vendredi 11 avril 2025

Banquet vietnamien

 

Le Roi et la Reine des Belges ont dernièrement fait une visite d’État au Vietnam. Comme il se doit, ils ont eu droit à un ou plutôt des banquets royaux ! Comme je les plains !
 
Non pas que la nourriture vietnamienne soit mauvaise. Bien au contraire, elle est la plupart du temps délicieuse. Le problème d’un banquet n’est pas la qualité, mais la quantité. En 1995, j’ai effectué une première mission au Vietnam. L’objectif était d’identifier des projets à mener dans le monde de l’éducation, et en particulier au niveau de l’édition scolaire, financés par l’Union européenne. À l’époque, le Vietnam était encore assez isolé, n’ayant entamé son ouverture vers le monde que dans les années 1980. Toujours est-il que pour les Vietnamiens, notre mission n’était pas celle de deux consultants, Éric et moi, d’une société privée en recherche de nouveaux contrats, mais celle des émissaires de l’Union européenne ! Bref, quasiment le Roi et la Reine des Belges ! 

Nous avons donc, en début de mission, été conviés à un banquet, sans savoir ce qui nous attendait. Le premier plat était délicieux, et c’est avec délectation que j’ai accepté d’en reprendre comme les serveurs me le suggéraient. Le deuxième plat rivalisait avec le premier, et j’en repris volontiers ! C’est à partir du troisième plat – tout aussi exquis – que j’ai commencé à me poser des questions. Devais-je me laisser resservir ou non ? Par politesse, je n’en ai repris qu’un petit peu… Puis sont venus les 4e et 5e plats. Cela s’est arrêté là (avant le dessert), mais j’avoue que j’ai dû vraiment me forcer pour ingérer un peu de ces 4e et 5e plats. Je n’en pouvais plus, j’étais vraiment malade !
 
Ce n’est que bien après, lors du repas clôturant la fin du merveilleux projet mis en place, que j’appris qu’au Vietnam, le nombre de plats est lié à l’importance des convives. Mes nouveaux « amis » m’avaient alors dit que pour avoir 5 services, il fallait vraiment être important ! Presque Roi ou Reine finalement. Cela dit, ceux-ci sont certainement mieux informés que moi et n’ont sans doute pas eu à gérer difficilement leur festin.
 
Ce dernier repas était lui aussi un ravissement pour mes papilles, mais sans excès cette fois. C’était aussi un moment beaucoup moins solennel ! Une guitare était apparue, je ne sais trop comment, et je me souviens avoir chanté – l’esprit légèrement embrumé – une magnifique version personnelle de « J’suis Bruxellois, voilà pourquoi en ville je m’sens chez moi… ». Pas sûr que notre Roi Philippe ait pu lancer la même chansonnette !

mardi 4 mars 2025

L’horrible banalisation de la guerre

Je n’aurais jamais cru vivre les moments que nous vivons. Enfant de l’après-guerre, j’ai la chance de connaître cette période inédite de l’histoire de l’Europe : pas de guerre depuis 1945, soit une période de paix de 80 ans. Cela ne s’est jamais produit, alors que ce devrait être la normale.
 
Depuis mon adolescence et la découverte de la non-violence de Gandhi, Lanza Del Vasto, Dom Helder Camara, Martin Luther King…, je suis convaincu que toute guerre est absurde. Cela m’a amené à ne pas faire mon service militaire : avec un frère l’ayant fait, un autre réformé, un troisième exempté, un père prisonnier de guerre… j’ai pu être « dispensé pour cause morale ». Si cela n’avait pas été le cas, j’aurais été objecteur de conscience, soutenu sans doute par mon père, militaire de carrière, mais qui m’avait dit que cela ne l’empêchait pas d’être anti-militariste !
 
Aujourd’hui, avec tout ce qui se passe autour de la guerre en Ukraine, on assiste à une banalisation de la guerre. Pire même, certains responsables politiques s’en réjouissent ! Les budgets pour la Défense vont augmenter, et celle-ci va pouvoir acheter des armes et des munitions aux entreprises wallonnes qui œuvrent dans ce domaine. Alleluia ! C’est du pain béni : l’industrie wallonne va construire et vendre des armes qui permettront de tuer l’un ou l’autre adversaire. D’ailleurs, le Ministre de la Défense l’a dit avec un grand sourire : « Nous devons nous préparer à la guerre » !
 
