vendredi 28 mai 2010

Éloge de l'anonymat

FMG © 2010

Un sénateur français, Jean-Louis Masson, a déposé une proposition de loi « tendant à faciliter l’identification des éditeurs de sites de communication en ligne et en particulier des « blogueurs » professionnels et non professionnels ». Par « faciliter l’identification », il faut comprendre mettre fin à l’anonymat des blogueurs, professionnels ou pas. Il propose, ni plus ni moins, que tous les blogueurs, quel que soit leur statut, mettent « à disposition du public […] leurs noms, prénoms, domicile, numéro de téléphone […] et adresse électronique ».

La problématique est délicate. Les médias actuels permettent à n’importe qui d’écrire n’importe quoi à tout moment avec une diffusion potentielle inouïe. On ne peut tolérer, bien entendu, les mensonges et autres diffamations. Il y a plus que vraisemblablement des limites à établir et à faire respecter.

N’est-ce pas cependant un droit fondamental de pouvoir s’exprimer librement sans devoir nécessairement dévoiler son identité ? Si ce blog ne pouvait pas s’appeler « Réverbères », mais devait être clairement relié à l’individu que je suis, il est vraisemblable que je n’aurais pas toujours publié ce que j’ai publié. Non pas que j’érige l’anonymat en règle sacrée. Il est d’ailleurs assez facile pour celui ou celle qui le voudrait de retrouver mon chemin. Mais de là à donner quelque part mes nom, prénom, numéro de téléphone et adresse électronique, il y a une marge que je ne tiens pas à franchir.

Ce n’est pas une question de se cacher. C’est pouvoir écrire des mots en prenant un angle particulier, en créant une atmosphère spécifique. À ce moment, ce n’est plus l’identité de celui qui écrit qui importe. Ce sont les mots. Ce sont eux qui donnent du sens tant à l’écriture qu’à la lecture. Ils sont bien sûr témoins d’une personnalité. Mais ils prennent une dimension supérieure à l’individu. Du moins, je l’espère. Et quand je vais sur un blog, ce n’est pas tant la personne qui partage ses mots qui m’intéressent, mais les idées, les émotions, les rêves, les angoisses… qu’elle communique ainsi.

Au bout du compte, ce qui m’effraie le plus dans cette proposition de loi française, c’est cette volonté de tout légiférer. Si on continue dans cette logique, on risque un jour de devoir prouver son identité avant de pouvoir découvrir toute page sur Internet ! Vous aimeriez ça, vous ?

3 commentaires:

  1. C'est vrai qu'on se demande pourquoi ces "élus" voudraient savoir par qui ils sont arrivés à leur poste! Il y a quand même d'autres soucis plus importants actuellement ! Bientôt ce sera le vote non secret

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  2. Le jour où ça arrivera, je crois que ce sera personnellement la mise à mort de mon propre blog... Et vu qu'en haut, on décide pour nous...

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  3. l'identification quel qu’elle soit est hélas une des caractéristiques principales de notre civilisation. Ce terme "civilisation" lui même, dépend de notre volonté de rationaliser, d'historiciser et de quantifier la réalité, bref d'avoir les outils pour prévoir... Réduisant les ratios à la définition simpliste de ce qui doit être. Ne pas oublier qu'en toile de fond ce place l'enjeu de la simplification du réel, et ne pas oublier encore que l'identité n'est qu'une définition hypothétique.
    Aussi qu'est ce que l'anonymat sinon la volonté insoumise d'être au delà de l'image de soi? Non réductible à une appellation quelconque, injustifiable en statistique. C'est là le cœur du problème! Réduire toute forme de réalité à la définition qu'on en donne. reprendre l'argument des sophistes sur l'improbable définition de soi par soi. le troisième homme, celui qui fictif, se doit de ressembler à la définition qu'il se donne de lui même...etc. Cette tyrannie d'être par la définition réduit d'autant la personne humaine à comprendre sa vie comme une pure fiction. Aussi, mal du siècle, mal d'une époque si je n'identifie pas clairement ce qui m'entoure, je ne peux le réduire à mon propre point de vue! identification donc ou la clé du problème de tous les arbitraires de la représentation générale. La question qu'on peut se poser est de savoir si nous sommes une fois pour toute réductible à une définition quelconque? Si oui il sera fort possible qu'au fur et à mesure du temps, chacun allant de ses propres convictions et points de vue, soi tenter de tout réduire à une page de dictionnaire. Revoir encore l'opposition majeur entre écriture et oralité, structuralisme et son contraire. L'enjeu actuelles est de pouvoir faire croire à chacun qu'il peut ou non rentrer dans le grand livre de recette de cuisine des idéologues de la quantification. revoir encore le concept de généralisation par simplification des ratios: âge, poids, taille, sexe, signes distinctifs. Qu'on le veuille ou non, derrière ces propositions de lois multiples, se cache l'idée de réduction des possibles afin que tout puisse rentrer dans le jeu cartésien des causalités. Ne jamais oublier qu'en sortie ça n'est qu'un hypothèse comme une autre... Mais ceci nous renvois encore à d'autres questions

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