Par les temps qui courent, pas folichons il faut bien l’avouer, je m’étais dit qu’une balade dans nos forêts ardennaises serait une bonne idée. Tant qu’on peut encore s’éloigner librement de son domicile, autant en profiter. Bref, je m’étais chaussé en randonneur et j’étais parti vers la verte forêt. En y arrivant, je fus surpris de voir ce signal routier ! Sans trop y faire attention, je souris tout seul dans ma voiture. Il me rappelait des signaux que j’avais vus, il y a quelques années, sur le blog Réverbères. Si mes souvenirs sont bons, ça s’appelait « Les signaux détournés ».
Je ne me suis pas trop inquiété et lorsque j’ai trouvé un endroit calme pour garer mon véhicule, je n’ai pas hésité. En deux-trois mouvements, j’ai commencé ma promenade dans ces belles forêts. Le bonheur intégral. Seul le bruit de mes pas écrasant les épines desséchées d’épicéas non encore scolytés se faisait entendre. Aucune pollution. Aucun individu perturbateur. La plénitude totale.
Je ne le remarquai pas tout de suite, mais il me sembla entendre ci et là d’étranges chuintements. Ceux-ci se précisaient au fur et à mesure que je m’avançais dans la forêt. En réalité, ils devenaient de plus en plus insupportables. Cela devenait assourdissant. Au détour d’un chemin, je les ai vus : des millions, que dis-je, des milliards de trolls étaient en train de faire la fête. Je me cachai pour mieux les observer. Après un petit temps d’adaptation, l’évidence me sauta aux yeux : ces trolls dansants n’étaient rien d’autre que des coronavirus. Je fus le premier surpris de pouvoir comprendre leurs chants : Fêtons ça les amis, on a bientôt gagné, ils seront bien surpris, quand ils s’ront tous crevés. Ce n’est pas leurs vaccins qui vont nous menacer, on est les plus malins, on a bien comploté !
J’étais abasourdi. Réalisant que je n’étais pas masqué, j’eus soudain peur d’être démasqué. Moi qui ai déjà subi la covid-19, je n’avais vraiment pas envie de remettre ça. Je m’apprêtais à partir discrètement lorsque j’entendis des bruits de galop qui se rapprochaient à une vitesse phénoménale, précédé par le cri harmonieux d’un cor de chasse. Sans avoir le temps de prendre conscience de ce qu’il se passait, je vis une horde de chevreuils, de cerfs et d’élans foncer vers le troupeau de coronavirus. Ils firent exploser celui-ci, écrasant les petites bêtes qui avaient perdu de leur superbe. C’est alors qu’un cerf majestueux s’avança, tirant un traineau d’or et de lumière. À son bord, le Père Noël ! J’étais stupéfait, car je n’ai jamais cru au Père Noël. Et là, il était là, devant moi ! Émerveillé, je le vis descendre de son char, prendre le petit sapin qu’il transbahutait, le planter là où trente secondes plus tôt brûlait le feu des trolls, prendre le fil de la guirlande et en brancher la fiche dans une prise électrique miraculeusement apparue. Le petit sapin s’illumina et se mit à grandir à vue d’œil. Ses lumières commençaient à se transmettre de sapin à sapin. La forêt devint rapidement une féérie magique. Tapi dans mon coin, je n’osais pas bouger. Je ne le pouvais d’ailleurs pas : j’étais paralysé.
Le Père Noël contempla quelques instants cette forêt enluminée. Il éclata de rire, se croisa les bras et les ouvrit d’un mouvement ample. Sans aucun bruit, toute la forêt explosa. Ce n’est qu’après un certain temps que je me réveillai, sans savoir d’ailleurs combien de temps s’était écoulé. Je rejoignis ma voiture. En mettant le contact, la radio s’alluma et j’entendis : « La tendance est confirmée : dans le monde entier, il n’y a plus aucun cas confirmé depuis le 25 décembre. Les malades se remettent tous et toutes, sans qu’on sache expliquer quoi que ce soit. La pandémie semble bel et bien terminée. »
Et si c’était vrai ?
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