Je ne suis pas bégueule. Ni un État ni surtout sa population ne peuvent accepter d’être agressés par un autre pays. La diplomatie devrait toujours être la première et seule arme pour négocier un retour à la paix. Malheureusement, ce n’est que rarement le cas. L’Ukraine a été et est encore agressée par la Russie de Poutine. Elle doit « se défendre » et l’Europe doit la soutenir. Si elle ne le fait pas, la folie hégémoniste du dirigeant russe le conduira jusqu’à Chisinau, puis Bratislava, Varsovie, Berlin, Bruxelles… avec apparemment l’appui des Américains !
 
Je veux donc croire à l’adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre », en espérant que ce ne soit jamais qu’une préparation. J’avoue malheureusement ne plus trop y croire. Il est plus que possible que la guerre arrive jusque chez nous, pays de l’Europe de l’Ouest. Je ne sais pas sous quelle forme ni avec quelles implications. Je n’aurais jamais cru cela. Je constate.
 
Pendant ce temps-là, le vrai problème subsiste et tombe pour les mêmes dirigeants dans les oubliettes : le dérèglement climatique qui inexorablement nous conduit à une impasse. Il est encore possible d’agir et il faut y mettre toutes les énergies. Sinon, les conditions terrestres deviendront telles qu’il sera impossible d’y vivre pour nos enfants, nos petits-enfants…
 
 
Ce billet ne peut s’achever qu’en reprenant ma chanson Guère de guerres. Le contexte a changé, Pas le propos.

Guère de guerres

Il n’y a guère de guerres
Qui en valent la peine
Même les guerres de naguère
Ne conduisent qu’à la haine
Toute guerre est vulgaire
Et tout à fait vaine

Bien sûr la guerre de 100 ans
A duré quelques temps
En est-elle pour autant
Plus jolie pour ses combattants ?
La guerre de Troie, c’est déjà mieux
Elle au moins n’aura pas lieu
Ses guerriers deviendront vieux
Et en béniront les cieux

Bien sûr rien ne vaut les guerres saintes
Qui ne sont jamais en demi-teinte
Pour faire naître la crainte
Et laisser leur empreinte
Sans oublier les guerres civiles
Qui se passent à domicile
Mais conduisent à l’exil
De milliers de civils

Bien sûr les 2 guerres mondiales
Rivalisent en pierres tombales
Comme s’il était presque normal
Pour l’homme d’être bestial
La guerre d’Irak ne fut pas un drame
Grâce à la capture de Saddam
Et à la gloire du programme
De M. Bush et ses amalgames

Bien sûr les guerres continueront
Il y aura toujours des faucons
Pour se conduire en vrais cons
Et faire tonner le canon
Il faut dire que la violence
Dernier recours de l’incompétence
N’apparaît que par ignorance
Des chemins de l’intelligence

François-Marie GERARD - FMG © 2003

mardi 4 février 2025

Pour un air de musique

Au début des années 1980, j’étais jeune instituteur, passionné par mon métier, et aussi célibataire pas si endurci qu’on ne pourrait le croire. Cette situation m’a amené à des rencontres insoupçonnées et sans soupçon. Les enfants ont – la plupart du temps – des parents, et en particulier des mamans. Les affinités, les hasards, les échanges m’ont permis trois rencontres extraordinaires qui ont joué un rôle fondamental dans ma vie de presque trentenaire.

Aujourd’hui, en quelques mois, ces trois mamans sont toutes les trois mortes et, même si je ne les voyais plus guère, cela m’affecte énormément. C’est une part de ma vie qui disparaît.

Marianne. Je n’ai jamais eu aucune de ses deux filles dans ma classe et c’est surtout avec Jean-Pierre, le papa, que j’avais sympathisé, notamment grâce à la préparation de L’ÉCHOlier, le journal de contact que nous avions créé à quelques-uns, parents et enseignants. Un magnifique projet. À force de se retrouver pour des moments de travail convivial, je me suis attardé parfois ou encore invité plus souvent qu’à mon tour. Leur maison m’était toujours ouverte, jusqu’au jour où ils ont décidé de déménager… et où nous avons convenu que j’aménagerais leur grenier. J’y ai vécu trois ans. Je me souviens d’un jour où j’y travaillais, toujours en musique. Ce jour-là, j’avais mis sur la platine « L’homme de la Mancha ». Pas trop fort, pour ne pas déranger. Jusqu’au moment où j’ai entendu, deux étages plus bas, la voix de Marianne me crier « Plus fort ! ». J’ai augmenté le volume et toute la maison a résonné des voix communes de Jacques Brel, de Marianne et de la mienne. C’était bouleversant. En novembre 1980, tout cela nous amenait sur la même scène, au Cabaret de Saint-Dominique, avec Marianne, Jean-Pierre, Marcel, Renée et Paul. Pour un air de musique…

