Une nuit, celle du 8 décembre 1973, mon frère Étienne eut la mauvaise idée de vouloir tourner à gauche sur une voie fortement fréquentée. Il n’y avait pourtant pas grand monde sur la route. Il s’est néanmoins arrêté avant d’entamer son tournant. Deuxième mauvaise idée. Le conducteur de la voiture qui le suivait n’a pas très bien compris et n’a rien trouvé de mieux que de défoncer la Coccinelle bleu ciel de mon frangin. Résultat : un frère tétraplégique. Ça vous change la vie !
Un autre jour – ou peut-être une nuit –,, je ne sais pas exactement quand, Étienne a décidé de se mettre à la peinture, à l’aquarelle plus précisément. Jusque là, il ne s’était pas vraiment montré intéressé par l’art pictural. Mais il eut quand même l’idée de s’y mettre et, alors même qu’il n’avait plus la maîtrise de ses doigts, juste un peu celle de ses bras, il explora avec passion ce nouvel univers.
Une autre nuit encore, celle du 27 mars 2000, sans qu’il l’ait vraiment voulu je crois, même s’il l’avait sans doute espéré plus d’une fois, son corps le lâcha complètement et il partit on ne sait où, mais plus ici. Il est toujours vivant – quotidiennement – dans le cœur de ses frères et sœur, et sans doute aussi dans celui de certain(e)s de ses ami(e)s. Même s’il n’est plus là pour le savoir.
Ses aquarelles sont restées parmi nous. Troublantes. Fortes. Lumineuses. Avec une constante : la femme. Ben tiens, ce n’est pas parce qu’un imbécile a fait en sorte qu’un corps ne puisse plus se livrer au plaisir de la chair que les fantasmes, les désirs, les rêves disparaissent comme par enchantement sordide ! Étienne ne pouvait plus. Alors, il a sublimé, de la plus belle des manières.
Cette aquarelle toute simple se trouve dans le hall d’entrée de notre maison. Chaque fois que j’y rentre, je la vois. Dans sa simplicité. Dans son évidence. Dans sa tendresse. Et souvent, je me laisse emporter vers ce soleil et cette terre au bout de l’horizon. Accompagné de mon frère, Étienne. Vers la vie !
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