jeudi 17 avril 2008

Au-delà des murailles

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on n’a pas fini de parler de la Chine. Et des Jeux Olympiques qui devraient s’y dérouler dans quelques mois.

Ces Jeux sont aujourd’hui l’occasion pour beaucoup d’attirer l’attention sur la problématique du respect des droits de l’homme en Chine, et particulièrement dans la province du Tibet.

Il est assez normal et naturel de profiter d’un tel événement pour mettre en exergue les manquements d’un pays dans ce domaine. Et il est bon, sain et indispensable de dénoncer ces manquements. Les droits de l’homme sont ce qu’il peut avoir de plus précieux. Le droit de penser de manière autonome. Le droit d’avoir les convictions qu’on veut. Le droit de dire ses convictions et de vivre en fonction d’elles. Le droit de parler avec qui l’on veut parler. Le droit de choisir ceux qui veilleront au bien-être et au développement de la communauté. Le droit de vivre… Tous ces droits sont élémentaires, indispensables. Les autorités chinoises ne les respectent pas tout à fait et il faut agir pour qu’ils les respectent plus.

Je n’ai jamais été en Chine. À regret d’ailleurs : un de mes rêves est depuis longtemps de marcher sur la Muraille de Chine ! Je n’ai jamais été en Chine et je ne sais donc pas comment cela s’y passe. Mais je ne me fais pas d’illusion : les manquements aux droits de l’homme sont bien réels. Il suffit de savoir le nombre d’exécutions capitales pour en être convaincu : en 2007, en Chine, 470 personnes ont ainsi été rayées de l’humanité, pour un total de 1252 dans le monde. Pour moi, un pays qui pratique la peine de mort ne respecte pas le droit le plus fondamental, celui de vivre !

Il faut donc dénoncer les agissements chinois. Mais il faut le faire en cohérence. On ne peut pas dénoncer le non-respect des droits de l’homme si on ne les respecte pas soi-même. Toute violence à l’encontre de quelqu’un est un manquement aux droits de l’homme. Toute imposition d’une volonté à quelqu’un qui ne le souhaite pas est un manquement aux droits de l’homme. Et c’est là que je commence à me poser des questions. Quand je vois que certains essaient de voler une flamme tenue dans les mains d’une personne non valide – comme on l’a vu à Paris –, je me pose des questions. Quand certains voudraient imposer à des athlètes de ne pas participer à des Jeux pour lesquels ils ont investi des années d’effort, je me pose des questions. Quand d’autres n’ont que la violence directe pour manifester leur colère face à la mainmise chinoise sur le Tibet, je me pose des questions.

Je me pose des questions, mais je n’ai pas forcément les réponses. Comment faire évoluer la situation sans devenir soi-même violent ? Je n’en sais trop rien. Je suis loin de condamner toutes les actions qui sont réalisées. Mais je rêve d’actions qui mettraient le doigt sur les manquements sans faire violence à qui que ce soit. Pas même aux Chinois. Ni au sens de l’honneur du peuple chinois.

Je redis que le respect des droits de l’homme est indispensable pour tout pays. Mais les nombreux séjours que j’ai faits dans des pays du Sud m’ont aidé à comprendre que les droits de l’homme ont été définis par ceux du Nord. Ce sont fondamentalement des droits individualistes. La notion de collectivité, de communauté, y est peu présente. Or, c’est cette notion qui se trouve à la base de nombreuses organisations sociales du Sud. Je n’ai jamais été en Chine, mais j’ai travaillé dans des pays asiatiques. Et je sais que les relations, notamment hiérarchiques, ne s’y vivent pas de la même manière que chez nous. Cette réalité ne peut justifier le moindre coup de canif aux droits de l’homme. Mais il nous faut quand même comprendre que les réalités sociales sont différentes de culture à culture, que les relations sociales ne sont pas organisées partout sous le même modèle que les nôtres. Il nous faut aussi ne pas oublier que les Chinois étaient en 2007 au nombre de 1 321 851 888 personnes – un être humain sur 5 – qui, il n’y a pas si longtemps encore, vivaient dans des régimes vassaliques. La démocratie à l’occidentale ne s’est pas faite en une décennie… et quand on voit comment elle est vécue ci et là, on peut se dire qu’il lui faudra encore de nombreuses années pour réellement respecter les droits de l’homme. Chaque droit, de chaque homme. N’exigeons pas de sociétés organisées d’une autre manière que les nôtres de brûler les étapes.

Œuvrons quotidiennement pour le respect des droits de l’homme. En Chine comme ailleurs. En commençant par chez nous. En commençant par notre vécu quotidien, avec nos proches, avec les exclus de nos sociétés. Chaque fois qu’un droit de l’homme est méprisé, c’est toute l’humanité qui est bafouée. Osons nous regarder en face. Osons dépasser les murailles, celles des autres comme les nôtres.

1 commentaire:

  1. Tu fais bien de souligner la complexité des choses : elles le sont toujours.
    Pour toutes les raisons culturelles que tu évoques, je ne suis pas trop pour l'ingérence non plus, en général. Et sûrement pas pour la violence. Et l'histoire a besoin de temps. Mais en attendant, combien de massacres, de peuples laminés ?
    Le dalaï-lama non plus ne prône pas la violence. Mais comment dialoguer avec qui ne comprend qu'elle ?

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