Les élèves de 6e primaire de la Communauté française de Belgique sont en train de passer une épreuve externe certificative. En réalité, cette année, l’inscription des écoles à cette épreuve – quelque peu critiquée eu égard à son niveau de difficulté – est facultative et la filière dite « scolaire » d'octroi du Certificat d’Études de Base (CEB) est toujours d’usage. Cette filière « scolaire » signifie que ce sont les enseignants membres de l’équipe éducative de l’école qui décident de la réussite des élèves, sur la base des résultats des épreuves externes, mais aussi de leur propre évaluation, que celle-ci soit instrumentée ou non.
Dès 2009, l'épreuve commune constituera la seule voie d'obtention du CEB, répondant ainsi – selon le Ministère – à une nécessité : évaluer et certifier tous les élèves sur une même base.
La belle affaire ! Faut-il vraiment – et peut-on vraiment – « certifier tous les élèves sur une même base » ? Les résultats désastreux obtenus aux évaluations externes non certificatives, du type PISA, par les élèves de la Communauté française de Belgique ont été attribués en grande partie à cette spécificité belge : l’absence de toute évaluation certificative commune, de type BAC. On a pu observer que les niveaux scolaires diffèrent fortement d’école à école. Comme il n’y a pas d’évaluation commune, on en a déduit que les enseignants n’ont pas le même niveau d’exigence et patati et patata. Solution miracle : imposer une épreuve commune, sans plus trop se préoccuper du parcours scolaire de l’enfant.
En soi, il n’y a pas de mal à avoir une évaluation externe. La plupart des pays pratiquent ce genre de choses. Mais la plupart de ces pays prennent aussi du recul par rapport à ce type d’épreuves. Même un pays comme la France, où le BAC est une véritable institution de la République, n’évalue plus les études primaires par un examen terminal, et le BEPC, s’il est maintenu, n’est pas nécessaire pour le passage au lycée (ce passage se décide au vu des résultats obtenus pendant l’année de 3e). Au baccalauréat lui-même, des réformes récentes ont introduit des doses de « contrôle continu » qui amenuisent l’effet de l’examen final. Les ministres successifs ont constamment approfondi cette voie.
Mais voilà, en Belgique, on aime bien aller à l’encontre des tendances internationales et soigner sa spécificité. Alors que pendant des années, personne n’imaginait qu’on puisse confier les décisions finales à d’autres personnes que les enseignants eux-mêmes, seuls à même de connaître vraiment le niveau pédagogique de leurs élèves, il n’y a pas trop de monde aujourd’hui qui ose se lever contre cette dictature de l’évaluation externe.
Comment peut-on croire qu’un examen commun amènera tous les élèves au même niveau ? Comment peut-on accepter que le sort d’un enfant de 12 ans se joue en 4 journées sur la base d’un couperet tombant de haut, dans toute sa froideur ?
Plusieurs recherches ont montré que le meilleur prédicteur de la réussite d’un élève dans l’année suivante était l’avis subjectif des enseignants. Simplement parce qu’ils connaissent bien l’élève, qu’ils ont pu voir pendant toute une année les forces et les faiblesses de chaque enfant. Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas du tout en train de dire qu’il suffirait de baser la réussite sur l’avis subjectif des enseignants. Ce serait évidemment bien trop dangereux, car ce serait la porte ouverte à l’arbitraire. Mais je dis que les enseignants connaissent bien leurs élèves et qu’un système éducatif gagne à s’appuyer sur cette connaissance pour prendre les bonnes décisions au terme d’un cycle primaire. Ce ne doit pas être le seul élément de décision, bien au contraire. Il est important d’évaluer à l’aide d’outils structurés, valides et fiables. Une épreuve externe commune peut être un outil précieux pour éclairer la décision. Mais cette épreuve doit-elle être la seule base de la certification ? C’est une erreur, je crois, de le penser.
Cette erreur n’est bien sûr pas très grave pour ceux qui la commettent : les responsables politiques et quelques pédagogues bien éloignés de la réalité. Mais elle est très grave pour ceux qui en seront les victimes : les élèves. Ceux qui seront confrontés à un échec abusif. Il y en aura. Peut-on sacrifier certains enfants sous le prétexte fallacieux d’améliorer tout le système ? Le système est certainement à améliorer. Il est évident que certains enfants sont actuellement victimes de ce système, parce qu’ils n’apprennent pas assez, ou pas ce qu’il faut ni ce dont ils ont besoin. Il faut améliorer le système, mais le fera-t-on en se contentant de mettre un guichet filtrant à la porte de sortie ? N’y a-t-il pas mieux à faire ? Accompagner les enseignants… Leur fournir des outils opérationnels et expérimentés qui permettent d’harmoniser les pratiques et de les rendre efficaces…
Au lieu de soigner le système, j’ai bien l’impression qu’on se contente de mettre un sparadrap !
avez-vous envisagé que les bonnes ou mauvaises fées penchées sur l'épaule d'un élève puissent, par leurs oracles, influer en mots sur le devenir d'un élève ? Une partie de la causalité "appréciation / réussite" me semble devoir être examinée à rebrousse-poil : "à quoi bon travailler puisque tout le monde dit que je ne devrais même pas être dans cette classe, que je suis nul ..."
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