La théorie du « C’était mieux avant… » a encore de beaux jours devant elle. Derrière elle aussi d’ailleurs. Il y a tellement longtemps que les tenants de cette théorie proclament leurs convictions qu’il faut bien accepter que ce devait être mieux avant. Mais quand ?
Prenons par exemple le regard sur les jeunes. Tout le monde sait que les jeunes ne sont plus ce qu’ils étaient ! D’ailleurs, une inscription babylonienne – datant de plus de 3000 ans avant Jésus-Christ, soit il y a plus de 5000 ans – déclare : « Cette jeunesse est pourrie depuis le fond du cœur. Les jeunes sont malfaisants et paresseux. Ils ne seront jamais comme la jeunesse d’autrefois. Ceux d’aujourd’hui ne seront pas capables de maintenir notre culture ».
On aurait dû à l’époque vraiment s’alarmer, car quelques centaines d’années plus tard un prêtre égyptien énonçait encore : « Notre monde a atteint un stade critique. Les enfants n’écoutent plus leurs parents. La fin du monde ne peut être très loin ».
C’est avec Socrate – mon maître – que j’arrêterai cette litanie de citations. Il aurait ainsi dit : « Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe ; ils sont mal élevés, méprisent l’autorité, n’ont aucun respect pour leurs aînés, et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d’engloutir les desserts, croisent les jambes et tyrannisent leurs maîtres ».
Depuis lors, il s’est toujours trouvé quelqu’un pour dire que les jeunes étaient mieux avant. Vous imaginez à quel niveau doivent se vautrer les jeunes d’aujourd’hui !
Cet exemple de la jeunesse montre bien à quel point le discours des « c’était mieux avant » n’a pas beaucoup de sens. Pourtant, on n’arrête pas de le rencontrer. La télé était mieux avant, la musique était mieux avant, la politique était mieux avant, etc. En réalité, on pourrait mettre n’importe quel sujet dans cette phrase, et on trouverait toujours quelqu’un pour affirmer qu’il en est bien ainsi.
Pourtant, quand on y pense, les choses ne changent pas vraiment. Ni dans un sens, ni dans un autre. Ma conviction profonde est que l’humanité est vouée à une évolution positive (passant d’ailleurs peut-être par la disparition de l’espèce humaine telle qu’elle existe actuellement). Mais depuis que l’homo sapiens existe, il est clair que celui-ci est confronté non seulement à des réalités féériques – l’amour, l’amitié, l’art, l’humour… – mais aussi à des contingences sinistres – l’égoïsme, la jalousie, l’avarice, l’orgueil… Dans tout ce fatras, qu’est-ce qui domine ? C’est là que les visions diffèrent selon les histoires, les rencontres, les expériences. La réalité, elle, reste la même : complexe.
Non, ce n’était pas mieux avant. C’était. C’est. Ce sera. Simplement. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il faille baisser les bras et ne pas œuvrer pour un futur – voire un présent – meilleur. Bien au contraire. Cela veut seulement dire qu’il ne sert à rien de se larmoyer sur un passé soi-disant meilleur. Il ne l’était pas. Quand bien même il l’aurait été, cela ne change rien. On n’a jamais que le bien que l’on se donne.
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