mercredi 24 septembre 2008

L'arme absolue

Ce rouleau de papier collant, que les peintres utilisent pour masquer les parties qui ne doivent pas être recouvertes de peinture, est l’arme absolue. D’ailleurs, je ne m’en sépare jamais. Partout où je vais dans le monde, j’ai toujours un tel rouleau dans mon sac à dos. Je ne l’ai jamais regretté : c’est fou le nombre de petits problèmes que j’ai déjà résolus avec lui. Des clous qui dépassent d’une chaise et qui griffent la peau dès qu’on bouge un peu celle-ci, des bouts de valise qui se décomposent, des panneaux qu’on doit afficher sur des murs dont il ne faut surtout pas abîmer la peinture, et des tas d’autres petits bricolages que j’ai oubliés tant ils ont rapidement trouvé une solution grâce à mon tape.

Mais voilà, il n’y a pas que moi qui suis au courant qu’il s’agit de l’arme absolue. Les contrôleurs de sécurité de l’aéroport CDG de Paris le savent aussi. D’ailleurs, ils n’ont pas hésité un seul instant pour me confisquer mon rouleau lors de mon dernier passage. Quand je les ai interrogés sur le bien-fondé de cette confiscation, la réponse a jailli, évidente : « Mais vous pouvez menotter n’importe qui avec ça ! ». Euh, oui, effectivement, je n’y avais pas songé. Pas sûr que cette menotte tiendrait longtemps… quoique ! Il ne faut quand même pas oublier que c’est l’arme absolue.

Ce qui me surprend quand même, c’est que depuis la mise en place de ces indispensables contrôles de sécurité, c’est la première fois qu’on s’étonne de trouver un tel rouleau dans mon sac qui pourtant a fait l’objet de plus d’un contrôle.

Il faut bien avouer que ces braves contrôleurs – que je remercie d’habitude pour le boulot qu’ils font, ce qui les étonne toujours – devaient sans doute s’ennuyer dimanche passé et qu’ils avaient décidé de faire quelques victimes. Je suis bien resté un quart d’heure entier à voir ma petite valise et mon sac fouillés dans tous les sens, auscultés, examinés sous toutes les coutures. Visiblement, comme ils avaient déniché l’arme absolue, mon malheureux rouleau, je devais certainement être un dangereux personnage. Ils ont d’ailleurs trouvé une autre arme très périlleuse : une aiguille de seringue ! Dès que le pandore, l’air triomphant, l’a sortie de ma trousse de toilette, je lui ai dit qu’il pouvait la garder, que je n’allais pas chercher à lui expliquer ce qu’elle faisait là. Aurait-il compris qu’en cas de blessure quelconque, on n’a pas toujours envie de se faire piquer avec n’importe quelle aiguille dans les pays où je vais… Je n’ai pas osé lui avouer que depuis que je trimballe cette aiguille, elle ne devait certainement plus être aseptisée et qu’il valait mieux la liquider. D’autant plus, n’oublions pas, que j’avais quand même été pris en flagrant délit de port de rouleau de masquage de peintre !

Tout ça n’est pas très grave, j’en conviens aisément. D’autant plus que j’avais tout le temps devant moi avant le départ de mon avion, qu’il n’y avait qu’une poignée de personnes à passer les contrôles à ce moment-là et que – je le répète – ces contrôles de sécurité sont absolument (malheureusement) indispensables dans l’univers où nous vivons.

N’empêche, ça ressemblait quand même un peu à une grève du zèle, alors même que ce type d’action est illicite en France ! On peut le comprendre : si tous les contrôleurs de sécurité commencent à contrôler comme ils le doivent, il n’y aura plus aucun avion qui partira à l’heure, en admettant qu’il y en ait encore qui partent. C’est évident pour tous ceux qui font un métier de contrôle, mais c’est valable aussi pour n’importe quel métier. Il suffit d’appliquer scrupuleusement les règlements et autres procédures pour bousiller toute organisation. Heureusement, la plupart des personnes sont compétentes et savent que pour que les choses fonctionnent dans la vie, il ne faut pas être trop regardant sur les règlements. Être compétent, c’est (notamment) pouvoir apporter une réponse appropriée et inédite face à une situation nouvelle. Alors, les règlements, vous pensez bien…

Quoi qu’il en soit, dès mon retour, je remettrai dans mon sac un rouleau de papier collant de peintre, question d’avoir toujours avec moi l’arme absolue !

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