mercredi 15 décembre 2021

Des signes…

Je suis sans doute en train de vivre les moments les plus intenses de ma vie. Ma femme Brigitte nous a quittés ce dimanche pour le grand voyage, après un an de souffrance face à cette merde de cancer du poumon. Elle n’a jamais fumé la moindre cigarette (ni le moindre joint), avait une hygiène de vie irréprochable, notamment sur le plan alimentaire. Mais voilà, ça lui est tombé dessus. Elle est restée égale à elle-même (et plus encore) : battante, positive, révoltée, confiante, sans jamais se plaindre de quoi que ce soit (sauf de cette injustice flagrante).

Les faits sont là, et ils ne sont évidemment pas faciles à vivre. En plus, il y a les « signes ». En soi, je n’y crois pas trop, mais force m’est de constater qu’ils sont là.

Tout d’abord, et ce n’est pas le moindre, Brigitte est partie le jour de mon anniversaire. Ça ne facilite pas les choses évidemment. Mais pour moi, c’est son ultime cadeau ! Désormais, elle ne souffre plus. Je ne sais pas si elle respire pleinement quelque part, mais elle ne souffre plus. Et ça, c’est un soulagement immense. Merci pour ce cadeau.

Samedi, nous avons passé avec elle une journée intense. Dure, mais remplie d’amour. Brigitte était tout à fait lucide. C’est elle qui nous donnait les instructions pour la suite. Je crois qu’elle se remplissait aussi de notre amour qui lui permettait de continuer à respirer même si ça devenait de plus en plus difficile. Elle a fini par s’endormir, sereine. Je l’ai veillée longtemps, je lui ai encore dit tout ce que j’avais à dire, et puis je suis rentré.

Pendant la nuit, j’ai téléphoné pour avoir des nouvelles. Ça allait, enfin, si on peut dire… Le matin, après une tasse de café, je me suis mis en chemin pour la rejoindre. Il suffit de pousser sur le bouton Start pour faire démarrer ma voiture, achetée récemment. Quand je l’ai fait, la voiture m’a répondu « Télécommande non détectée. Approchez la clé du bouton Start ». Elle ne m’avait jamais fait ça (et ne l’a plus fait depuis). J’ai dû m’y reprendre à deux fois. Cela veut dire que par deux fois, ma « clé télécommandée » a donné un baiser à ce foutu bouton Start pour m’autoriser à démarrer. Un peu plus d’un quart d’heure plus tard, j’arrivais dans la chambre de Brigitte. Elle était partie. Je l’ai embrassée une dernière fois, suis resté seul quelques instants avec elle, puis suis allé prévenir l’infirmière que c’était fini. Elle a été stupéfaite, m’a dit qu’elle l’avait vue un quart d’heure auparavant. Croyez ce que vous voulez, mais pour moi, il est clair que Brigitte a commencé son ultime voyage au moment où j’ai cherché à démarrer. Ce baiser entre télécommande et bouton Start, c’était le dernier acte d’amour qu’elle me donnait. Merci pour ce cadeau.

Ce n’était pas le dernier « signe ». Nous avons déménagé il y a cinq ans, en arrivant dans une commune extraordinaire. Tous les deux, nous nous y sommes engagés pour y être des citoyens actifs et responsables. Chacun à sa manière et selon nos spécificités, mais en parfaite harmonie et communion. Nous partagions souvent à propos de nos engagements respectifs, parfaitement complices dans ces actions pas toujours faciles. C’était devenu une dimension fondamentale de notre amour : agir concrètement ensemble pour une société meilleure, plus solidaire et plus démocratique. Dimanche soir, événement improbable : l’éclairage public de toute la commune tombe en panne. Pas de problèmes pour les maisons. Mais le noir total dans les rues. L’évidence m’est apparue clairement : une lumière s’était éteinte le matin, et toutes les lumières de notre commune s’associaient en hommage à cette nouvelle étoile qui brille désormais au firmament. Merci pour ce cadeau.

Même si ma tête est souvent remplie d’étoiles, je me sens plutôt quelqu’un de rationnel. J’analyse, je m’informe, je critique, je doute… Mais j’ai aussi appris que les « signes » peuvent s’imposer et qu’il faut pouvoir les lire. Je n’oserais jamais affirmer que les associations que j’ai décrites ici sont la stricte vérité. Les événements sont tous réels. Les liens que j’établis sont dictés par le sens que je veux bien y mettre. Mais quand les « signes » se répètent et se multiplient – il y en a d’autres dont je ne parle pas ici – on ne peut, je ne peux que me dire qu’ils sont là, avec tout le sens qu’ils portent en eux. Et qu’ils sont porteurs eux-mêmes. Et qu’il est bon de se sentir porté.

7 commentaires:

  1. C’est beau, c’est grand, c’est bien.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est aussi mon sentiment quand je lis ce texte
      .. la vie est pleine d'espoir , mais c'est à chacun d'y trouver ses signes et ses lumières .

      Supprimer
  2. Merci pour ce témoignage très émouvant! Nos pensées et nos cœurs sont en communion avec vous. Brigitte reste en nous, nous prenons un bol d'air de la mer et avons allumé un bougie pour la rendre encore plus présente. Avec toute notre amitié. Pierre et Madicte

    RépondreSupprimer
  3. François, je repensais à tout ça ce matin pendant la cérémonie et justement, une des dernières "Grande Librairie" sur France 5 était consacrée à nos liens avec l'invisible... avec la présentation d'un bouquin intitulé "Vivre avec l'invisible" de Marie de Hennezel, dont l'évocation m'a fait penser à ton témoignage. Un autre auteur était présent, Jean-Claude Grumberg, qui a écrit un livre sur sa femme décédée il y a 2 ans, avec laquelle il a vécu 60 ans. Une façon de la garder vivante, auprès de lui. Peut-être trop tôt pour penser à lire ce genre de choses, mais ça peut peut-être aider... Plein de courage à toi pour les moments difficiles à venir... Brigitte (ta nièce)

    RépondreSupprimer