Difficile, vu de ce côté-ci de l’Atlantique, de comprendre pourquoi Obama a eu tant de difficultés à faire accepter sa réforme de système de santé américain. Ce qui nous semble aller de soi n’est apparemment pas évident pour tout le monde. En tant que Belge ou Français, il nous paraît naturel de cotiser dès qu’on est en situation de le faire pour contribuer à une sécurité sociale fondée sur la solidarité qui fait qu’il est toujours possible, pour tout le monde, d’être soigné quand c’est nécessaire. Tous les Américains n’ont pas la même vision, ce qui est étonnant dans la mesure où les USA sont censés représenter ce qui se fait de mieux en termes de progrès…
Il n’est pas simple d’essayer de comprendre pourquoi il y a tant de résistances au fait de fournir à 32 millions de personnes une couverture qui leur permettra tout simplement d’être soignés. Je ne suis d’ailleurs pas sûr d’avoir compris…
La société américaine est éminemment « libérale », fondée sur le « Chacun pour soi » et sur la méritocratie. La plupart des Américains ont du mal à comprendre qu’on puisse fournir la même protection sociale à quelqu’un qui ne fait rien qu’à celui qui se lève tous les jours à 5 heures pour aller travailler. Avec l’idée sous-jacente que si quelqu’un « ne fait rien », c’est qu’il a choisi de glander. On en est encore à l’époque des colons où il suffit de vouloir pour réussir. C’est une belle idée et elle a sans doute été vraie durant des années dans ce pays extraordinaire où tout semblait possible. Mais, là-bas comme ici, il ne suffit plus aujourd’hui de « vouloir » pour y arriver. C’est l’évidence même, mais ce n’est pas évident pour un Américain qui a réussi. Même s’il doit son éventuelle réussite au milieu dans lequel il est né, il se dit toujours que c’est fondamentalement sa réussite. Yes, I can ! Et ceux qui ne peuvent pas sont donc responsables de cet état.
Dans cette perspective ultra-libérale, il est difficile d’accepter l’obligation de s’assurer, que ce soit pour les personnes ou pour les entreprises. À partir du moment où on met en avant la « liberté individuelle », il est logique de refuser toute contrainte à celle-ci. C’est vrai à un niveau individuel, mais aussi collectif : une douzaine d’États américains veulent contester la nouvelle loi sous prétexte qu’elle restreint leur liberté et qu’elle consiste en une prise de contrôle du système de santé par l’État fédéral. C’est bien beau tout ça, mais il est quand même inquiétant de se dire qu’on laisse souffrir et mourir des personnes au nom de la « liberté » !
Un argument des opposants à cette extension de la sécurité sociale se retrouve en partie chez nous : la peur d’attirer des « gens » qui rejoindront les USA – ou l’Europe – simplement pour profiter de cette nouvelle couverture. C’est sans doute une problématique réelle. À nouveau cependant, on peut se poser la question « Vaut-il mieux sauver une vie à l’intérieur de nos frontières ou regarder les gens mourir à l’extérieur de nos frontières ? ». Je ne suis pas sûr d’avoir une réponse définitive à cette question. A priori, je pencherais plutôt pour la vie…
Les oppositions à une couverture médicale généralisée sont donc essentiellement liées à une conception libérale de la société. Il faut à cet égard avoir conscience que le parti démocrate américain défend globalement des idées qui sont celles du Mouvement réformateur (MR) en Belgique ou du Mouvement populaire (UMP) en France…
Il est amusant de constater néanmoins que tous les « capitalistes » américains ne seront pas des victimes de cette réforme. En effet, c’est une véritable aubaine pour les industries pharmaceutiques. Pensez donc : du jour au lendemain, les voici avec 32 millions de nouveaux clients potentiels ! Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elles ont accepté de payer jusqu’à 23 milliards de dollars d’impôts supplémentaires, en sachant qu’elles en gagneront vraisemblablement quatre ou cinq fois plus.
Au bout du compte, on est dans un grand jeu économique et idéologique. Il nous est sans doute impossible de comprendre la position des Américains. Cela résulte d’un constat : nos « valeurs » ne sont pas les mêmes. C’est sans doute ça le plus inquiétant. En attendant, la réforme d’Obama est désormais promulguée…
Intéressante réflexion. Même si cela ne résout pas tout, à mon avis cette réforme est une avancée sociable appréciable !
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