mardi 24 mars 2009

Démocratie en demi-teinte

FMG © 2007

La communauté internationale est, pour l’instant, unanime : ce qui s’est passé à Madagascar est incompatible avec les concepts démocratiques. Mais qu’est-ce que la démocratie ? J’ai déjà abordé ici la question, il y a deux ans, juste après une autre mission à Madagascar. Mon entrée était alors les différentes élections qui avaient lieu à l’époque, sans que cela ne change vraiment grand chose. J’avançais que ce qui caractérise vraiment la démocratie n’est sans doute pas cette fausse délégation de pouvoir liée aux élections, mais l’alternance.

Et voilà qu’une alternance existe de fait, ici, à Madagascar. En dehors de tout cadre légal et de toute élection. Cette alternance est-elle pour autant non démocratique ? Je n’oserais pas l’affirmer. Elle ne correspond pas, il est vrai, aux concepts démocratiques occidentaux. Mais peut-être s’inscrit-elle dans une vision démocratique malgache dans la mesure où elle semble avoir l’assentiment d’une majorité de malgaches.

Personne ne conteste que le Président déchu, M. Marc Ravalomanana, a permis à Madagascar de se développer. De nombreux travaux ont eu lieu sous son impulsion. Il n’est sans doute pas contestable non plus qu’au fur et à mesure du temps, il a plus utilisé le « je » que le « nous », en prenant les décisions qui lui convenaient sans trop se soucier des autres. Une opposition naturelle est née, réunissant les ressentiments de nombreuses personnes. Cette opposition s’est amplifiée et a pris confiance en elle. Cela a créé un peu de panique du côté du Président. Un jour, ses troupes ont tiré sur les contestataires, en en tuant plus d’un. Ce n’était plus, pour de nombreux Malgaches, un Président, mais un tueur. La suite est logique. Certains militaires ont à leur tour retiré leur confiance au chef suprême. À partir de là, il ne pouvait plus tenir longtemps. Il a finalement remis le pouvoir à un Directoire militaire. M. Andry Rajoelina a déclaré que ce n’était pas cela qu’il voulait et le Directoire lui a remis les pleins pouvoirs en déclarant le faire en toute autonomie. La passation a été avalisée par la Haute Cour Constitutionnelle. Le peuple, surtout, a manifesté son enthousiasme devant ce qu’il considère comme sa victoire. Il y a bien sûr des insatisfaits, mais il semble en réalité que la grande majorité approuve le changement, sans se poser plus de questions et sans ressentir le besoin de le valider par des élections.

N’est-ce pas aussi une forme de démocratie ? Personnellement, je n’approuve pas la manière et il est trop tôt pour dire si j’approuve le fond. Mais je m’interroge sur le sens profond de la démocratie. Celui-ci ne doit pas être occulté par des règles formelles. C’est un peu comme le concept de « qualité » zéro défaut. Pour promouvoir cette qualité, des paquets de normes ont été édictés (ISO, AFNOR, etc.). Certaines entreprises ont tellement investi dans ces normes qu’elles en ont un peu oublié le sens premier : viser la qualité. Au bout du compte, elles perdent plus de temps à respecter les procédures qu’à mettre réellement en œuvre une politique de qualité.

Sans doute ne peut-on pas tout se permettre avec la démocratie… Mais plutôt que de condamner une alternance non votée, ne faut-il pas essayer de la comprendre et de lui donner sens ? Je pose la question… sans nécessairement avoir la réponse.

1 commentaire:

  1. Merci pour tes précisions, qui confirment ce qu'il me semblait : il n'est pas urgent de juger...
    Bien sûr, les démocraties occidentales, qui ont un avis sur tout, donnent leur avis. Mais au nom de quoi donnent-elles des leçons de démocratie ? On se le demande.
    Bien sûr, c'est un coup d'état, cela correspond à la définition, mais avec le soutien majoritaire du peuple, l'est-ce vraiment ? Je n'en sais rien.
    Les dirigeants des démocraties occidentales sont troublés par cette alternance non élue mais plutôt musclée. Mais le risque n'est-il pas inhérent au pouvoir ? Peut-être est-ce difficile à entendre dans nos démocraties confites de pouvoir confortable, mais ce pays de démocratie plus jeune, plus énergique et moins compassée nous le rappelle... Peut-être utilement.

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