Micheline. Elle non plus, je n’ai eu aucun de ses six enfants dans ma classe, du moins pas en tant que « titulaire ». Dans notre école, on ne se retrouvait pas toujours avec les enfants dont on était « responsable ». Je ne sais plus trop comment cela s’est passé, mais un jour Micheline m’a sans doute dit « Est-ce que tu viens manger ce soir ? Prends ta guitare… ». J’ai répondu à l’invitation… qui est devenue permanente. Quasi toutes les semaines, nous nous retrouvions… et j’amenais mon sac de linge sale que je reprenais propre et repassé la semaine suivante. Nous passions surtout de sublimes soirées « en famille ». Tous les enfants faisaient de la musique… et le piano ou les guitares nous rassemblaient. Pour un air de musique…

Anne. Sa fille Anne-Pascale était dans ma classe, pendant 2 ou 3 années scolaires. Elle venait d’une autre école qui avait déçu ses parents. Ceux-ci avaient de grandes attentes éducatives, pour une école ouverte sur la vie. Nous avons très rapidement sympathisé et notre relation devint une véritable amitié. J’ai accompagné toute la famille en vacances, en Normandie, où fut prise la photo ci-dessus. Il y avait la musique qui nous réunissait, mais aussi les enfants. Isabel, que l’on voit affairée sur ses doigts, et Jean-Christophe, né le même jour de l’année que moi. Et tou·tes les cousins et cousines de cette nombreuse famille. Je faisais un peu partie des meubles, notamment celui de l’installation stéréo pour laquelle je suis encore intervenu, il y a deux ans, à la demande d’Anne, sans vrai succès malheureusement. Quand ma rencontre avec Brigitte, qui deviendra ma femme, s’est épanouie, Anne fut la première à nous accompagner. Il faut dire qu’elles se retrouvaient dans la même chorale. Pour un air de musique…

Ces trois femmes ont contribué à embellir ma vie. Elles m’ont offert un présent inestimable : leur amitié, simple, pure et sincère. Les chemins de la vie nous ont amenés à moins nous rencontrer, et - en ces trois ou quatre derniers mois - à ne plus pouvoir nous rencontrer. Jamais. Elles sont cependant toujours à mes côtés.

En hommage à ces amies, je voudrais publier un air de musique, qui réunit un peu tous nos rêves et réalités. Cette chanson a été créée dans une animation d’enfants, où tout était permis. Elle a été enregistrée pour ma cassette Voyages « avec les moyens du bord » en 1981, dans mon grenier de la maison de Marianne et Jean-Pierre. Elle est chantée par Cécile, fille de Micheline, et par Anne-Pascale, fille d’Anne. Ma grosse voix intervient dans le dernier couplet, que j’ai écrit comme un grand enfant. J’y joue tous les instruments : guitare basse, batterie électronique, flûte à bec, xylophone, orgue, violon (seule et unique fois) et piano, qui n’est autre que celui d’Anne ! Quel souvenir !

Merci Marianne, Micheline, Anne !

Histoire d'animaux

le petit paresseux s'ennuie :
il ne veut pas faire la vaisselle
il rouspète chaque fois qu'on lui demande
et s'en va faire un petit tour
quand il revient il dit bonjour
et tombe tellement qu'il a souri
dégustant un joli moustique
qui ne veut pas se faire manger

les moustiques piquent quand on les embête
seulement en nous chatouillant le nez
ça nous fait riri-gogo-léler
et ça nous fait aussi bégayer
deux jours après, ce s'ra oublié
ils s'en iront chercher autre part
ils iront casser tous les nuages
et tout le monde sera trempé
 
un poisson rouge tourne dans son bocal
passant son temps à bulbuler
le chat tout gris dansant sur la table
espère trouver un bon poisson
le poisson rouge devenu tout gris
espère retrouver sa couleur
le chat tout triste descend de la table
car il n'y a plus de poisson rouge

