jeudi 21 juillet 2022

La fête nationale des réseaux sociaux

 

 
Hier, mon attention est attirée par une publication sur le groupe Facebook le plus vivant de ma commune : voisins d’une des bases aériennes concernées, quoi de plus normal ! Au moment où j’écris ce billet, je n’arrête pas d’ailleurs d’entendre les avions qui se préparent (alors qu’ils ne défileront que dans deux heures). Bref, presque naïvement, je me permets de poster un premier commentaire : « Ça fait combien de litres de carburant ? »
 
Je l’avoue, cette question n’est pas purement informative. Elle reflète mes préoccupations face au coût et à la rareté des énergies fossiles et surtout à l’impact de leur utilisation sur le dérèglement climatique, difficilement niable désormais. Mais enfin, ce n’est qu’une question. La première réponse que je reçois, de la part de l’auteure de la publication, est d’ailleurs du même ordre : « Beaucoup… ». Tout est dit, sans entrer dans une quelconque polémique. Celle-ci ne va pas tarder à s’inviter !
 
Le deuxième commentaire l’introduit : « On peut bien dépenser quelques litres de carburant pour mettre à l'honneur notre armée ». Fils d'un Colonel qui a passé toute sa vie professionnelle dans l’armée, notamment comme prisonnier de guerre durant 5 ans, je pense qu’on peut bien mettre à l’honneur notre armée, d’autant plus que sa dimension sociale au service des citoyens ne fait qu’augmenter au fil des années. Faut-il dépenser pour cela quelques (milliers) de litres de carburant, je n’en suis pas convaincu dans le contexte actuel. Contribuer ainsi consciemment à la crise climatique est-il vraiment en rapport avec l’hommage à rendre à nos armées, alors même que le Roi Philippe a attiré – lors de son allocution aux Belges – leur attention sur les risques que nous courons et sur la nécessité de diminuer notre empreinte écologique ? J’en doute.
 
Le troisième commentaire attise la polémique : « Ah, les membres de la secte sont de sortie… c’est vrai qu’il y a un nid dans le BW ». Ce commentaire est vraisemblablement incompréhensible pour la majorité des citoyens. Mais de quelle « secte » parle l’auteur ? S’agit-il de belgicains insensibles aux questions climatiques ? Peu vraisemblable, d’autant plus qu’on voit mal ceux-ci réunis dans une secte…
 
On trouve peut-être une réponse dans certains commentaires qui suivent (je corrige les fautes linguistiques) : « Les écolos, vont-ils bloquer le défilé, comme ils l'ont fait avec le Tour de France ? » ou encore « Pour avoir des pilotes expérimentés, il faut tout de même qu'ils volent un certain nombre d'heures. Que cela plaise ou non aux Ecolos » ! On suppose donc que la « secte » dont il est question est « Ecolo ». Ou encore ces « Écologistes confédérés pour l'organisation de luttes originales » qui depuis 1980 animent la vie politique belge, y compris en prenant leurs responsabilités dans pas moins de quatre exécutifs (sur six) que compte notre chère Belgique, sans jamais avoir remis en question l’existence de cette fête nationale. Ni du défilé, même s’ils ne l’acclament pas pour autant.
 
Cette petite polémique n’a – heureusement – pas dégénéré. Elle en est quasiment restée là. Mais elle reflète bien ce qui se passe trop souvent sur les réseaux sociaux : une banale intervention est détournée de ce qu’elle dit, en laissant libre cours à des propos qui feraient sourire s’ils n’attaquaient pas de front des citoyens qui s’engagent – comme d’autres – pour construire un monde meilleur. Quel est donc le « dieu » ou le « gourou » qui ferait du parti Ecolo une « secte » fomentant des manifestations de blocage du défilé national ou refusant que les pilotes d’aéronefs militaires fassent leur métier ? Et surtout, comment justifier qu’une banale question « Ça fait combien de litres de carburant ? » se transforme en propos (non modérés par les administrateurs du groupe) dénigrants vis-à-vis de personnes qui essayent simplement de préserver un monde vivable pour nos enfants ?
 
Belge, c’est aujourd’hui ma fête nationale. Je crois que celle-ci peut se fêter de multiples façons. Je crois aussi, comme notre Roi, que pour que ce soit vraiment la Fête, il faut que nous vivions tout cela en « cohésion » ? Cela commence peut-être sur les réseaux sociaux.

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