vendredi 30 juillet 2021

L’escarpin vert… une création collective extraordinaire

 

On pourrait croire que ce livre n’est qu’un ouvrage autoédité de plus, avec plusieurs auteurs, issu d’un atelier d’écriture. Pourtant, je suis convaincu que L’escarpin vert est tout à fait différent de Retour à l’authentique et Promenade aux oiseaux. Même si ce sont globalement les mêmes auteurs et que le processus d’édition est le même. Le processus d’écriture est, lui, tout à fait différent ! Et c’est cela qui est intéressant.

L’escarpin vert est un roman policier. Mais sans véritable enquête et recherche de coupable(s). Il y a un mort pas vraiment victime, un policier pas tout à fait ripoux, une belle femme pas complétement innocente, des personnages à moitié véreux, des histoires qui en expliquent partiellement d’autres, une trame qui se construit progressivement, de l’humour qui se voudrait noir, du sordide souvent bling bling, de la drogue et du sexe presque sinistres, un chien fidèle… Quoique, on ne sait pas vraiment ce que devient le chien au bout du compte. Il est peut-être plus impliqué qu’on ne le pense, allez savoir… Bref, une intrigue policière comme un autre. Mais qui se laisse lire. C’est du moins ce que les lecteurs et lectrices qui s’y sont essayés nous ont dit. Pour eux, c’est l’essentiel. Pour les cinq écrivants qui ont créé l’aventure, l’essentiel est ailleurs.

Nous nous sommes rencontrés lors d’ateliers d’écriture dont deux « stages » ont débouché sur deux romans chorals, avec chaque fois une seule histoire racontée par plusieurs personnages, les (parties de) chapitres s'enchaînant avec des points de vue différents. C’étaient des ateliers ou des stages d’écriture, ce qui signifie qu’un animateur – dans notre cas, une animatrice : Ariane – propose quelques contraintes formelles en plus d’une thématique. Après écriture d’un texte, on le partage et on le commente ensemble, l’avis de l’animatrice étant prédominant. Les deux ouvrages sur lesquels ces stages d’écriture ont débouché étaient intéressants et originaux, mais ils restaient globalement la juxtaposition de textes d’auteurs différents, avec une trame imposée par Ariane.

Dans le cas de L’escarpin vert, il n’y a ni animateur ni trame pensée pour servir de prétexte à l’écriture. Il y a juste cinq personnes qui décident de raconter ensemble une histoire dont elles ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. En plus, ces personnes ne se voient pas. Du moins « en vrai » ! Chaque semaine, pour meubler l’isolement dû à la pandémie, elles se retrouvent pendant une heure et demie par l’intermédiaire d’un logiciel de visioconférence (Skype pour être précis). L’idée est de décider ensemble d’un projet d’écriture pour la semaine. Le dimanche, chacun partage ce qu’il a écrit, les autres commentent un peu, puis on se fixe un nouveau projet. Ces échanges nous ont permis de créer le blog Mosaïque de mots, dont le titre dit bien ce qu’il a à dire : ce n’est qu’une mosaïque… Jusqu’au jour où l’un d’entre nous propose : « Et si on racontait une histoire… ? ». Tout le monde approuve. Ne sachant pas trop bien comment faire, on lance l’idée du « cadavre exquis » : l’un écrit un début d’histoire, le deuxième la continue et n’envoie rien que son texte à la troisième et ainsi de suite jusqu’à la cinquième. Ces cinq textes mis ensemble formaient une histoire composée de cinq personnages, mais celle-ci n’était pas nécessairement terminée. Alors, nous nous sommes dit : « Et si on continuait ? »

Personne ne connaissait l’histoire. Elle s’est créée au fur et à mesure de l’imagination et de l’apport de chacun. Des pistes délirantes ont parfois été ouvertes, sans être nécessairement relayées par les autres. Rien n’appartenait à quiconque : l’histoire avançait au fil des textes de chacun et, surtout, les personnages évoluaient selon l’écriture de celui ou celle qui s’en saisissait. C’est une différence essentielle par rapport aux ouvrages issus des stages d’écriture : là, chaque écrivant était maître de son personnage, même si des interactions naissaient avec parfois des surprises. Mais ici, un personnage devenait ce que celui ou celle qui en parlait en faisait. Les surprises n’ont pas manqué et tout le monde s’y est adapté. L’histoire elle-même évoluait en sens divers. Nous avons bien sûr dû recentrer l’intrigue à partir d’un certain moment, tout en la laissant ouverte aux délires de chacun.

Lorsque nous sommes entrés dans cette phase de recherche de cohérence, ce fut à nouveau un travail totalement collectif : chacun a relu l’ensemble, a décelé les inévitables cohérences, a proposé des pistes de cohérence, est intervenu sur une partie de texte même si ce n’était pas lui qui avait écrit le premier jet, etc. Au bout du compte, il s’agit vraiment d’une œuvre collective où chaque écrivant a amené sa part en totale interaction avec celle des autres. C’est assez exceptionnel !

Au-delà de ce travail collectif, il y a le plaisir ! Plus d’une fois, nous avons eu des fous rires en découvrant ce que l’autre avait fait d’un indice semé au hasard de la production. Nous étions les premiers spectateurs de notre histoire… et il faut avouer que nous étions un bon public.

À ce stade, nous ne savons pas vraiment ce qui sera la suite de ce projet. Lors de nos premières retrouvailles « en vrai », nous avons bien émis une idée de processus pour aller plus loin. Mais je n’oserais pas dire que c’est fait. On verra, et je vous avouerai que pour le moment, je m’en fous. Je suis entièrement sous le charme de ce projet tel qu’il a été réalisé. Chaque chose en son temps !


De gauche à droite : Isabelle Slinckx, Jeanne-Marie Hausman (conceptrice de la superbe couverture de l’ouvrage), François-Marie Gerard, Sabine Mammerickx, Philippe d’Huart

Si par hasard vous souhaitiez connaître cet ouvrage (qui coûte 10 EUR), vous pouvez m’adresser un message, voire même laisser un commentaire. Vous pouvez aussi, de manière plus anonyme, passer par le site du Livre en papier qui se charge de l’impression et de la diffusion. Il faudrait que je parle un jour de ce projet, car il mérite toute attention bienveillante !



2 commentaires:

  1. Pour l'achat d'escarpin , je viens d'adresser un message à la cordonnerie Gérard
    J'ai déjà beaucoup aimé les extraits lus
    Si le mot existait , j'aurais écrit "coordonnerie" car ce ne devait pas être évident pour les différents auteurs de coordonner leurs différents textes

    Concernant "Livre en papier" , c'est un concept d'édition intéressant
    je vais en parler à certaines de mes amies , auteurs (auteures ?) elles aussi
    Petite présentation d'elles sur mon blog éphémère qui se voulait un contact "bookshop Oxfam" (où je suis bénévole) le temps du covid

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