mercredi 6 octobre 2010

Saint Diktat

Ce matin, me rendant paisiblement au travail en traversant le Zoning-Nord de Wavre (Zoning = zone d’activités), j’ai croisé une petite action syndicale. Cinq ou six travailleurs vêtus de veste rouge, tenant à la main des ballons tout aussi rouges, organisaient un barrage filtrant pour les voitures qui se rendaient dans les entreprises de cette zone, essentiellement GlaxoSmithKline. Je ne suis pas sûr que le sort des employés et des ouvriers de cette entreprise soit le plus exécrable, mais enfin, il y a toujours à revendiquer.

Cette petite manifestation me semblait bien sympathique : les syndicalistes, avec leurs beaux ballons rouges, distribuaient des cacahouètes aux automobilistes afin – j’imagine – de les convaincre du bien-fondé de leur action dénonçant apparemment le recours abusif à l’intérim. Pourquoi pas après tout ?

Moi, j’étais de l’autre côté de la route et j’avançai donc sans problème. Mais il ne me fallut pas longtemps pour commencer à me poser des questions. Derrière ce barrage anodin et sympathique, il y avait des centaines de voitures – peut-être des milliers – qui étaient bloquées sur les routes, jusque et y compris sur l’autoroute. Parmi toutes ces voitures, de nombreux automobilistes ainsi que des bus des transports en commun se retrouvaient complètement à l'arrêt sans qu’ils aient quoi que ce soit à voir avec le problème des manifestants.

Même si je n’ai jamais été moi-même syndiqué – trop indépendant pour ça – je considère que le combat syndical a été et est encore indispensable dans nos sociétés. C’est grâce aux syndicats que nous pouvons vivre dans une société qui respecte un tant soit peu les travailleurs. Si la négociation est évidemment l’outil essentiel du travail syndical, je reconnais aussi qu’ils doivent parfois mener des actions marquantes pour faire entendre leurs revendications.

Néanmoins, je ne suis pas convaincu qu’il leur soit légitime de bloquer la circulation de toute une région (déjà compliquée par de nombreux travaux) et d’empêcher d’autres travailleurs, n’ayant rien à voir avec le problème en question, de se rendre normalement à leur travail. C’est le genre d’actions qui – malheureusement – me détourne du travail syndical (et je ne suis sans doute pas le seul). Les syndicats plaident pour le respect des travailleurs, mais ne les respectent pas toujours. Ils devraient être un outil de démocratisation de la société, mais s’érigent parfois en véritables dictateurs du dialogue social, ne voulant imposer que leur vision des choses et leur manière d’agir.

Qu’on me comprenne bien : je répète qu’aujourd’hui encore, le combat syndical me semble essentiel. Mais peut-être doit-il prendre des formes plus subtiles. À analyser cas par cas. Quand des millions de travailleurs manifestent dans les rues de France pour faire entendre leur avis par rapport à l’allongement de l’âge de la retraite, je les comprends bien. Même si je sais qu’il faut bien trouver une solution au financement des retraites et si en temps que belge pour lequel l’âge de la pension est fixé à 65 ans, je me dis qu’il ne doit pas être trop pénible de le faire passer à 62 ans ! Mais il est légitime, pour les syndicats, de contester une mesure qui revient sur des droits acquis sans qu’il y ait de véritable dialogue.

Par contre, je crois que je ne pourrai jamais accepter que quelques isolés imposent à la collectivité un blocage de ses activités sous le seul prétexte d’une revendication dont la légitimité n’est pas nulle, mais prête quand même à discussion.

6 commentaires:

  1. Malheureusement, quelque part, ce sont toujours les usagers que l'on prend en otage... éternel problème de ce type de manifestations...
    D'accord sur tout, en tout cas !

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  2. C'est dommage que dans les embouteillages on ne puisse écouter la musique de l'allumeur de rêves (et rebères ) .
    Merci en tout cas de rappeller que le droit de grêve se heurte aux autres droits ( à la libre circulation , au travail , ... ) et est donc une arme à utiliser à bon escient .

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  3. François, je dois t'avouer, si tu ne le savais pas déjà, qu'il y a plus de 20 ans, en mai 1990, j'ai participé moi aussi à des blocages de circulation ! Cela se passait à l'entrée du tunnel du Cinquantenaire, à Mérode. De nombreux observateurs de l'époque considèrent d'ailleurs que ces blocages, qui ont été montrés dans les JT, ont été essentiels dans la montée en puissance du mouvement enseignant de 1990. Pour l'anecdote, je te rappelle que ce mouvement avait comme première revendication ... la révision de la loi de financement des régions et communautés !!!! Je me suis toujours demandé ce qui se serait passé si le petit groupe dont je faisais partie n'avait pas décidé ce genre d'action ... C'est pourquoi je respecte toujours infiniment ceux qui se lancent dans des opérations du même type, même s'ils ne sont que 5 ou 6 et même s'ils sont de couleur rouge !

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  4. Merci à chacun pour le soutien !

    @Anonyme : Je ne sais pas qui vous êtes… mais il est très simple d'écouter l'Allumeur de réverbères dans les embouteillages : il suffit d'acheter le CD !!! ;)

    @Philippe : Sur ce coup-là, je m'attendais au fait que tu ne sois pas d'accord… et je n'espère pas te convaincre de quoi que ce soit.
    Cela dit, il est amusant que tu te réfères aux grèves de 1990. J'y ai participé activement (mon école étant aussi à la pointe des actions). Mais plus je manifestais, plus je me posais de questions… et j'ai fini par ne plus manifester et pire, par être dégoûté de ce type d'actions syndicales qui me semblaient une immense atteinte aux droits des gens et surtout des enfants ! C'est mon analyse : je ne te demande pas de la partager ! De plus, selon moi, toutes ces actions n'ont servi à rien (si ce n'est à faciliter mon changement de boulot, mais ça c'est une autre affaire).
    J'insiste sur le fait que je n'ai rien contre le combat syndical, indispensable selon moi. Mais honnêtement, ce barrage, ce matin, n'aura servi à rien si ce n'est à braquer de nombreuses personnes contre les syndicats. Si c'est cela qu'ils veulent, alors tant mieux pour eux ! Mais je n'en suis pas persuadé ! :)]

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  5. Il y a le droit de grève mais aussi le droit au travail. Des grévistes peuvent-ils, en bloquant la circulation, imposer aux autres d'arriver en retard à leur travail ? Qu'ils se montrent plus créatifs, ils seront peut-être plus percutants !

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