« Ils sont entraînés, il n’a pas réagi convenablement sous la pression ou c’est un lâche », a dit le président Trump en parlant de ce policier qui n’est pas intervenu lors de la tuerie au Lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride, le mercredi 14 février dernier. Deux jours plus tôt, le même Trump avait proposé comme solution miracle aux tueries dans les écoles américaines d’armer et de former des enseignants.
Que s’est-il passé dans la tête de ce policier, à quelques mois de la retraite et qui depuis a démissionné ? Peu importe. Je ne sais pas s’il est un « lâche ». Pour moi, c’est juste un « humain ». Plus que vraisemblablement, il a eu peur d’intervenir. Et cette peur a été plus forte que son devoir. En tant que policier placé devant une école pour en garantir la sécurité, il n’a pas fait ce qu’il fallait. De toute évidence. Même s’il était policier et s’il a été entraîné pour intervenir dans ce genre de circonstances, je ne le blâmerai pas. Qu’aurais-je fait à sa place ? Pas sûr que je serais intervenu. Pas sûr non plus que j’en sois pour autant un « lâche ».
À côté de cela, Trump veut transformer les enseignants en Rambo. Autant j’avoue ignorer complètement ce qu’est le métier de policier, autant je crois connaître ce qu’est le métier d’enseignant. C’est un des métiers les plus nobles, les plus exigeants, les plus incertains qui soient. La responsabilité d’un enseignant sur le devenir de ses élèves est immense. Un enseignant peut « casser », tout comme il peut contribuer à construire. Un vrai enseignant construit. Il existe pour instruire, pour ouvrir les voies de l’apprentissage et de la connaissance, pour apprendre à s’émerveiller et à vouloir en savoir plus.
S’il doit tout faire pour protéger ses élèves des turpitudes (des « trumpitudes » ?) du monde d’aujourd’hui, son métier n’est pas – et ne sera jamais – de manier la gâchette plus vite qu’un éventuel assaillant. Aux USA – là où se passent toutes ces tueries, pourquoi ? – plus d’un enseignant a tout fait pour protéger, au risque de sa vie, ses élèves. Les enseignants ne sont pas des « lâches ». Mais, même s’ils étaient formés, ils ne seront jamais des justiciers œuvrant par la violence contre une autre violence. Les enseignants sont des constructeurs, pas des destructeurs.
Imaginez le jour où un enseignant armé et formé n’aura pu empêcher un massacre des élèves aux alentours. Imaginez le jour où un enseignant armé et formé aura tiré trop tôt et tué un innocent juste parce qu’il présentait des signes de velléité.
Mettre cette pression infondée et absurde sur les enseignants n’est – personne n’est dupe, sauf les inconditionnels de Trump – qu’un moyen vain et aberrant de protéger le commerce des armes aux USA. Il y a de plus en plus de voix américaines qui se lèvent pour dénoncer cet aveuglement.
J’ai bien peur cependant que, le jour où je quitterai ce monde – disons dans une bonne trentaine d’années – le fameux deuxième amendement « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé » existera encore, avec toutes ses implications. Y compris celle de transformer les enseignants en soi-disant justiciers armés. Tout le contraire du fondement même du métier d’enseignant.
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