par l’absence d’une culture de l’évaluation dans le monde de l’enseignement ! Or, s’il y a un univers professionnel où on n’arrête pas d’évaluer, c’est bien l’enseignement. Imaginez une seule seconde qu’un élève dise à son professeur : « je refuse d’être évalué parce que je risque d’être sanctionné, y compris par un redoublement ou un renvoi de l’école » ! Inutile de vous faire un dessin : il y a de fortes (mal)chances que cet élève se fasse remettre à sa place illico presto.
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : bien sûr, cette évaluation – pouvant dans des cas extrêmes déboucher sur une sanction fatale – doit être cadrée, avec un processus clairement défini, des critères bien établis, des possibilités de recours, etc. Étant paraît-il un spécialiste de l’évaluation, cela me semble évident. Mais il me semble tout aussi évident qu’un professionnel de son domaine, faisant convenablement son boulot même dans des conditions difficiles, ne doit jamais craindre la moindre évaluation. Pas plus que l’élève qui est plus ou moins attentif aux cours et qui se prépare vaille que vaille à passer ses examens.
Dans quasi tous les métiers, il y a aujourd’hui des procédures d’évaluation, que ce soit dans le privé ou dans la fonction publique. Pourquoi le monde de l’enseignement devrait-il se différencier à ce niveau ? Pourquoi ceux qui évaluent à tour de bras – malheureusement parfois sans grande rigueur – devraient-ils être dispensés d’être de bons professionnels ? C’est bien de cela qu’il s’agit : mettre en place un processus qui permet d’améliorer les compétences des enseignants (c’est le volet formatif), mais pouvant déboucher sur un constat qu’un enseignant refuse ou est incapable de s’améliorer, avec une décision sévère au bout du compte. C’est dur, oui. Mais c’est le cas partout. Pourquoi faudrait-il traiter de manière différente les enseignants à cet égard ?
J’ai bien conscience que je ne vais pas me faire des ami·es avec ce billet. Surtout ne venez pas me dire, comme je le lis souvent, « on voit bien que vous n’êtes pas enseignant » ! Je ne le suis plus, mais je l’ai été – à tous les niveaux d’enseignement – et j’ai consacré et consacre encore une très grande partie de ma vie à la qualité de l’enseignement, que ce soit en Belgique ou dans le reste du monde.
C’est bien de cela qu’il s’agit : la qualité de l’enseignement. Celle-ci est liée à de nombreux éléments, mais – en tant que citoyen – je ne pourrais accepter qu’un système éducatif ne veille pas à être de qualité. Or, quoi qu’on puisse en penser, ce n’est pas le cas du système belge. La mise en œuvre du « Pacte d’excellence » (même si cette appellation est malheureuse) est à ce niveau indispensable. Mettre en danger celle-ci pour des réflexes de caste est inacceptable. J’ose espérer que les syndicats le comprendront.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire