Imaginez-vous dans la situation de gauche. Le tram arrive et devrait partir vers la droite en écrasant les 5 travailleurs. Vous avez la possibilité de modifier l’aiguillage pour que le tram parte vers la gauche et n’écrase qu’un seul travailleur. Que faites-vous ?
Imaginez-vous maintenant dans la situation de droite. Le tram arrive et va écraser les 5 travailleurs. Vous avez la possibilité de pousser le promeneur au bas du pont. Il sera écrasé par le tram, mais vous sauverez du même coup les 5 travailleurs. Que faites-vous ?
Ce sont de toute façon deux situations atroces. A-t-on idée d’imaginer des trucs pareils ? En attendant, la présentation de ces deux situations à un large public, par un certain Greg Miller, psychologue spécialisé dans ce genre de dilemmes, montre que la plupart des gens n’hésitent pas à condamner le travailleur de gauche, mais rechignent à pousser le promeneur de droite (sans que ce soit, je crois, une question politique !). « Dans ce cas, notre émotion trompe notre logique utilitaire », note Miller (cité dans Le Soir, 5 juin 2008).
N’est-on pas là au cœur de l’humanité ? Ce qui caractérise l’être humain, n’est-ce pas cette faculté de prendre des décisions différentes en fonction de la situation ? L’équité – puisque c’est d’elle qu’il s’agit – n’est pas l’égalité. Au contraire, pour être équitable, on prendra des mesures de discrimination positive, bien connues dans le monde de l’éducation : on donne plus de moyens à des écoles qui sont confrontées à des populations plus difficiles.
Dans l’éducation familiale, c’est aussi quelque chose qui se vit fréquemment. Face à deux comportements plus ou moins semblables de deux de ses enfants, on adopte des attitudes différentes en fonction de ce qu’est chaque enfant, de ce qui nous semble bon pour lui.
Est-ce simplement une question d’émotion comme le laisse à penser les travaux de Miller ? Ou est-ce plus fondamentalement une question d’humanité, de subjectivité en tant qu’élément constitutif de l’être humain ? Dans notre culture occidentale, la subjectivité occupe une noble place : elle est fondatrice de l’individu, en liaison avec sa rationalité. Elle s’exprime dans le cogito cartésien (Je pense, donc je suis), selon lequel le sujet est celui pour qui le monde est une représentation, un tableau déployé devant le regard.
À cet égard, l’éclosion des blogs – dont celui-ci n’est qu’une parcelle infime – est un phénomène extraordinaire en soi : tout le monde peut exprimer et partager sa subjectivité et chacun s’enrichit de cette subjectivité exprimée et partagée. Quand on y pense, c’est assez exceptionnel !
Beau sujet de réflexion que vous nous offrez là.
RépondreSupprimerMerci.
Je deviens inconditionnelle de votre blog :-)