Lorsque nous étions au début du confinement, il m’était venu l’idée d’écrire une carte blanche. Ma tendance procrastinatoire m’a amené à retarder le projet jusqu’au jour où les idées que je voulais avancer l’ont été par d’autres ! Tant pis pour moi, tant mieux pour le système. Je voulais mettre en avant que les circonstances confinatoires étaient idéales pour prendre une mesure éducative salutaire : supprimer tous les examens et autres évaluations et décréter la réussite pour tous les élèves, sans autre forme de procès ! Tout au plus aurait-il été opportun de gérer – pour l’enseignement obligatoire – les années certifiantes, à savoir simplement la 6e et dernière année du secondaire.
C’est plus ou moins ce qui a été décidé et recommandé par la Ministre, sans aller jusqu’au bout de la logique cependant. Tout au plus, la circulaire de la Communauté française de Belgique du 19 mai précise que « le redoublement doit être exceptionnel », en appelant les écoles à faire preuve de bienveillance et à prendre les décisions « en dialogue avec les parents et les élèves ». Dans la pratique, on constate que les conseils de classe souverains ont pris de nombreuses décisions d’échec, souvent sans concertation ni justifications. Au-delà des nombreux recours engendrés par cette situation de fait, on ne peut qu’être interpellé par cette pratique éducative qui consiste à considérer l’échec d’un élève comme une bonne mesure qui va l’aider et permettre de maintenir le bon niveau général. Toutes les études réalisées dans ce domaine ont beau montrer depuis des années que le redoublement ne sert à rien et coûte une fortune, cela ne change rien à cette vague culturelle insubmersible auprès des enseignants convaincus qu’il est bon de faire échouer un élève alors même que c’est exactement l’inverse de leur raison d’être ! En réalité, la majorité de ces échecs sont abusifs et ont pour principal effet de dégoûter un peu plus les élèves qui en sont victimes. Si on veut vraiment aider un élève en difficultés d’apprentissage, la meilleure manière est d’abord de lui faire confiance et de l’encourager en lui fournissant éventuellement une aide appropriée qui peut prendre de multiples formes. Il a été prouvé que laisser l’élève avancer avec son groupe-classe est le meilleur moyen de faire progresser ses apprentissages tout en lui permettant de (re)valoriser son image de soi. L’échec ne sert, la plupart du temps, qu’à enfoncer.
Le confinement était l’occasion rêvée de mettre en pratique cette réalité. La volonté des responsables du système était présente, mais ce sont les enseignants et les directions d’école qui décident au bout du compte. On voit ce que cela donne. C’est désastreux. Dans ce brouillard, il faut saluer la décision prise par le pouvoir organisateur Wallonie-Bruxelles Enseignement, responsable de l’enseignement « officiel de la Communauté » qui concerne 127 000 élèves : pas d’examen en 2020, ni en septembre, ni même et surtout en décembre. Il s’agit d’une mesure salutaire qui influencera, on peut l’espérer, les autres pouvoirs organisateurs. Pas d’examen, cela veut dire qu’on prend le temps de faire autre chose. Faire quoi ? Enseigner et apprendre, tout simplement. C’est la seule raison d’être de l’école.
Pour accompagner ces apprentissages, il est sans doute nécessaire de mettre en place des moments d’évaluation. Ceux-ci ne devraient jamais être que « formatifs », c’est-à-dire au service des apprentissages des élèves. Deux objectifs : établir un diagnostic des apprentissages pour voir et comprendre ce qui va et ce qui ne va pas ; mettre en place une « thérapie » pour soigner ce qui ne va pas. Tout le reste est inutile d’un point de vue pédagogique. Or, ce « tout le reste » est beaucoup plus envahissant dans la vie scolaire habituelle. Toutes ces évaluations soi-disant certificatives prennent un temps inestimable, volé au temps d’apprentissage, et ne débouchent que sur des décisions négatives qui ruinent le parcours des élèves, sans aucune raison sensée.
Tout cela, on le sait depuis longtemps. Tous ceux qui se sont penchés sur la question sont d’accord. Il n’y a pas de discussion. Seule notre « culture éducative » résiste. Et si cette foutue pandémie permettait de réellement mettre en œuvre une pédagogie positive, basée sur la réussite…
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