les lions qui sont dans la montagne
ont bien mangé une dizaine d'oiseaux
ils digèrent bien leur p'tit déjeuner
en nageant dans l'océan indien
maintenant ils sont dans une île déserte
mangeant souris et éléphants
ils dansent avec plein de petites mouches
en les avalant toutes en même temps

un ver de terre venant du ciel
a atterri dans mon potage
j'ai retrouvé son parachute
dans les légumes et vermicelles
il a crié d'une grosse voix :
« cette soupe est bien trop salée ! »
je lui ai dit : « tu n'es qu'un ver(re)
de terre ou d'eau et je te bois ! »

mardi 21 janvier 2025

Et ton rire est un oiseau…

C’est d’abord un bel objet. Un carré de 21,5 cm, épaisseur 7 mm dont 2 couvertures de 2,5 mm. Ça ne laisse que 2 mm de contenu. Pour 30 pages de textes et de photos couleurs. Et quand même aussi, collé sur la couverture arrière, une pochette en plastique avec un DVD blanc intitulé sobrement et ton rire est un oiseau.
 
Je l’attendais. Je l’ai trouvé dans ma boîte aux lettres le 1er janvier, en rentrant d’un petit séjour à la mer hollandaise, avec mes amis fidèles. L’année 2025 a bien commencé.
 
L’objet est numéroté : 55/200. Il contient une dédicace : « Cher François-Marie, cinquante ans de chansons que tu suis depuis longtemps… ». Il ne croit pas si bien dire, l'ami Jofroi. J’ai rencontré une de ses chansons bien avant de le connaître. C’était en août 1973, il y a bientôt 52 ans. Je n’en avais pas même 20. J’avais déjà chanté sur scène et senti que j’aimais la chanson. Celle que Philippe B. chanta ce jour-là me subjugua. Tant par sa mélodie (et sa suite d’accords) que par ses paroles : « Faut bâtir une terre, faut s’inventer la vie, et de l’aube à l’hiver la patience… ». Il me parla d’un Jofroi, un chanteur pas vraiment connu qu’il accompagnait parfois à la contrebasse. J’étais devenu « fan » (ce n’est pas le bon mot, je n’ai jamais été « fan » de quiconque) et ce fut un bonheur de le rencontrer dès 1975 et même de partager la même affiche, en août 1978, à (déjà) Grez-Doiceau, avec aussi Philippe Anciaux, Jean-Claude Pierrot et bien sûr Robert.
 
Mais revenons à l’objet. L’essentiel est donc le DVD, qui reprend le concert pour les 50 ans de chansons, qui s’est tenu à Jodoigne le 17 juin 2022 sous le chapiteau des Baladins du Miroir. J’y étais. Avec Isabelle, l’amoureuse éternelle de Robert. Je ne pouvais assister à ce concert qu’avec elle. Par fidélité, soutien et amitié, dont me parle aussi Jofroi dans sa dédicace.
 
Ce fut un moment extraordinaire, et le DVD rend fidèlement compte de ce moment de grâce. Il le magnifie même : la prise de son est impeccable révélant toute la richesse et la profondeur de cette voix unique et sublimant tout en finesse les instruments de Line Adam, Monique Gelders, Aurélie Goudaer, Gauthier Lisein, Alain Rinallo et Guy Werner. La prise de vue est tout aussi lumineuse : assister au concert est bien sûr d’une évidente communion, mais limitée à un angle de vue. Les caméras multiples et le montage permettent de mieux encore s’imprégner de l’instant, des lumières filiales, de la mise en scène de Pierre Jaccaud. Ce DVD est plus qu’un enregistrement d’un concert exceptionnel. Il permet de revivre au plus près ce moment d’exception, de s’en imprégner, d’y communier de tous ses pores et de tous ses sens.
 
J’ai longtemps hésité à en partager un moment. Je ne suis pas membre actif de deux sociétés de droits d’auteur pour rien. Et puis, je me suis décidé. Avec cette chanson Champs la rivière, devenue Faut bâtir une terre. J’en ai déjà partagé une version où Jofroi est en solo, et je me suis dit que la version de ce concert se justifiait pleinement. Ne la cherchez pas sur le net : elle n’est accessible que par cette page. Merci, Jofroi.