jeudi 26 novembre 2009

Amalgames

Amalgame © Alexandre Bardel 2006

Dans un blog ami, Grains de sel a récemment raconté son émoi face à une caissière d’un supermarché dans lequel s’était déroulé un braquage pour quelques sous. La caissière, fort émue sans doute, avait décrété – sans rien en savoir sans doute – qu’il s’agissait de « bougnouls » qui ont tous les droits et qui peuvent tout obtenir parce qu’ils s’appellent « Mohamed ». Sacré paquet d’amalgames !

L’avis de mon amie, assistante sociale, était très posé et nuancé, même si elle ne cachait pas son agacement devant cette bêtise humaine.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais un personnage douteux – se prénommant Le Hutin, médecin à la retraite – a cru bon d’ajouter quelques commentaires. C’est là que les amalgames deviennent tragiques. Du banal émoi d’une caissière victime – directe ou indirecte – d’un fait divers malheureusement devenu banal lui aussi aujourd’hui, on en est venu à tout mettre dans le même panier : les « bougnouls » en question seraient les plus racistes, notamment parce qu’ils refuseraient de consommer porc et whisky ; ce ne seraient d’ailleurs que des barbares ; il faudrait les pendre et s’ils commettent des actes aussi répréhensibles, c’est parce qu’on n’en liquide pas suffisamment, etc.

L’agacement de mon amie s’est transformé chez moi en nausée devant tant d’amalgames.

Qu’on ne me fasse pas dire ici ce que je ne dis pas. Un délinquant commet un acte répréhensible. La société doit se protéger d’une récidive. Cela prend la forme d’une punition qui le plus souvent est la privation de liberté. Cette punition, atroce en soi, protège la société à court terme, mais pas à long terme. Le délinquant, à un moment donné, sort de prison. Si on n’a rien fait pour essayer de le réinsérer, il ne pourra que recommencer ses méfaits, ne fut-ce que par vengeance ou rancune. Il faut donc agir, quand il est emprisonné, pour le rééduquer, voire même simplement l’éduquer. Ce n’est pas une tâche facile. C’est même un euphémisme de dire qu’elle est éminemment complexe. Mais c’est la seule issue.

Tous les délinquants, quels qu’ils soient, sont des êtres humains. Certains ont perdu beaucoup de leur humanité, sans doute. Ou n’ont pas réussi à la gagner. Mais ils restent humains. Comme vous et moi.

L’enjeu de nos sociétés est de faire de nous tous de vrais humains. Reconnus en tant que tels. Chaque geste d’humanité en crée un peu plus. Chaque geste de déshumanité détruit un peu l’humanité. Cette double relation est en fait assez simple.

Parviendrons-nous jamais à construire ensemble, sans amalgame, malgré la diversité des personnes, des parcours, des expériences de vie ? J’en doute parfois, mais comme chantait John Lennon, « imagine »…

6 commentaires:

  1. Oui, il est vrai que ce monsieur avait l'art de tout mélanger, comme Grains de sel le lui a rappelé d'ailleurs. Et il est vrai que son style un peu grandiloquent renforçait le poids de sa pensée.

    Pour le reste, je suis globalement tout à fait d'accord avec ton analyse, qui coule de source comme toujours. Mais pour moi, il y a délinquance et délinquance. Entre un délinquant qui braque (avec le traumatisme que cela peut engendrer néanmoins) et un délinquant qui porte atteinte à la vie d'autrui, il y a un monde. J'ai toujours eu beaucoup de mal à voir le côté être humain chez celui qui tue ou qui viole. J'ai souvent l'impression que chercher à le réinsérer, c'est aussi une façon d'amoindrir la portée de son acte. Enfin bon, je crois que j'aurai du mal à changer d'avis sur ce plan là, nous en avions d'ailleurs déjà discuté auparavant.

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  2. un jour, j'ai entendu quelqu'un parler de "parasites"...

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  3. Sur le fond, je suis complètement d'accord, évidemment, avec ton texte qui complète et prolonge ma réflexion.
    Cependant, pour rester précis et nuancé, il me semble que si Le Hutin parlait de porc et de whisky, c'était pour dire que c'était peut-être la cause de ses ulcères... Cela pouvait sous-entendre ce que tu dis, mais bon, ce n'était pas dit.
    Merci en tout cas de redire que l'humanité est l'affaire de tous...

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  4. Nous avons déjà discuté de cela, effectivement, Franck. Il est évident qu'il y a délinquant et délinquant. Certains sont malheureusement irrécupérables. Sont-ils moins "humains" pour autant ? Je n'en suis pas sûr, même si - comme toi - je me pose des questions parfois.

    Bien vu, Cath : Le Hutin n'a pas écrit ce que j'ai dit, mais je ne crois pas une seule seconde qu'il pense que ses ulcères sont dus au porc et au whisky ! Gardons-lui le bénéfice du doute. Après tout, c'est un être humain aussi ;)

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  5. oui effectivement ce sont des parasites les pire sont des terroristes ou en tous k nus harcelent en bus ou train avec leur bruit hiphop&impolites

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