samedi 22 août 2009

Éloge de la désobéissance

Il s’était retrouvé dans cette drôle de guerre. Simplement parce qu’il avait l’âge de faire son service militaire. Il était « appelé » et s’était retrouvé au front. Tout simplement. Sans trop se poser de questions. À quoi cela aurait-il servi de s’en poser ?

L’histoire est simple. Dans une guerre, il faut avancer et occuper le territoire. Un jour, son régiment se devait d’avancer. Mais, ça sentait la mort. Visiblement, les ennemis savaient qu’ils allaient par là et les attendaient pour les exterminer. C’est aussi cela la guerre.

Le commandant a dit : « On y va. »
Il a répondu : « Commandant, on va se faire tuer ! »
- Qu’en savez-vous ? Moi, je vous dis qu’on y va. On passera par là.
- Commandant, sauf votre respect, il ne faut pas y aller. Personne ne survivra.
- Écoutez, on y va, un point c’est tout. Et si vous n’y allez pas, je vous brûle la cervelle.
- Crever pour crever, alors, je n’y vais pas. Faites comme vous voulez, commandant ! Moi, je rebrousse chemin. Et que ceux qui aiment la vie me suivent. Par là, il n’y a que la mort !

Il a tourné les talons et s’en est allé, sans se retourner. Le commandant a saisi son arme, a visé, et puis l’a abaissée. Il a regardé ses troupes en disant « On y va ! ». Il a vu la moitié de ses hommes rebrousser chemin. Il a répété « On y va ! » et a avancé. La moitié de la troupe l’a suivi, obéissant aux ordres. Ils ont tous été tués.

Lui, il a mené ceux qui l’ont suivi vers la vie.

Plus tard, de retour au pays, ces hommes qu’il avait sauvés ne l’ont pas oublié. Ils ont dit qu’ils n’étaient vivants que grâce à lui. Pour une fois, il y eut un peu d’intelligence aussi du côté de la hiérarchie. Il a été félicité et décoré pour son acte de bravoure qui avait sauvé ses compagnons.

Décoré pour avoir désobéi. J’admire. J’admire la Nation qui a pu lui rendre hommage. Je l’admire surtout, lui qui a su dire « non », qui a osé braver l’autorité aveugle et absurde en lui opposant l’intelligence et la soif de vivre. Il aurait pu mourir immédiatement. Mais il a osé montrer le chemin de la vie et y conduire ses compagnons.

C’était il y a une cinquantaine d’années. C’est loin déjà, et pourtant si proche. Des moments pareils, ils ne vous quittent pas. Ça vous marque jusqu’à la fin de vos jours. Il a retrouvé son aimée et a éduqué ses deux filles. En portant à chaque instant la force de sa désobéissance.

Ce sont des hommes comme ça qui font la grandeur de l’humanité.

4 commentaires:

  1. Il y a aussi le policier allemand qui durant la guerre a dit aux ss qui venaient brûler une cinagogue à Berlin qu'on ne pouvait pas incendier les bâtiments publics, et que ces derniers avaient passés leur chemin. ...
    Bd

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  2. Quelle belle histoire ! (vraie, te connaissant...) Incroyable et émouvante : quelle belle personne que cet homme, qui a eu foi en lui, en la vie, en son instinct, en son bon sens, au-delà de l'obéissance aveugle et sourde. Quelle force il devait avoir en lui surtout, pour amener les autres à le suivre et être assez convaincant pour décourager la punition... et même être décoré d'avoir sauvé des vies !
    Et quelle belle leçon, un message à méditer : quand un ordre est donné, il est noble et juste de le suivre, si on le sent justifié. Si on le trouve absurde ou dangereux, il faut suivre sa conscience, il faut le discuter, le remettre en cause haut et fort. Est-ce qu'on y pense toujours ?

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  3. Ce message pose la question de l'obéissance, de la soumission, de la rébellion. Sujets omniprésents lorsque nous éduquons nos enfants. Difficile équilibre à leur faire découvrir : respecter les lois sans devenir un mouton et pouvoir dire non sans devenir un rebelle.

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  4. Tu dois te douter que ce message m'a particulièrement touchée. J'avais vingt ans à peine quand j'ai entendu maman raconter cette histoire à une amie, je n'en croyais pas mes oreilles. Je savais que mon père avait fait la guerre d'Algérie-Tunisie-Maroc et qu'il en était revenu traumatisé, ce qui en soi n'avait rien d'étonnant. Mais j'étais loin de m'imaginer tout ça... Aussi, ses copains de régiment c'est toute sa vie, il en a retrouvé une petite dizaine dans toute la France et je comprends à présent cette amitié si forte qui les lie.
    Merci pour cet hommage.

    Nath

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