dimanche 7 novembre 2021

Derrière la saleté


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La vie est loin d’être un long fleuve tranquille. En réalité, la plupart du temps, on est dans la saleté, de près ou de loin. Il est parfois possible d’utiliser un aspirateur. Ce sont des appareils qui n’arrêtent pas de se perfectionner et qui sont de plus en plus autonomes. Il suffirait donc de leur laisser faire leur job, mais il faut encore leur dire de le faire et surtout les vider de cette saleté simplement déplacée. Et cette souillure prend elle-même tant de formes différentes…

Elle s’immisce là où elle peut, sans trop se poser de questions. Quand elle n’est que poussière externe, ce n’est pas trop grave. Mais lorsque c’est notre corps qui en devient l’hôte, c’est une autre question. Et les aspirateurs, aussi performants qu’ils soient, ne peuvent pas toujours être d’une grande aide.

Prenons mes pieds. Comme écrivait Prévert, dans son poème « Dans ma maison » :

C'est très intelligent les pieds
Ils vous emmènent très loin quand vous voulez aller très loin
Et puis quand vous ne voulez pas sortir
Ils restent là, ils vous tiennent compagnie
Et quand il y a de la musique, ils dansent
On ne peut pas danser sans eux
Faut être bête comme l'homme l'est si souvent pour dire des choses aussi bêtes
Que "bête comme ses pieds", "gai comme un pinson"…

On ne peut pas marcher sans eux non plus. Depuis plus de dix ans, à chaque pas que je fais, j’ai mal. Mal à la plante des pieds. J’ai mal quand je marche, mais aussi quand je ne marche pas. Je suis bien sûr allé voir l’un ou l’autre podologue. Je porte des semelles dont je ne peux plus me passer, mais qui pourtant ne sont jamais parvenues à régler mon problème. J’ai fait de la kiné, mais sans plus de succès. Depuis le temps, je me suis fait une raison. Ça ne m’empêche pas de marcher et de faire des balades à défaut de ballades. Ça fait mal, mais – derrière la saleté – il y a les lumières qui éclairent toujours le chemin de manière sans cesse renouvelée.

Mon problème de pieds me pourrit la vie, mais il n’est de toute évidence qu’un détail, qu’un simple désagrément. Je suis bien placé pour le dire : il y a des saletés bien plus sournoises que ces pépins qui picotent ma base corporelle.

Ces saletés-là ne se posent pas plus de questions que la crasse usuelle. Elles s’installent sans qu’on leur demande ni qu’on les y autorise et pénètrent dans toute ouverture qui s’offre à elles. Sans qu’on puisse y faire grand-chose. Aspirer, inspirer, transpirer, respirer…

Et pourtant, derrière toute cette saleté, il y a des lumières auxquelles on ne s’attend pas, il y a des découvertes qui rapprochent, il y a des forces qui alimentent la vie, il y a des étincelles qui permettent de croire qu’un demain reste possible. Il faut juste regarder…

Il nous faut regarder
Ce qu'il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eau
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient.

(Jacques Brel)


5 commentaires:

  1. Très beau et très vrai ! Bonsoir à tes pieds

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  2. Les pieds pour les mettre dans l'eau et rencontrer des filles sur le bord.

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  3. Il y a toutes sortes de mots pour dire ce que tu nommes "saleté". "Souffrance" en est un autre. Et la "sagesse" pourrait pourrait prendre la place de "aspirateur". D'autant que dans "aspirateur", j'entend "aspiration". Une affaire de souffle.

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    1. Bien d'accord ! La prochaine fois que tu laisses un commentaire, pourrais-tu laisser un indice quelconque qui permet de savoir qui tu es ? Merci !

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