Ah, les douces années de l’insouciance. J’étais encore en courte culotte. Il faut dire qu’à l’époque, on portait encore ce genre de vêtement jusqu’à 14-15 ans. On ne se sentait pas vraiment ridicule, mais on se demandait quand même quand est-ce qu’on pourrait faire comme les grands : porter des pantalons…
Certains à l’époque ne portaient d’ailleurs pas de pantalons, ce qui nous réconfortait. N’empêche, on n’avait pas trop envie de devenir comme eux : ceux-là portaient de longues robes noires ! Il paraît que cela s’appelait une soutane, mais je n’en suis pas trop sûr, car aujourd’hui plus personne ne s’habille comme ça, et il se peut que j’ai oublié.
À vrai dire, je ne sais d’ailleurs plus très bien ce dont je me souviens. Je le répète : j’étais insouciant et je vivais ma jeunesse en toute naïveté. La seule chose dont je me souviens pleinement est d’avoir vu ce signal alors que je rejoignais mon titulaire de classe dans la chambre qu’il occupait dans le Collège où j’essayais péniblement d’avancer dans mes études. Une fois de plus, j’avais raté une interrogation de grec. Mon titulaire m’avait dit que ce n’était pas grave et m’avait gentiment invité à le rejoindre dans sa chambre pour vaincre ces petites difficultés. Naïvement, j’avais accepté.
Or donc, je le rejoignais, en toute confiance, quand soudainement, au détour d’un escalier, je vis ce signal. J’avoue n’y avoir rien compris. Mais je le vis quand même et, quelque part, il s’inscrivit dans mon cerveau.
J’arrivai enfin devant la porte de la chambre de mon titulaire de classe. J’étais très impressionné. Elle avait au moins 3 mètres de haut. Moi qui n’en faisais au plus qu’1m30, j’étais subjugué devant cette porte. Était-ce celle du Paradis ? Je n’en savais trop rien et je me contentai de frapper doucement sur cette haute porte.
Immédiatement, elle s’ouvrit… et je vis le sourire de mon titulaire. En classe, il était plutôt sévère et froid. Ce sourire m’étonna. J’étais là pour qu’il m’aide… et c’était finalement logique qu’il m’adresse un tel sourire. J’entrai dans sa chambre… ou plutôt son bureau. Il n’y avait pas de lit dans cette pièce et je me dis qu’il devait dormir dans une chambre à côté. Il me proposa de m’asseoir sur un fauteuil inconfortable. Il était en face de moi, me souriant béatement.
Il commença à me parler. Je ne sais plus de quoi. Mais je sais qu’il ne me parlait ni de déclinaison grecque, ni même de conjugaison. J’étais à vrai dire assez intrigué et je me demandais surtout quand nous allions en venir au fait : mes problèmes de grec.
Il se rapprocha de moi. La seule chose dont je me souviens vraiment est son odeur, pas très agréable en fait. Il me semble qu’il me demanda ce qu’il pouvait faire pour moi… à moins que ce ne soit ce que je pouvais faire pour lui. Je ne sais plus trop. Avec le recul, tout ça me semble bien confus. Mais je vis en flash l’image du signal et je sortis de mon cartable mon interrogation de grec et la lui présentai. Il me dévisagea curieusement et me dit « Ah oui, je vois que tu n’as rien compris ! ». J’étais bien d’accord avec lui : je n’y comprenais rien du tout au grec ! J’ai d’ailleurs continué à ne rien y comprendre. Il m’a expliqué certaines choses, mais cela m’a semblé encore plus obscur qu’aux cours. Je voyais ses mains s’agiter. J’eus l’impression qu’il voulait les poser sur mes genoux nus. Je ne comprenais pas trop pourquoi. Il n’en fit rien.
Il finit par me dire que c’était fini. Que je pouvais m’en aller. Que décidément je ne comprendrais rien à rien. Que je serais certainement en échec en grec à la fin de l’année (je le fus). Que je pouvais m’en aller ailleurs avec ma courte culotte provocante. Là, je n’ai pas très bien compris, sauf que je devais m’en aller. L’odeur me dérangeait vraiment et je n’ai pas hésité : j’ai remis mon interrogation dans mon cartable et je me suis enfui me demandant pourquoi il m’avait appelé si ce n’était pas pour m’aider…
En descendant l’escalier majestueux, je revis soudain le signal… et j’eus l’impression que les deux enfants ne couraient plus, mais avançaient calmement, avec un sourire aux lèvres. Je sais, c’est absurde : on ne voit jamais leur visage ni, a fortiori, leurs lèvres, ni encore moins leur sourire. Mais c’est le souvenir que j’en ai : ils souriaient, comme s’ils étaient heureux de ce qui s’était passé ! Ou plutôt de ce qui ne s'était pas passé !
Les années ont passé elles aussi. Je porte désormais un pantalon. Je n’ai pas retenu grand chose des années de grec que j’ai faites. Si ce n’est en matière d’étymologie et d’orthographe. Je me suis toujours demandé pourquoi mon titulaire m’avait demandé de le rejoindre dans sa chambre alors que, visiblement, il n’avait aucune envie de m’aider à surmonter mes difficultés. À part le grec, y aurait-il quelque chose que je n’ai pas compris ? Et cette lancinante question : est-ce bien catholique tout ça ?
Je dois l'avouer aussi, dans la même école (ou collège) j'ai aussi été convoqué par le "dit recteur) (?), c'était parce que je quittais ce collège de curés pour aller dans une école de "frères" qui m'ont semblés d'ailleurs plus sympas, plus réels, mais jamais la main au c.l ! Autre temps "tes" catholiques ? Apparement ça continue actuellement ! :(
RépondreSupprimerBd